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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 30 novembre 2023, n° 21/04589

RENNES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Jaspy Construction (SAS)

Défendeur :

Kerbea France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Le Couls-Bouvet, Me Bellet, Me Croix, Me Grassin

CA Rennes n° 21/04589

29 novembre 2023

FAITS ET PROCEDURE :

La société Kerbéa France (la société Kerbéa) était titulaire de la marque Kerbéa. Elle était spécialisée dans la construction, la vente et la livraison de maisons individuelles et était à la tête d'un réseau national de franchisés spécialisé dans la construction de maisons individuelles.

Le 5 janvier 2009, un contrat de franchise a été signé entre, d'une part, M. [Y] agissant pour son compte et pour celui d'une société en cours de formation, et, d'autre part, la société Kerbéa.

Le contrat de franchise a été conclu pour une durée de 5 ans. Le contrat prévoyait qu'il ne serait pas tacitement renouvelé et qu'il prendrait fin à son terme. M. [Y] s'est substitué la société Jaspy Construction (la société Jaspy) dont il était le gérant.

Des avenants ont par la suite été régularisés. Celui du 30 juin 2014 a prévu un renouvellement jusqu'au 30 octobre 2019 et un renouvellement tacite par période de cinq années ensuite sauf dénonciation six mois à l'avance. Par celui du 16 juillet 2016, la société Kerbéa a autorisé la fusion entre la société Jaspy et la société Jofred qui exploitait pour sa part une autre franchise Kerbéa. Il n'est pas justifié que cette fusion ait eu lieu.

En décembre 2017, M. [Y] a cédé ses parts de la société Jaspy à M. [R].

Le 9 avril 2018, la société Kerbéa a été absorbée par la société Lafobi, détenue par M. [U] [F], par transmission universelle de patrimoine. La société Lafobi a repris le nom de Kerbéa par décision de l'assemblée générale du 12 avril 2018.

A compter d'avril 2019, les franchisés ont proposé à M. [S] [F] de lui racheter les titres de la société Kerbéa, ce que ce dernier a refusé.

Par lettre du 20 février 2020, la société Jaspy a résilié le contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020.

Estimant que la société Kerbéa avait manqué à ses obligations, la société Jaspy et M. [R] l'ont assignée en résiliation de la franchise à effet au 30 mars 2020 et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Décerné acte aux parties qu'elles ont donné compétence au tribunal de commerce de Rennes pour traiter des affaires numérotées de 2020F00207 à 2020F00215,

- Ecarté des débats les pièces de la société Jaspy numérotées de A1 à A45,

- Débouté la société Jaspy et M. [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 5.280 euros TTC au titre des redevances échues au 30 mars 2020,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la société Kerbéa du surplus de ses demandes,

- Condamné la société Jaspy aux entiers dépens.

M. [R] et la société Jaspy ont interjeté appel le 21 juillet 2021.

La société Jaspy a été placée en liquidation judiciaire le 21 septembre 2022, la société [B] [E] [I], prise en la personne de M. [E], étant désignée liquidateur.

Devant la cour, la société Jaspy est représentée par la société [B] [E] [I].

Les dernières conclusions de M. [R] et la société Jaspy sont en date du 26 juin 2023. Les dernières conclusions de la société Kerbéa sont en date du 21 juin 2023.

Par note du 28 juin 2023 la société Kerbéa a demandé le rejet des pièces et conclusions déposées par la société Jaspy et M. [R] le 26 juin 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2023.

Sur le rejet des conclusions déposées par la société Jaspy et M. [R] le 26 juin 2023 :

Les parties ont été avisées de la date de clôture, prévue au 15 juin 2023, le 3 mars 2023. A la demande des parties, cette clôture a été repoussée au 29 juin 2023.

La société Jaspy et M. [R] avaient conclu pour la dernière fois le 14 juin 2023.

La société Jaspy et M. [R] ont déposé le 26 juin 2023 un nouveau jeu de conclusions comportant 107 pages.

Les ajouts que comportent ces conclusions par rapport aux précédentes sont identifiés par un trait vertical dans la marge. La page 42 de la transmission à la cour par RPVA est blanche. L'ajout des pages 44 et 45, près d'une page, ne vient qu'en réponse à des conclusions de la société Kerbéa.

Il apparait ainsi que les dernières conclusions de la société Jaspy et de M. [R] n'appelaient pas de réponse particulière. En outre, la société Kerbéa disposait de trois jours avant la date de la clôture pour répondre le cas échéant sur les quelques ajouts des conclusions.

Les dernières conclusions de la société Jofred et de M. [R] à prendre en compte sont celles du 26 juin 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS :

M. [R] et la société Jaspy demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kerbéa « du surplus de ses demandes », dont sa demande tendant à voir la société Jaspy être condamnée à lui verser des dommages-intérêts correspondant aux redevances restant à courir jusqu'au terme du contrat de franchise initialement prévu, et sa demande de paiement d'une indemnité contractuelle de 9.000 euros TTC,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Jaspy numérotées A1 à A45,

- Débouté la société Jaspy et M. [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 65.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Et, statuer à nouveau :

- Juger que les demandes indemnitaires formées par la société Kerbéa au titre de la prétendue violation de la clause de non-concurrence contractuelle et de la clause de non-affiliation post-contractuelle sont irrecevables en raison de leur tardiveté et de leur nouveauté,

- Juger que la société Kerbéa a gravement manqué à ses obligations contractuelles,

- Juger que ces manquements sont à l'origine de préjudices subis personnellement tant par la société Jaspy que par M. [R] lui-même,

- Juger que les concluants n'ont pu méconnaître la clause de non-concurrence contractuelle stipulée au contrat de franchise dès lors qu'ils n'ont exploité aucune activité concurrente à celle prévue à leur contrat de franchise avant leur sortie du réseau « Maisons Kerbéa » le 30 mars 2020, ce que la société Kerbéa n'offre pas même pas de contester,

