CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 décembre 2023, n° 21/08983
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Esquirol (Sté)
Défendeur :
Toulouse Trois (SARL), Monts Fournil (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Brun-Lallemand
Conseillers :
Mme Depelley, M. Richaud
Avocats :
Me Aubry, Me Meynard, Me Lefebvre
FAITS ET PROCÉDURE
La société Monts Fournil anime et développe un réseau de points de vente de distribution de produits de boulangerie, pâtisserie, viennoiserie, sandwicherie et produits traiteurs, sous l'enseigne "La Mie Caline". Son réseau est composé de magasins exploités par des filiales ou par des commerçants indépendants franchisés.
En 2005, la société Toulouse Trois a acquis un fonds de commerce de restauration situé [Adresse 4] puis y a exploité personnellement un magasin sous l'enseigne "La Mie Caline" (LMC) de février 2006 à septembre 2011. Le 30 septembre 2011, elle a signé avec la société Esquirol un contrat de location-gérance portant sur son fonds de commerce, pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction d'année en année, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties au moins 6 mois à l'avance, la durée de ce contrat ne pouvant excéder 7 ans.
A la même date du 30 septembre 2011, la société Esquirol a signé avec la société Monts Fournil un contrat de franchise lui permettant d'exploiter le fonds loué sous l'enseigne "La Mie Caline", dont la durée et le renouvellement étaient les mêmes que ceux stipulés au contrat de location gérance.
Le 30 septembre 2016, la société Esquirol a fait assigner la société Toulouse Trois devant le tribunal de commerce de Toulouse afin de voir déclarer nul le contrat de location-gérance. Le 3 janvier 2017, les sociétés Esquirol et Toulouse Trois ont conclu un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel, notamment, la société Toulouse Trois accordait une diminution de 18,75 % du loyer annuel de location gérance, soit 30 000 €, tandis que la société Esquirol renonçait à tous ses griefs et s'engageait à se désister de son action.
Par lettre recommandée du 8 juin 2017, avec avis de réception, la société Toulouse Trois a informé la société Esquirol de sa décision de dénoncer le contrat de location-gérance à son échéance du 30 septembre 2017 ; mais elle est revenue ensuite sur sa décision.
C'est ainsi que le 4 septembre 2017, la société Esquirol a signé, d'une part un nouveau contrat de location-gérance avec la société Toulouse Trois, d'autre part un nouveau contrat de franchise avec la société Monts Fournil, ces deux contrats prenant effet le 1er octobre 2017. Les clauses stipulées relatives à la durée et à la dénonciation des contrats y restaient identiques à celles contenues dans les contrats de 2011.
Par lettre recommandée du 27 mars 2018 avec accusé de réception, la société Toulouse Trois a informé la société Esquirol de sa décision de résilier le contrat de location-gérance qui arrivait à expiration le 30 septembre 2018, en déclarant que cette résiliation était faite à titre conservatoire et qu'elle se réservait la possibilité de l'annuler et/ou de signer un avenant au contrat.
Le 16 juillet 2018, la société Esquirol a répondu qu'elle souhaitait poursuivre l'exploitation du fonds de commerce.
Le 16 juillet 2018, la société Toulouse Trois a confirmé à la société Esquirol que le contrat de location-gérance prendrait fin à son échéance le 30 septembre 2018 et que sa cessation entraînerait automatiquement et de plein droit la résiliation du contrat de franchise conclu avec la société Monts Fournil.
Par lettre recommandée du 30 août 2018 avec accusé de réception, la société Monts Fournil a mis en demeure la société Esquirol de lui payer la somme de 82 431,40 € dans le délai de 30 jours, sous peine de résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs en application de son article XV.
Le 24 septembre 2018, la société Toulouse Trois, se référant à ses lettres précédentes, a rappelé à la société Esquirol la fin du contrat de location-gérance au 30 septembre 2018, en précisant qu'elle se présenterait sur les lieux le 1er octobre 2018 pour restitution du fonds de commerce.
Des discussions ont eu lieu entre les parties fin septembre 2018 en vue d'un accord transactionnel, les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil acceptant de prolonger la durée des contrats jusqu'au 14 octobre 2018 et précisant qu'à défaut d'accord intervenu à cette date, les contrats prendraient fin et qu'elles se présenteraient le 15 octobre à 9 h pour reprendre possession du fonds de commerce.
Mandatée par la société Toulouse Trois, la SELARL Xavier Arnaud, huissier de justice, s'est rendue 9 place Esquirol le 15 octobre 2018 ; son procès-verbal dressé à cette date mentionne que le gérant de la société Esquirol lui a déclaré qu'il venait de faire retirer l'enseigne La Mie Caline, mais qu'il refusait de rendre les clés des locaux et continuait à exploiter le fonds.
