CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 1 décembre 2023, n° 21/11040
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Angie (SAS)
Défendeur :
Sonepar France (Sasu), Sonepar France Interservices (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme L'Eleu de la Simone
Conseillers :
Mme Guillemain, M. Bailly
Avocats :
Me Leger, Me Grappotte-Benetreau, Me Pollak
La SAS Angie est une agence de communication intervenant dans les secteurs de l'édition, du web, de la radio et de l'audiovisuel.
Au cours de l'année 2017, la société Sonepar, spécialisée dans la distribution de matériels électrique et de services associés, a fait appel à la société Angie, en vue de concevoir un magazine interne intitulé "Sonefil", ainsi qu'un Yearbook relatant les grandes étapes de la transformation du groupe à destination des participants à la Convention Sonepar France des 20 et 21 mars 2018.
La société Angie a réalisé deux numéros du magazine "Sonefil", l'un au mois de mars et l'autre au mois de novembre 2018, qu'elle a facturés respectivement 46.522,08 € HT et 44.995,76 € HT. Ces factures ont été réglées intégralement par la société Sonepar.
La société Angie a, par ailleurs, fourni une version test du Yearbook. Elle a émis, pour cette prestation, une première facture n° 18000415, datée du 19 juillet 2018, d'un montant de 40.950 € HT, acquittée, et une seconde facture n° 18000651 du 28 novembre 2018, à hauteur de 37.290 € HT, restée initialement impayée.
Par courriel du 9 janvier 2019, la société Sonepar a annoncé à la société Angie sa décision de ne pas donner suite au projet de création d'un Yearbook, avant de lui indiquer,
à l'issue d'une réunion, tenue le 6 février 2019, sa volonté de ne plus lui confier la réalisation du magazine "Sonefil".
Suivant exploit du 24 mai 2019, la société Angie a fait assigner la société Sonepar France devant le tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer, notamment, une somme de 45.758,92 € en indemnisation du manquement à son obligation de lui commander un troisième magazine, ainsi qu'une somme de 66.234 € destinée à compenser le non-respect d'un préavis contractuel.
La société Sonepar France Interservices est intervenue volontairement à la procédure.
Au mois d'octobre 2019, la société Angie a perçu le paiment d'une somme de 28.190 € HT, soit 33.828 € TTC, valant règlement partiel de la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018.
Par jugement en date du 5 mai 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Pris acte de l'intervention volontaire de la société Sonepar France Interservices ;
- Mis hors de cause la société Sonepar France ;
- Débouté la société Angie de sa demande de qualifier de contrat le courriel du 18 juillet 2018 ainsi que de sa demande de dommages et intérêts de 45.758,92 € pour non-exécution d'une obligation relative à une commande de trois numéros par an ;
- Débouté la société Angie de ses demandes de dommages et intérêts de 66.234 € pour non-respect d'un préavis de 6 mois ;
- Ordonné à la société Angie de fournir à la société Sonepar France Interservices un avoir de 9.100 € HT, soit 10.920 € TTC, au titre du solde de la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018 ;
- Condamné la société Angie à payer à la société Sonepar France Interservices et la société Sonepar France la somme de 3.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile "déboutant du surplus de leurs demandes" (sic) ;
- Condamné la société Angie aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 € dont 15,64 € de TVA.
La société Angie a formé appel partiel du jugement par déclaration du 14 juin 2021.