- Juger que la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulée au contrat de franchise est sans objet dès lors que les concluants ne se sont affiliés à aucune enseigne régionale ou nationale et que la société Kerbéa est sans activité depuis que ses neuf derniers franchisés sont sortis du réseau « Maisons Kerbéa » le 30 mars 2020,

- Juger que la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulée au contrat de franchise est dépourvue de validité, et donc nulle et de nul effet, comme n'étant pas nécessaire à la protection du savoir-faire de la société Kerbéa ,

En conséquence :

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise conclu le 5 juin 2009 aux torts et griefs exclusifs de la société Kerbéa , à effet du 30 mars 2020,

- Condamner la société Kerbéa à payer la somme de 87.687,50 euros à titre de dommages-intérêts à la société Jaspy, représentée par son liquidateur judiciaire, outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Condamner la société Kerbéa à payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts à M. [R], outre les intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, sauf à parfaire,

- Débouter la société Kerbéa de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions, en ce compris son appel incident,

- Réduire subsidiairement à la somme d'un euro le montant de l'indemnité contractuelle réclamée par la société Kerbéa sur le fondement de l'article 11 et de l'article 16 du contrat de franchise,

- Réduire subsidiairement à la somme d'un euro le montant de la peine convenue sous la clause de non-concurrence contractuelle et sous la clause de non-affiliation post-contractuelle stipulées dans le contrat de franchise,

- Condamner la société Kerbéa aux entiers dépens de l'instance,

- Condamner la société Kerbéa à payer la somme de 15.000 euros à la société Jaspy au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Kerbéa demande à la cour de :

- Recevoir la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, et M. [R] en leur appel comme régulier,

- Les débouter de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

' Ecarté des débats les pièces de la société Jaspy numérotées A1 à A45,

' Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 9.758,72 euros TTC correspondant aux redevances échues au 30 mars 2020,

' Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbéa la somme de 65.000 euros en réparation du trouble causé par la rupture injustifiée du contrat de franchise et du préjudice moral,

' Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerba la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ainsi :

A titre principal :

- Prononcer la libération des fonds séquestrés par la société Jaspy au profit de la société Kerbéa à hauteur de 10.000 euros,

- Puis fixer la créance de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire pour la somme de 65.000 euros correspondant au delta,

Subsidiairement :

- Fixer la créance de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy prise en la personne de son liquidateur judiciaire pour la somme de 75.000 euros,

- Recevoir la société Kerbéa en son appel incident, ses demandes, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

Et par conséquent :

- Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Kerbéa du surplus de ses demandes,

Et, statuant à nouveau :

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, aux sommes de :

- 9.000 euros TTC à titre d'indemnité égale à deux fois la redevance visée à l'article 7, en réparation de la faute grave caractérisée telle que prévue à l'article 11 du contrat de franchise,

- 412.500 euros HT, soit 495.000 TTC correspondant aux redevances restant à courir jusqu'à la fin du contrat initialement prévu le 30 octobre 2024, résultant de la rupture abusive du fait du franchisé en date du 20 février 2020, prenant effet au 30 mars 2020,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 150.000 euros, solidairement avec son gérant M. [R], correspondant à l'indemnité due à la suite de son engagement de non concurrence tel que prévu à l'article 15 du contrat de franchise,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à la somme de 39.000 euros résultant de la violation de son obligation de non-affiliation post-contractuelle telle que prévue à l'article 15 du contrat de franchise,

En tout état de cause,

- Fixer la créance complémentaire de la société Kerbéa au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 25.000 euros au bénéfice de la société Kerbéa en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur le rejet des pièces A 31 à A 45 de la société Jaspy et de M. [R] :

Le tribunal a rejeté ces pièces comme ayant été produites tardivement devant lui.

S'il a pu, à juste titre, rejeter des pièces produites en violation du principe de la contradiction, ce rejet n'est plus d'actualité aujourd'hui les parties ayant eu le temps depuis de les analyser et de faire valoir leurs observations correspondantes.

Le jugement sera infirmé sur ce point pour permettre à la cour de prendre ces pièces en compte.

Sur la rupture du contrat de franchise :

Par lettre du 20 février 2020, la société Jaspy a notifié à la société Kerbéa la rupture du contrat de franchise avec effet au 30 mars 2020. Cette rupture a été confirmée par lettre du 23 mars 2020.

La cour n'a donc pas à rechercher s'il y a lieu ou non à rupture du contrat de franchise mais à rechercher si cette rupture était ou non justifiée.

La société Jaspy invoque des manquements de la société Kerbéa à ses obligations de franchiseur, à savoir manquements graves et répété aux obligations contractuelles, rupture totale et définitive du lien de confiance du fait du franchiseur et refus réitéré de rencontrer les franchisés lors d'une réunion aux fins de tenter de régler amiablement le litige.

Le contrat de franchise prévoyait les obligations du franchiseur :

4 - OBLIGATIONS DU FRANCHISEUR ET DU FRANCHISE

Le Franchiseur s'engage envers le Franchisé :

- A lui assurer la paisible jouissance de la marque 'Maisons Kerbéa', pendant toute la durée du présent contrat,

- A lui assurer la paisible jouissance du nom de domaine ainsi que de l'image graphique du site Internet,

- A établir des notes d'information pour tout ce qui concerne l'activité du Franchisé,

- A améliorer constamment les différents types de maisons qu'il conçoit, par ailleurs, ll aura la faculté d'interrompre la commercialisation de certains modèles de maisons sans que le Franchisépuisse exiger une indemnité de ce chef,

- A préparer, rédiger et mettre à jour de façon permanente l'organisation originale de son concept visant à favoriser l'expansion de l'entreprise du Franchisé

- A tester des matériaux de construction,

- A organiser des sessions d'information au profit du Franchisé,

- A référencer des matériaux et matériels,

- A assurer, à ses frais exclusifs, la présence a intervalles réguliers, d'une équipe de conseillers au siége de l'entreprise du Franchisé,

- A s'efforcer de tout faire d'une maniere générale pour promouvoir la marque 'Maisons Kerbéa',

Le nombre décroissant de franchisés ne constitue pas une atteinte à une jouissance paisible de la marque. Ce n'est pas non plus, en soi, la preuve de ce que le franchiseur ne ferait pas tout pour promouvoir la marque.

