Décisions
CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 5 décembre 2023, n° 21/02276
METZ
Arrêt
Autre
Arrêt n° 23/00519
05 Décembre 2023
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N° RG 21/02276 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FSTQ
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
26 Août 2021
F 21/00249
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Cinq décembre deux mille vingt trois
APPELANTE :
S.A.R.L. PECUBE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier FIRTION, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Mme [A] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000466 du 25/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Jocelyne WILD, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Mme [A] [M] a été embauchée par la SARL Pecube, qui exploite une boulangerie à [Localité 4], à compter du 20 novembre 2017, en qualité de vendeuse, en exécution d'un contrat à durée indéterminée, à temps complet.
En date du 12 juillet 2019, Mme [M] s'est vu notifier un avertissement s'agissant d'une absence non justifiée d'une journée dans le cadre d'un arrêt maladie ne couvrant pas ladite journée.
Par courrier du 23 août 2019, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 août 2019.
Par lettre recommandée datée du 20 septembre 2019, Mme [M] a été licenciée pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [M] a saisi, le 14 janvier 2020, la juridiction prud'homale.
Par jugement contradictoire du 26 août 2021, la formation partiaire de la section industrie du conseil de prud'hommes de Metz a statué comme suit :
« . Juge que le licenciement de Mme [A] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
. Condamne la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] la somme de 5370 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
. Condamne la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] les sommes suivantes :
3067,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
306,76 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
703 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;
. Condamne la SARL PECUBE sous astreinte de 50 euros par jour de retard, commençant à courir à compter du 30ème jour après la notification de la présente décision, à délivrer à Mme [A] [M] une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent jugement ;
. Ordonne l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
. Déboute la SARL PECUBE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
. Condamne la SARL PECUBE aux entiers frais et dépens. »
Par déclaration transmise par voie électronique le 16 septembre 2021, la SARL Pecube a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, la SARL Pecube demande à la cour de statuer comme suit :
« Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Jugé le licenciement de Madame [A] [M] est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
Condamné la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] la somme de 5 370 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
Condamné la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] les sommes suivantes :
3 067,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
306,76 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
703 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;
Condamné la SARL PECUBE sous astreinte de 50 euros par jour de retard, commençant à courir à compter du 30ème jour après la notification de la présente décision, à délivrer à Mme [A] [M] une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent jugement ;
Ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
Débouté la SARL PECUBE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
Condamné la SARL PECUBE aux entiers frais et dépens ;
Statuant à nouveau :
. Déclarer Mme [A] [M] mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
. L'en débouter ;
. Déclarer le licenciement pour faute grave de Mme [A] [M] justifié ;
Si par impossible, à titre infiniment subsidiaire,
. Limiter les demandes de Mme [A] [M] aux sommes suivantes :
1 528,83 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 152,88 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
764,41 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
. Condamner Mme [A] [M] à payer à la Société PECUBE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Condamner Mme [A] [M] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel. »
A l'appui de son appel, la société Pecube soutient que Mme [M] a été licenciée pour des actes répétés d'insubordination, d'indiscipline et de fautes professionnelles qu'elle ne conteste pas.
S'agissant des faits du 23 juillet 2019, la société Pecube souligne :
-qu'elle pouvait engager une procédure disciplinaire jusqu'au 23 septembre 2019,
-que le fait de jeter de la marchandise en fin de journée ne constituait pas une pratique habituelle et que les moyens accordés aux salariés pour réaliser la fermeture correspondaient au double de ce que préconise le franchiseur de sorte que rien ne justifiait de jeter des viennoiseries parfaitement consommables avant la fermeture au public,
-que l'obligation d'enregistrer les invendus figure dans la fiche de poste de vendeuse et la fiche comportement de vente des boulangeries Ange,
-que Mme [M] ne pouvait l'ignorer d'autant plus que ce point est abordé lors de la formation des salariés.
Concernant les faits du 21 août 2019, la société Pecube affirme :
-que le fait de manipuler les produits à main-nue ne constitue pas une pratique habituelle,
-que l'obligation de respecter le port et la propreté des tenues de travail réglementaires, ainsi que d'assurer le service du pain et viennoiseries avec des pinces relèvent de manière constante de la fiche fonction « vendeuse » et de la fiche « comportement de vente » des boulangeries Ange, dont l'ensemble des salariés a connaissance,
-que ces points ont également été abordés lors de la formation suivie par Mme [M].
S'agissant des faits du 23 août 2019, la société Pecube soutient :
-que les propos irrespectueux tenus par Mme [M] envers sa supérieure hiérarchique devant la clientèle ne peuvent être cautionnés,
-que le rappel à l'ordre fait à Mme [M] ne constitue pas une sanction disciplinaire et que dès lors ce comportement n'a pas été sanctionné deux fois.
Au sujet des faits du 26 août 2019, l'appelante estime que la salariée a fait preuve d'un manque évident de sérieux en brûlant deux pizzas et en réagissant de façon légère.
La SARL Pecube rappelle que la lettre de licenciement fait état de quatre fautes professionnelles commises par la salariée entre le 23 juillet et le 26 août 2019, que celles-ci faisaient suite à un avertissement en date du 12 juillet 2019, et que pour chacun de ces faits, la salariée a été rappelée à l'ordre par ses supérieurs sans que son comportement ne change. Elle souligne que rien ne l'obligeait à mettre à pied Mme [M] à titre conservatoire et affirme avoir pris le temps de la réflexion suite à l'entretien préalable du 30 août 2019 avant de décider de licencier Mme [M] le 20 septembre 2019.
Enfin, elle précise que le nombre de ses salariés n'a jamais dépassé les 20 personnes sur une période de six mois de sorte qu'elle n'avait pas l'obligation d'établir un règlement intérieur. Elle estime qu'en tout état de cause, l'absence de règlement intérieur ne saurait empêcher un employeur de prononcer un licenciement disciplinaire.
Par ses dernières conclusions datées du 20 janvier 2022 et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, Mme [M] demande à la cour de statuer comme suit :
« - Débouter la SARL PECUBE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
- Confirmer intégralement le jugement attaqué.
- Allouer à Mme [A] [M] l'aide juridictionnelle provisoire ;
- Laisser les entiers frais et dépens à la charge de l'appelante. »
Mme [M] réplique que les faits qui lui sont reprochés datent du 23 juillet 2019 et que son entretien préalable était fixé au 23 août 2019, ce qui signifie que ces faits n'étaient pas considérés comme fautifs par l'employeur.
