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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 15, 6 décembre 2023, n° 22/16777

PARIS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Longchamp (SAS)

Défendeur :

Autorité de La concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tell

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Homassel

TJ Paris, JLD, du 29 sept. 2022

29 septembre 2022

Le 28 septembre 2022, le Juge des libertés et de la détention près du tribunal judiciaire de PARIS a rendu, sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce, une ordonnance d'autorisation de visite et saisie dans les locaux de l'entreprise LONGCHAMP.

Le Juge des libertés et de la détention visait la requête présentée à l'occasion de l'enquête demandée le 14 septembre 2022 par le Rapporteur général de l'Autorité de la concurrence (ci-après ADLC) relative à une pratique d'imposition des prix de vente à ses distributeurs agréés susceptible d'être relevée dans le secteur de la distribution des articles de maroquinerie.

L'ordonnance était accompagnée de 33 pièces annexées à la requête du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence.

L'autorisation de visite et de saisie des lieux susmentionnés était délivrée sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce au motif que le groupe LONGCHAMP serait présumé avoir mis en oeuvre des agissements susceptibles d'être qualifiés d'ententes verticales à dimension nationale visant à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, ce qui est susceptible de constituer une pratique prohibée aux termes de l'article L. 420-1, 2 du code de commerce et de l'article 101-1 a) du TFUE.

L'ordonnance du Juge des libertés et de la détention autorisait la visite et la saisie dans les lieux suivants :

- Locaux et dépendances sis [Adresse 2] ;

- Locaux et dépendances sis [Adresse 4] ;

- Locaux et dépendances sis [Adresse 1] et [Adresse 5] ;

Le 29 septembre 2022, quatre rapporteurs des services d'instruction de l'ADLC se sont présentés dans les locaux de la société LONGCHAMP sis [Adresse 1].

Le 30 septembre 2022, quatre rapporteurs des services d'instruction de l'ADLC se sont présentés dans les locaux de la société LONGCHAMP, sis [Adresse 2].

Le 10 octobre 2022, la société LONGCHAMP (SAS LONGCHAMP) a interjeté appel de l'ordonnance du 28 septembre 2022 (RG 22/16767) et a formé deux recours contre les procès-verbaux de visite et de saisie des 29 et 30 septembre 2022 (RG 22/16777 et RG 22/16778).

S'agissant de l'appel de l'ordonnance litigieuse, l'affaire a été audiencée pour être plaidée le 31 mai 2023. Le 28 juin 2023, une ordonnance du délégué du Premier Président a confirmé la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours, en dernier ressort (RG 22/16767).

S'agissant des deux recours contre les procès-verbaux de visite et de saisie, les affaires ont été audiencées pour être plaidées le 11 octobre 2023.

SUR LE RECOURS (RG 22/16777 - [Adresse 1])

Par conclusions du 24 janvier 2023 et conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel en date du 5 octobre 2023, la requérante fait valoir :

I. Faits et procédure

La requérante rappelle les faits et la procédure.

II. Discussion

A. LONGCHAMP a été privée de son droit de prendre connaissance des documents avant leur saisie et de faire valoir ses observations sur ces documents.

Il est rappelé les termes de l'article L.  450-4 alinéa 8, dispositions qui constituent une garantie essentielle des droits de la défense des entreprises. Les avocats de l'entreprise doivent pouvoir prendre connaissance des documents saisis et discuter de l'opportunité de leur saise (CEDH, 21 mars 2017, n 33931/12, Janssen Cilag c/ France, pt. 21). De plus, l'article précité impose également aux enquêteurs eux-mêmes de vérifier avant toute opération de saisie que les documents saisis entrent dans le champ de l'autorisation de l'ordonnance du magistrat (CA PARIS, 5 avril 2023, n° 22/11616).

En l'espèce, premièrement, la requérante dénonce le fait qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance, le jour de l'opération de visite et saisie, de tous les documents papiers et fichiers informatiques et messages issus des messageries électroniques saisis par centaines de milliers par les enquêteurs. La requérante précise que les salariés présents n'ont pas été impliqués dans la saisie par les enquêteurs qui ne communiquaient pas avec eux. 

En tout état de cause, la requérante soutient qu'il aurait été matériellement impossible de prendre effectivement connaissance des plusieurs centaines de milliers de documents saisis par les enquêteurs. L'occupant des lieux n'avait strictement aucun moyen de savoir si les documents informatiques saisis contenaient des correspondances avocat-client et à cet égard, n'ayant pas pu être assisté par un avocat ou contacter le service juridique de la société.

Deuxièmement, la requérante argue qu'au vu des conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de visite et de saisie, les enquêteurs n'ont pas non plus vérifié que les documents saisis entraient tous dans le champ de l'autorisation accordée par l'ordonnance.

En conséquence, il est demandé d'annuler les opérations de visite et de saisie litigieuses et d'ordonner la restitution des documents papiers et informatiques saisis par les enquêteurs de l'ADLC ainsi que, le cas échéant, la destruction des copies qui auraient été faites de ces documents ou de tout document élaboré à partir des documents saisis.

Il est également demandé de prononcer l'interdiction absolue pour l'ADLC d'utiliser directement ou indirectement ces éléments dans la présente procédure comme dans toute procédure ultérieure éventuelle.

B. L'Autorité de la concurrence a saisi des pièces couvertes par la confidentialité des correspondances avocat-client :

1. Rappel des principes applicables.

i. Le principe de la confidentialité des correspondances

Dans ses écritures, la requérante rappelle les termes de l'article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31décembre 1971 qui consacre, en droit interne, la protection des correspondances avocat-client par le secret professionnel.  Le pouvoir reconnu aux agents de l'ADLC par l'article L.  450-4 du code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques se fait dans le respect de la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense (Cass. Crim., 24 avril 2013, Medtronic France, n° 12-80.331; Cass. Crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359). La confidentialité des échanges entre un client et son avocat constitue un complément nécessaire au respect des droits de la défense reconnus au client (CJCE, 18 mai 1982, AM & S Europe c/ Commission, aff. C-155/79) et doit être respecté dès le stade de l'enquête préalable (CJCE, 17 octobre 1989, Dow chemical Ibérica SA c/ Commission, aff jointes 97, 98 et 99/87). Selon les dispositions de l'article 2.1, alinéa 2, du Règlement intérieur national de la profession d'avocat, le principe de la confidentialité des correspondances avocat-client est général, absolu et illimité dans le temps. La simple prise de connaissance par les autorités en charge de l'enquête de correspondances avocat-client porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense de l'entreprise visée. Même si ce document n'est pas utilisé comme moyen de preuve dans une décision de sanction aux règles de concurrence, l'entreprise peut subir des préjudices qui ne seront pas susceptibles de faire l'objet d'une réparation ou ne le seront que très difficilement. Le seul fait pour la Commission de ne pas pouvoir utiliser les documents protégés comme éléments de preuve dans une décision de sanction ne suffit, dès lors, pas à réparer ou à éliminer les préjudices qui résulteraient de sa prise de connaissance du contenu desdits documents (TPICE, 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals e.a. c. Commission, aff. jointes T-125/03 et T-253/03, point 86). Il appartient au juge, saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils étaient sans lien avec l'enquête ou qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache aux relations entre un avocat et son client, de statuer sur leur sort au terme d'un contrôle concret de proportionnalité et d'ordonner, le cas échéant, leur restitution (CEDH, Vinci construction et GTM génie civil et services c. France, n° 63629/10 et n° 60567/10, 2 avril 2015 pts. 78-79 Voir également, CEDH, Janssen Cilag SAS c. France, n° 3931/12 13 avril 2017, pt. 19)