La société Jaspy fait valoir que la société Kerbéa n'aurait pas entrepris les démarches et actions utiles pour améliorer et actualiser son concept, en s'abstenant notamment de proposer de nouveaux modèles de maisons.

La société Kerbéa justifie avoir notamment proposé dans le cadre de la gamme Koncept 2019, 9 modèles de maisons représentant 58 versions de plans différents. Elle a également proposé la gamme Tendance USA 2020 avec 4 modèles. Tous ces modèles, outre d'autres gammes, ont été notamment présentés dans une annexe du 20 février 2020.

La société Kerbéa justifie ainsi avoir continué à présenter de nouveaux modèles de maisons pour s'adapter aux évolutions du marché.

La société Jaspy ne justifie pas que les plans de ces modèles aient été insuffisants et que cette insuffisance ait rendu obligatoire le recours à un prestataire extérieur.

Si la société Kerbéa a indiqué dans une note qu'il était parfois impossible de ne pas modifier un plan, il n'est pas justifié que ces modifications indispensables aient été fréquentes.

En outre, seul un devis pour modification hors catalogue Kerbéa de la société Plan Habitat Permis est produit. Il n'est pas justifié que cette société ait du intervenir, ni à quelle fréquence, et pour quelles facturations.

Le fait que la société Kerbéa ait validé de telles modifications ne permet pas d'en déduire qu'elles étaient indispensables. Il est au contraire justifié que la société Kerbéa accompagnait les franchisés lors de telles modifications.

La société Jaspy reproche à la société Kerbéa de ne plus envoyer que 20 notes par an alors qu'elle en envoyait 80 par an entre 2014 et 2016 et de ce que ces 20 notes ne seraient qu'un copier coller d'un texte ou d'une réglementation sans comporter les explications théoriques ou pratiques permettant aux franchisés de les comprendre ou d'en saisir la portée.

La société Kerbéa justifie avoir envoyé près de 20 notes par an au cours des années ayant précédé le rupture du contrat.

Au regard des quelques notes produites devant la cour, il apparait que la société Jaspy ne justifie pas que ces notes n'aient pas été complètes ou aient été insuffisantes ou erronées.

Comme il sera vu infra, la société Kerbéa a en outre mis en place d'autres vecteurs d'information desfranchisés.

La société Jaspy reproche à la société Kerbéa de persister à indiquer sur son site internet l'existence de certaines agences de franchisés comme étant encore membres du réseau alors que cela n'était plus le cas.

La société Kerbéa reconnaît qu'à la suite de la refonte de son site internet, certaines agences qui ne faisaient plus partie du réseau ont pu continuer à être présentées comme en faisant encore partie.

Il apparait qu'il s'agit plus d'erreur ou d'absence de mise à jour de données publicitaires sur un site internet. Il n'est pas justifié que la société Kerbéa ait utilisé ces données erronées volontairement ou que cette absence de mise à jour ait eu des conséquences sur la renommée de la marque.

La société Jaspy ne justifie d'ailleurs pas que l'un des franchisés en ait, à l'époque, fait la remarque à la société Kerbéa.

En outre le fait que postérieurement à la résolution du contrat de franchise la société Kerbéa ait commis de nouveaux manquements, notamment en se prévalant des agences qui avaient ainsi quitté le réseau, ne peut être retenu comme fondement de la décision de résolution qui avait déjà été prise.

La société Jaspy reproche à la société Kerbéa un nombre anormalement élevé de sociétés franchisées placées en liquidation judiciaire, soit 20 depuis 2010, 6 autres ayant quitté le réseau pour exploiter une autre enseigne.

Le franchiseur ne peut pas, en soi, être tenu pour responsable de la santé financière de ses franchisés.

Il résulte au contraire de l'évolution des chiffres d'affaires des franchisés en cause en l'espèce

que leur situtation restait bonne et que leur activité a continué de se développer au cours des trois premiers trimestres 2019. Si la présentation de l'évolution de ces chiffres d'affaires peut être discutée quant à son aspect partiel, il n'en demeure pas moins que les activités des franchisés se développaient.

La société Jaspy fait grief à la société Kerbéa de l'avoir contrainte à prendre en charge les factures non réglées de certains prestataires comme les sociétés Metamorphoses (formation commerciale) et Vitaweb (site internet de l'enseigne).

Il apparait que les factures en question concernent la période du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020. Ces difficultés sont survenues en novembre 2019, époque à laquelle les franchisés ne payaient plus leurs redevances en totalié.

Selon la société Jaspy, les franchisés auraient été à jour de leurs redevances à fin 2019.

La société Kerbéa conteste ce point et justifie d'une mise en demeure de payer adressée à cette époque à la société Jaspy au titre des soldes de factures impayés soit 630 euros pour celle du 30 septembre 2019 et 5.280 euros pour celle du 30 novembre 2019 à échéance à fin décembre 2019.

Il n'est donc pas établi que la société Jaspy ait été à jour de ses paiements. Les retards de paiement concertés par les franchisés en cause ont occasionné d'importantes difficultés de trésorerie à la société Kerbéa et il ne peut lui être reproché d'avoir eu alors elle-même des difficultés à payer ses fournisseurs.