Sur les faits du 23 juillet 2019, Mme [M] fait valoir :
que la pratique de jeter le surplus de viennoiseries à 18h30 a toujours existé afin de permettre de fermer en temps et en heure.
qu'aucune procédure de fermeture du magasin n'est produite par l'employeur.
qu'il n'existait que des règles orales qui variaient en fonction du chef de rayon présent de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté une procédure qui n'était ni écrite ni clairement établie.
qu'elle n'a jamais eu connaissance des fiches fonction vendeuse et comportement et que ces documents sont datés du 31 janvier 2020 et sont postérieurs à la date de son licenciement.
qu'elle n'a jamais suivi de formation spécifique.
S'agissant des faits du 21 août 2019, Mme [M] précise :
que plusieurs vendeuses manipulaient les produits à main nue, sans gant ni pince.
qu'aucune procédure écrite n'est versée aux débats pour rappeler les conditions strictes que doivent observer les salariés dans l'exercice de leur activité professionnelle.
Concernant les faits du 23 août 2019, Mme [M] estime qu'un rappel verbal lui notifiant que son comportement était interdit et qu'elle s'exposait à des sanctions pour avoir outrepassé cet interdit représente bien une sanction disciplinaire, de sorte qu'elle ne peut pas être sanctionnée une seconde fois.
Mme [M] soutient qu'elle faisait l'objet d'une pression psychologique des responsables pour des pratiques courantes adoptées par tous les salariés.
S'agissant des faits du 26 août 2019 (laisse brûler deux pizzas), Mme [M] souligne que c'est un oubli qui « arrive à tout le monde ».
L'intimée fait valoir qu'elle n'a pas été mise à pied à titre conservatoire et ajoute que l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable le 30 août 2019 et a attendu jusqu'au 20 septembre 2019 pour lui notifier son licenciement.
Enfin, Mme [M] souligne que l'entreprise ne disposait pas de règlement intérieur bien qu'au 31 décembre 2019 le nombre total de salariés était de 21. Elle considère, sur le fondement de l'article L1321-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019, qu'une sanction disciplinaire ne pouvait lui être imposée sans règlement intérieur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
MOTIVATION
SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur, qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués.
Par ailleurs, aux termes des articles L 1332-4 et L 1332-5 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, et aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.
En l'espèce, la SARL Pecube a notifié à Mme [M] son licenciement pour faute grave par lettre en date du 20 septembre 2019, rédigée dans les termes suivants :
« (') Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Le 23 juillet 2019 à 18h30, vous avez jeté deux grilles de viennoiseries à la poubelle alors que ces produits étaient conformes à nos fiches recette et étaient destinées à la mise en vente. Lorsque Monsieur [N], Responsable en immersion professionnelle vous a interpellé sur ce point, vous avez exigé de voir la vidéo pour qu'il apporte la preuve de ce vos agissements, ce qu'il a refusé. Mr [X] vous a précisé que ce refus était normal. En votre présence, Mme [I], vendeuse et responsable de fermeture, a confirmé à Monsieur [N], ce qui s'était passé. A l'exposé des faits, vous avez souhaité rectifier l'heure à laquelle les faits s'étaient déroulés nous expliquant que vous aviez jeté la viennoiserie à 17h30. Pour vous justifier vous évoquez une pratique habituelle mise en place par les responsables. Monsieur [U] vous a répondu que cette règle n'existait pas et a relevé l'incohérence de vos propos concernant l'existence de cette règle. Pourquoi les responsables l'auraient alerté sur ces faits si cette règle avaient été mise en place par eux '
Monsieur [U] vous a rappelé qu'il était interdit de jeter de la marchandise avant la fermeture quelques soit l'heure, que cette dérive était inacceptable. Monsieur [U] a également tenu à vous préciser que la vidéo surveillance avait pour but d'assurer la sécurité des personnes et des locaux.
Le 21 août 2019, alors que vous étiez en train de remettre en ordre les échelles viennoiseries en prenant les produits avec les mains sans gant, ni pince, Mme [P], Responsable adjointe, vous a rappelé à l'ordre en vous demandant de manipuler les produits avec des pinces ou des gants. Vous lui avez répondu « Je vais essayer d'y penser ». Lors de votre formation initiale, l'ensemble des règles d'hygiène vous a été enseigné.
Le fait de ne pas manipuler les produits avec les mains est un point fondamental de cette formation afin de garantir à notre clientèle une qualité sanitaire optimale des produits.
Le 23 août 2019, vous étiez en train de remettre en ordre le rayon Sandwichs en utilisant une lavette pour nettoyer la vitrine sans avoir vider cette vitrine. Mme [P] vous a demandé de cesser en vous rappelant que vous deviez vider entièrement la vitrine avant nettoyage, la nettoyer, puis la recharger. Vous vous êtes emportée en présence de clients et de collègues en lui criant qu'elle était « une cheffe de pacotille » Mme [P] vous a demandé de vous calmer car il y avait des clients et vous lui avez répondu « je n'en ai rien à faire des clients » toujours à voix haute. Mme [P] a préféré alors s'éclipser afin de calmer la situation en prévenant par téléphone Mr [U] de ce qui venait de se passer. A l'exposé des faits, vous avez expliqué que vous aviez toujours fait comme ça et qu'il y avait d'autres pratiques comme la mise sur grilles et feuilles qui se faisaient alors que c'était interdit. Monsieur [U] vous a expliqué qu'il n'était pas « fan » de cette pratique « grille + feuille » mais qu'elle n'était en aucun cas interdite puisque les moniteurs Ange le préconisaient afin de vous faciliter le rangement en fermeture. Monsieur [U] vous a également expliqué qu'il était ingérable pour Mme [P] de vous faire faire des tâches puisque vous n'en faisiez qu'à votre tête en dépit des règles fixées par notre enseigne et des règles d'hygiène. Nous vous avons également rappelé l'importance de respecter nos clients dans nos gestes et nos paroles car sans eux notre entreprise ne pourrait pas exister.
Le 26 août 2019, vous avez mis deux pizzas à réchauffer dans le four à pizza sans prévenir la préparatrice. Les deux pizzas ont brûlé. Après avoir constaté les faits vous avez demandé à la préparatrice de refaire les deux pizzas en rigolant. Votre manque de vigilance et de sérieux a entraîné un travail supplémentaire pour vos collègues, une perte de marchandise et une attente plus longue pour les clients.