ii. L'étendue de la protection des correspondances avocat-client

La requérante ajoute qu'il ressort de la lettre de l'article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971, que les correspondances avocat-client s'entendent de l'ensemble des documents (lettres et courriels, consultations juridiques, notes, projets de conclusions et mémoires dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives, etc) échangés directement entre un avocat et son client, que l'avocat en soit l'expéditeur ou le destinataire (Cass. Crim., 26 octobre 2016, n°15-83.477). La protection accordée aux correspondances avocat-client s'étend aux notes et aux échanges internes à l'entreprise qui reprennent le texte ou le contenu d'une correspondance avocat client (CA Versailles, 28 juin° 2018, n 5666-5667/16). Est jugée justifiée l'annulation de la saisie de documents internes reprenant une stratégie de défense mise en place par un avocat (Cass. Crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359). La notion de correspondance avocat-client fait également l'objet d'une conception large, sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH, 9 juillet 2019, Aff. Altay c. Turquie, Requête n° 11236/09, pt. 51 ; CEDH, 17 décembre 2020, Aff. Saber c. Norvège, Requête n° 459/18, pt. 51; CEDH, 24 mai 2018, requête n° 28798/13, Laurent c. France, pt 47). La protection du secret professionnel s'étend à l'ensemble des correspondances avocat-client, indépendamment de leur lien ou absence de lien avec l'exercice des droits de la défense (Cass. Com., 4 novembre 2020, n° 19-17.911). Le secret professionnel du conseil, au même titre que le secret professionnel de la défense, a vocation à s'appliquer dans le cadre des opérations de visite et de saisie menées en application de l'article L.  450-4 du code de commerce. La protection des correspondances avocat-client ne saurait se limiter à celles qui sont échangées dans le cadre d'un dossier de droit la concurrence (Cass. Crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248).

2. La méconnaissance de la protection conférée aux correspondances avocat-client lors des opérations de visite et de saisie

En l'espèce, la requérante relève que les enquêteurs ont saisi 6000 fichiers informatiques, 20 boîtes de messagerie ou archives de messagerie, contenant au total plusieurs centaines de milliers de message. Dans ce contexte, les enquêteurs ont particulièrement saisi 22 messages électroniques et fichiers informatiques dans la messagerie électronique de M. [S] [MV], pourtant protégés au titre de la correspondance avocat-client et dont la seule lecture de leurs objets faisaient état de leur caractère confidentiel.  Ceux-ci sont listés par la requérante en pièce n° 7 et versés aux débats. Par conséquent, il est demandé la restitution des correspondances avocat-client listées en pièce n° 7.

C L'autorité a saisi des documents dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention

Il est soutenu qu'en droit, l'administration ne peut appréhender que des documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie (Cass. crim., 12 décembre 2007, n° 06-81.907; Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 10-85.293 ; Cass. crim., 29 juin° 2011, n° 10-85.479 ; Cass. crim., 8 avril 2010, n° 08-87.416 et Cass. crim., 1er juillet 2009, n° 07-87.080). Ce principe est également retenu par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, Vinci construction et GTM génie civil et services c. France, n° 63629/10 et n° 60567/10, 2 avril 2015 pts. 78-7; CEDH, Janssen Cilag SAS c. France, n° 3931/12 13 avril 2017, pt. 19). La restitution de certains documents peut être ordonnée au motif qu'ils étaient étrangers à l'autorisation accordée (Cass. crim., 9 février 2005, 03-86.795, Cass crim, 30 novembre 2011, 10-81.749).

Il est soutenu qu'en l'espèce, l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention était de rechercher la preuve d'une prétendue pratique d'entente verticale d'imposition des prix de revente, prohibée par les articles L. 420-1, 2 du code de commerce et 101, § 1 a) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Par conséquent, il est demandé la restitution des documents saisis qui sont étrangers à l'objet de l'enquête.

Pour ces motifs, la société LONGCHAMP demande de :

A titre principal:

- Annuler les opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées le 29 septembre 2022 dans les locaux de LONGCHAMP situés au [Adresse 1] ;

A titre subsidiaire :

- Annuler la saisie de l'ensemble des correspondances avocat-client visées en pièce n° 7 ;

- Annuler la saisie des documents qui sont dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par l'ordonnance n° 2022/02 du 28 septembre 2022 du juge des libertés et de la détention près du tribunal judiciaire de PARIS ;

En toute hypothèse :

- Ordonner la restitution immédiate de l'ensemble des documents dont la saisie a été annulée ;

- Ordonner la destruction immédiate par l'ADLC des copies des documents dont la saisie a été annulée et de tout document élaboré à partir des documents dont la saisie a été annulée ;

- Interdire à l'ADLC de faire un quelconque usage de ces documents et de leur contenu, en original ou en copie ;

- Débouter l'ADLC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner l'ADLC à verser la somme de 10.000 euros à LONGCHAMP, en application de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens.

SUR LE RECOURS (RG 22/16778 - [Adresse 2])

Par conclusions du 24 janvier 2023 et conclusions récapitulatives déposées au greffe de la Cour d'appel en date du 24 mai 2023, la requérante fait valoir :

I. Faits et procédure

La requérante fait un rappel des faits et de la procédure.

II. Discussion

A. Ni LONGCHAMP, ni les enquêteurs n'ont pris connaissance de l'intégralité des documents avant leur saisie

Il est rappelé les termes de l'article L. 450-4 alinéa 8, dispositions qui constituent une garantie essentielle des droits de la défense des entreprises. Les avocats de l'entreprise doivent pouvoir prendre connaissance des documents saisis et discuter de l'opportunité de leur saise (CEDH, 21 mars 2017, n° 33931/12, Janssen Cilag c/ France, pt. 21). De plus, l'article précité impose également aux enquêteurs eux-mêmes de vérifier avant toute opération de saisie que les documents saisis entrent dans le champ de l'autorisation de l'ordonnance du magistrat (CA PARIS, 5 avril 2023, n° 22/11616).

En l'espèce, premièrement, la requérante dénonce le fait qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance, le jour de l'opération de visite et saisie, de tous les documents papiers et fichiers informatiques et messages issus des messageries électroniques saisis par centaines de milliers par les enquêteurs. La requérante précise que les salariés présents n'ont pas été impliqués dans la saisie par les enquêteurs qui ne communiquaient pas avec eux.

En tout état de cause, la requérante soutient qu'il aurait été matériellement impossible de prendre effectivement connaissance des plusieurs centaines de milliers de documents saisis par les enquêteurs. L'occupant des lieux n'avait strictement aucun moyen de savoir si les documents informatiques saisis contenaient des correspondances avocat-client et à cet égard, n'ayant pas pu être assisté par un avocat ou contacter le service juridique de la société.

Deuxièmement, la requérante argue qu'au vu des conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de visite et de saisie, les enquêteurs n'ont pas non plus vérifié que les documents saisis entraient tous dans le champ de l'autorisation accordée par l'ordonnance.

