CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 5 décembre 2023, n° 23/06127
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Speed Autos Services (Sté), Speedy France (SAS), KPMG (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme d'Ardailhon Miramon
Conseillers :
Mme Moreau, Mme Cochet
Avocats :
Me Depondt, Me Domain, Me Pinet, Me Moisan
Suivant acte du 31 août 2015, rédigé par M. [R] [K], avocat, la Sas Speedy France a cédé à la Sarl Speed Autos Services, dont le gérant est M. [E] [T], un fonds de commerce d'entretien et de réparation de véhicules automobiles et vente d'accessoires automobiles situé à [Localité 11] (Bouches-du-Rhône).
Cet acte faisait suite à une promesse de cession du 2 avril 2015, également rédigée par M. [K], signée entre la société Speedy France et M. [T], celui-ci s'étant par la suite fait substituer en qualité de cessionnaire par la société Speed Autos Services, ce que le cédant a accepté.
Concomitamment à la cession du fonds de commerce, la société Speedy France a signé avec la société Speed Autos Services un contrat de franchise, permettant au cessionnaire de poursuivre l'exploitation du fonds sous l'enseigne 'Speedy', en qualité de commerçant indépendant franchisé.
La société Speed Auto Services a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Salon de Provence du 27 septembre 2018.
Par acte du 28 août 2020, la Scp BR associés, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Speed Autos Services et M. [T] ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris M. [K] et les sociétés KPMG et Speedy France aux fins de voir engager leur responsabilité et condamner :
- M. [K] à payer à M. [T] la somme de 176 168 euros conjointement et solidairement avec la société KPMG, outre la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, au titre du manquement à ses obligations en qualité de rédacteur unique de l'acte de cession du 31 août 2015,
- la société Speedy France à payer à la société Speed Autos Services la somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice correspondant au montant de son passif et à M. [T] la somme de 176 168 euros en réparation de son préjudice personnel représentant le montant des fonds personnels investis lors de la constitution de la société Speed Autos Services, inscrits dans son compte courant d'associé pour un montant de 76 168 euros, outre la perte des salaires escomptés pour un montant de 100 000 euros, ce au titre du manquement à ses obligations d'information précontractuelle envers elle à l'occasion de la signature du contrat de franchise,
- la société KPMG, conjointement et solidairement avec M. [K], à payer la somme de 176 168 euros à M. [T] en sa qualité de gérant de la société Speed Autos Services en réparation du préjudice découlant du manquement de la société KPMG à ses obligations de conseil et de diligence en qualité d'expert comptable.
Par ordonnance du 20 mai 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré recevables les demandes de M. [T] à l'encontre de M. [K], retenant son intérêt à agir et de la société KPMG, estimant que son action n'était pas prescrite.
Par arrêt du 7 juin 2022, la cour d'appel de Paris a :
- infirmé l'ordonnance du 20 mai 2021 et déclaré irrecevables les demandes formées par M. [T] à l'encontre de M. [K] pour défaut d'intérêt à agir,
- confirmé le surplus de l'ordonnance.
Par ordonnance du 2 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré recevables les demandes formées le 5 avril 2022 par la Scp BR associés, en qualité de liquidateur de la société Speed Autos Services, à l'encontre de M. [K],
- débouté la Scp BR associés ès qualités de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- renvoyé l'affaire à la mise en état,
- réservé au fond les frais et les dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 29 mars 2023, M. [K] a interjeté appel de cette ordonnance.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 6 juillet 2023, M. [R] [K] demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes formées le 5 avril 2022 par la Scp BR associés ès qualités à son encontre,
statuant à nouveau sur ce point,
- déclarer la Scp BR associés ès qualités irrecevable en son action à son encontre,
- prononcer sa mise hors de cause,
- rejeter toutes prétentions adverses,
- débouter la Scp BR associés ès qualités de son appel incident,
- condamner in solidum M. [T] et la Scp BR associés ès qualités , à lui payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [T] et la Scp BR associés ès qualités aux entiers dépens dont distraction au profit de la Scp Ifl avocats.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 août 2023, la Scp BR associés prise en la personne de M. [B] [I] ou Mme [M] [Z] et agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Speed Auto Services, ainsi que M. [E] [T], demandent à la cour de :
- déclarer M. [K] mal fondé en son appel,
- l'en débouter,
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes formées le 5 avril 2022 par la Scp BR associés ès qualités à l'encontre de M. [K],
- déclarer la Scp BR associés ès qualités recevable et bien fondée en son appel incident,
y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a jugé que l'assignation du 28 août 2020 n'a pas interrompu le délai de prescription à l'encontre de M. [K] et débouté la Scp BR associés ès qualités de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
statuant à nouveau,
- juger qu'en tout état de cause, l'assignation du 28 août 2020 a interrompu le délai de prescription à l'encontre de M. [K],
- condamner M. [K] à payer la somme de 10 000 euros à la société BR associés ès qualités pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
en tout état de cause,
- condamner M. [K] à verser la somme de 6 000 euros à la Scp BR associés ès qualités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] aux dépens.