A la suite de l'exposé de ces faits, Monsieur [U], le gérant, vous a demandé qu'elle serait la prochaine étape et ce que vous cherchiez à faire ' Vous ne lui avez apporté aucune réponse.
D'une part, les faits reprochés sont graves et mettent en péril le bon fonctionnement de l'entreprise. Le non respect des règles HACCP ne nous permettent plus de garantir à notre clientèle une qualité sanitaire optimale des produits vendus dès lors que vous persister à ne pas appliquer ces règles.
D'autre part, les divers faits ci-dessus rappelés caractérisent une indiscipline et une insubordination de votre part, insubordination répétée et réitérée malgré les nombreuses observations verbales qui vous ont été faites ; à cet titre, nous vous rappelons que votre contrat de travail prévoit que vous exercerez vos attributions « sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par ses supérieurs hiérarchiques » ;
Enfin, dans la fiche de fonction qui vous a été présentée lors de votre formation, il est précisé que « la vendeuse doit participer à la bonne ambiance ', qu'elle doit privilégier le clients aux autres tâches '., assurer le service du pain et des viennoiseries avec des pinces », missions que vous refusez de réaliser.
Depuis notre entretien du 30 août 2019, nous n'avons pas constaté d'améliorations notables. Vous continuez à manipuler les produits avec les mains et, lorsque la remarque vous est faite, vous persistez à répondre « je vais essayer de m'en rappeler ». (') ».
Il ressort en substance de cette lettre que l'employeur reproche à Mme [M] des actes répétés d'insubordination, d'indiscipline et de fautes professionnelles ayant eu lieu le 23 juillet et les 21, 23 et 26 août 2019 ainsi que l'absence d'amélioration de son comportement postérieurement à l'entretien préalable qui s'est tenu le 30 août 2019.
S'agissant du comportement de Mme [M] postérieurement à l'entretien préalable fixé au 30 août 2019, il ne peut être pris en compte pour caractériser la faute grave justifiant le licenciement, l'employeur étant tenu s'il veut reprocher ces griefs à la salariée d'organiser un nouvel entretien préalable.
Les autres griefs reprochés à Mme [M] mentionnés dans la lettre de licenciement concernent des faits commis entre le 23 juillet et le 26 août 2019, et ne sont donc pas prescrits puisque se trouvant dans le délai de deux mois précédant l'engagement par l'employeur de la procédure disciplinaire, la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ayant été notifiée le 23 août 2019.
Par ailleurs, s'agissant particulièrement de la faute grave, l'engagement des poursuites disciplinaires doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
En convoquant Mme [M] le jour même des faits du 23 août 2019 qui avaient été précédés d'autres faits deux jours auparavant et un mois plus tôt, l'employeur a engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint.
Ces comportements ne peuvent être considérés comme ayant été déjà sanctionnés, le rappel verbal de la réglementation et une réprimande orale ne constituant pas des sanctions au sens de l'article L 1331-1 du code du travail.
S'agissant de l'élaboration d'un règlement intérieur, si l'article L 1311-2 du code du travail, dans sa version applicable antérieurement au 1er janvier 2020, prévoyait qu'il était obligatoire pour les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés, il résulte de l'examen du document intitulé suivi des effectifs mensuels de la SARL Pecube que celle-ci n'a employé entre janvier et septembre 2019 au moins 20 salariés qu'au cours du mois de juillet 2019, de sorte qu'elle n'était pas soumise à cette obligation d'établir un règlement intérieur, n'ayant pas habituellement au moins 20 salariés.
Concernant les faits qui se sont déroulés le 23 juillet 2019, la société Pecube produit des attestations émanant de divers salariés de l'entreprise et rédigées comme suit :
M. [J] [N] : « Le 23 juillet 2019, Mme [M] a jeté de la viennoiserie qui était destinée à la vente sans qu'aucun responsable ne lui en donne l'ordre. Quand je lui ai fait la remarque, Mme [M] a voulu voir la vidéo mais j'ai refusé. Mme [O] [I], la responsable de fermeture ce soir-là m'a confirmé devant Mme [M] ce qui s'était passé. Comme j'étais en découverte métier, j'ai appelé Mr [U], le gérant, si les salariés pouvaient jeter les produits de leur propre initiative. Il m'a dit que la marchandise était gardée jusqu'à la fermeture sauf si le produit n'était pas conforme et pas vendable et qu'il n'y avait que les responsables qui pouvaient prendre cette décision et donner l'ordre de jeter car il fallait tout noter sur la feuille des invendus pour valoriser ces pertes tous les jours. Mme [I] m'a dit que le fait que les salariés jettent des produits comme Mme [M] l'avait fait n'était pas normal et pas habituel (') » (pièce n°3 de l'appelante).
Mme [O] [I] : « Le 23 juillet 2019, vers 18h30, madame [A] [M] à jeter de la viennoiserie, produits conformes et destinés à la vente, par sa propre initiative, tout en ayant connaissance, que le magasin ferme à 19h30, et des procédures de fermeture du magasin » (pièce n°4 de l'appelante).
Mme [Y] [C] : « A la date du 23 juillet 2019 dans les environs de 18h30 [A] à jeter de la viennoiserie d'elle-même dans la poubelle. Les produits étaient conformes à la fiche recette « Ange » et étaient destinés à la ventes » (pièce n°5 de l'appelante).
Mme [V] [P] : « (') Il n'existe aucune règles venant des responsables autorisant à jeter de la viennoiserie ou tout autres produits destinée à la vente à la poubelle. (') » (pièce n°6 de l'appelante).
Il ressort des attestations rédigées par les quatre salariés susmentionnés que le fait de jeter des produits en état d'être consommés et avant la fermeture de la boulangerie ne constituait pas une pratique habituelle, ce qui est conforté par la fiche fonction « vendeuse » datée du 3 août 2015 montrant que l'enregistrement des invendus doit être fait, et vient confirmer les propos de M. [N] précisant que la salariée ne pouvait pas jeter les marchandises de sa propre initiative sans en référer à un supérieur hiérarchique.
L'attestation rédigée par le gérant de la société, M. [B] [U], précise également que cette pratique était interdite et que les moyens mis à disposition de l'équipe le 23 juillet 2019, à savoir « ¿ d'heures et 4 vendeuses » étaient largement suffisants pour fermer en temps et en heure et dans des conditions optimales (pièce n°11 de l'appelante).