Le 19 octobre 2018, la société Toulouse Trois a fait assigner la société Esquirol devant le juge des référés du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon pour voir constater la résiliation du contrat de location-gérance, ordonner la restitution des clés du fonds de commerce et, à défaut, voir prononcer l'expulsion de la société Esquirol.
Dans le même temps, soit le 22 octobre 2018, la société Esquirol a fait assigner les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil devant le tribunal de commerce de Bordeaux, leur reprochant de l'avoir soumise à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, d'avoir obtenu ou tenté d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des conditions manifestement excessives et d'avoir rompu brutalement la relation commerciale établie.
Le 20 novembre 2018, les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil ont adressé au juge des référés une copie de la page Facebook de la société Esquirol montrant que celle-ci avait fait apposer une enseigne "Exquis Roll" sur le fonds de commerce.
Par ordonnance du 26 novembre 2018, le juge des référés a notamment :
- constaté la fin du contrat de location-gérance depuis le 14 octobre 2018 à minuit,
- constaté la résiliation du contrat de franchise depuis la 14 octobre 2018 à minuit, aux torts de la société Esquirol,
- ordonné à la société Esquirol de restituer immédiatement les clés du fonds de commerce à la société Toulouse Trois et dit, qu'à défaut, elle serait expulsée des locaux,
- condamné la société Esquirol, par provision, à payer à la société Toulouse Trois une indemnité d'occupation mensuelle de 13 606,11 € depuis le 15 octobre 2018 et jusqu'à complète libération des lieux, ainsi que la somme de 2 114,70 €, montant de ses factures de loyer impayées,
- condamné la société Esquirol, par provision, à payer à la société Monts Fournil la somme de 117 431,97 € , montant de ses factures impayées.
La société Esquirol a relevé appel de cette ordonnance. Elle a obtenu un délai de 4 mois pour quitter les lieux par décision du juge de l'exécution du 6 février 2019.
Le 15 mars 2019, la société Esquirol a saisi le tribunal de grande instance de Toulouse en vue d'obtenir la nullité du contrat de location-gérance et sa requalification en contrat de location immobilière ou de location-vente. Par jugement du 25 novembre 2021, devenu définitif, ce tribunal a rejeté toutes ses prétentions.
Entretemps, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Esquirol par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 4 juin 2019.
A cette même date, la cour d'appel de Poitiers a confirmé l'ordonnance de référé du 26 novembre 2018. Un procès-verbal d'expulsion de la société Esquirol a été dressé le 24 juin 2019.
La société Esquirol a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 2 juillet 2019, la SAS [N] et associés, prise en la personne de Me [S] [G] [N], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 3 juillet 2019, la société Toulouse Trois a déclaré sa créance au passif de la société Esquirol pour un montant de 85 493,58 €. La société Monts fournil a déclaré sa créance pour un montant de 123 104, 44 €.
Le tribunal de commerce de Bordeaux, par jugement rendu le 9 avril 2021, a :
- débouté la sas [N] et associés, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol, de sa demande de sursis à statuer ainsi que de toutes ses demandes,
- condamné la société Esquirol, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à :
* restituer à la société Toulouse Trois son fonds de commerce La Mie Caline, impliquant l'expulsion de la société Esquirol et de tous occupants de son chef, dudit fonds,
* restituer à la société Toulouse Trois, en parfait état, les éléments de la signalétique "La Mie Caline" attachée au fonds de commerce,
- fixé au passif de la société Esquirol la créance de la société Toulouse Trois à hauteur de 85 493,58 € outre la somme de 50.000 €, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive,
- fixé au passif de la société Esquirol la créance de la société Monts Fournil à hauteur de la somme de 123 104,44 €, outre la somme de 50 000 €, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive,
- fixé au passif de la société Esquirol, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 5 000 € au profit de la société Toulouse Trois et la somme de 5 000 € au profit de la société Monts Fournil,
- dit que les dépens seront fixés en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
La société Esquirol et la SAS [N] et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire, ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 10 mai 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées et déposées le 7 janvier 2022, la société Esquirol, représentée par son liquidateur judiciaire la société [N] et associés, prise en la personne de Me [S] [G] [N], demande à la cour, au visa des articles L. 442-6-1 2°, 4° et 5° du code de commerce, des articles D. 442-3 et suivants du code de commerce ainsi que des articles 123 et suivants du code de procédure civile, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- juger que les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil ont engagé leur responsabilité en soumettant la société Esquirol à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et en obtenant ou tentant d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des conditions manifestement abusives,
- juger que les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil ont rompu brutalement la relation commerciale établie avec la société Esquirol, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et juger qu'en l'espèce la durée du préavis de rupture aurait dû être de 12 mois,
- en conséquence, condamner in solidum les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil à payer à la société Esquirol :
la somme de 745 000 € au titre de la répétition de l'indu,
la somme de 100 000 € au titre de la perte de gains,
la somme de 30 000 € en réparation de son préjudice moral,
- ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de l'arrêt à intervenir ou d'un extrait de celui-ci dans telle revue professionnelle que l'appelante choisira aux frais de la société Toulouse Trois et pour un montant maximal de 2 000 € ainsi que l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par la direction de Monts Fournil,
- condamner les sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil aux entiers dépens de l'instance et à payer à la société Esquirol une indemnité de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles des sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil, subsidiairement les déclarer sans objet,
- rejeter les demandes nouvelles des sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil.