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 19 décembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1193, 1194, 1217, 1221 et 1211 du code civiel, de l'article L. 441-1 du code de commerce et des articles 515 et 700 du code de procédure civile, de :
"- INFIRMER le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société SONEPAR FRANCE ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société ANGIE de sa demande de qualifier de contrat le courriel du 18 juillet 2017 (et non 2018 comme mentionné par erreur dans le jugement critiqué) ;
- JUGER que le courriel du 18 juillet 2017 fait partie de l'accord général conclu par les parties tel que mis en œuvre par les devis émis et prestations exécutées ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société ANGIE de sa demande de dommages et intérêts de 45.758,92 euros pour non-exécution de la commande d'un troisième numéro pour l'année 2018 ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés SONEPAR FRANCE et SONEPAR FRANCE INTERSERVICES à payer à la société ANGIE la somme de 45.758,92 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de confier à ANGIE trois numéros pour l'année 2018 ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté la société ANGIE de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 66.234 euros pour non-respect d'un préavis de six mois ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés SONEPAR FRANCE et SONEPAR FRANCE INTERSERVICES à payer à la société ANGIE la somme de 66.234 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de respecter un préavis de rupture de six mois ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société ANGIE à fournir un avoir de 9.100 €HT à la société SONEPAR FRANCE INTERSERVICES au titre du solde de la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018 ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société ANGIE à payer à la société SONEPAR FRANCE INTERSERVICES et la société SONEPAR FRANCE la somme de 3.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société ANGIE aux dépens de l'instance ;
- REJETER l'ensemble des demandes formées par les sociétés SONEPAR FRANCE INTERSERVICES et SONEPAR FRANCE ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés SONEPAR FRANCE et SONEPAR FRANCE INTERSERVICES à verser à la société ANGIE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens."
Dans leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique, le 4 janvier 2023, la SASU Sonepar France et la SASU Sonepar France Interservices demandent à la cour, au visa des articles 32, 122, 328 et 329 du code de procédure civile, de l'ancien article L. 442-6, I, 2° et 5° du code de commerce, et des articles 1130, 1137, 1139, 1171 et 1231-5 du code civil, de :
"- RECEVOIR les sociétés Sonepar France et Sonepar France Interservices en leurs demandes, fins, conclusions et les y déclarer bien fondées,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 5 mai 2021,
- DÉBOUTER la société Angie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour ne confirmait pas le jugement,
- PRONONCER la nullité de l'article 13 des conditions générales de vente de la société Angie et en tout état de cause le réputer non-écrit,
À titre infiniment subsidiaire,
- RÉDUIRE la clause pénale contenue à l'article 13 des conditions générales de vente de
la société Angie à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société Angie à payer à chacune des sociétés Sonepar France et Sonepar France Interservices la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER la société Angie aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Bénétreau en application de l'article 699 du Code de procédure civile."
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
Une première ordonnance de clôture est intervenue le 24 novembre 2022, révoquée le 1er décembre 2022. La clôture a été à nouveau prononcée le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il est rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger » qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Sur l'existence d'un lien contractuel avec la société Sonepar France
Exposé des moyens
La société Sonepar France fait valoir qu'elle n'a aucun lien contractuel avec la société Angie, dont les prestations ont été commandées par la société Sonepar France Interservices. Invoquant les dispositions des articles 32 et 122 du code de procédure civile, elle rappelle que l'action dirigée contre une personne qui n'a pas qualité à défendre doit être déclarée irrecevable. Elle soutient que la société Angie ne dispose ni de droit d'agir ni d'un intérêt à agir à son encontre, ce qui justifie sa mise hors de cause. Elle estime que les demandes de condamnations solidaires dont elle fait l'objet sont, de toute manière, dénuées de fondement.
L'appelante souligne, pour sa part, que le logo de la société Sonepar France figure avec la signature de ses interlocuteurs. Elle ajoute que le devis magazine du Sonefil n° 4 a été émis au nom de la société Sonepar France, dont la dénomination apparaît uniquement sur les magazines Sonefil. Elle en déduit qu'il est impossible d'affirmer, avec certitude, que la société Sonepar France Interservices serait seule concernée par l'action, la part de responsabilité de chacune de ces sociétés restant indéterminée. Elle souligne qu'elle a tout intérêt à ce que ces deux sociétés fassent l'objet d'une condamnation solidaire.
Réponse de la cour
La demande de « mise hors de cause » ne correspond en soi juridiquement ni à une prétention ni à un moyen de défense. Dépourvue de portée juridique, elle ne peut être que la conséquence d'un rejet des demandes au fond ou de leur irrecevabilité. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette demande. Le jugement ne pourra ainsi qu'être réformé de ce chef.