En outre, si Mme [M] ne conteste pas avoir jeté des viennoiseries à 18h30, elle explique que cette pratique était habituelle et appliquée par tous ses collègues notamment afin de leur permettre de fermer en temps et en heure. Elle produit deux attestations rédigées par d'anciennes collègues qui le confirment, dont celle de Mme [H] qui vient cependant corroborer les propos du gérant en ce qu'elle a arrêté de travailler le 23 juillet 2019 à 20h15, de sorte qu'elle disposait, avec les autres salariés chargés de la fermeture, de 45mn après la fermeture de l'établissement au public pour ranger le magasin.
Le fait que deux autres salariés indiquent jeter également des marchandises en fin de journée, avant la fermeture, ne démontre pas qu'il s'agissait d'une pratique habituelle, qui est au contraire contredite par la majorité des témoignages et par la fiche mission « vendeuse » établie antérieurement aux faits qui prévoit préalablement un enregistrement des invendus.
Les faits reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 23 juillet 2019 sont donc établis et constituent un manquement à ses obligations professionnelles.
Concernant les faits du 21 août 2019, la société Pecube produit l'attestation de Mme [V] [P] qui relate que Mme [M] lui a répondu « oui, je vais essayer d'y penser » lorsqu'elle lui a demandé de « respecter les règles d'hygiène c'est-à-dire de porter des gants pour manipuler les produits et non avec les mains » (pièce n°6 de l'appelante).
Ces faits ne sont pas contestés par Mme [M] qui se contente d'indiquer qu'elle n'était pas la seule à manipuler les produits sans gants ni pince. Elle ajoute que les fiches comportement de vente dont se prévaut l'employeur n'ont jamais été portées à sa connaissance.
Il convient de relever que la société Pecube verse aux débats une fiche « vendeur(se) » et une fiche « comportement de vente » éditées le 3 août 2015 et le 31 janvier 2020 qui précisent notamment la règle d'hygiène selon laquelle il faut « assurer le service du pain et viennoiseries avec les pinces ».
Si la salariée affirme ne pas avoir pris connaissance de ces fiches, elle a néanmoins pu suivre des formations sur ces points, comme en attestent les pièces n° 13, 14, 15 et 16.
En effet, il ressort de ces pièces que Mme [M] a suivi une formation initiale du 23 octobre au 18 novembre 2017 portant notamment sur les règles d'hygiène alimentaire, de propreté et de sécurité en boulangerie dans le cadre de laquelle elle a pu être formée aux bonnes pratiques d'hygiène qui englobent nécessairement le fait de manipuler les produits alimentaires avec une pince ou des gants.
Les faits reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 21 août 2019 sont donc bien établis.
En ce qui concerne les faits du 23 août 2019, la société Pecube produit l'attestation de Mme [V] [P] qui précise : « Mme [M] a refait le rayon salés sans l'avoir vidé « à la vite », je suis intervenue en tant que adjointe de vente, j'ai alors refait proprement le rayon, elle s'est emporté devant les clients et s'est mise à crier. Je lui alors demandé de baisser d'un ton, elle m'a répondu « rien à faire des clients ». elle s'est permise de me dire « tu n'es qu'une chef de pacotille ». je me suis éclipsé pour éviter d'envenimer la situation » (pièce n°6 de l'appelante).
Il y a lieu de relever que Mme [M] n'évoque à aucun moment les propos irrespectueux tenus à l'encontre de sa supérieure hiérarchique et des clients.
Ainsi les faits non contestés reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 23 août 2019 sont également bien établis.
Enfin en ce qui concerne le grief daté du 26 août 2019, caractérisé par le fait que Mme [M] a laissé brûler des pizzas dans le four et a réagi de façon légère, il convient de constater que la salariée ne conteste pas les faits d'avoir laissé brûler de la marchandise, mais explique ne pas avoir ri suite à cet incident. Il est établi par l'attestation du salarié ayant assisté Mme [M] lors de son entretien préalable, que celle-ci a maintenu sa contestation d'avoir réagi en riant à cet incident. Aucun élément ne démontrant que Mme [M] a adopté ce comportement, il convient de constater que ce grief n'est pas établi dans tous ses éléments.
En conséquence, l'employeur rapporte bien la preuve de la réalité des manquements du 23 juillet et des 21 et 23 août 2019 qu'il reproche à Mme [M].
Mme [M] a fait l'objet quelques semaines avant le premier fait qui lui est reproché, en l'occurrence le 12 juillet 2019, d'un avertissement s'agissant d'une absence injustifiée. Si ce comportement a déjà été sanctionné et ne peut faire l'objet d'une nouvelle sanction de la part de l'employeur, il est constant que de nouveaux griefs autorisent la SARL Pecube à tenir compte de la précédente sanction de moins de trois ans pour apprécier la sanction à appliquer aux nouveaux faits fautifs.
Compte tenu de la multiplicité des comportements fautifs de Mme [M] sur une courte période, de l'attitude de Mme [M] d'opposition à l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques et aux règles de fonctionnement de l'entreprise, et d'insubordination, ces agissements sont suffisamment graves pour empêcher le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Il convient en conséquence de débouter Mme [M] de sa demande en requalification de son licenciement pour faute grave prononcé le 20 septembre 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les demandes formées par Mme [M] en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que d'une indemnité de licenciement, seront toutes rejetées, le licenciement pour faute grave étant justifié.
Le jugement déféré est par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Par décision du 25 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a décidé le maintien de plein droit de la décision d'octroi à Mme [M] de l'aide juridictionnelle accordée initialement le 22 novembre 2019 dans le cadre de la procédure de première instance. La demande formée par Mme [M] aux fins d'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire est dès lors devenue sans objet.
Compte tenu de l'équité, il convient de dire qu'il n'y a pas lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [M], partie perdante à l'instance, est condamnée aux dépens d'instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la décision du 25 janvier 2022 du bureau d'aide juridictionnelle ordonnant le maintien de la décision du 22 novembre 2019 d'octroi à Mme [A] [M] de l'aide juridictionnelle,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, du 26 août 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [A] [M] prononcé par la SARL Pecube le 20 septembre 2019 pour faute grave est justifié ;
Déboute en conséquence Mme [A] [M] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande d'indemnité de licenciement ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [A] [M] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par les soins du greffe conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
La Greffière La Présidente
05 Décembre 2023
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N° RG 21/02276 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FSTQ
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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
26 Août 2021
F 21/00249
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Cinq décembre deux mille vingt trois
APPELANTE :
S.A.R.L. PECUBE prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier FIRTION, avocat au barreau de METZ
INTIMÉE :
Mme [A] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric MUNIER, avocat au barreau de THIONVILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000466 du 25/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de METZ)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Jocelyne WILD, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Mme [A] [M] a été embauchée par la SARL Pecube, qui exploite une boulangerie à [Localité 4], à compter du 20 novembre 2017, en qualité de vendeuse, en exécution d'un contrat à durée indéterminée, à temps complet.