Selon la société Jaspy, la société Kerbéa aurait mis fin à l'utilisation du logiciel de gestion administrative fourni gratuitement aux franchisés, Batman, jusqu'à 2015, leur imposant depuis de payer chaque mois la somme de 350 euros pour avoir accès au logiciel de remplacement, Batib.

La société Kerbéa justifie que le logiciel Batib a été mis au point par un ancien franchisé. Elle indique avoir présenté aux franchisés les avantages de ce nouveau logiciel, selon elle gestion idéale de leur projet de construction : une gestion des tarifs de leurs sous-traitants, édition automatique des marchés de travaux et des pièces administratives etc.

Elle indique qu'elle assure les frais d'installation et de mise en place mais que les franchisés ont ensuite le choix de souscrire ou non à la solution.

La société Jaspy ne justifie pas avoir été forcée par la société Kerbéa de souscrire cette solution de logiciel ni qu'elle ait été moins performante que la précédente qui était gratuite.

La société Jaspy fait valoir que le franchiseur n'aurait pas mis en place une équipe suffisante et compétente pour répondre à ses obligations et engagements vis à vis des franchisés et une absence de formations proposées.

Elle produit en ce sens une lettre d'un ancien directeur technique de la société Kerbéa en date du 2 février 2018 faisant état de ses difficultés à développer et entretenir le reseau et la réponse que lui a faite le franchisé [J] faisant état de sa crainte sur le devenir et la santé du réseau. Elle se prévaut également d'une attestation de M. [X], ancien directeur du réseau Kerbéa, en date du 26 février 2020.

Il apparait que M. [X] fait état d'un dépouillement du potentiel humain de l'entreprise et des conséquences qui avaient du en résulter pour les franchisés. Il ne date cependant pas les faits qu'il relate et il n'est pas possible d'en apprécier la véracité et la portée sur les relations contractuelles.

La société Kerbéa justifie qu'au 31 décembre 2018 elle employaitsix salariés, dont un directeur technique d'expérience engagé en juin 2018 et qui a animé des formations dispensées aux franchisés dans le courant de l'année 2019.

Elle justifie également de près de 30 formations proposées aux franchisés au cours de l'année 2019 pour lesquelles la société Métamorphose a établi des factures à la société Kerbéa. Neuf de ces formations étaient commerciales.

Les échanges de courriels entre les franchisés MM. [L] et [Y], d'une part, et M. [S] [F], d'autre part, des 24 et 26 mai 2016 témoignent des inquiétudes des premiers à cette époque. Ils ne peuvent cependant pas être utilement retenus comme fondement d'une décision de résolution des contrats de franchises intervenue près de quatre années plus tard. Il en est de même des messages de cette époque faisant état des difficultés du réseau.

Dans un courriel du 12 janvier 2017, M. [Y] indiquait à M. [S] [F] qu'il avait rencontré de nombreux problèmes, manque d'accompagnement du franchiseur, transmission d'informations générales et abstraites totalement inadaptés aux territoires des différentes agences, simple copie des débours de la Bretagne pour les appliquer en Picardie ce qui avait entraîné des offres des prix inadaptées à cette dernière région les pondérations de matériaux et prix marchés étant spécifiques à chaque région.

M. [Y] a cependant renouvelé le contrat de franchise en 2014 et a cédé son entreprise en 2017. Par courriel du 17 février 2017 il manifestait sa satisfaction des services apportés par la société Kerbéa.

Son attestation du 12 avril 2022 s'en trouve peu pertinente.

La société Kerbéa justifie avoir proposé 27 formations entre août 2018 et septembre 2019. Entre 2014 et 2018 la société Kerbéa justifie avoir proposé 574 journées de formations sur 221 sessions.

La société Jaspy fait valoir que les franchisés auraient décidé en 2019 de faire appel à un prestataire extérieur, la société Acorthex, afin d'obtenir l'assistance technique dont ils avaient besoin alors que les outils de gestion et de communication internes ne seraient plus mis à jour.

La société Kerbéa justifie avoir passé un contrat cadre avec la société Acorthex le 7 février 2019 pour que la seconde puisse assister un franchisé accompagné par son franchiseur dans le cadre de création de formations, rédaction de rapports. La société Kerbéa a signé un autre contrat le 15 février 2019 permettant aux franchisés de poser des questions afin de maîtriser les risques induits par l'évolution de la réglementation et l'accompagnement technique. Les réponses apportées étaient facturées à la société Kerbéa.

A travers ces contrats, la société Kerbéa a assuré une assistance et une aide technique à ses franchisés, même si elle a en quelque sorte externalisé cette mission. Elle a ainsi assuré l'adaptation de ses réponses à l'évolution des normes et du marché, complétant les notes qu'elle envoyait à ses franchises. Elle justifie avoir satisfait à ses obligations sur ce point.

La société Jaspy fait valoir qu'en janvier 2020 la boite mail du franchisé aurait été coupée et les messages qui y avaient été envoyés perdus.

Il apparait que le 15 janvier 2020 la société Kerbéa a averti ses franchisés qu'il semblait y avoir un problème avec les adresses mail @KerbeaXX.fr. Elle leur a indiqué que le problème se situait chez le fournisseur et qu'elle avait lancé une demande d'assistance. Le 17 janvier 2020, la société Kerbéa a averti ses franchisés que le problème était réglé.

Il n'est pas justifié que le problème technique ait été imputable directement à la société Kerbéa. Cette dernière justifie être intervenue rapidement pour permettre la fin du dysfonctionnement. Aucun manquement ne peut utilement lui être imputé.

La société Jaspy fait valoir que son contrat aurait été transmis à un nouveau franchiseur par effet d'une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine, sans son accord. Elle en déduit que le contrat passé avec le franchiseur s'en serait trouvé rompu.

Il apparait qu'en principe, le contrat de franchise, conclu en considération de la personne du franchiseur, ne peut être transmis par fusion-absorption à une société tierce, qu'avec l'accord du franchisé.