La société Sonepar France, qui sollicite la confirmation du jugement, n'a saisi, par ailleurs, la cour d'aucune demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la société Angie. La cour ne se prononcera donc pas sur sa qualité à défendre, ni sur l'intérêt à agir de la société Angie, qui constituent, au demeurant, deux questions juridiques distinctes.
Le bien-fondé des demandes de condamnations de la société Sonepar France, inhérent au fond du litige, suppose que soit préalablement établi un lien contractuel avec la société Angie, dont la charge de la preuve incombe à l'appelante. Il est constant qu'en l'espèce, les parties n'ont signé aucun contrat. S'il est exact que le logo de la société Sonepar France apparaît dans la signature des mails des interlocuteurs de la société Angie, de même qu'il figure sur les exemplaires du magazine "Sonefil", il n'en demeure pas moins que l'utilisation de ce logo n'a pas d'incidence juridique, en l'espèce. La société Sonepar France est, au vu de son extrait Kbis, une holding de participations, qui, en cette qualité, n'a pu prendre aucun engagement contractuel. Seule la direction de la communication de la société Sonepar France Interservices a ainsi décidé de confier à la société Angie la réalisation de magazines, ce que la société Angie n'ignorait pas. C'est bien pourquoi celle-ci, alors qu'elle avait libellé un devis pour le compte de la Sonepar France, a procédé, par la suite, à une rectification en établissant des factures au nom de la société Sonepar France Interservices. C'est aussi à la société Sonepar France Interservices que le conseil de la société Angie a écrit, le 13 février 2019, pour contester les conditions de la rupture de leurs relations commerciales. Dans ces conditions, le jugement, en ce qu'il a débouté la société Angie de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Sonepar France, sera confirmé.
Sur l'obligation de la société Sonepar France Interservices de commander un troisième magazine
Exposé des moyens
La société Angie expose qu'aux termes des e-mails des 17 et 18 juillet 2017, la société Sonepar s'est engagée à lui confier la réalisation de trois magazines par an, mais qu'elle ne lui a passé commande que de deux numéros en 2018. Elle estime, en conséquence, que la société Sonepar doit être condamnée à l'indemniser du préjudice qu'elle lui a causé, en raison de la non-exécution de la commande d'un troisième numéro pour l'année 2018. Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que le courriel du 18 juillet 2017 était porteur d'un engagement certain des parties, en vue d'une collaboration durable. Elle soutient ainsi qu'elle avait conclu avec la société Sonepar un accord-cadre oral, formalisé par des e-mails, suivi de contrats d'application, à savoir des devis acceptés. Elle rappelle, à cet égard, qu'en application du principe du consensualisme, le contrat peut résulter de simples échanges des parties, dès lors qu'ils manifestent clairement leur volonté. Selon elle, les courriels échangés entre les parties constituent les seuls éléments du cahier des charges.
La société Sonepar France Interservices réplique que les courriels des 17 et 18 juillet 2017 n'ont aucune valeur contractuelle. Elle prétend que ces échanges n'ont jamais eu pour objet de définir l'accord définitif des parties, mais qu'ils constituaient des pourparlers, ce dont elle déduit qu'il n'y avait aucun engagement de sa part en termes de volume de commandes. Elle soutient ainsi qu'il n'y a pas eu d'autre accord que les devis ponctuels réalisés pour chacun des deux numéros de magazine produits.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article 1172 du code civil que les contrats sont, en principe, consensuels.
La société Angie souligne, à juste titre, que l'accord des volontés des parties n'a pas à être formalisé dans un contrat signé par les parties. En application de l'article 1353 du code civil, il incombe, néanmoins, à l'appelante de rapporter la preuve de la convention prétendument intervenue entre les parties, qu'elle qualifie de contrat-cadre.
Les parties s'accordent à reconnaître que la société Sonepar a fait appel, au cours de l'année 2017, à la société Angie en vue de lui confier à la fois la création d'un Yearbook et la réalisation d'au moins deux numéros du magazine "Sonefil", qui sont parus respectivement aux mois de mars et novembre 2018.
Pour justifier de l'engagement de la société Sonepar à lui passer des commandes régulières, dans le cadre d'un contrat-cadre, la société Angie se prévaut essentiellement de deux courriels datés des 17 et 18 juillet 2017.