En date du 12 juillet 2019, Mme [M] s'est vu notifier un avertissement s'agissant d'une absence non justifiée d'une journée dans le cadre d'un arrêt maladie ne couvrant pas ladite journée.
Par courrier du 23 août 2019, Mme [M] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 30 août 2019.
Par lettre recommandée datée du 20 septembre 2019, Mme [M] a été licenciée pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [M] a saisi, le 14 janvier 2020, la juridiction prud'homale.
Par jugement contradictoire du 26 août 2021, la formation partiaire de la section industrie du conseil de prud'hommes de Metz a statué comme suit :
« . Juge que le licenciement de Mme [A] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence :
. Condamne la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] la somme de 5370 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
. Condamne la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] les sommes suivantes :
3067,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
306,76 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
703 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;
. Condamne la SARL PECUBE sous astreinte de 50 euros par jour de retard, commençant à courir à compter du 30ème jour après la notification de la présente décision, à délivrer à Mme [A] [M] une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent jugement ;
. Ordonne l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
. Déboute la SARL PECUBE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
. Condamne la SARL PECUBE aux entiers frais et dépens. »
Par déclaration transmise par voie électronique le 16 septembre 2021, la SARL Pecube a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, la SARL Pecube demande à la cour de statuer comme suit :
« Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Jugé le licenciement de Madame [A] [M] est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
Condamné la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] la somme de 5 370 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
Condamné la SARL PECUBE à payer à Mme [A] [M] les sommes suivantes :
3 067,66 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
306,76 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
703 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement ;
Condamné la SARL PECUBE sous astreinte de 50 euros par jour de retard, commençant à courir à compter du 30ème jour après la notification de la présente décision, à délivrer à Mme [A] [M] une attestation destinée à Pôle emploi conforme au présent jugement ;
Ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ;
Débouté la SARL PECUBE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;
Condamné la SARL PECUBE aux entiers frais et dépens ;
Statuant à nouveau :
. Déclarer Mme [A] [M] mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
. L'en débouter ;
. Déclarer le licenciement pour faute grave de Mme [A] [M] justifié ;
Si par impossible, à titre infiniment subsidiaire,
. Limiter les demandes de Mme [A] [M] aux sommes suivantes :
1 528,83 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 152,88 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
764,41 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
. Condamner Mme [A] [M] à payer à la Société PECUBE la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Condamner Mme [A] [M] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel. »
A l'appui de son appel, la société Pecube soutient que Mme [M] a été licenciée pour des actes répétés d'insubordination, d'indiscipline et de fautes professionnelles qu'elle ne conteste pas.
S'agissant des faits du 23 juillet 2019, la société Pecube souligne :
-qu'elle pouvait engager une procédure disciplinaire jusqu'au 23 septembre 2019,
-que le fait de jeter de la marchandise en fin de journée ne constituait pas une pratique habituelle et que les moyens accordés aux salariés pour réaliser la fermeture correspondaient au double de ce que préconise le franchiseur de sorte que rien ne justifiait de jeter des viennoiseries parfaitement consommables avant la fermeture au public,
-que l'obligation d'enregistrer les invendus figure dans la fiche de poste de vendeuse et la fiche comportement de vente des boulangeries Ange,
-que Mme [M] ne pouvait l'ignorer d'autant plus que ce point est abordé lors de la formation des salariés.
Concernant les faits du 21 août 2019, la société Pecube affirme :
-que le fait de manipuler les produits à main-nue ne constitue pas une pratique habituelle,
-que l'obligation de respecter le port et la propreté des tenues de travail réglementaires, ainsi que d'assurer le service du pain et viennoiseries avec des pinces relèvent de manière constante de la fiche fonction « vendeuse » et de la fiche « comportement de vente » des boulangeries Ange, dont l'ensemble des salariés a connaissance,
-que ces points ont également été abordés lors de la formation suivie par Mme [M].
S'agissant des faits du 23 août 2019, la société Pecube soutient :
-que les propos irrespectueux tenus par Mme [M] envers sa supérieure hiérarchique devant la clientèle ne peuvent être cautionnés,
-que le rappel à l'ordre fait à Mme [M] ne constitue pas une sanction disciplinaire et que dès lors ce comportement n'a pas été sanctionné deux fois.
Au sujet des faits du 26 août 2019, l'appelante estime que la salariée a fait preuve d'un manque évident de sérieux en brûlant deux pizzas et en réagissant de façon légère.
La SARL Pecube rappelle que la lettre de licenciement fait état de quatre fautes professionnelles commises par la salariée entre le 23 juillet et le 26 août 2019, que celles-ci faisaient suite à un avertissement en date du 12 juillet 2019, et que pour chacun de ces faits, la salariée a été rappelée à l'ordre par ses supérieurs sans que son comportement ne change. Elle souligne que rien ne l'obligeait à mettre à pied Mme [M] à titre conservatoire et affirme avoir pris le temps de la réflexion suite à l'entretien préalable du 30 août 2019 avant de décider de licencier Mme [M] le 20 septembre 2019.
Enfin, elle précise que le nombre de ses salariés n'a jamais dépassé les 20 personnes sur une période de six mois de sorte qu'elle n'avait pas l'obligation d'établir un règlement intérieur. Elle estime qu'en tout état de cause, l'absence de règlement intérieur ne saurait empêcher un employeur de prononcer un licenciement disciplinaire.
Par ses dernières conclusions datées du 20 janvier 2022 et notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, Mme [M] demande à la cour de statuer comme suit :
« - Débouter la SARL PECUBE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
- Confirmer intégralement le jugement attaqué.
- Allouer à Mme [A] [M] l'aide juridictionnelle provisoire ;
- Laisser les entiers frais et dépens à la charge de l'appelante. »
Mme [M] réplique que les faits qui lui sont reprochés datent du 23 juillet 2019 et que son entretien préalable était fixé au 23 août 2019, ce qui signifie que ces faits n'étaient pas considérés comme fautifs par l'employeur.