Les parties peuvent cependant conventionnellement opter pour sa transmissibilité en cas d'opération de restructuration concernant celui-ci. Une telle clause de transmissibilité ne fait que recueillir par anticipation l'accord du franchisé à ce que le franchieur fasse l'objet d'une opération de restructuration du type fusion, apport partiel d'actif ou scission.

Le contrat de franchise prévoyait la liberté pour le franchiseur de modifier sa structure financière :

22 ' SUBSTITUTION DU FRANCHISEUR

Le Franchiseur conserve à tout moment sa liberté d'organiser comme il l'entend ses structures juridiques et financières. En cas de modification dans la structure juridique de la société Franchiseur, la nouvelle entitité se sustituera à l'ancienne pour tous les droits et obligations stipulés aux présentes. Les changements intervenus seront opposables de plein droit au Franchisé.

Il est à noter, au contraire, que les clauses contractuelles restreignaient la liberté du franchisé en matière de restructuration. Cette différence voulue par les parties entre l'intuitu personae attaché à la personnalité du franchiseur et celui attaché à la personnalité du franchisé caractérise, si besoin était, leur volonté de laisser une grande liberté de restructuration au premier mais pas au second.

Il en résulte que le fait que la société franchiseur ait été restructurée à travers une opération de fusion avec transmission universelle du patrimoine ne constitue pas un manquement aux obligations de sa part.

En tout état de cause, M. [X], ancien directeur de la société Kerbéa, mentionne dans son attestation du 26 février 2020 que cette cession serait intervenue au profit de personnes n'ayant aucun rapport ni compétence en matière de franchise ou de maisons individuelles. Il ajoute que les franchisés ont du en partir et ont du rencontrer des difficultés économiques.

Outre le fait que cette attestation ne date pas les faits qu'elle relate, elle n'est que prospective et montre, par les termes choisis, que son auteur n'a aucune certitude quant aux conséquences du changement capitalistique sur les franchisés.

Dans la lettre des franchisés du 3 décembre 2019, dont se prévaut la société Jaspy, les franchisés faisaient valoir que la transmission universelle était de nature à entraîner l'extinction des contrats de franchise. Ils ne sont donc pas prévalu de la fin des contrats du fait de l'opération financière mais d'une possibilité de rupture. Or, à défaut d'accord du franchisé, une telle opération non autorisée entraîne la fin du contrat à la date de l'opération en question.

Il apparait que postérieurement à l'opération financière litigieuse, la société Jaspy à poursuivi ses relations commerciales avec la société Kerbéa, même après avoir eu connaissance de cette opération.

Même la lettre de résiliation du 20 février 2020 mentionne une rupture avec effet au 30 mars 2020, ce qui montre que la société Jaspy s'estimait tenue par le contrat jusqu'à cette dernière date.

La société Jaspy a ainsi en tout état de cause tacitement accepté de poursuivre le contrat sans en demander la fin à la date de l'opération financière qu'elle dénonce.

La société Jaspy fait valoir qu'elle aurait perdu confiance dans la société Kerbéa cette dernière se trouvant en cessation des paiements.

La société Jaspy ne précise pas en quoi la société Kerbéa aurait été dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

La société Kerbéa indique dans ses conclusions d'appel qu'au 10 décembre 2019 elle restait créancière de près de 35.000 euros au titre des redevances de franchises dues mais impayées par les franchisés, dont la société Jaspy. Comme il a été vu supra, elle justifie avoir relancé la société Jaspy.

La société Jaspy ne peut utilement reprocher à la société Kerbéa des difficultés de trésorerie alors qu'elle même, dans le cadre d'une action concertée avec les autres franchisés, avait cessé de payer les factures de franchise depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, le fait que la société [F] Patrimoine ait rencontré des difficultés financières ne permet pas d'établir que cette situation ait mis en danger la société Kerbéa elle-même.

La société Jaspy fait valoir que les poursuites pénales engagées contre les dirigeants de la société Kerbéa France aurait porté atteinte à la réputation de la marque.

Il apparait que [U] [F] et son fils, M. [S] [F], ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour escroquerie et abus de confiance. M. [S] [F] a comparu le 12 décembre 2019 devant le tribunal correctionnel, [U] [F] étant absent pour raisons médicales.

Ces poursuites ont été relatées dans la presse et ont connu une publicité certaine.

L'affaire a été examinée par le tribunal correctionnel à son audience du 12 décembre 2019, puis renvoyée à plusieurs reprises. Les débats ont été rouvert en avril 2020 à la suite du décès de [U] [F], le délibéré étant prorogé au 20 mai 2020. A la suite de décès de [U] [F] en cours de délibéré, il a été renvoyé des fins de la poursuite.

Aucune condamnation n'est intervenue antérieurement à la rupture du contrat de franchise.

Ainsi, la condamnation de M. [S] [F] par la cour d'appel d'Orléans le 12 avril 2023 a fait l'objet d'un article dans le journal La République du Centre. Cet article précise que M. [S] [F] était poursuivi pour les agissements commis alors qu'il était gérant des sociétés Demeure terre et tradition et Habitat loisir construction qui appartenaient à la société holding [F] construction dirigée à l'époque par [U] [F]. L'article relate que M. [S] [F] a été relaxé du chef d'escroquerie et condamné à une amende de 18.000 euros pour abus de confiance ainsi qu'à indemniser les victimes.

Aucune référence à la marque Kerbéa n'est mentionnée dans cet article de presse, en tout état de cause postérieur à la date de rupture du contrat.