Le 17 juillet 2017, le Responsable Communication de la société Sonepar écrivait ainsi, à la société Angie, au sujet du magazine interne de Sonepar France et de la création d'un Yearbook :
"(...) nous sommes à la recherche d'une nouvelle agence de communication pour nous accompagner sur le sujet.
Etant propriétaire de la maquette du magazine actuel et de l'ensemble des fichiers, nous souhaitons poursuivre dans le même sens ('). L'agence qui nous accompagnera pourra évidemment nous proposer des ajustements mais ce n'est pas ce qui nous fait venir. Nous sommes avant tout à la recherche d'une nouvelle belle collaboration et de bonnes plumes.
Par ailleurs, nous pourrons également envisager avec l'agence retenue de travailler à la complémentarité du magazine avec le nouvel Intranet mais également à une version (plus courte ') digitale, avec peut-être des contenus dédiés. Le chantier pourrait se trouver là ; pas immédiatement mais à moyen terme.
En parallèle, nous cherchons aussi une agence pour nous accompagner sur la réalisation d'un livre de trois ans de notre projet d'entreprise Leadership 2017. Il s'agirait d'un format "Yearbook" (...).
A la lecture de ces éléments, serais-tu intéressé pour nous rencontrer, au même titre que nous allons recontrer les équipes de Babel ' (...)."
La société Angie ayant accepté, par retour de courriel, le principe d'une rencontre, le responsable de la société Sonepar lui répondait, le 18 juillet 2017, dans les termes suivants :
"Comme convenu, en vue de préparer notre entrevue, tu trouveras en pièce jointe le dernier numéro de Sonefil, notre magazine interne (confidentiel).
Pour rappel, avec Verbe, nous nous sommes mis d'accord pour 3 numéros par an sur la base de 32 pages et de la rédaction de 15 feuillets, pour un montant de 27 000 euros HT incluant les honoraires forfaitaires de conseil et des coûts de production habituels. L'augmentation de cette pagination ou du nombre de feuillets rédigés donne lieu à l'établissement de coûts complémentaires calculés conformément aux prix unitaires d'une estimation budgétaire sur laquelle nous nous sommes mis d'accord au départ. Le prix ci-dessus n'inclut pas : les frais d'achat d'art et les droits d'auteur (au-delà des 5 500 euros HT provisionnés pour 2 illustrations et 1 infographie complexe), les frais d'impression, le routage, le travail le week-end et après 19 h, les corrections d'auteur (au-delà de trois allers/retours ou après BAG). Nous souhaitons a minima repartir sur ces mêmes conditions.
Côté "Yearbook", nous partons sur une enveloppe de 50K HT tout compris (avec impression de 2000 exemplaires).
Je te laisse revenir vers mois pour que tu (sic) nous fixions une entrevue avec tes équipes et [I].
N'hésite pas à me confirmer que ton agence ne travaille plus avec Rexel et à m'envoyer des projets de Yearbook avec les tarifs correspondants (...)".
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont retenu que les termes du courriel du 18 juillet 2017 étaient très clairs, en ce qu'il s'agissait, de préparer une rencontre avec les responsables de la société Angie, en vue de discuter des conditions d'une future relation contractuelle, et qu'ils ne comportaient aucun engagement de volonté commune permettant de les qualifier de contrat.
Comme le souligne la société Sonepar France Interservices, cet e-mail rappelait les termes d'un accord précédemment intervenu avec une autre agence, la société Verbe, dont il précisait les conditions financières ; il ne contenait ainsi aucun engagement à l'égard de la société Angie. Le nombre de numéros du magazine, à savoir trois par an, ne représentait, quant à lui, qu'un objectif fixé avec l'agence Verbe, au même titre que les conditions financières précédemment convenues, mais nullement un futur "cahier des charges".
Le courriel antérieur du 17 juillet 2017, faisant référence à la recherche d'une "collaboration", annonçant une mise en concurrence entre deux agences, n'a d'autre valeur, a fortiori, qu'une invitation à entrer en pourparlers.