Sur les faits du 23 juillet 2019, Mme [M] fait valoir :
que la pratique de jeter le surplus de viennoiseries à 18h30 a toujours existé afin de permettre de fermer en temps et en heure.
qu'aucune procédure de fermeture du magasin n'est produite par l'employeur.
qu'il n'existait que des règles orales qui variaient en fonction du chef de rayon présent de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté une procédure qui n'était ni écrite ni clairement établie.
qu'elle n'a jamais eu connaissance des fiches fonction vendeuse et comportement et que ces documents sont datés du 31 janvier 2020 et sont postérieurs à la date de son licenciement.
qu'elle n'a jamais suivi de formation spécifique.
S'agissant des faits du 21 août 2019, Mme [M] précise :
que plusieurs vendeuses manipulaient les produits à main nue, sans gant ni pince.
qu'aucune procédure écrite n'est versée aux débats pour rappeler les conditions strictes que doivent observer les salariés dans l'exercice de leur activité professionnelle.
Concernant les faits du 23 août 2019, Mme [M] estime qu'un rappel verbal lui notifiant que son comportement était interdit et qu'elle s'exposait à des sanctions pour avoir outrepassé cet interdit représente bien une sanction disciplinaire, de sorte qu'elle ne peut pas être sanctionnée une seconde fois.
Mme [M] soutient qu'elle faisait l'objet d'une pression psychologique des responsables pour des pratiques courantes adoptées par tous les salariés.
S'agissant des faits du 26 août 2019 (laisse brûler deux pizzas), Mme [M] souligne que c'est un oubli qui « arrive à tout le monde ».
L'intimée fait valoir qu'elle n'a pas été mise à pied à titre conservatoire et ajoute que l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable le 30 août 2019 et a attendu jusqu'au 20 septembre 2019 pour lui notifier son licenciement.
Enfin, Mme [M] souligne que l'entreprise ne disposait pas de règlement intérieur bien qu'au 31 décembre 2019 le nombre total de salariés était de 21. Elle considère, sur le fondement de l'article L1321-1 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019, qu'une sanction disciplinaire ne pouvait lui être imposée sans règlement intérieur.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
MOTIVATION
SUR LE LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
En cas de faute grave, la charge de la preuve repose sur l'employeur, qui doit établir à la fois la réalité et la gravité des manquements du salarié.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués.
Par ailleurs, aux termes des articles L 1332-4 et L 1332-5 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, et aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l'engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l'appui d'une nouvelle sanction.
En l'espèce, la SARL Pecube a notifié à Mme [M] son licenciement pour faute grave par lettre en date du 20 septembre 2019, rédigée dans les termes suivants :
« (') Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :
Le 23 juillet 2019 à 18h30, vous avez jeté deux grilles de viennoiseries à la poubelle alors que ces produits étaient conformes à nos fiches recette et étaient destinées à la mise en vente. Lorsque Monsieur [N], Responsable en immersion professionnelle vous a interpellé sur ce point, vous avez exigé de voir la vidéo pour qu'il apporte la preuve de ce vos agissements, ce qu'il a refusé. Mr [X] vous a précisé que ce refus était normal. En votre présence, Mme [I], vendeuse et responsable de fermeture, a confirmé à Monsieur [N], ce qui s'était passé. A l'exposé des faits, vous avez souhaité rectifier l'heure à laquelle les faits s'étaient déroulés nous expliquant que vous aviez jeté la viennoiserie à 17h30. Pour vous justifier vous évoquez une pratique habituelle mise en place par les responsables. Monsieur [U] vous a répondu que cette règle n'existait pas et a relevé l'incohérence de vos propos concernant l'existence de cette règle. Pourquoi les responsables l'auraient alerté sur ces faits si cette règle avaient été mise en place par eux '
Monsieur [U] vous a rappelé qu'il était interdit de jeter de la marchandise avant la fermeture quelques soit l'heure, que cette dérive était inacceptable. Monsieur [U] a également tenu à vous préciser que la vidéo surveillance avait pour but d'assurer la sécurité des personnes et des locaux.
Le 21 août 2019, alors que vous étiez en train de remettre en ordre les échelles viennoiseries en prenant les produits avec les mains sans gant, ni pince, Mme [P], Responsable adjointe, vous a rappelé à l'ordre en vous demandant de manipuler les produits avec des pinces ou des gants. Vous lui avez répondu « Je vais essayer d'y penser ». Lors de votre formation initiale, l'ensemble des règles d'hygiène vous a été enseigné.
Le fait de ne pas manipuler les produits avec les mains est un point fondamental de cette formation afin de garantir à notre clientèle une qualité sanitaire optimale des produits.
Le 23 août 2019, vous étiez en train de remettre en ordre le rayon Sandwichs en utilisant une lavette pour nettoyer la vitrine sans avoir vider cette vitrine. Mme [P] vous a demandé de cesser en vous rappelant que vous deviez vider entièrement la vitrine avant nettoyage, la nettoyer, puis la recharger. Vous vous êtes emportée en présence de clients et de collègues en lui criant qu'elle était « une cheffe de pacotille » Mme [P] vous a demandé de vous calmer car il y avait des clients et vous lui avez répondu « je n'en ai rien à faire des clients » toujours à voix haute. Mme [P] a préféré alors s'éclipser afin de calmer la situation en prévenant par téléphone Mr [U] de ce qui venait de se passer. A l'exposé des faits, vous avez expliqué que vous aviez toujours fait comme ça et qu'il y avait d'autres pratiques comme la mise sur grilles et feuilles qui se faisaient alors que c'était interdit. Monsieur [U] vous a expliqué qu'il n'était pas « fan » de cette pratique « grille + feuille » mais qu'elle n'était en aucun cas interdite puisque les moniteurs Ange le préconisaient afin de vous faciliter le rangement en fermeture. Monsieur [U] vous a également expliqué qu'il était ingérable pour Mme [P] de vous faire faire des tâches puisque vous n'en faisiez qu'à votre tête en dépit des règles fixées par notre enseigne et des règles d'hygiène. Nous vous avons également rappelé l'importance de respecter nos clients dans nos gestes et nos paroles car sans eux notre entreprise ne pourrait pas exister.
Le 26 août 2019, vous avez mis deux pizzas à réchauffer dans le four à pizza sans prévenir la préparatrice. Les deux pizzas ont brûlé. Après avoir constaté les faits vous avez demandé à la préparatrice de refaire les deux pizzas en rigolant. Votre manque de vigilance et de sérieux a entraîné un travail supplémentaire pour vos collègues, une perte de marchandise et une attente plus longue pour les clients.