Au termes de leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 15 mars 2022, la société Toulouse Trois et la société Monts Fournil demandent à la cour, au visa des articles L. 110-4, L. 442-6, L. 622-22 et L. 721-3 du code de commerce, des articles 1134 (ancien) et 1240 du code civil, de l'article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution ainsi que des articles 32-1, 123, 378 et suivants et 559 du code de procédure civile, de :
1) confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
2) les recevoir en leur appel incident et, le déclarant fondé :
- condamner la SAS [N] et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol à payer à la société Toulouse Trois :
* la somme de 5 000 €, à titre de dommages-intérêts,en application de l'article 123 du code de procédure civile,
* la somme de 10 000 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice né de la procédure d'appel abusive introduite à son encontre,
- condamner la SAS [N] et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol, à payer à la société Monts Fournil :
* la somme de 5.000 €, à titre de dommages-intérêts, en application de l'article 123 du code de procédure civile,
* la somme de 10.000 €, à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice né de la procédure d'appel abusive introduite à son encontre,
3) en toute hypothèse :
- à titre subsidiaire, déclarer prescrites les demandes indemnitaires formées par la SAS [N] et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol, dont le fondement est antérieur à la date du 23 octobre 2013,
- déclarer recevables leurs demandes reconventionnelles,
- débouter la SAS [N] et associés, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- la condamner, ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 15 000 € à la société Toulouse Trois et la somme de 15 000 € à la société Monts Fournil,
- la condamner, ès qualités, en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2023.
La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- Sur la demande du liquidateur judiciaire de la société Esquirol au titre d'une rupture brutale de la relation commerciale établie
Le liquidateur judiciaire de la société Esquirol soutient :
- que la lettre du 27 mars 2018, mentionnant une résiliation à titre conservatoire est équivoque, comme laissant croire que le contrat est susceptible de se poursuivre,
- que ce n'est que par lettre du 16 juillet 2018 que le groupe LMC (La Mie Caline) a confirmé sa volonté ferme et non équivoque de ne pas renouveler les contrats,
- que le délai de prévenance de 6 mois prévu à chacun des contrats n'a pas été respecté et, en conséquence, que les contrats se sont poursuivis pendant un an,
- que le contrat de location-gérance n'a pas été résilié pour faute, mais dénoncé à son terme,
- que la fin du contrat de franchise est intervenue quant à elle en raison de la fin du contrat de location-gérance après que le franchiseur ait été tenté d'invoquer un faux prétexte, à savoir le non-paiement des marchandises, alors qu'un échéancier avait été mis en place et que des prélèvements mensuels de 3 000 € étaient opérés sur le compte de la société Esquirol,
- que la situation de la société Esquirol était difficile en raison de la fermeture de sa boutique en février et mars 2018 à l'occasion de travaux effectués par la société Toulouse Trois ainsi que du fait des travaux exécutés par la commune de Toulouse sur la place Esquirol à compter de juillet 2017.
Mais les sociétés intimées répliquent à juste raison que les termes de la lettre du 27 mars 2018 manifestent clairement la volonté de la société Toulouse Trois de mettre fin au contrat de location-gérance à son échéance du 30 septembre 2018; en effet, cette société, après avoir rappelé l'existence du contrat, a écrit :
"Ce contrat arrive à expiration le 30 septembre 2018. Conformément aux dispositions de l'article 2 Durée-Renouvellement dudit contrat, la location-gérance se renouvelle d'année en année, avec faculté pour l'une ou l'autre des parties d'y mettre fin en prévenant l'autre partie de son intention six mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception.
En conséquence, nous vous informons par la présente de notre décision de dénoncer ce contrat à son échéance, soit le 30 septembre 2018.
Nous vous informons que cette résiliation est faite à titre conservatoire et nous réservons le droit de revenir vers vous avant le 30 septembre 2018 pour annuler notre demande et/ou procéder à la signature d'un avenant au contrat."