L'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que ces courriels consitueraient un contrat-cadre au sens de l'article 1111 du code civil. Ceux-ci ne contenaient ainsi notamment aucun engagement en termes de volume de commandes.
Comme l'a justement relevé le tribunal de commerce, les relations contractuelles des parties ont été établies uniquement sur la base des devis signés et acceptés par la société Sonepar France Interservices, faisant suite à des commandes ponctuelles, pour chacun des deux numéros de magazines produits.
Ces commandes ne font, au demeurant, aucune référence aux conditions financières évoquées dans le courriel du 18 juillet 2017, étant observé que les montants facturés par la société Angie, à savoir 46.522,08 € HT pour le magazine du mois de mars 2018 et 44.995,76 € HT pour celui du mois de novembre 2018, sont supérieurs au prix de 27.000 € évoqué dans le courriel du 18 juillet 2017.
La société Angie échouant à rapporter la preuve que la société Sonepar France Interservices aurait manqué à son obligation de lui commander trois numéros de magazine par an, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur l'obligation de respecter un délai de préavis
Exposé des moyens
La société Angie prétend que le contrat, qui était conclu à durée indéterminée, prévoyait un délai de préavis de six mois et que celui-ci n'ayant pas été respecté, la société Sonepar doit être condamnée à lui payer une indemnité compensatrice. Elle soutient que les conditions générales du contrat, prévoyant ce délai de préavis, ont été communiquées à la société Sonepar, dès lors qu'elles figuraient au recto du devis du 23 mars 2018, dont elle n'a jamais contesté avoir été destinataire, de même que sur les factures. Elle fait valoir que l'acceptation des conditions générales de vente n'est soumise, en matière commerciale, à aucun formalisme. Elle ajoute que les sociétés Sonepar avaient l'obligation, en application de l'article 1211 du code civil, de respecter un préavis qui, conformément aux usages, peut être fixé à six mois. Enfin, selon elle, le tribunal, après avoir relevé que les sociétés Sonepar étaient disposées à lui confier la réalisation d'un numéro de magazine, pendant la durée du préavis, ne pouvait pas lui imputer la faute d'avoir estimé ce préavis insuffisant, tout en dispensant les sociétés Sonepar d'exécuter le moindre préavis. Elle estime que les sociétés Sonepar auraient dû ainsi être condamnées, à tout le moins, à ce à quoi elles s'étaient engagées lors des discussions amiables.
La société Sonepar France Interservices rétorque que les conditions générales de vente ne lui sont pas opposables, à défaut d'avoir été portées à sa connaissance préalablement à la conclusion du contrat. Elle rappelle que l'acceptation tacite des conditions générales de vente n'est possible qu'entre des partenaires commerciaux ayant une relation longue et continue d'au moins quelques années, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la relation contractuelle des parties n'ayant duré qu'un an et donné lieu uniquement à trois commandes. Elle fait valoir que la société Angie a refusé, en tout état de cause, sa proposition de lui confier la réalisation d'un numéro supplémentaire du magazine, afin de satisfaire à l'exécution en nature du préavis de six mois, stipulé dans les conditions générales de vente.
Réponse de la cour
L'article 13 des conditions générales de vente, invoqué par la société Angie, au titre du respect d'un délai de préavis stipule :
"Résiliation. Toute commande entraîne la conclusion entre la Société et le Client d'un contrat à durée indéterminée résiliable à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception sous réserve du respect d'un préavis d'au moins 6 mois, toute commande subséquente y étant soumise. Pendant le préavis, la rétribution de la Société restera due ainsi que les frais techniques (commission incluse) et débours acceptés sur devis et dont l'engagement ne peut être annulé en tout ou partie à la date de résiliation. Si un Client ne souhaite pas être tenu à l'exécution du préavis, il devra indemniser la Société en lui versant à titre de dommages et intérêts une somme représentant au moins six (6) mois de l'ensemble des rémunérations perçues par la Société au cours des douze derniers mois ou, si la durée d'exécution est moindre, de la durée effective d'exécution."