En conséquence, il est demandé d'annuler les opérations de visite et de saisie litigieuses et d'ordonner la restitution des documents papiers et informatiques saisis par les enquêteurs de l'ADLC ainsi que, le cas échéant, la destruction des copies qui auraient été faites de ces documents ou de tout document élaboré à partir des documents saisis.

Il est également demandé de prononcer l'interdiction absolue pour l'ADLC d'utiliser directement ou indirectement ces éléments dans la présente procédure comme dans toute procédure ultérieure éventuelle.

Si par extraordinaire, il n'y a pas lieu d'annuler dans leur intégralité les opérations de visite et de saisie litigieuses, il est demandé de faire droit aux demandes qui suivent.

B. L'ADLC a saisi des messageries électroniques hors de tout cadre légal

En droit, l'article précité ne prévoit pas la possibilité pour les agents de l'Autorité de solliciter la remise de documents qui n'auraient pas fait l'objet d'une saisie, postérieurement à la fin des opérations de visite et de saisie (CA Paris, 5 avril 2023, n° 22/11616, pièce n° 16). Le fait de contraindre une entreprise, dans le cadre du déroulement d'opérations de visite et de saisie, à remettre des documents postérieurement à ces opérations de visite et de saisie est constitutif d'un détournement de procédure, qui porte nécessairement atteinte aux droits de la défense de la personne physique ou morale visée par la mesure détournée, dès lors que les agents usent de procédés déloyaux afin d'avoir accès à des informations en dehors de tout cadre juridique et par conséquent sans aucune garantie concernant leurs droits de la défense.

En l'espèce, la requérante expose qu'elle a été contrainte de remettre dix fichiers de messagerie aux enquêteurs de l'ADLC le 3 octobre 2022, soit trois jours après la fin des opérations de visite et de saisie. Cette remise de documents postérieurement à la clôture des opérations de visite et de saisie est manifestement illicite selon la requérante. En effet, la requérante soutient qu'un tel procédé n'est pas prévu par l'article L. 450-4 du code de commerce, elle soutient également que LONGCHAMP a été contrainte d'accepter une telle remise car un refus aurait été considéré comme un comportement d'obstruction. La requérante soutient également que les enquêteurs ont saisi lesdits fichiers sans vérifier préalablement que leur contenu entrait dans le champ de l'ordonnance. Elle soutient en outre qu'elle aurait été privée du droit de prendre connaissance du contenu des fichiers de messagerie avant leur remise aux services d'instruction. La requérante soutient que cette remise n'a pas fait l'objet d'un scellé provisoire, conformément à la procédure. A titre surabondant, la requérante soutient qu'il s'agit d'un détournement de procédure.

Par conséquent, il est demandé de déclarer irrègulière et annuler la remise des dix messageries électroniques du 3 octobre 2022.

C. L'ADLC a saisi des pièces couvertes par la confidentialité des correspondances avocat-client

1. Rappel des principes applicables

i. Le principe de la confidentialité des correspondances avocat-client

Il est rappelé les termes de l'article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971 qui consacre, en droit interne, la protection des correspondances avocat-client par le secret professionnel.  Le pouvoir reconnu aux agents de l'ADLC par l'article L. 450-4 du code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques se fait dans le respect de la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense (Cass. Crim., 24 avril 2013, Medtronic France, n° 12-80.331; Cass. Crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359). La confidentialité des échanges entre un client et son avocat constitue un complément nécessaire au respect des droits de la défense reconnus au client (CJCE, 18 mai 1982, AM & S Europe c/ Commission, aff. C-155/79) et doit être respecté dès le stade de l'enquête préalable (CJCE, 17 octobre 1989, Dow chemical Ibérica SA c/ Commission, aff jointes 97, 98 et 99/87). Selon les dispositions de l'article 2.1, alinéa 2, du Règlement intérieur national de la profession d'avocat, le principe de la confidentialité des correspondances avocat-client est général, absolu et illimité dans le temps. La simple prise de connaissance par les autorités en charge de l'enquête de correspondances avocat-client porte irrémédiablement atteinte aux droits de la défense de l'entreprise visée. Même si ce document n'est pas utilisé comme moyen de preuve dans une décision de sanction aux règles de concurrence, l'entreprise peut subir des préjudices qui ne seront pas susceptibles de faire l'objet d'une réparation ou ne le seront que très difficilement. Le seul fait pour la Commission de ne pas pouvoir utiliser les documents protégés comme éléments de preuve dans une décision de sanction ne suffit, dès lors, pas à réparer ou à éliminer les préjudices qui résulteraient de sa prise de connaissance du contenu desdits documents (TPICE, 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals e.a. c. Commission, aff. jointes T-125/03 et T-253/03, point 86). Il appartient au juge, saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils étaient sans lien avec l'enquête ou qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache aux relations entre un avocat et son client, de statuer sur leur sort au terme d'un contrôle concret de proportionnalité et d'ordonner, le cas échéant, leur restitution (CEDH, Vinci construction et GTM génie civil et services c. France, n° 63629/10 et n° 60567/10, 2 avril 2015 pts. 78-79 ; CEDH, Janssen Cilag SAS c. France, n° 3931/12 13 avril 2017, pt. 19)

ii. L'étendue de la protection des correspondances avocat-client

Tel qu'il ressort de la lettre de l'article 66-5 alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971, les correspondances avocat-client s'entendent de l'ensemble des documents (lettres et courriels, consultations juridiques, notes, projets de conclusions et mémoires dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives, etc) échangés directement entre un avocat et son client, que l'avocat en soit l'expéditeur ou le destinataire (Cass. Crim., 26 octobre 2016, n° 15-83.477). La protection accordée aux correspondances avocat-client s'étend aux notes et aux échanges internes à l'entreprise qui reprennent le texte ou le contenu d'une correspondance avocat client (CA Versailles, 28 juin° 2018, n° 5666-5667/16). Est jugée justifiée l'annulation de la saisie de documents internes reprenant une stratégie de défense mise en place par un avocat (Cass. Crim., 26 janvier 2022, n° 17-87.359). La notion de correspondance avocat-client fait également l'objet d'une conception large, sur le fondement de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH, 9 juillet 2019, Aff. Altay c. Turquie, Requête n° 11236/09, § 51 ; CEDH, 17 décembre 2020, Aff. Saber c. Norvège, Requête n° 459/18, § 51; CEDH, 24 mai 2018, requête n° 28798/13, Laurent c. France, pt 47). La protection du secret professionnel s'étend à l'ensemble des correspondances avocat-client, indépendamment de leur lien ou absence de lien avec l'exercice des droits de la défense (Cass. Com., 4 novembre 2020, n° 19-17.911). Le secret professionnel du conseil, au même titre que le secret professionnel de la défense, a vocation à s'appliquer dans le cadre des Opérations de visite et de saisie menées en application de l'article L. 450-4 du code de commerce. La protection des correspondances avocat-client ne saurait se limiter à celles qui sont échangées dans le cadre d'un dossier de droit la concurrence (Cass. Crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248).