Même si la société Toulouse Trois s'est réservé le droit de revenir sur sa décision, ce qui était superfétatoire puis qu'elle détenait ce droit, il n'en résulte aucune équivoque. La réponse de la société Esquirol du 11 mai 2018 démontre sa parfaite compréhension puisqu'elle y déclare : "Pour faire suite à votre courrier de dénonciation du contrat de location-gérance, nous tenons à vous informer que nous n'approuvons pas cette décision qui ne nous paraît pas justifiée", en précisant qu'elle souhaitait une reconduction du contrat.
En réponse à la lettre de la société Toulouse Trois du 16 juillet 2018, la société Esquirol lui a demandé, par courriel du 26 août 2018, de lui accorder des délais supplémentaires pour restituer le fonds, ce qui montre encore qu'elle avait exactement pris en considération le préavis de six mois qui courait à partir de la dénonciation du contrat contenue dans la lettre du 27 mars 2018.
L'interdépendance des contrats de location-gérance et de franchise est reconnue par les parties. La dénonciation du contrat de location-gérance à son échéance du 30 septembre 2018, dans les conditions stipulées au contrat, entraînait donc la cessation du contrat de franchise à cette date.
De surcroît, suite à la mise en demeure du 30 août 2018 adressée à la société Esquirol par la société Monts Fournil pour lui demander paiement de la somme de 82 431,41 € dans le délai de 30 jours, sous peine de résiliation de plein droit, la société Esquirol ne s'est pas acquittée de sa dette.
C'est en vain que son liquidateur judiciaire invoque l'existence d'un échéancier, alors qu'il ressort des pièces versées aux débats :
- que par courriel du 2 février 2018, la société Esquirol, exposant que sa trésorerie n'était pas bonne, a demandé au franchiseur de ne pas effectuer de prélèvements sur son compte en février, proposant de passer les prélèvements automatiques à 3 000 € et d'effectuer d'autres versements, son objectif étant de revenir à zéro dans les 30 prochains mois,
- par lettre du 8 février 2018, la société Monts Fournil s'est opposée à sa demande en rappelant à la société Esquirol qu'elle restait débitrice de la somme de 69 761,14 €, au titre des factures de marchandises et redevances échues.
Il résulte de l'ensemble que les contrats ont régulièrement pris fin à leur échéance du 30 septembre 2018, que les sociétés intimées ont accepté de reporter leur cessation au 14 octobre 2018 et qu'il n'y a eu aucune rupture brutale des relations commerciales établies.
- Sur la demande du liquidateur judiciaire de la société Esquirol fondée sur une pratique de négociation abusive sous menace de rupture
Le liquidateur judiciaire de la société Esquirol prétend :
- que le loueur du fonds de commerce et le franchiseur ont usé de façon récurrente de résiliations conservatoires afin d'obtenir la reconduction d'accords à leur propre avantage,
- qu'en 2017, le montant de l'indemnité de rupture a été réduit abusivement de 10 à 5 %,
- que la diminution du loyer accordée par protocole transactionnel de janvier 2017est dérisoire, qu'elle faisait suite à une procédure en nullité du contrat de location gérance engagée par la société Esquirol et qu'elle a été mal "digérée" par le groupe LMC puisqu'il a notifié une résiliation le 13 mars 2017 pour le 30 septembre 2017,
- que la société Esquirol était dans un tel état de dépendance qu'elle a accepté de signer ce protocole, espérant que "la ristourne" accordée lui permettrait progressivement d'apurer ses dettes,
- que reconduire les contrats après avoir menacé de rompre a empêché la société Esquirol de négocier en engagement ferme de LMC sur la durée du contrat et sur les conditions financières.
Les sociétés intimées répliquent qu'elles n'ont jamais menacé la société Esquirol de mettre fin à leurs relations pour tenter d'imposer des conditions manifestement abusives.
Il convient de rappeler les dispositions de l'article L. 442-6-1 4° (ancien) du code de commerce qui prohibent le fait : "d'obtenir ou tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente."
Or, il n'est démontré aucune menace de rupture brutale des relations commerciales, ni aucune tentative d'imposer des conditions abusives énumérées à l'article précité, ni aucune contrainte lors de la signature du protocole transactionnel. Quant à la durée des contrats, elle a toujours été fixée dès le début des relations à une année, renouvelable sauf dénonciation 6 mois à l'avance.
Les prétentions de l'appelant sont donc mal fondées.
- Sur la demande du liquidateur judiciaire de la société Esquirol au titre du déséquilibre significatif
Le liquidateur judiciaire de la société Esquirol expose :
- que l'appréciation du déséquilibre significatif peut se faire, soit au niveau des clauses, soit dans le cadre global de la convention,
- que la Cour de cassation a dit que l'article L. 442-6-1 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d'une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,
- que les contrats de location-gérance et de franchise, aux obligations imbriquées er interdépendantes, permettent tantôt au loueur, tantôt au franchiseur, de mettre à la charge de leur cocontractant des obligations découlant de l'un ou l'autre des contrats et de mettre fin discrétionnairement au contrat de franchise au bout d'un an, alors que l'investissement supporté ne peut être amorti sur une période aussi courte.