Il n'est pas contesté que que le délai de préavis de six mois, à supposer qu'il ait été applicable, expirait le 8 août 2019, comme l'a retenu le tribunal, la société Sonepar France Interservices ayant indiqué à la société Angie qu'elle entendait mettre fin à leur collaboration, à l'issue de la réunion du 6 février 2019.
Comme il a été dit, la société Sonepar France Interservices avait commandé à la société Angie uniquement deux magazines, en 2018, sur la base d'un numéro tous les six mois, la société Angie n'ayant pas rapporté la preuve que le nombre des commandes auraient dû être plus élevé. Le respect d'un délai de préavis de six mois, au cours du premier semestre de l'année 2019, aurait donc conduit la société Angie à réaliser tout au plus un magazine supplémentaire. Or, la société Sonepar France Interservices avait proposé à la société Angie de réaliser, au début de l'année 2019, un numéro du magazine Sonefil, ce qui revenait à effectuer ce préavis. La société Angie, qui estimait que deux numéros supplémentaires devaient être réalisés, au lieu d'un seul, au titre du préavis, ne consteste pas avoir refusé cette proposition. Le tribunal a ainsi retenu, par de justes motifs, que la société Angie n'était pas fondée à reprocher à la société Sonepar France Interservices d'avoir commis une faute en ne respectant pas le délai de préavis. Les moyens afférents à l'opposabilité des conditions générales de vente opposées par la société Angie sont, dès lors sans objet.
Le jugement sera, par suite, confirmé en ce qu'il a débouté la société Angie de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la remise d'un avoir afférent aux factures du Yearbook au profit de la société Sonepar France Interservices
Exposé des moyens
La société Sonepar France Interservices rappelle qu'elle s'est acquittée, au cours de la procédure de première instance d'une somme de 28.190 € HT, soit 33.828 € TTC, au titre de la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018, relative au Yearbook, la société Angie ayant reconnu implicitement que le solde correspondait à une surfacturation. Elle estime, en conséquence, être en droit d'obtenir un avoir d'un montant de 9.100 € HT, soit 10.920 € TTC, valant régularisation. Elle fait valoir que la société Angie, bien qu'elle ait produit un avoir daté du 23 juin 2021, conteste le bien-fondé de la demande, qui conserve ainsi son objet.
La société Angie, tout en déniant la surfacturation alléguée, fait valoir qu'elle a communiqué, en appel, un avoir correspondant à la remise commerciale sollicitée, de sorte que la demande de la société Sonepar est désormais sans objet.
Réponse de la cour
Les parties s'accordent à reconnaître que la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018, relative au Yearbook a été intégralement réglée par la société Sonepar. Bien qu'elle conteste avoir procédé à une surfacturation, la société Angie a produit, au cours de la procédure d'appel, un "avoir" sur la facture n° 18000651, au profit de la société Sonepar France Interservices, d'un montant de 10.920 € correspondant à sa pièce n° 16, qu'elle a régulièrement communiquée.
La société Angie ayant satisfait à la demande de la société Sonepar France Interservices, aucune condamnation à ce titre ne se justifie plus.
Le jugement sera donc infirmé, en ce qu'il a ordonné à la société Angie de fournir un avoir à la société Sonepar France Interservices au titre du solde de la facture du 28 novembre 2018.
Sur les autres demandes
La société Angie succombant en l'essentiel de son recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d'appel, la cour la condamnera aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Bénétreau, ainsi qu'à payer à la société Sonepar France et à la société Sonepar France Interservices une indemnité de 1.750 € à chacune d'entre elles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la SASU Sonepar France,
STATUANT A NOUVEAU des chefs infirmés,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de mise hors de cause de la SASU Sonepar France,
REJETTE la demande de la SASU Sonepar France Interservices visant à voir condamner la SAS Angie à lui fournir un avoir au titre du solde de la facture n° 18000651 du 28 novembre 2018,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SAS Angie aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Bénétreau,
CONDAMNE la SAS Angie à payer à la SASU Sonepar France la somme de
1.750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Angie à payer à la SASU Sonepar France Interservices la somme de 1.750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.