La Sa KPMG a constitué avocat les 25 et 28 avril 2023 mais n'a pas conclu.
La Sas Speedy France a constitué avocat le 11 avril 2023 mais n'a pas conclu.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 septembre 2023.
SUR CE,
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Le juge de la mise en état a considéré que :
- aux termes de l'assignation délivrée le 28 août 2020 par M. [T] et la Scp BR associés ès qualités, il a été sollicité la condamnation de M. [K] à payer une somme de 176 168 euros à M. [T],
- par conclusions du 5 avril 2022, il a été sollicité la condamnation de M. [K] à payer une somme de 219 579 euros à la Scp BR associés ès qualités,
- l'assignation n'a pas interrompu la prescription de l'action de la Scp BR associés ès qualités à l'égard de M. [K] et les demandes formées le 5 avril 2022 par la Scp BR associés ès qualités sont des demandes nouvelles à son encontre,
- cependant, le point de départ de la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil n'a couru qu'à compter de la manifestation du dommage, soit à la date du premier exercice comptable en octobre 2017 qui a permis à la société Speed Autos Services de découvrir l'ampleur de ses difficultés financières,
- le délai de prescription expirant en octobre 2022, les demandes nouvelles de la Scp BR associés ès qualités formées par conclusions notifiées le 5 avril 2022 ne sont pas prescrites et sont donc recevables.
M. [K] demande sa mise hors de cause aux motifs que l'action formée le 5 avril 2022 à son encontre est prescrite, en ce que :
- l'assignation délivrée le 28 août 2020 n'a pas interrompu le délai de prescription de l'action de la Scp BR associés ès qualités à son encontre puisqu'elle ne formait aucune demande de condamnation contre lui et les demandes formées le 5 avril 2022 sont nouvelles comme l'a retenu le juge de la mise en état et non additionnelles comme le prétend la société BR associés ès qualités,
- l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet,
- les demandes du liquidateur judiciaire formulées le 5 avril 2022 n'ont pas le même objet à défaut d'identité de parties, que les demandes formées par M. [T] contre M. [K] ou celles formées par la Scp BR associés ès qualités contre la société Speedy France,
- en revanche, le point de départ de la prescription retenu est erroné,
- le dommage est indiscutablement une perte de chance pour la société Speed Autos Services de ne pas acquérir le fonds de commerce,
- ce dommage a été subi au jour de la cession du fonds de commerce mais en vertu de l'article 2224 du code civil, le point de départ du délai de prescription peut être retardé au jour de la connaissance du dommage s'il a pu légitimement être ignoré,
- ce point de départ peut être fixé au 25 février 2016, date à laquelle la société d'expertise comptable a informé la société Speed Autos Services d'un défaut de rentabilité du fonds de commerce et de différences de chiffres d'affaires, et même retardé au 31 décembre 2016, date de fin de son premier exercice comptable qui a duré 14 mois, étant précisé qu'elle était assistée par une société d'expertise comptable qui lui fournissait des indicateurs de gestion réguliers mais il ne peut être fixé au mois d'octobre 2017 au risque de laisser la société Speed Auto Services le retarder abusivement, car elle n'a pas respecté ses obligations légales et réglementaires en ayant établi hors délai ses comptes annuels malgré relances de la société KPMG,
- le point de départ de la prescription, ayant commencé à courir au plus tard le 31 décembre 2016, a expiré le 31 décembre 2021 et les demandes formées par la Scp BR associés ès qualités le 5 avril 2022 sont prescrites,
- l'arrêt du 7 juin 2022 dans la même instance n'est pas transposable car les deux actions en responsabilité ne sont pas fondées sur les mêmes fautes, la société KPMG se voyant reprocher des prévisionnels erronés, alors qu'il se voit reprocher le fait de ne pas avoir fait viser les livres de la société à l'acquéreur du fonds, faute qui ne nécessite pas d'attendre l'établissement du bilan comptable pour être identifiée.