Analysant le cadre global de la convention ainsi que toute une série de clauses du contrat de location-gérance et du contrat de franchise, l'appelant en déduit que le déséquilibre significatif est indéniable.
Pour critiquer la motivation du tribunal qui a refusé de retenir le déséquilibre significatif au motif qu'en acceptant l'article 3 de l'avenant du 5 janvier 2017, la société Esquirol, non seulement ne contestait pas l'équilibre des contrats, mais s'engageait à nouveau à les honorer et que cette société, qui ne prouvait pas avoir fait l'objet de contrainte, en avait en signant les contrats et leur avenant elle accepté l'équilibre, l'appelant fait valoir :
- que la soumission ou tentative de soumission n'est pas subordonnée à des pressions ou contraintes, mais résulte de l'insertion même de certaines clauses,
- que cette soumission s'infère de l'absence de preuve d'une négociation effective,
- que la tentative de soumission découle de l'existence d'une position de force d'un contractant sur l'autre,
- que le tribunal n'a pas tenu compte du rapport de force entre les parties alors que la société Esquirol se trouvait dans un état de dépendance économique mais aussi psychologique vis à vis de son bailleur franchiseur et ancien employeur,
- que les dispositions contractuelles étaient telles qu'aucune possibilité de diversification d'activités ou de reconversion ne pouvait être anticipée,
- que se trouvant sous la menace d'une rupture en 2017, la société Esquirol ne pouvait négocier sereinement de nouveaux contrats.
Les sociétés intimées contestent toutes les allégations de l'appelant. C'est très justement qu'elles objectent :
- que la société Esquirol n'a procédé à aucun investissement puisque c'est la société Toulouse Trois qui avait supporté le coût des aménagements du fonds de commerce et de la mise en place du concept La Mie Caline,
- que dans chacun des contrats, la faculté de non-reconduction chaque année est libellée au profit de chacune des parties,
- que "l'indivisibilité" des contrats s'explique en raison du caractère de l'opération économique : le contrat de franchise ne pouvant s'exécuter sans exploitation du fonds de commerce.
S'agissant des clauses contractuelles incriminées, il est prétendu par l'appelant qu'elles imposaient à la société Esquirol des obligations injustifiées et non réciproques. Il convient donc de les examiner.
En premier lieu, l'appelant invoque l'article 6 du contrat de location-gérance qui ne stipule une résiliation anticipée de plein droit qu'au profit du seul loueur pour faute du locataire, sans indemnité de rupture et allègue qu'il lui permet de résilier à tout moment le contrat de location-gérance.
Mais les sociétés intimées répondent à juste raison que cette clause laisse au débiteur la faculté de remédier à sa faute dans le délai raisonnable d'un mois et n'interdit pas au locataire de résilier le contrat.
En deuxième lieu, l'appelant se réfère aux articles 15-1 et 15-2 du contrat de franchise qui, s'ils prévoient la possibilité pour les deux parties d'une résiliation anticipée en cas d'inexécution des obligations par l'une ou par l'autre, ne stipulent qu'une indemnisation au profit du franchiseur.
Mais les sociétés intimées font justement valoir que cette clause licite n'interdit pas au franchisé de rechercher lui-même la responsabilité du franchiseur et de réclamer des dommages-intérêts.
En troisième lieu, l'appelant soutient que la clause d'indemnisation stipulée en faveur du locataire-gérant dans l'hypothèse d'un refus de renouvellement par le bailleur a été arbitrairement ramenée de 10 % à 5 % du résultat net, ce qui dénote un déséquilibre significatif. Il ajoute qu'elle est purement chimérique dans la mesure où "l'art du loueur et du franchiseur" est de capter la rentabilité de leur cocontractant et que la recherche de l'équilibre contractuel aurait dû les amener à faire jouer la clause en fonction du chiffre d'affaires et non du résultat net.
Mais il n'est pas démontré que par cette clause et la réduction de l'indemnisation initialement convenue, les sociétés auraient tenté de capter la rentabilité de la société Esquirol, laquelle a obtenu de 2012 à 2016 des résultats nets positifs sauf en 2015 en raison d'une baisse de son chiffre d'affaires.
En quatrième lieu, l'appelant affirme que l'article 3.1 du contrat de location-gérance qui met à la charge du locataire le coût des travaux liés au changement de concept de l'enseigne La Mie Caline, sans limitation de durée et sans indemnisation, traduit un déséquilibre significatif d'autant plus caractérisé que toute adjonction ou amélioration apportées aux locaux restent la propriété du bailleur sans indemnité.