2. La méconnaissance de la protection conférée aux correspondances avocat-client lors des opérations de visites et de saisies menées dans les locaux de LONGCHAMP

En l'espèce, les enquêteurs ont notamment saisi 3 825 messages électroniques et fichiers informatiques dans l'ordinateur de M. [J] [F] ainsi que dans l'ordinateur de M. [X] [W], pourtant protégés au titre de la correspondance avocat-client, et dont la seule lecture de leurs objets permettait parfois de prendre connaissance de leur caractère confidentiel.

La requérante les verse aux débats et produit la pièce n° 13. 202 messages électroniques, communiqués le 3 octobre 2022 sont également protégés au titre du secret des correspondances avocat-client, et dont certains de leurs objets faisaient état de leur caractère strictement confidentiel.  La requérante les verse aux débats, pièce n° 14.

Par conséquent, il est demandé l'annulation de la saisie car ces documents ont été communiqués en dehors de tout cadre légal et en violation de la protection conférée aux correspondances avocat-client.

Il est demandé la restitution des documents listés en pièces n° 13 et 14.

D. L'ADLC a saisi des documents dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visites et de saisies autorisées

En droit, l'administration ne peut appréhender que des documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite et de saisie (Cass. crim., 12 décembre 2007, n° 06-81.907; Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 10-85.293 ; Cass. crim., 29 juin° 2011, n° 10-85.479 ; Cass. crim., 8 avril 2010, n° 08-87.416 et Cass. crim., 1er juillet 2009, n° 07-87.080). Ce principe est également retenu par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, Vinci construction et GTM génie civil et services c. France, n° 63629/10 et n° 60567/10, 2 avril 2015 pts. 78-7; CEDH, Janssen Cilag SAS c. France, n° 3931/12 13 avril 2017, pt. 19). La restitution de certains documents peut être ordonnée au motif qu'ils étaient étrangers à l'autorisation accordée (Cass. crim., 9 février 2005, n ° 03-86.795, Cass crim, 30 novembre 2011, n° 10-81.749).

En l'espèce, l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention était de rechercher la preuve d'une prétendue pratique d'entente verticale d'imposition des prix de revente, prohibée par les articles L. 420-1, 2° du code de commerce et 101, § 1 a) du TFUE. Or, les enquêteurs ont notamment saisi 11 637 courriels relatifs à la vie privée de M. [W], produits en pièce n° 15 et versés au débat et dont leurs seuls objets attestent de leur caractère purement personnel et par conséquent, dénués de tout lien avec l'objet de l'enquête. La requérante souligne que leur saisie était d'autant plus inacceptable que ceux-ci étaient répertoriés au sein d'un dossier nommé "Perso".

Par conséquent, il est demandé la restitution des documents saisis qui sont étrangers à l'objet de l'enquête.

Par ces motifs, il est demandé de:

A titre principal:

- Annuler les opérations de visites et de saisies qui se sont déroulées les 29 et 30 septembre 2022 dans les locaux de LONGCHAMP situés au [Adresse 2] ;

A titre subsidiaire:

- Annuler la saisie des dix fichiers de messagerie remis par LONGCHAMP aux agents de l'ADLC le 3 octobre 2022 ;

- Annuler la saisie de l'ensemble des correspondances avocat-client visées en pièces n° 13 et 14;

- Annuler la saisie des documents, visés en pièce n° 15, qui sont dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visites et de saisies autorisées par l'ordonnance n° 2022/02 du 28 septembre 2022 du Juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de PARIS ;

En toute hypothèse :

- Ordonner la restitution immédiate de l'ensemble des documents dont la saisie a été annulée;

- Ordonner la destruction immédiate par l'ADLC des copies des documents dont la saisie a été annulée et de tout document élaboré à partir des documents dont la saisie a été annulée ;

- Interdire à l'ADLC de faire un quelconque usage de ces documents et de leur contenu, en original ou en copie ;

- Débouter l'ADLC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner l'ADLC à verser la somme de 10.000 euros à LONGCHAMP, en application de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens.

Par conclusions en réplique et récapitulatives en date du 30 août 2023, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence fait valoir :

A. Sur l'allégation selon laquelle, ni l'entreprise LONGCHAMP, ni les enquêteurs n'auraient pris connaissance de l'intégralité des documents avant saisie ou qu'elle aurait été privée de son droit de prendre connaissance des documents avant leur saisie et de faire valoir ses observations sur ces documents.

L'Autorité de la concurrence avance en premier lieu, que les agents de la puissance publique ont la possibilité de ne pas pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête et de ceux relevant de la confidentialité des correspondances avocat-client (CEDH, 13 avril 2017, n° 33931/12, Janssen Cilag c/ France, pt.19). Le recours devant le Premier Président de la Cour d'appel territorialement compétente contre le déroulement des opérations de visite et de saisie est considéré comme un recours concret et effectif (CEDH, 13 avril 2017, n° 33931/12, Janssen Cilag c/ France, § 23 et 24).

En deuxième lieu, seuls l'occupant des lieux, l'officier de police judiciaire ou le cas échéant, les agents et autres personnes mandatés par la Commission européenne peuvent prendre connaissance des documents retenus par les rapporteurs comme entrant dans le champ de leurs investigations avant leur saisie, c'est-à-dire une fois les opérations de fouille, de tri et de sélection terminées, à la seule initiative des rapporteurs et sous le contrôle des OPJ, garants de la procédure (CEDH, 16 octobre 2008, n° 10447/03, Maschino c/ FRANCE, 33 à 35; CA NIMES, 10 février 2015, n° 13/05645, Société Eiffage et autres). La prise de connaissance des documents retenus par les rapporteurs comme entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire est une possibilité, et non pas une obligation, prévue pour l'occupant des lieux ou son représentant (CA PARIS, 23 septembre 2015, n° 13/13812, société FREE c/ DGCCRF, confirmée par Cass. Crim., 21 mars 2018, n° 16-87193). La prise de connaissance des pièces par l'occupant des lieux ou son représentant ne concerne que ceux des documents que les rapporteurs jugent pertinents pour l'enquête et qu'ils s'apprêtent à saisir à la fin des opérations de fouille, de tri et de sélection opérées. Elle ne signifie pas que l'occupant des lieux et son conseil ont le droit de visualiser la totalité des documents au fur et à mesure de leur consultation par les rapporteurs de l'ADLC, la prise de connaissance des pièces ne concerne que ceux des documents que les rapporteurs s'apprêtent à saisir à la fin des opérations de fouille, de tri et de sélection opérées (CA PARIS, 11 décembre 2019, n° 17/20112, CSN, ADSN et ses filiales c/ ADLC, confirmée par Cass. Crim. 4 novembre 2021, n° 20-80.149).

En l'espèce, selon l'Autorité de la concurrence, il est établi que l'occupant des lieux ou son représentant, ainsi que le conseil présent le cas échéant, ont pu prendre connaissance aussi bien des documents papier que des fichiers informatiques avant leur saisie définitive. Il apparaît en conséquence que, contrairement à ce qu'elle soutient, les droits de la requérante n'ont nullement été violés.