A la suite de l'exposé de ces faits, Monsieur [U], le gérant, vous a demandé qu'elle serait la prochaine étape et ce que vous cherchiez à faire ' Vous ne lui avez apporté aucune réponse.
D'une part, les faits reprochés sont graves et mettent en péril le bon fonctionnement de l'entreprise. Le non respect des règles HACCP ne nous permettent plus de garantir à notre clientèle une qualité sanitaire optimale des produits vendus dès lors que vous persister à ne pas appliquer ces règles.
D'autre part, les divers faits ci-dessus rappelés caractérisent une indiscipline et une insubordination de votre part, insubordination répétée et réitérée malgré les nombreuses observations verbales qui vous ont été faites ; à cet titre, nous vous rappelons que votre contrat de travail prévoit que vous exercerez vos attributions « sous l'autorité et dans le cadre des instructions données par ses supérieurs hiérarchiques » ;
Enfin, dans la fiche de fonction qui vous a été présentée lors de votre formation, il est précisé que « la vendeuse doit participer à la bonne ambiance ', qu'elle doit privilégier le clients aux autres tâches '., assurer le service du pain et des viennoiseries avec des pinces », missions que vous refusez de réaliser.
Depuis notre entretien du 30 août 2019, nous n'avons pas constaté d'améliorations notables. Vous continuez à manipuler les produits avec les mains et, lorsque la remarque vous est faite, vous persistez à répondre « je vais essayer de m'en rappeler ». (') ».
Il ressort en substance de cette lettre que l'employeur reproche à Mme [M] des actes répétés d'insubordination, d'indiscipline et de fautes professionnelles ayant eu lieu le 23 juillet et les 21, 23 et 26 août 2019 ainsi que l'absence d'amélioration de son comportement postérieurement à l'entretien préalable qui s'est tenu le 30 août 2019.
S'agissant du comportement de Mme [M] postérieurement à l'entretien préalable fixé au 30 août 2019, il ne peut être pris en compte pour caractériser la faute grave justifiant le licenciement, l'employeur étant tenu s'il veut reprocher ces griefs à la salariée d'organiser un nouvel entretien préalable.
Les autres griefs reprochés à Mme [M] mentionnés dans la lettre de licenciement concernent des faits commis entre le 23 juillet et le 26 août 2019, et ne sont donc pas prescrits puisque se trouvant dans le délai de deux mois précédant l'engagement par l'employeur de la procédure disciplinaire, la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ayant été notifiée le 23 août 2019.
Par ailleurs, s'agissant particulièrement de la faute grave, l'engagement des poursuites disciplinaires doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
En convoquant Mme [M] le jour même des faits du 23 août 2019 qui avaient été précédés d'autres faits deux jours auparavant et un mois plus tôt, l'employeur a engagé la procédure de licenciement dans un délai restreint.
Ces comportements ne peuvent être considérés comme ayant été déjà sanctionnés, le rappel verbal de la réglementation et une réprimande orale ne constituant pas des sanctions au sens de l'article L 1331-1 du code du travail.
S'agissant de l'élaboration d'un règlement intérieur, si l'article L 1311-2 du code du travail, dans sa version applicable antérieurement au 1er janvier 2020, prévoyait qu'il était obligatoire pour les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés, il résulte de l'examen du document intitulé suivi des effectifs mensuels de la SARL Pecube que celle-ci n'a employé entre janvier et septembre 2019 au moins 20 salariés qu'au cours du mois de juillet 2019, de sorte qu'elle n'était pas soumise à cette obligation d'établir un règlement intérieur, n'ayant pas habituellement au moins 20 salariés.
Concernant les faits qui se sont déroulés le 23 juillet 2019, la société Pecube produit des attestations émanant de divers salariés de l'entreprise et rédigées comme suit :
M. [J] [N] : « Le 23 juillet 2019, Mme [M] a jeté de la viennoiserie qui était destinée à la vente sans qu'aucun responsable ne lui en donne l'ordre. Quand je lui ai fait la remarque, Mme [M] a voulu voir la vidéo mais j'ai refusé. Mme [O] [I], la responsable de fermeture ce soir-là m'a confirmé devant Mme [M] ce qui s'était passé. Comme j'étais en découverte métier, j'ai appelé Mr [U], le gérant, si les salariés pouvaient jeter les produits de leur propre initiative. Il m'a dit que la marchandise était gardée jusqu'à la fermeture sauf si le produit n'était pas conforme et pas vendable et qu'il n'y avait que les responsables qui pouvaient prendre cette décision et donner l'ordre de jeter car il fallait tout noter sur la feuille des invendus pour valoriser ces pertes tous les jours. Mme [I] m'a dit que le fait que les salariés jettent des produits comme Mme [M] l'avait fait n'était pas normal et pas habituel (') » (pièce n°3 de l'appelante).
Mme [O] [I] : « Le 23 juillet 2019, vers 18h30, madame [A] [M] à jeter de la viennoiserie, produits conformes et destinés à la vente, par sa propre initiative, tout en ayant connaissance, que le magasin ferme à 19h30, et des procédures de fermeture du magasin » (pièce n°4 de l'appelante).
Mme [Y] [C] : « A la date du 23 juillet 2019 dans les environs de 18h30 [A] à jeter de la viennoiserie d'elle-même dans la poubelle. Les produits étaient conformes à la fiche recette « Ange » et étaient destinés à la ventes » (pièce n°5 de l'appelante).
Mme [V] [P] : « (') Il n'existe aucune règles venant des responsables autorisant à jeter de la viennoiserie ou tout autres produits destinée à la vente à la poubelle. (') » (pièce n°6 de l'appelante).
Il ressort des attestations rédigées par les quatre salariés susmentionnés que le fait de jeter des produits en état d'être consommés et avant la fermeture de la boulangerie ne constituait pas une pratique habituelle, ce qui est conforté par la fiche fonction « vendeuse » datée du 3 août 2015 montrant que l'enregistrement des invendus doit être fait, et vient confirmer les propos de M. [N] précisant que la salariée ne pouvait pas jeter les marchandises de sa propre initiative sans en référer à un supérieur hiérarchique.
L'attestation rédigée par le gérant de la société, M. [B] [U], précise également que cette pratique était interdite et que les moyens mis à disposition de l'équipe le 23 juillet 2019, à savoir « ¿ d'heures et 4 vendeuses » étaient largement suffisants pour fermer en temps et en heure et dans des conditions optimales (pièce n°11 de l'appelante).