Il affirme qu'il en est de même dans le contrat de franchise qui, en son article 6.2.7, oblige le franchisé, sans la moindre contrepartie, à appliquer les modifications apportées par le franchiseur à son concept à compter de la demande écrite ou dans les 6 mois pour tout investissement d'un montant supérieur à 5 000 €.
Mais les sociétés intimées répliquent à juste raison qu'un concept de franchise, qui n'est pas figé dans le temps, doit évoluer et que la clause ne traduit pas un déséquilibre significatif. La cour retient que c'est en contrepartie de la clientèle dont bénéficie le franchisé du fait de l'exploitation de ce concept que les modifications apportées à ce concept restent à sa charge, étant précisé que le montant de l'investissement à la charge du franchisé ne peut excéder 1 % de son chiffre d'affaires.
En cinquième lieu, l'appelant incrimine encore les clauses du contrat de location-gérance qui :
- mettent à la charge du locataire les grosses réparations lorsqu'elles résultent de sa faute, de sa négligence ou de son défaut d'entretien (article 3.2 a), ainsi que le paiement des impôts et contributions établis au nom du loueur, y compris la taxe professionnelle (article 3.2 e),
- mentionnent que le fonds est loué dans l'état où il se trouve, sans pouvoir élever de réclamation contre le bailleur, ni prétendre à une diminution du loyer (article 3.2 a),
- permettent au bailleur, tenu de reprendre le personnel à la cessation de la location-gérance, de mettre à la charge du locataire les frais qu'il pourrait exposer à l'occasion d'éventuels licenciements de salariés si ces licenciements intervenaient dans les 3 mois de la cessation du contrat (article 7.2),
- fixent la redevance à un montant exorbitant, sans correctif sauf à la hausse en cas d'augmentation du loyer des murs, alors que la jouissance d'aucune clientèle n'est concédée au titre du contrat de location-gérance et que le loueur du fonds n'encourt aucun risque économique,
- prévoient un taux d'intérêt moratoire de 8 % pour chaque échéance de loyer non réglée à bonne date, alors qu'il n'est prévu aucune pénalité à la charge du loueur.
Mais c'est à juste titre que les sociétés intimées répondent :
- que l'exploitation bénéficiant au locataire, il est normal que celui-ci supporte les impôts taxes et contributions,
- que la clause classique prévoyant que le locataire-gérant prend les lieux dans l'état où il se trouve vise à prémunir le loueur contre des dommages qui seraient causés par le locataire-gérant postérieurement à son entrée en jouissance ou contre un déficit de son exploitation,
- que l'article 7.2 vise à responsabiliser le locataire-gérant et à l'empêcher de gonfler ses effectifs juste avant la reprise du fonds par le loueur afin de permettre aux personnes qui seraient en sureffectif de bénéficier de droits sociaux et d'indemnités de licenciement qui seraient à la charge du loueur,
- que le montant de la redevance de location-gérance, est due en contrepartie de la mise à disposition du fonds de commerce incluant la clientèle et l'achalandage y attachés et a été négocié entre les parties, cette négociation ayant abouti à la diminution de son montant,
- que l'article L. 441-7 du code de commerce permet aux parties de fixer les pénalités en cas de retard de paiement, que le taux est raisonnable et que le loueur n'étant débiteur d'aucune somme envers le locataire-gérant, il ne pouvait être prévu de pénalités à ce titre contre lui.