En troisième lieu, la requérante commet une erreur en estimant que l'alinéa 8 de l'article L. 450-4 du code de commerce lui confère un droit de vérification des pièces sélectionnées dont il résulterait une possibilité de son propre chef d'en accepter ou d'en refuser la saisie. Il s'agit encore moins d'une vérification ex ante qui permettrait à l'auteur présumé d'une infraction (ou à ses conseils) de trier lui-même ses documents et fichiers informatiques avant toute saisie par les enquêteurs. L'occupant des lieux, ses représentants ou son conseil présent n'auraient pu directement et valablement s'opposer à la sélection puis à la saisie de documents ou fichiers retenus par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence lors des investigations, toute contestation ou difficulté sérieuse portant sur les droits et libertés fondamentaux devant avant tout être soumise au juge chargé du contrôle pendant le déroulement des opérations, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, puis au Premier président de la Cour d'appel (Cass crim, Cass crim, 4 mai 2017, n° 16-81043 et 16-81062 ; Cass. Crim., 20 janvier 2021, n° 19-84292).

En l'espèce, premièrement, alors même qu'elle prétend que la prise de connaissance de documents avant leur saisie aurait pour objectif de "faire valoir, le cas échéant, que les documents concernés sont sans rapport avec l'objet des OVS autorisées par le juge des libertés et de la détention ou qu'ils relèvent de la protection des correspondances avocat-client", la requérante n'a saisi l'officier de police judiciaire d'aucune difficulté à transmettre au juge des libertés et de la détention sur aucun des sites visités par rapport aux documents que les rapporteurs s'apprêtaient à saisir, ni émis aucune réserve à ce sujet le 29-30 septembre 2022.

Deuxièmement, LONGCHAMP a bénéficié des conseils de son choix, faculté qui était mentionnée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris qui lui a été notifiée lors de l'arrivée des rapporteurs sur les lieux, le 29 septembre 2022. Ainsi, nonobstant l'éventuel manque d'expérience des occupants des lieux et de leurs représentants en matière d'opérations de visite et de saisie et le contexte prétendument "impressionnant ", la requérante a été mise en mesure de prendre connaissance des documents tant avant qu'après leur saisie et formuler le cas échéant ses observations, à l'instar des réserves formulées par Mme [NF] à la fin des opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire le 25 octobre 2022.

Troisièmement, s'agissant des locaux [Adresse 1], contrairement aux allégations de la requérante, l'occupant des lieux s'est vu remettre un inventaire des fichiers informatiques, qui liste et décrit ceux-ci succinctement, avant que les rapporteurs lui posent la question relative à la présence potentielle de correspondances avocat-client dans ces fichiers, auquel il aurait pu se référer avant de donner une réponse, comme en atteste le procès-verbal dressé sur ce site. Ensuite, le procès-verbal dressé sur ce site atteste que l'occupant des lieux n'a pas essayé de joindre un avocat alors qu'il en avait la possibilité. Ce choix de l'occupant des lieux, cadre supérieur par sa fonction de directeur international de Longchamp, ne saurait être imputé aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, dès lors que l'ordonnance qui lui a été notifiée dès le début des opérations prévoyait cette faculté. De surcroît, l'occupant des lieux était en mesure, contrairement à ce qu'affirme la requérante, de contacter le service juridique de la société Longchamp, Mme [NF], directrice juridique, désignée occupante des lieux sur le site de Longchamp situé [Adresse 2], étant elle-même assistée par un conseil de son choix.

Enfin, le nombre des documents papier ou de fichiers informatiques saisis, dont la requérante avance des chiffres selon ses propres estimations, n'est pas un obstacle à la formulation d'observations par Longchamp. Ainsi, Mme [NF] a pu formuler des observations (pièce adverse n° 12) à la suite des opérations d'ouverture du scellé fermé provisoire, du 25 octobre 2022, contenant les fichiers informatiques sélectionnés dans les locaux de Longchamp situés [Adresse 2].

En tout état de cause, ayant en sa possession des copies intégrales des documents papier et fichiers saisis, Longchamp pouvait, dans le cadre du recours devant la Cour d'appel de Paris, identifier et produire aux débats les documents qui, selon elle, n'auraient pas dû être saisis et demander au Premier président l'annulation de leur saisie.

Quatrièmement, la critique de la requérante selon laquelle "les enquêteurs ont procédé à leurs vérifications de leur côté, sans impliquer les salariés de Longchamp présents et sans même communiquer avec eux" n'est pas fondée. Les procès-verbaux des 29 et 29-30 septembre 2022 font état des interactions entre les rapporteurs et les occupants des lieux et leurs représentants. Cependant, ces interactions doivent être conciliées avec la préservation du caractère non contradictoire des opérations, conformément à la jurisprudence.

En quatrième lieu, la critique de la requérante selon laquelle les enquêteurs n'ont pas vérifié que les documents saisis entraient tous dans le champ de l'autorisation est infondée. Celle-ci ne fait pas état de documents papier qui auraient été saisis alors qu'ils seraient en dehors du champ de l'ordonnance. Les enquêteurs ont donc bien vérifié puis saisi des documents papier qui entraient dans le champ de l'autorisation accordée par le juge des libertés et de la détention.

Ensuite, le fait que les rapporteurs n'aient pas pris connaissance, un par un, des courriels contenus dans chaque fichier de messagerie analysé sur place ne permet pas de démontrer que les enquêteurs n'ont pas vérifié que chaque fichier de messagerie analysé contenait des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire.

En l'espèce, s'il est possible pour l'Autorité de la concurrence de saisir les documents ou supports d'information se trouvant dans l'entreprise le jour de la visite, il n'est en aucun cas envisageable pour elle d'individualiser les seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation, en les extrayant un par un d'Outlook, sous peine de créer sur l'ordinateur visité des éléments qui n'existaient pas avant son intervention et de compromettre ainsi l'authenticité même des messages.

En dernier lieu, l'Autorité de la concurrence soutient que les droits de la défense, tels que définis par l'article 6 de la CESDH, ne sont pas pleinement applicables au stade de la procédure de constatation des infractions qui inclut la mise en œuvre de la recherche de la preuve. L'assujettissement de telles enquêtes préparatoires à ces garanties procédurales gênerait en pratique la recherche et la constatation des infractions dans le domaine des activités commerciales et financières (CEDH, IJL et autres c/ Royaume-Uni, 19 septembre 2000, n° 29522/95, n° 30056/96, n° 30574/96, paragraphe 100 ; CEDH, Fayed c/ Royaume-Uni, 21 septembre 1994, n° 17101/90, paragraphe 62 ; Cass crim, 6 octobre 2010, n° 09-84895). Il en va naturellement de même dans le domaine économique (qui recouvre des aspects commerciaux mais également financiers) pour la recherche et la constatation de la preuve des pratiques anticoncurrentielles prévues à l'article L. 420-1 du code de commerce qui font partie de la "matière pénale" au sens de la CEDH. Ainsi, au stade de la recherche de la preuve par le biais de la visite et saisie prévue à l'article L.  450-4 du code de commerce, c'est le principe de loyauté qui s'applique et non pas celui du contradictoire, principe de loyauté mis en œuvre notamment par la proposition de la mesure de protection a priori des correspondances qui seraient protégées au titre des échanges avocat-client par placement des fichiers informatiques sous scellé fermé provisoire et par la remise aux occupants des lieux de copies intégrales des documents papiers et des fichiers informatiques avant leur saisie.

L'Autorité de la concurrence soutient qu'en l'espèce, il n'est pas démontré par la requérante que ses rapporteurs auraient mis en œuvre des procédés déloyaux pour recueillir des éléments d'information lors des investigations.