La SCP BR associés ès qualités et M. [T] répliquent que :
- l'assignation du 28 août 2020 créant un lien d'instance entre la Scp BR associés ès qualités et M. [K], a interrompu la prescription à l'égard de M. [K], en ce que les mêmes faits reprochés ont été invoqués par le liquidateur judiciaire et le gérant, les demandes du 5 avril 2022 étant additionnelles à celles formulées contre la société KPMG et se rattachant à la demande initiale par un lien suffisant,
- le préjudice dont il est demandé réparation, soit le passif de la société Speed Autos Services, est identique, l'objet de la demande, à savoir obtenir l'indemnisation du préjudice de la société Speed Autos Services suite à la conclusion de l'acte de cession de fonds de commerce et du contrat de franchise, qui forment un ensemble contractuel, est identique et l'identité des parties n'est pas un critère pour caractériser une demande additionnelle, la condamnation solidaire revenant à reconnaître que plusieurs parties ont pu concourir à la réalisation du même dommage, ce qui est le cas en l'espèce,
- l'article 2224 du code civil ne fait pas courir le délai de prescription dès la commission des faits litigieux mais à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime,
- il est reproché à M. [K] de ne pas avoir rempli l'ensemble des obligations lui incombant
en sa qualité de rédacteur unique de l'acte de cession et, notamment, de ne pas avoir joint à l'acte les derniers bilans de la société cédante, comme l'exigeait lors des faits l'article 141-2 du code de commerce,
- le dommage de la société Speed Autos Services lié à cette faute est la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à de meilleures conditions, lequel n'a été révélé qu'au moment où elle s'est rendue compte avec certitude qu'elle n'aurait pas dû régulariser l'acte litigieux, soit seulement après avoir reçu son premier bilan comptable, en octobre 2017, date à laquelle sa déclaration d'impôt a été effectuée et déposée par la société d'expertise comptable,
- ce raisonnement a déjà été retenu par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 juin 2022 à l'encontre de la société d'expertise comptable KPMG bien que les faits générateurs des prescriptions soient différents,
- le mail succinct envoyé par la société d'expertise comptable le 25 février 2016 à la société Speed Autos Services ne peut avoir fait commencer à courir la prescription alors qu'il ne contenait que des informations factuelles, sans aucune piste d'analyse ni aucun commentaire sur la gravité de la situation qui auraient permis au gérant néophyte d'apprécier l'ampleur des difficultés rencontrées par sa société,
- l'établissement d'un voire deux bilans comptables est nécessaire pour permettre à un chef d'entreprise d'apprécier la rentabilité de son activité,
- le point de départ de la prescription ne peut non plus être fixé au 31 décembre 2016 alors que le gérant était seul et sans bilan comptable lui permettant de procéder à une évaluation rigoureuse de sa situation financière.
Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Aux termes de l'assignation délivrée le 28 août 2020, la Scp BR associés ès qualités ne réclamait que la condamnation de la société Speedy France à lui payer une somme de 200 000 euros en réparation de son préjudice constitué de son passif, lui reprochant un manquement à son obligation précontractuelle en sa qualité de franchiseur.
Elle ne réclamait aucune indemnité à M. [K] auquel il était reproché, d'une part, un manquement à son obligation de diligence quant à la validité et l'efficacité de l'acte de cession du fonds de commerce dont il était le rédacteur unique pour avoir inséré dans l'acte une clause aux termes de laquelle le cessionnaire renonçait à apposer son visa sur les livres comptables, nonobstant les dispositions de l'article L. 142-2 du code de commerce dans sa version applicable en 2015 et, d'autre part, un manquement à son obligation d'information sur la possibilité pour le cessionnaire de solliciter la nullité de l'acte dans un délai d'un an.
Ce n'est que par conclusions notifiées le 5 février 2022 que la Scp BR associés ès qualités a sollicité la condamnation solidaire de M. [K] et de la société Speedy France à lui verser la somme de 219 579 euros en réparation de son préjudice correspondant au montant de son passif.
L'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une demande à une autre sauf lorsque les deux demandes, bien qu'ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
Cette exception ne joue que si les demandes visent à faire condamner la même partie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Même si l'assignation du 28 août 2020 a créé un lien d'instance entre la Scp BR associés ès qualités et M. [K], elle ne comporte aucune demande de condamnation à des dommages et intérêts de la Scp BR associés ès qualités contre M. [K] mais seulement à l'encontre de la société Speedy France et n'a pas interrompu la prescription à ce titre à l'égard de M. [K], le fait que les demandes du 5 avril 2022 puissent être considérées comme additionnelles à celles formulées contre la société KPMG et se rattachant à la demande initiale par un lien suffisant étant indifférent.
Dès lors, seule la demande de dommages et intérêts formée contre M. [K] en raison de ses fautes professionnelles par conclusions notifiées le 5 février 2022 a un effet interruptif de prescription.