Dans certains articles du journal La Voix du Nord de fin 2018 et début 2019, il est fait référence aux manquements d'un franchisé à [Localité 8]. La société Kerbéa y est mise en cause comme étant un franchiseur qui ne viendrait pas en garantie des manquements de ses franchisés, ajoutant que cinq sociétés détenues par la famille aux manettes de Kerbéa avaient été mises en liquidation judiciaire et que par ailleurs, dans le cadre d'un dossier relatif à l'US [9], mais en lien avec leurs entreprises, [U] [F], son ancien président, et son fils, [S], avaient été condamnés pour abus de biens sociaux et faux en écriture et qu'ils avaient fait appel.

L'article du 12 février 2019 mettaient toutefois en avant le comportement préjudiciable d'un franchisé. La référence qu'il faisait à la situation personnelles de [U] et [S] [F], partiellement exacte, n'était pas associée direcement à un comportement répréhensible au titre de leur gestion de la société Kerbéa.

Il résulte notamment d'un courriel du 'Comité France Kerbéa A [S] [F]' en date du 1er juin 2016 que certains franchisés se sont plaints à l'époque de l'atteinte à la réputation de l'enseigne Kerbéa résultant de agissements reprochés aux consorts [F].

Les reproches de franchisés ainsi rapportés datent pour l'essentiel de 2016 ou début 2017.

Par courriel du 25 mars 2019, un client a indiqué qu'il renonçait à recourir aux services d'un franchisé Kerbéa pour ne pas prendre de risque d'ordre financier.

La société Jaspy produit des copies de messages facebook d'avis sur Kerbéa. Il n'est cependant pas établi que ces messages comportent des critiques directes du franchiseur lui même, même si les titres des critiques indiquent qu'il ne faut pas recommander Kerbéa France. Ce sont la réalisation des travaux et leur suivi qui font l'objet des critiques des auteurs des messages. Ces messages prennent le plus souvent soin de préciser qu'il visent une agence Kerbéa qu'ils désignent avec précision. A plusieurs reprises, la société Kerbéa France invite les rédacteurs des critiques à la contacter directement ou indique qu'elle va elle-même contacter l'agence incriminée afin de rechercher une solution.

Il apparait ainsi que la publicité négative faite à la marque Kerbéa n'était qu'indirecte et qu'elle était peu, voire pas, diffusée dans le public.

En outre, les franchisés ont réagi pour l'essentiel en 2016 mais sans en tirer de conséquences quant à la poursuite des contrats de franchise.

Le 9 mai 2017 la société Kerbéa a diffusé à ses franchisés une note sur les réseaux sociaux et sur l'attitude à adopter pour éviter les mécontentements des clients, y réponde le cas échéant et améliorer les avis émis par les clients sur les réseaux sociaux. Il apparait qu'elle n'a pas laissé les franchisés seuls face à ces difficultés de communication.

Courant 2019 et début 2020 les franchisés, dont la société Jaspy, ont proposé de racheter la société Kerbéa ou du moins de la marque Kerbéa. Ils font le reproche à M. [S] [F] d'avoir refusé de les leur vendre à des conditions selon eux raisonnables.

Il parait difficile dans ces conditions de retenir que la société et la marque en question aient été dévalorisées à leurs yeux au point de justifier une résolution du contrat de franchise.

Il apparait ainsi qu'aucune atteinte à la réputation de la marque Kerbéa pouvant fonder une rupture du contrat de franchise à la date à laquelle il est intervenu n'est caractérisée.

La société Jaspy fait valoir que la société Kerbéa n'aurait plus été en mesure de lui offrir de garanties et qu'elle aurait du obtenir des lignes d'encours par ses propres moyens.

La société Kerbéa fait valoir qu'en ce qui concerne spécifiquement la société Jaspy, elle ne s'était pas portée caution. La société Jaspy ne justifie pas qu'une telle garantie lui aurait été apportée par la société Kerbéa avant de cesser.

La société Jaspy fait valoir que la société Kerbéa facturerait une commission de 3,5% pour obtenir l'assurance nécessaire à son activité alors que sans l'intervention de la société Kerbéa elle pourrait obtenir un taux de 2,2%.

La société Kerbéa reconnait que les franchisés les plus expérimentés peuvent obtenir un taux de 2,2% mais que les nouveaux franchisés ne peuvent parfois pas obtenir mieux que 2,80%. Elle indique avoir fixé un taux de 3,5% pour tenir compte de ses propres frais, de caution, administratifs, juridiques.

La société Kerbéa était libre de négocier avec chaque franchisé des conditions de rémunération spécifiques. Il n'est pas justifié qu'elle ait abusé de cette possibilité ni demandé une commission excessive.

La société Jaspy fait valoir que la société Kerbéa aurait violé le principe de transparence dans l'utilisation des redevances de communication. Ainsi, la redevance de communication de publicité nationale aurait été supprimée ce qui aurait entraîné l'arrêt des actions menées dans ce cadre.

La société Kerbéa justifie avoir confié à la société Vitaweb la reprise de la gestion du site internet www.maisons-Kerbea.fr. Cette prestation lui a été facturée le 31 mai 2018.

Dans la lettre officielle du 20 février 2020, la société Jaspy a toutefois indiqué que la redevance était passée à 1% au lieu de 2%. Elle ne peut prétendre utilement que cette redevance avait été supprimée.

En outre, la société Jaspy a signé un avenant le 30 juin 2014 prévoyant un abaissement de la redevance en question.

Il aparait ainsi que la redevance de publicité nationale n'a pas été supprimée, mais diminuée, et que la société Jaspy en avait été informée. Il est justifié que la société Kerbea a poursuivi ses opérations de communication.

La société Kerbéa justifie avoir refondu son site internet entre mai 2018 et février 2019. Il s'agit d'un outil de communication et de notorité de la marque particulièrement important.