L'Autorité de la concurrence relève qu'en tout état de cause, la requérante bénéficie d'un contrôle juridictionnel effectif, tant de l'autorisation judiciaire que de l'exécution de la mesure autorisée. Elle a pu disposer d'une copie complète des documents papiers et fichiers informatiques saisis et d'un délai minimum de 3 mois environ entre la fin des opérations les 30 septembre 2022 (pour le site de LONGCHAMP situé [Adresse 1]), et 25 octobre 2022 (pour le site de LONGCHAMP situé [Adresse 2]) et la notification de ses conclusions le 23 janvier, puis le 24 mai 2023).

B. Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence aurait saisi des messageries électroniques hors de tout cadre légal

- En premier lieu, la requérante considère que la remise de documents postérieurement à la clôture du procès-verbal du 29-30 septembre 2022 serait illicite dès lors qu'un tel procédé n'est pas prévu par l'article L. 450-4 du code de commerce.

En l'espèce, selon l'Autorité de la concurrence, une volonté de coopération de la part de LONGCHAMP peut être déduite de son comportement, des propres conclusions de la requérante dans lesquelles elle affirme s'être engagée à remettre lesdits fichiers le 3 octobre 2022, du fait des contraintes techniques (longue durée de téléchargement sur disque dur). L'Autorité de la concurrence observe qu'à la lecture du procès-verbal du 29-30 septembre 2022 qui fait état de l'accord intervenu à ce sujet entre les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et la requérante, celle-ci ne s'est opposée à aucun moment à la remise ultérieure de ces fichiers, n'a pas demandé à l'officier de police judiciaire présent de saisir le juge des libertés et de la détention d'une quelconque difficulté au cours des opérations et n'a pas non plus remis de réserves sur cette manière de procéder à l'officier de police judiciaire à la suite des opérations pour faire état de ses constatations, comme il le lui est permis.

Par conséquent, l'article L. 450-4 du code de commerce ne s'oppose pas à ce que LONGCHAMP coopère et remette à l'Autorité de la concurrence des fichiers de messagerie qu'elle n'a pas été en mesure de mettre à la disposition des rapporteurs.

- En deuxième lieu, sur le fait que la requérante se prévale de la contrainte qu'impliquerait une telle remise, car selon elle, un refus de sa part aurait pu être considéré comme un comportement d'obstruction dès lors que les enquêteurs avaient explicitement fait mention orale des dispositions relatives à la procédure d'obstruction au début des opérations.

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence soutient que la remise de ces fichiers est intervenue à la suite de l'accord de la requérante acté au procès-verbal qui a souhaité coopérer avec les services d'instruction, après la clôture du procès-verbal du 29-30 septembre 2022. Pendant toute la durée des opérations, LONGCHAMP ne s'est pas opposée à la remise ultérieure des fichiers qu'elle n'avait pas pu mettre à la disposition des rapporteurs. L'occupant des lieux, assisté par un avocat, n'a pas interpellé l'officier de police judiciaire pour lui soumettre une difficulté sérieuse sur la remise ultérieure de ces fichiers de messagerie, qui nécessiterait la saisine du Juge des libertés et de la détention, chargé du contrôle des opérations. Celle-ci n'a fait état d'aucune réserve contestant la remise ultérieure des fichiers de messagerie que l'officier de police judiciaire aurait pu transmettre au Juge des libertés et de la détention, chargé du contrôle des opérations. De même, l'Autorité de la concurrence relève que la lettre d'accompagnement de ces fichiers du 3 octobre 2022 ne fait état d'aucune réserve de la part de LONGCHAMP quant au principe de la remise de ces fichiers à l'Autorité de la concurrence. De surcroît, l'Autorité de la concurrence soutient que le rappel des dispositions de l'article L.  6464-2 V alinéa 2 du code de commerce relatives à l'obstruction à l'investigation ne saurait caractériser une quelconque contrainte de la part des rapporteurs et relève de la procédure habituelle au début de la visite et participe au simple rappel de la loi. Ainsi ces dispositions n'ont pas été rappelées spécifiquement à cette occasion.

En tout état de cause, la remise volontaire de messageries est une facilité tant pour les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence que pour la personne visitée, elle n'est pas tenue d'accepter cette facilité et peut la refuser sans encourir de risque d'être sanctionnée pour obstruction. La seule conséquence d'un refus de la part de la personne visitée sera la prolongation des opérations, autant que de besoin.

Par conséquent, les circonstances soulevées par la requérante ne sont pas de nature à établir une quelconque contrainte exercée par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence aux fins de la remise ultérieure des fichiers de messagerie.

En troisième lieu, la requérante soutient que, dans le cadre de cette remise postérieure, les enquêteurs ont saisi lesdits fichiers sans vérifier au préalable que leur contenu entrait dans le champ de l'ordonnance.

La remise volontaire de fichiers postérieurement aux opérations de visite et de saisie est régulière (CA Versailles, 19 avril 2022, n° 3475-3477/21, Société Doctolib c/ ADLC; CA Douai, 12 janvier 2023, n° 21/04779, société Ramery TP c/ DGCCRF). Les rapporteurs de l'ADLC ont accès aux supports d'information susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles depuis les locaux visités (Crim, 21 février 2023, n° 21-85572).

En effet, l'Autorité de la concurrence précise que la plupart des entreprises utilisent des procédés de stockage informatiques dits 'cloud', grâce auxquels les fichiers dématérialisés sont hébergés sur les disques durs d'un hébergeur tiers et peuvent être consultés et téléchargés depuis et vers les postes informatiques des salariés de la société. L'Autorité de la concurrence soutient que ses rapporteurs doivent pouvoir accéder à ces données stockées sur des serveur distants et les analyser. Les difficultés techniques que l'entreprise visitée peut rencontrer lors du téléchargement de ces données ne sauraient faire échec à leur examen par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence. Ce mode de stockage relève d'un choix de l'entreprise, qui n'est pas opposable aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et qui ne saurait exclure ces données d'une mesure d'enquête préalable comme celle ordonnée par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de PARIS.

Or, en l'espèce, les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont demandé à avoir accès aux bureaux et supports numériques de certains salariés, qui, au vu des fonctions exercées par ceux-ci au sein de l'entreprise, étaient susceptibles d'intéresser l'enquête. Or, les fichiers de messagerie professionnelle des salariés intéressant l'enquête, accessibles depuis les locaux de LONGCHAMP, étaient stockés sur des serveurs distants. Les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont demandé à LONGCHAMP de mettre à leur disposition les messageries électroniques professionnelles de ces salariés, afin de pouvoir les analyser pour déterminer s'ils entrent dans le champ de l'enquête. Ces faits sont relatés par le procès-verbal du 29-30 septembre 2022. La société a pu mettre à disposition des rapporteurs pendant la visite des locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2]. Les rapporteurs ont pu examiner le contenu de ces fichiers. Cependant LONGCHAMP n'a pas été en mesure de mettre à la disposition des rapporteurs les fichiers de messagerie sollicités des dix autres salariés.

L'Autorité de la concurrence soutient que la remise volontaire de messagerie professionnelle après la clôture du PV n'est pas une saisie au sens de l'article L. 450-4 du code de commerce. Dans la mesure où les fichiers remis le 3 octobre 2022 n'ont pas été saisis, ils ne sont pas soumis aux exigences de l'article L. 450-4 du code de commerce.