La responsabilité de l'avocat en sa qualité de rédacteur d'acte relève de l'article 2224 du code civil selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En application de cet article, l'action en responsabilité de l'avocat rédacteur d'acte court à compter du jour où le dommage, et non la faute, s'est manifesté ou révélé à la victime.
La Scp BR associés ès qualités invoque une perte de chance de ne pas acquérir le fonds de commerce ou de contracter à de meilleures conditions avec la société Speedy France en lien de causalité avec le manquement de l'avocat à son obligation de communication des documents comptables.
Alors que son gérant n'avait aucune expérience, elle ne pouvait en février 2016 se rendre compte de son dommage après seulement 5 mois d'activité et au vu d'un courriel d'une page portant simulation de situation à cette échéance ni même à la fin du premier exercice clos le 31 décembre 2016, a-t-il duré 14 mois, seul l'établissement d'un bilan complet le 9 octobre 2017 lui ayant permis d'avoir une appréhension précise, complète et pertinente de sa situation financière avec analyse de son expert-comptable afin d'apprécier la rentabilité du fonds de commerce, le fait que ce bilan et les déclarations fiscales de la société aient été établis postérieurement à la date limite du 18 mai 2017, malgré deux relances de la société KPMG étant sans incidence sur la détermination du point de départ du délai de prescription.
En conséquence, le point de départ du délai de prescription étant fixé au 9 octobre 2017, les demandes formées par conclusions notifiées le 5 février 2022 ne sont pas prescrites, en confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Le juge de la mise en état a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive du liquidateur de la société Speed Autos Services au motif qu'il n'a pas démontré un abus de droit de la part de M. [K] ni une mauvaise foi ou une intention malicieuse ou vexatoire dans le cadre de l'incident de procédure formé.
Le liquidateur judiciaire et le gérant de la société Speed Autos Services sollicitent la condamnation de M. [K] à des dommages et intérêts pour procédure abusive car, après trois ans écoulés depuis leur assignation et deux incidents, il savait que ce nouvel incident n'avait aucune chance de prospérer sans produire d'argument nouveau.
A l'audience, la cour a demandé aux parties de formuler, au moyen d'une note en délibéré, leurs observations sur le pouvoir du juge de la mise en état et de la cour statuant en appel d'une décision du juge de la mise en état, de statuer sur une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive au vu de la liste limitative de ses attributions prévues par le code de procédure civile.
Par note en délibéré adressée le 10 octobre 2023, M. [K] fait valoir que l'effet dévolutif de l'appel confère à la cour d'appe1 des pouvoirs de même nature que ceux du juge de la mise en état et que la demande en paiement de dommages et intérêts pour appel abusif est une demande au fond qui ne relève pas de la compétence du juge de la mise en état et donc de la cour.
Par note en délibéré du 16 octobre 2023, la Scp BR associés ès qualités et M. [T] répondent que :
- la question de l'abus du droit d'agir en justice ne saurait constituer dans le cadre d'un incident de procédure une demande au fond puisqu'elle ne porte que sur la procédure et n'a aucune implication sur le fond du litige,
- dès lors, le juge de la mise en état qui statue sur une demande fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile ne se prononce pas sur le fond du litige et n'outrepasse pas son domaine de compétence,
- dans un arrêt du 26 octobre 2006 (n°05-14489), la Cour de cassation a estimé que 'la condamnation à payer des dommages-intérêts, pour procédure abusive, qui n'était pas afférente au fond du litige, n'a pas tranché une partie du principal' ce dont il se déduit que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne relève pas du fond du droit.
Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Les attributions du juge de la mise en état sont limitativement énumérées par les articles 763 à 772 du code de procédure civile, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige.
Si l'article 772 lui permet expressément de statuer sur les dépens et sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile, aucune des autres dispositions citées ne lui confère le pouvoir d'allouer à une partie des dommages et intérêts réparant le préjudice causé par une action en justice jugée dilatoire ou abusive.
En conséquence, l'ordonnance est infirmée de ce chef, ni le juge de la mise en état ni la cour statuant en appel n'ayant le pouvoir d'accorder des dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d'appel doivent incomber à M. [K], partie perdante, lequel est également condamné à payer à la société BR associés ès qualités une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance sauf en ce qu'elle a débouté la Scp BR associés agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Speed Autos Services de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Dit que le juge de la mise en état et la cour statuant en appel d'une décision du juge de la mise en état n'ont pas le pouvoir d'accorder des dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M [R] [K] aux dépens,
Condamne M [R] [K] à payer à la Scp BR associés agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Speed Autos Services une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.