La société Kerbéa justifie également avoir passé, au profit de ses franchisés, des contrats cadre avec des fournisseurs pour référencer des matériaux. Même si ces contrats ne permettent pas une fourniture de tous les produits, les franchisés ont pu en bénéficier notamment dans des secteurs spécifiques des armatures béton, plancher poutrelles bétons plancher chauffant, isolation nouvelle génération. Il n'est pas justifié que ces contrats aient porté sur des produits non compétitifs ou inadaptés.

La société Jaspy fait valoir que ce serait le courtier Gritchen qui serait intervenu au lieu de celui qu'elle avait choisi, la société Ker Courtage.

La société Kerbea admet qu'elle ne disposait pas des mandats de gestion de la part des franchisés. Elle fait cependant valoir que ce seul grief ne saurait justifier à lui seul la résiliation du contrat de franchise.

La société Jaspy fait valoir que les franchisés seraient traités de façon inégale, certains ne payant pas le même taux de redevance de franchise et de communication.

Il apparait que le franchiseur n'est pas tenu de pratiquer les mêmes taux de franchises avec chacun de ses franchisés. Chaque franchisé est libre d'accepter ou non les conditions fixées par son contrat de franchise et la société Jaspy a signé un contrat prévoyant des taux de franchise qui ont été respectés par la société Kerbea.

La société Jaspy fait valoir que le gérant de la société Kerbea, M. [S] [F], aurait refusé de rencontrer les franchisés pour régler amiablement le litige qui les opposait.

Il apparait que les franchisés ont proposé à la société Kerbea de racheter la marque Maisons Kerbea. Des négociations ont eu lieu mais n'ont pas pu aboutir.

Il n'est pas établi que la société Kerbea ait abusé de son droit de ne pas céder la marque ni qu'il ai rompu de façon abusive les pourparlers engagés. Les discussions sur l'éventuelle vente de la société Kerbea n'ont pas abouti à un accord précis auquel M. [F] aurait brutalement renoncé. Les quelque échanges informels par SMS ne permettent pas d'établir l'existence d'un engagement précis de M. [F] à une cession.

La société Jaspy ne justifie pas avoir indiqué avec précision à la société Kerbea, avant décembre 2019, quels étaient les points de litige nécessitant un réglement amiable du litige.

Au vu de la rupture du contrat du 20 février 2020, il ne peut être retenu que c'est à la suite d'un litige ayant perduré malgré des demandes de réglement amiable que cette rupture est intervenue.

En tout état de cause, même s'il est préférable que des co-contractants essayent de s'entendre pour régler leurs désaccords éventuels, l'absence de recherche d'un accord n'est pas en soi fautive. La société Jaspy ne justifie pas non plus que la société Kerbea ait abusivement rompu des négociations tendant à la recherche d'un réglement amiable du litige.

Il est justifié que le nombre de maisons commercialisées par les franchisés du 1er janvier 2019 au 30 octobre 2019 a été en augmentation de près de 30% par rapport à la même période de l'année 2018.

Sans méconnaître le rôle des franchisés dans cette amélioration, il en ressort que la transmission du savoir par la société Kerbéa était encore efficace et pertinente à cette époque.

Il apparait ainsi que la société Jaspy ne justifie pas que les quelques manquements de la société Kerbea qui ont été retenus comme tels supra, même pris dans leur ensemble, justifiaient une rupture du contrat de franchise par la première.

Il en résulte également que la société Jaspy et M. [R] ne justifient pas des fautes qu'ils alléguent et leurs demandes de paiement de dommages-intérêts seront rejetées.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de franchise sans motif légitime :

Le contrat de franchise prévoit une indemnisation du franchiseur en cas de rupture du contrat par le franchisé :

16 - FIN OU RUPTURE DU CONTRAT' NON AFFILIATION

Le contrat prend fin en outre par survenance du terme défini à l'article 3.

Toutefois, en cas d'infraction grave et flagrante du Franchisé compromettant l'image de marque des 'Maisons KERBEA', du nom de domaine, le Franchiseur pourra suspendre immédiatement l'exécution du présent contrat et mettre fin immédiatement à l'exclusivité territoriale dont bénéficie le franchisé.

En plus des dommages et intéréts que le Franchiseur sera en droit de réclamer, le Franchisé restera tenu de payer les redevances que le Franchiseur aura été en droit de percevoir jusqu'à l'expiration du présent contrat ou de ses avenants.

A l'expiration du présent contrat, quelle qu'en soit la cause (rupture, non renouvellement, etc....) et pendant une durée de (1) un an, le Franchisé, s'interdit - directement ou indirectement - de s'affilier directement ou indirectement à un réseau de dimension régionale ou nationale de vente de construction de maisons assimilables, c'est à dire de même surface habitable et de même architecture, aux 'Maisons Kerbéa' ou à un réseau de distribution ayant une activité trés proche ou similaire, c'est-à-dire à un autre constructeur de maisons ou à un maître d'oeuvre du bâtiment, et ce dans un rayon de 80 kilomètres du ou des secteurs de commercialisation de la marque Kerbéa.

Au cas de non-respect de cette obligation, le Franchise devra verser, par mois calendaire d'infraction,tout mois commencé étant dû en entier, la redevance minimum prévue à l'article 7.

Cette clause a été modifiée par avenant du 30 juin 2014. Ces modifications, pour l'essentiel de détails, ont toutefois précisé que l'interdiction d'affiliation portait désormais sur les départements de l'Oise et de la Somme et les départements limitrophes.

Il apparait en effet que la rupture du contrat de franchise par la société Jaspy est concomitante de celle prononcée par d'autres franchisés. Les huit franchisés en cause, exploitant neuf sociétés, ont agi de concert pour formuler différents reproches à la société Kerbea. Ils ont ainsi co-signé une lettre du 3 décembre 2019 exposant la plupart des griefs invoqués devant la cour par la société Jaspy et analysés supra.