Ces fichiers de messagerie ont été remis de manière volontaire à l'Autorité de la concurrence le 3 octobre 2022, et non pas saisis, comme l'indique à tort la requérante, l'absence de vérification préalable du contenu de ces fichiers de messagerie remis volontairement entre, au moins pour partie, dans le champ de l'autorisation judiciaire, ne s'oppose à aucun principe juridique. L'article L. 450-4 du code de commerce et les obligations qui en découlent n'étant de surcroît pas applicables.

En quatrième lieu, l'Autorité de la concurrence rappelle que la requérante considère qu'elle a été privée du droit de prendre connaissance du contenu des fichiers avant leur remise.

L'article L.  450-4 du code de commerce n'est pas applicable aux remises volontaires de fichiers à l'Autorité de la concurrence par les entreprises. Les dispositions de cet article concernent uniquement les documents et fichiers saisis.

En l'espèce, LONGCHAMP disposait d'une copie des fichiers de messagerie qu'elle a d'abord téléchargés depuis le serveur de la société, avant d'en remettre une copie sur un support d'information tel qu'un disque dur externe, à l'Autorité de la concurrence.

Par conséquent, LONGCHAMP a été en mesure de prendre connaissance du contenu de ces fichiers de par la copie en sa possession et faire valoir ses prétentions à l'égard de ces fichiers dans le cadre de la présente procédure.

En cinquième lieu, la requérante considère que la remise desdits fichiers a, par ailleurs, privé LONGCHAMP du bénéfice, pour ces fichiers, de la procédure de scellé fermé provisoire.

L'Autorité de la concurrence rappelle que le placement sous scellé fermé provisoire ne constitue pas une obligation pour les rapporteurs et un droit pour l'entreprise. La possibilité de constituer des scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge (Cass. Crim., 20 avril 2022, n° 20-87248). Lorsqu'il est proposé par les parties, le placement sous scellé fermé provisoire concerne les fichiers informatiques qui ont pu faire l'objet d'un traitement par les rapporteurs le jour des investigations, et non pas les fichiers remis après la fin des opérations de visite et de saisie, qui n'ont tout simplement pas pu être placés sous scellé fermé, provisoire ou pas. Il est possible de mettre sous scellé fermé provisoire les fichiers informatiques, notamment de messagerie électronique, ayant été analysés au cours de la visite en présence de l'officier de police judiciaire et sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et non ceux qui ont été remis ultérieurement, hors la présence de l'officier de police judiciaire et du contrôle du juge des libertés et de la détention, qui prend fin avec la clôture du PV de visite et de saisie (CA VERSAILLES, 19 avril 2022, n° 3475-3477/21, société Doctolib c/ ADLC; CA DOUAI, 12 janvier 2023, n° 21/05301, société Eurovia Picardie c/ DGCCRF).

Par conséquent, les fichiers remis volontairement le 3 octobre 2022 n'ont pas été placés sous scellé fermé provisoire car ils n'ont pas pu être analysés pendant la visite du 29-30 septembre 2022.

Cependant, l'Autorité de la concurrence souligne que l'absence de placement sous scellé fermé provisoire des fichiers remis le 3 octobre 2022 ne cause aucun grief à la requérante, dans le cadre de son recours pour faire valoir ses prétentions que des documents remis à l'Autorité de la concurrence n'auraient pas dû l'être. (Cass. Crim. 14 octobre 2015, n° 14-83302)

En l'espèce, la requérante a fait état d'une liste de messages protégés au titre de la correspondance avocat-client, issus des boîtes de messagerie communiquées le 3 octobre 2022, dont elle demande l'annulation de la saisie.

Par conséquent, nonobstant l'absence de placement des 10 fichiers remis sous scellé fermé provisoire par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, le recours permet à la requérante de faire valoir que des courriels d'un fichier de messagerie remis volontairement relèveraient de la protection des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense. L'allégation de la requérante que la remise de fichiers aurait été effectuée sans aucune garantie concernant leurs droits de la défense est dès lors dépourvue de fondement.

Enfin, la requérante considère à titre surabondant que le fait d'avoir, dans le cadre d'une procédure d'OVS diligentée sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, remis des documents dans des conditions non prévues par les dispositions de cet article caractérise un détournement de procédure.

L'Autorité de la concurrence rappelle qu'en vertu de l'article L. 450-4 du code de commerce, l'entreprise visitée, ayant reçu une copie de l'ordonnance d'autorisation et étant informée de l'objet de l'enquête par les rapporteurs, doit donner accès aux rapporteurs aux lieux visés par l'ordonnance d'autorisation, ainsi qu'aux documents, supports d'information et leurs moyens de déchiffrement, détenus, accessibles ou disponibles depuis les lieux visés par l'ordonnance.

En l'espèce, comme le montre le procès-verbal du 29-30 septembre 2022, les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont demandé à LONGCHAMP la mise à disposition des fichiers de messagerie pendant la visite. Si LONGCHAMP avait mis à la disposition des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence, les fichiers sollicités pendant la visite du 29-30 septembre 2022, ceux-là auraient pu les examiner et décider de leur éventuelle saisie. Ce traitement a été appliqué aux fichiers de messagerie de MM. [W] et [P] que LONGCHAMP a fournis pendant la visite. Si LONGCHAMP n'est pas en mesure de mettre à la disposition des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence les fichiers sollicités pendant la durée de la visite, notamment pour des raisons techniques, cette situation, déjà préjudiciable à l'Autorité de la concurrence ne doit en aucun cas permettre de faire échec à la mesure de vérification ordonnée par le juge. La remise ultérieure des fichiers par l'entreprise, bien qu'imparfaite, permet de limiter les possibilités d'échapper en partie au contrôle diligenté par le juge des libertés et de la détention.

L'Autorité de la concurrence soutient que la requérante n'apporte aucun élément permettant de caractériser une quelconque contrainte de la part des rapporteurs de l'Autorité de la concurrence quant à la remise ultérieure des fichiers de messagerie qu'elle n'a pas été en mesure de mettre à la disposition des rapporteurs pendant les opérations de visite et de saisie du 29-30 septembre 2022. Le procès-verbal ne fait mention d'aucune observation ou refus de la part de la société LONGCHAMP sur cette remise.

Par conséquent, aucun détournement de procédure n'est caractérisé, la remise volontaire de fichiers de messagerie ayant été effectuée postérieurement à la clôture du procès-verbal du 29-30 septembre 2022, en dehors de l'application de l'article L. 450-4 du Code de commerce.

C. Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence aurait saisi des pièces couvertes par la confidentialité des correspondances avocat-client

1. Sur l'allégation selon laquelle les correspondances avocat-client bénéficierait d'une protection générale, absolue et illimitée dans le temps

L'Autorité de la concurrence relève que, contrairement aux allégations de la requérante, le principe de confidentialité des correspondances avocat-client est encadré, tant par le droit européen, que par le droit interne.