En sixième lieu, l'appelant soutient, concernant les contrats de franchise et de location-gérance :
- qu'on peut légitimement s'interroger sur la contrepartie de la redevance publicitaire de l'ordre de 2 % du chiffre d'affaires (article 8.2 b), alors que le contrat met à la charge du franchisé le financement de la publicité et de la communication locale (article 5.2.1 c) ainsi que les fournitures marketing et merchandising (article 5.2.1 d),
- que la même remarque s'impose pour la redevance de franchise de l'ordre de 5 % du chiffre d'affaires du franchisé (article 8.2 a) payée en contrepartie de la mise à disposition de la marque et de l'enseigne, mais aussi de la formation permanente, alors que le franchisé doit supporter chaque année à ses frais une formation "maîtrise de l'hygiène en restauration commerciale" (article 5.2.2 c) et doit faire procéder au minimum 6 fois par an à un contrôle d'hygiène du magasin et de ses produits (article 5.2.3 c),
- que rien ne justifie que le franchisé soit tenu de s'acquitter d'une redevance de renouvellement du contrat (article 8.1),
- que le locataire-franchisé se trouve dans un état de dépendance totale à l'égard du franchiseur en raison de l'exclusivité d'achats et de vente des produits du franchiseur, de l'exclusivité d'approvisionnement auprès des fournisseurs agréés par le franchiseur et de la clause de non-concurrence et de non affiliation sanctionnée par une clause pénale de 75 000 € pendant le contrat et après sa résiliation,
- qu'à l'article 7.3 du contrat, le franchiseur se réserve la possibilité de modifier à tout moment le prix d'achat des produits,
- que des clauses permettent au loueur et au franchiseur de s'ingérer dans la gestion de la société Esquirol, à savoir :
* l'article 3.1. h du contrat de location-gérance lui interdisant de réaliser des investissements d'un montant supérieur à 10.000 € sans l'accord du loueur,
* les articles 3.2 e du contrat de location-gérance et 6.2.6 du contrat de franchise stipulant que le locataire doit par priorité souscrire son contrat d'assurance auprès des compagnies référencées par le loueur et par le franchiseur,
* l'article 6.2.4.4 du contrat de franchise obligeant le franchisé à souscrire des propres logiciels de gestion auprès des prestataires référencés par le franchiseur,
* la clause par laquelle le franchisé devra sous astreinte de 2.000 € par jour de retard laisser l'accès de son magasin au franchiseur pendant 30 jours qui suivront la date de cessation du contrat,
- que rien ne justifie l'obligation impartie au locataire-franchisé :
*d'adresser au franchiseur une copie de ses déclarations d'impôts et de la preuve de leur paiement,
*de transmettre au franchiseur tous les jours le relevé des ventes par famille, par ticket et par produit,
*de laisser le loueur de fonds transmettre au franchiseur l'ensemble des informations dont il dispose,
- que l'accès aux informations comptables directement auprès du cabinet comptable est une sujétion contraire au secret des affaires et au respect de l'indépendance du cocontractant,
- que la clause attributive de juridiction est stipulée en faveur du groupe LMC.
Cependant, c'est en vain que le liquidateur judiciaire de la société Esquirol critique toutes ces clauses, puisque c'est avec pertinence que les sociétés intimées lui répondent que :
- La redevance de communication nationale mise à la charge du franchisé est distincte des actions de communication locale du franchisé pour faire connaître son point de vente sur sa zone de chalandise ;
- La redevance de franchise est justifiée en contrepartie par le droit pour le franchisé d'utiliser la marque, l'enseigne, le savoir-faire de La Mie Caline, la formation permanente et le contrôle et suivi opérationnel, la formation et les contrôles cités par l'appelant étant exclus du périmètre de la redevance ;
- Le paiement d'une redevance annuelle de renouvellement du contrat, d'un montant de 551,02 € HT rémunère notamment l'exclusivité territoriale dont bénéficie le franchisé ;
- Les clauses d'approvisionnement exclusif et de non-concurrence ne créent pas de déséquilibre significatif dans la mesure où la première assure l'uniformité et l'identité du réseau La Mie Caline et le respect des normes de qualité du franchiseur, la second vise à protéger le savoir-faire transmis au franchisé ;
- Les produits étant confectionnés à partir de matières premières dont les prix de vente varient, il est normal que leur prix de vente puisse varier, étant précisé qu'en cas de désaccord le franchisé peut saisir le juge pour voir désigner un expert en cas de contestation sur les modifications des prix des produits ;
- Le loueur propriétaire du fonds de commerce doit pouvoir contrôler les investissements effectués par son locataire avant travaux ;
- Les contrats de location-gérance et de franchise invitent le locataire-franchisé à souscrire des assurances auprès de compagnies agréées par le loueur et le franchiseur mais sans l'y contraindre ;
- L'obligation faite au franchisé d'équiper son point de vente avec le système informatique du franchiseur se justifie par le fait que le logiciel de gestion permet de recueillir, sous un format unique, les données de gestion du franchisé à des fins analytiques, statistiques et de facturation ;
- L'obligation faite au franchisé de laisser l'accès de son magasin au franchiseur pendant 30 jours suivant la fin du contrat est justifiée parce que certains franchisés continuent d'exploiter sans droit ni titre le concept de leur ancien franchiseur après la fin de leur contrat ; en toute hypothèse, cette stipulation est inapplicable en l'espèce, la fin du contrat de franchise avec celle du contrat de location-gérance impliquant la restitution du fonds de commerce au loueur ;
- La transmission des données comptables au loueur n'est pas critiquable puisqu'il est propriétaire du fonds de commerce donné en location-gérance ; leur transmission au franchiseur permet à ce dernier d'assurer son obligation d'assistance et de conseil au franchisé ; elle est nécessaire pour établir les factures de redevance ;
- La clause attributive de compétence désignant le tribunal de commerce du lieu du siège social du loueur n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment de la société Esquirol.