En outre, si Mme [M] ne conteste pas avoir jeté des viennoiseries à 18h30, elle explique que cette pratique était habituelle et appliquée par tous ses collègues notamment afin de leur permettre de fermer en temps et en heure. Elle produit deux attestations rédigées par d'anciennes collègues qui le confirment, dont celle de Mme [H] qui vient cependant corroborer les propos du gérant en ce qu'elle a arrêté de travailler le 23 juillet 2019 à 20h15, de sorte qu'elle disposait, avec les autres salariés chargés de la fermeture, de 45mn après la fermeture de l'établissement au public pour ranger le magasin.
Le fait que deux autres salariés indiquent jeter également des marchandises en fin de journée, avant la fermeture, ne démontre pas qu'il s'agissait d'une pratique habituelle, qui est au contraire contredite par la majorité des témoignages et par la fiche mission « vendeuse » établie antérieurement aux faits qui prévoit préalablement un enregistrement des invendus.
Les faits reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 23 juillet 2019 sont donc établis et constituent un manquement à ses obligations professionnelles.
Concernant les faits du 21 août 2019, la société Pecube produit l'attestation de Mme [V] [P] qui relate que Mme [M] lui a répondu « oui, je vais essayer d'y penser » lorsqu'elle lui a demandé de « respecter les règles d'hygiène c'est-à-dire de porter des gants pour manipuler les produits et non avec les mains » (pièce n°6 de l'appelante).
Ces faits ne sont pas contestés par Mme [M] qui se contente d'indiquer qu'elle n'était pas la seule à manipuler les produits sans gants ni pince. Elle ajoute que les fiches comportement de vente dont se prévaut l'employeur n'ont jamais été portées à sa connaissance.
Il convient de relever que la société Pecube verse aux débats une fiche « vendeur(se) » et une fiche « comportement de vente » éditées le 3 août 2015 et le 31 janvier 2020 qui précisent notamment la règle d'hygiène selon laquelle il faut « assurer le service du pain et viennoiseries avec les pinces ».
Si la salariée affirme ne pas avoir pris connaissance de ces fiches, elle a néanmoins pu suivre des formations sur ces points, comme en attestent les pièces n° 13, 14, 15 et 16.
En effet, il ressort de ces pièces que Mme [M] a suivi une formation initiale du 23 octobre au 18 novembre 2017 portant notamment sur les règles d'hygiène alimentaire, de propreté et de sécurité en boulangerie dans le cadre de laquelle elle a pu être formée aux bonnes pratiques d'hygiène qui englobent nécessairement le fait de manipuler les produits alimentaires avec une pince ou des gants.
Les faits reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 21 août 2019 sont donc bien établis.
En ce qui concerne les faits du 23 août 2019, la société Pecube produit l'attestation de Mme [V] [P] qui précise : « Mme [M] a refait le rayon salés sans l'avoir vidé « à la vite », je suis intervenue en tant que adjointe de vente, j'ai alors refait proprement le rayon, elle s'est emporté devant les clients et s'est mise à crier. Je lui alors demandé de baisser d'un ton, elle m'a répondu « rien à faire des clients ». elle s'est permise de me dire « tu n'es qu'une chef de pacotille ». je me suis éclipsé pour éviter d'envenimer la situation » (pièce n°6 de l'appelante).
Il y a lieu de relever que Mme [M] n'évoque à aucun moment les propos irrespectueux tenus à l'encontre de sa supérieure hiérarchique et des clients.
Ainsi les faits non contestés reprochés à Mme [M] et qui se sont déroulés le 23 août 2019 sont également bien établis.
Enfin en ce qui concerne le grief daté du 26 août 2019, caractérisé par le fait que Mme [M] a laissé brûler des pizzas dans le four et a réagi de façon légère, il convient de constater que la salariée ne conteste pas les faits d'avoir laissé brûler de la marchandise, mais explique ne pas avoir ri suite à cet incident. Il est établi par l'attestation du salarié ayant assisté Mme [M] lors de son entretien préalable, que celle-ci a maintenu sa contestation d'avoir réagi en riant à cet incident. Aucun élément ne démontrant que Mme [M] a adopté ce comportement, il convient de constater que ce grief n'est pas établi dans tous ses éléments.
En conséquence, l'employeur rapporte bien la preuve de la réalité des manquements du 23 juillet et des 21 et 23 août 2019 qu'il reproche à Mme [M].
Mme [M] a fait l'objet quelques semaines avant le premier fait qui lui est reproché, en l'occurrence le 12 juillet 2019, d'un avertissement s'agissant d'une absence injustifiée. Si ce comportement a déjà été sanctionné et ne peut faire l'objet d'une nouvelle sanction de la part de l'employeur, il est constant que de nouveaux griefs autorisent la SARL Pecube à tenir compte de la précédente sanction de moins de trois ans pour apprécier la sanction à appliquer aux nouveaux faits fautifs.
Compte tenu de la multiplicité des comportements fautifs de Mme [M] sur une courte période, de l'attitude de Mme [M] d'opposition à l'autorité de ses supérieurs hiérarchiques et aux règles de fonctionnement de l'entreprise, et d'insubordination, ces agissements sont suffisamment graves pour empêcher le maintien de la salariée dans l'entreprise.
Il convient en conséquence de débouter Mme [M] de sa demande en requalification de son licenciement pour faute grave prononcé le 20 septembre 2019 en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les demandes formées par Mme [M] en paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi que d'une indemnité de licenciement, seront toutes rejetées, le licenciement pour faute grave étant justifié.
Le jugement déféré est par conséquent infirmé en toutes ses dispositions.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Par décision du 25 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a décidé le maintien de plein droit de la décision d'octroi à Mme [M] de l'aide juridictionnelle accordée initialement le 22 novembre 2019 dans le cadre de la procédure de première instance. La demande formée par Mme [M] aux fins d'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire est dès lors devenue sans objet.
Compte tenu de l'équité, il convient de dire qu'il n'y a pas lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [M], partie perdante à l'instance, est condamnée aux dépens d'instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la décision du 25 janvier 2022 du bureau d'aide juridictionnelle ordonnant le maintien de la décision du 22 novembre 2019 d'octroi à Mme [A] [M] de l'aide juridictionnelle,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Metz, section industrie, du 26 août 2021 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [A] [M] prononcé par la SARL Pecube le 20 septembre 2019 pour faute grave est justifié ;
Déboute en conséquence Mme [A] [M] de sa demande de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;
Déboute Mme [A] [M] de sa demande d'indemnité de licenciement ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [A] [M] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par les soins du greffe conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.
La Greffière La Présidente