La résiliation anticipée du contrat de franchise par la société Jaspy de façon non justifiée a ainsi occasionné à la société Kerbea un préjudice d'autant plus important qu'il s'est inscrit dans une action aboutissant à la résiliation simultanée des contrats la liant à huit franchisés.

Cette résilitation intervient en outre alors que le contrat venait d'être renouvelé tacitement et que la société Jaspy n'avait pas fait connaître une éventuelle opposition au renouvellement tacite en début d'année 2019.

Comme il a été vu supra, la société Jaspy avait signé le 30 juin 2014 un avenant portant renouvellement du contrat jusqu'au 30 octobre 2019 et ensuite par tacite reconduction par périodes de cinq années. Elle a ainsi rompu ce contrat avec plus de quatre années avant la date prévue.

Il est justifié que la société Kerbea a poursuivi son activité sous une forme différente.

Elle a cédé la marque Maisons Kerbea le 20 mai 2020 à la société MI Ingenierie. Cette dernière a par la suite signé des contrats de concession commerciale.

Il n'en demeure pas moins que la rupture abusive par la société Jaspy a occasionné à la société Kerbea un préjudice constitué par la perte d'une chance de percevoir des redevances pendant la durée restant à courir du contrat et la nécessité de réorienter son activité et former un nouveau réseau.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et du montant des redevances annuelles que la société Jaspy avait payé au titre des années d'exercice de la franchise, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 50.000 euros ce préjudice.

Le départ simultané et brutal des franchisés de la société Kerbea a porté atteinte à sa réputation en tant que franchiseur auprès des entreprises susceptibles d'adhérer à ce réseau et auprès des clients et fournisseurs.

Cette atteinte à la réputation a occasionné à la société Kerbea un préjudice moral qu'il convient de fixer à la somme de 1.000 euros. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation globale à payer la somme de 65.000 euros.

Sur l'obligation de non concurrence et l'obligation de non affiliation :

La société Kerbéa demande la condamnation de la société Jaspy et de M. [R] à lui payer certaines sommes au titre de la violation de l'engagement de non-concurrence et de celle de non-affiliation post-contractuelle telles que prévues au contrat de franchise.

Il apparait que ces prétentions n'ont pas été présentées par la société Kerbéa dans ses premières conclusions. Elles sont donc irrecevables au vu des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

La société Kerbea fait valoir que la société Jaspy a consigné à son profit la somme de 10.000 euros.

La société Jaspy étant en liquidation judiciaire, il appartient aux organes de la procédure collective et non pas au juge du fond de statuer sur les attributions de sommes qui ont pu être consignées par la société bénéficiant d'une telle procédure. La demande de la société Kerbea de libérer les fonds séquestrés est irrecevable devant le juge saisi au fond.

Sur la modification des plans :

La société Kerbéa fait valoir que la société Jaspy aurait modifié les plans des maisons sans son autorisation, en violation des dispositions des articles 7 et 11 du contrat de franchise. Elle demande en conséquence la condamnation de la société Jaspy à lui payer la somme prévue à l'article 7 du contrat. Cette demande est motivée en page 67 de ses conclusions devant la cour.

Il résulte de l'article 11 du contrat de franchise que constitue une faute grave le fait pour le franchisé de modifier les plans des maisons Kerbéa et que chaque infraction met à la charge du franchisé le paiement d'une indemnité égale à deux fois la redevance telle que définie à l'article 7. Il résulte de l'article 7 que la redevance minimum est de 3.250 euros HT.

La société Kerbéa se prévaut de la modification de trois plans en proposant la création d'un débord terrasse au dessus de la porte d'entrée, une lucarne panoramique et un garage accolé combles aménagés. Elle ne présente de demande qu'au titre de deux manquements aux stipulations contractuelles sur ce point.

Ces modifications de plan étaient contractuellement interdites et constituaient, au sens de dispostions contractuelles, des fautes graves. Elles dépassaient les modifications mineures que le franchisé tolérait et qui étaient parfois rendues indispensables du fait des circonstances. Ces fautes ont été commises au cours de l'exécution du contrat de franchise.

Au vu de l'importance tout relative de ces modifications et de leurs conséquences, il y a lieu de réduire la clause pénale prévue au contrat à la somme de 200 euros TTC. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que chacune des parties supportera les dépens d'appel qu'elle a engagés.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Rejette la demande de la société Kerbea tendant au rejet des conclusions déposées le 26 juin 2023 par la société Jaspy et M. [R],

- Déclare irrecevables les demandes de la société Kerbéa France tendant la fixation de la la créance complémentaire de la société Kerbéa France au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, à la somme de 150.000 euros, solidairement avec son gérant M. [R], correspondant à l'indemnité due à la suite de son engagement de non concurrence tel que prévu à l'article 15 du contrat de franchise, et à la fixation de la créance complémentaire de la société Kerbea France au passif de la société Jaspy, prise en la personne de son liquidateur judiciaire à la somme de 39.000 euros résultant de la violation de son obligation de non-affiliation post-contractuelle telle que prévue à l'article 15 du contrat de franchise,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Ecarté des débats les pièces de la société Jaspy numérotées de Al à A45,

- Débouté la société Jaspy et M. [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbea la somme de 65.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné la société Jaspy à payer à la société Kerbea la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jaspy, représentée par la société [B] [E] [I], prise en la personne de M. [E], à la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de franchise,

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jaspy, représentée par la société [B] [E] [I], prise en la personne de M. [E], à la somme de 1.000 euros au à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- Fixe la créance de la société Kerbea France sur la société Jaspy, représentée par la société [B] [E] [I], prise en la personne de M. [E], à la somme de 200 euros TTC à titre d'indemnité contractuelle pour modification de plans de maisons,

- Déclare irrecevable la demande formée par la société Kerbea France tendant à la libération des fonds séquestrés par la société Jaspy à son profit,

- Rejette les autres demandes des parties,

- Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens d'appel par elle engagés.