Il résulte de ce qui précède qu'aucun déséquilibre significatif, aucun abus de dépendance économique ni aucune violence psychologique ne sont caractérisés.
Aucune soumission n'est en outre établie.
En conséquence, le liquidateur judiciaire de la société Esquirol doit être débouté de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts.
- Sur les demandes des sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil
En premier lieu, l'appelant soulève l'irrecevabilité des demandes reconventionnelles formées par ces sociétés devant le tribunal de Bordeaux.
Il prétend que ces demandes ne relevaient pas du pouvoir juridictionnel de ce tribunal, qui était exclusivement limité à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce en application des dispositions de l'article D. 442-3 de ce code. Il en déduit que les demandes de LMC se heurtent à une fin de non-recevoir pour défaut de pouvoir juridictionnel et ajoute que, par application de l'article 123 du code de procédure civile, l'irrecevabilité peut être invoquée en tout état de cause. Il précise que les contrats attribuaient compétence au tribunal de commerce de La Roche sur Yon pour trancher tous les autres litiges.
Cependant, les sociétés intimées objectent à juste titre :
- que le tribunal de commerce de Bordeaux, saisi d'une demande pour rupture brutale de relations commerciales établies disposait du pouvoir juridictionnel pour statuer sur leurs demandes reconventionnelles fondées sur les contrats de location-gérance et de franchise ;
- qu'en réalité l'appelant revendique la compétence du tribunal de La Roche sur Yon, qu'il n'a pas soulevé l'exception d'incompétence en première instance avant toute défense au fond comme prescrit par l'article 75 du code de procédure civile et qu'il ne peut plus le faire devant la cour.
En deuxième lieu, l'appelant critique la disposition du jugement qui a alloué la somme de 50 000 euros à chacune des sociétés Toulouse Trois et Monts Fournil, à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive. Il fait valoir que l'exercice du droit d'agir en justice ne peut être constitutif d'un abus que dans des circonstances particulières et reproche au tribunal son absence de motivation.
Mais il est acquis que c'est pour retarder la procédure initiée devant le juge des référés le 19 octobre 2018 aux fins de voir constater la résiliation du contrat de location-gérance et ordonner la restitution du fonds de commerce que, le 22 octobre 2018, la société Esquirol a saisi le tribunal de commerce de Bordeaux en invoquant notamment une rupture brutale des relations commerciales établies et un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Il s'en suit que ce n'est que le 24 juin 2019 qu'il a pu être procédé à l'expulsion de la société Esquirol, laquelle continuait à exploiter le fonds de commerce sous une autre enseigne. Or, pendant ce temps, les créances des sociétés intimées n'ont fait que croître pour, en définitive ne plus aboutir qu'à leur fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Esquirol.
Ces circonstances et l'inanité des moyens et arguments invoqués en première instance ont fait dégénérer en faute son droit d'ester en justice et ont généré un préjudice certain.
Ils justifient l'octroi des dommages-intérêts alloués par le tribunal pour procédure abusive.
En troisième lieu, l'appelant conclut au rejet des demandes nouvelles de dommages-intérêts des sociétés intimées devant la cour. Il expose que les demandes de la société Esquirol sont fondées et motivées et qu'elle ne peut être privée de faire valoir ses droits légitimes.
Mais pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, l'appel formé par le liquidateur judiciaire de la société Esquirol présente un caractère abusif en raison de l'inanité de ses moyens et arguments sur le fond du litige réitérés et développés devant la cour et du retard qui en résulte pour la clôture des opérations de liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire de la société Esquirol sera donc condamné ès qualités, en réparation du préjudice certain causé, à payer la somme de 10 000 € à chacune des sociétés intimées.
Cependant, il n'y a pas lieu à condamnation à des dommages-intérêts par application de l'article 123 du code de procédure civile, pour ne pas avoir soulevé plus tôt une fin de non-recevoir.
- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'appelant, qui succombe en toutes ses prétentions, doit supporter les dépens.
Il y a lieu d'allouer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme supplémentaire de 8 000 € à chacune des sociétés intimées et de rejeter la demande de l'appelant à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la SAS [N] et associés, prise en la personne de Me [S] [G] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol à payer à la société Toulouse Trois :
- la somme de 10 000 €, à titre de dommages-intérêts, pour procédure d'appel abusive,
- la somme de 8 000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS [N] et associés, prise en la personne de Me [S] [G] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol à la société Monts Fournil :
- la somme de 10 000 €, à titre de dommages-intérêts, pour procédure d'appel abusive,
- la somme de 8 000 €, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne la SAS [N] et associés, prise en la personne de Me [S] [G] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Esquirol aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.