L'Autorité de la concurrence avance en premier lieu, que le droit de l'Union européenne énonce deux conditions à la protection des correspondances avocat-client. D'une part, il doit s'agit d'une correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et, d'autre part, elle doit émaner d'avocats indépendants, c'est-à-dire d'avocats non liés au client par un rapport d'emploi (CJCE, 18 mai 1982, AM & S Europe c/ Commission, aff. 155/79, point 21).

S'agissant de la première condition, il est précisé qu'une correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client s'entend comme couvrant de plein droit toute correspondance échangée après l'ouverture de la procédure administrative, susceptible d'aboutir à une décision infligeant à l'entreprise une sanction pécuniaire, elle doit pouvoir être entendue également à la correspondance antérieure, ayant un lien de connexité avec l'objet d'une telle procédure (CJCE, 18 mai 1982, AM & S Europe c/ Commission, aff. 155/79, point 23).

S'agissant de la seconde condition, cela concerne les correspondances émanant exclusivement d'avocats indépendants, non liés au client par un rapport d'emploi comme les juristes d'entreprises. Ces deux conditions sont cumulatives. En outre, cette protection a pour objectif d'éviter les préjudices que la prise de connaissance par la Commission du contenu d'un document confidentiel et l'incorporation irrégulière de celui-ci au dossier de l'enquête peuvent causer aux droits de la défense de l'entreprise concernée (CJUE, Grande chambre, 14 septembre 2010, Akzo Nobel et autres c/ Commission, aff. C-550/07 P, point 40). Ces principes sont repris dans le point 51 de la communication de la Commission européenne concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d'application des articles 101 et 102 du TFUE du 20 octobre 2011. Par application de la primauté du droit de l'Union européenne, seules les correspondances avocat-client qui seraient liées à l'exercice des droits de la défense dans un dossier d'enquête de concurrence et incorporées irrégulièrement à celui-ci par les enquêteurs pourraient faire l'objet d'une annulation, le cas échéant, lors du contrôle a posteriori exercé par le juge.

En deuxième lieu, l'Autorité de la concurrence rappelle qu'au regard de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971. Dans le contentieux des opérations de visite et de saisie en droit de la concurrence, le principe de la libre défense commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense (Cass. Crim. 24 avril 2013, n° 12-80331). Les correspondances avocat-client ne peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visite prévues par l'article L. 450-4 du code de commerce dès lors qu'elles ne concernent pas l'exercice des droits de la défense (Cass. Crim., 25 novembre 2020, n° 19-84304). Il résulte des dispositions du deuxième aliéna de l'article 56-1 du code de procédure pénale tel que modifié par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire qu'un document est insaisissable aux deux conditions cumulatives qu'il soit couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, d'une part, et qu'il relève de l'exercice des droits de la défense, d'autre part. Dispositions qui ont été jugées conformes à la Constitution ( Cons. Constit., Décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, Ordre des avocats au barreau de Paris et autres, perquisitions dans le cabinet d'un avocat ou à son domicile).

L'Autorité de la concurrence soutient en troisième lieu, qu'il ne saurait être interdit à ses agents de prendre connaissance de manière sommaire des documents afin de décider s'ils doivent ou non les saisir (Cass crim, 4 mai 2017, n° 16-81043 et n° 16-81062). Le seul fait, pour un enquêteur lui-même soumis au secret professionnel, de prendre connaissance de documents couverts par ce secret (Cass com, 11 juin° 2013, n° 12-21936) ne vicie pas la procédure et ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors qu'écartés avant saisie par les rapporteurs sur la base des justifications de l'entreprise ou annulés ultérieurement par le Premier président, ces documents ne peuvent en aucun cas servir de base à une accusation et à une sanction.

En outre, cette prise de connaissance sommaire de documents susceptibles d'être couverts par le secret se justifie par la nécessité de vérifier qu'ils entrent manifestement, explicitement et véritablement dans le cadre de la protection alléguée pour pouvoir être écartés ou, le cas échéant, annulés et en ce qui concerne plus particulièrement la protection de la correspondance avocat-client, de vérifier que l'avocat n'est ni co-auteur, ni complice de l'infraction suspectée recherchée. Si la décision définitive concluait à l'irrégularité de certaines saisies, les pièces concernées annulées (tant les originaux que les copies éventuellement détenues) pourraient être restituées ou supprimées et ne pourraient en aucune façon être utilisées dans la procédure d'instruction et a fortiori de décision. Ainsi, la prise de connaissance des documents protégés entraîne l'annulation des seuls documents concernés, celle-ci ayant un effet rétroactif, et l'interdiction pour l'administration d'en faire état. Le cas échéant, l'annulation des seules correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense suffit à rétablir l'entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tenant à l'élimination des documents protégés contenus dans les saisies ou les remises ultérieures en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue par l'Autorité de la concurrence, prononcée par le juge.

Enfin, l'Autorité de la concurrence soutient en quatrième lieu, que lorsqu'est demandée l'annulation des courriels avocat-client contenus dans des fichiers de messagerie saisis ou remis globalement et pour partie utiles à la manifestation de la vérité, la restitution ne pourra pas être ordonnée en raison du caractère non sécable de la messagerie mais l'Autorité de la concurrence ne pourra aucunement en faire état (Cass crim, 20 décembre 2017, n° 16-83469). L'annulation de pièces, contrairement à la simple restitution, a un effet rétroactif et replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la saisie. Une fois l'annulation prononcée par une décision devenue définitive, l'Autorité de la concurrence est censée n'avoir jamais eu au dossier les pièces annulées et ne pourra, en aucun cas, en faire état.

Dans ces conditions, selon l'Autorité de la concurrence, aucune violation des droits de la défense ne peut être constatée.

2. Sur le périmètre du dispositif de protection de la confidentialité des correspondances avocat-client avant saisie mis en œuvre lors des opérations effectuées sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce par l'Autorité de la concurrence.

L'Autorité de la concurrence avance en premier lieu, que l'objet de la mise sous scellé fermé provisoire est de permettre l'élimination, avant saisie, des seules correspondances avocat-client dont la saisie porterait atteinte aux droits de la défense de l'entreprise, en particulier dans le dossier de concurrence de l'enquête en cours car seules celles-ci seraient susceptibles de faire véritablement grief à l'entreprise, l'Autorité de la concurrence ayant une compétence limitée à la sanction, le cas échéant, des pratiques frauduleuses qui violeraient le droit de la concurrence exclusivement.

En deuxième lieu, l'Autorité de la concurrence rappelle l'appréciation in concreto des documents qui relèvent de la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense en tenant compte de la spécificité des enquêtes exclusivement économiques ouvertes par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence ayant trait à des présomptions de violation des règles du droit de la concurrence (18 mai 2021, n° 2302-2303-2304-2305/2, sociétés Nuvia c/ Autorité de la concurrence).

En troisième lieu, l'Autorité de la concurrence affirme que le principe de la protection de la correspondance avocat-client n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions. Dans ces conditions, la procédure de scellés fermés provisoires, permet dans un premier temps d'éliminer des fichiers informatiques, avant saisie, les correspondances avocat-client en lien avec les droits de la défense dans un dossier de concurrence, domaine de leur compétence, ne porte aucune atteinte aux droits fondamentaux, et notamment aux droits de la défense, dès lors que, dans un second temps, l'entreprise dispose avant tout d'un recours a posteriori devant le Premier Président de la cour d'appel qui lui permet de demander l'annulation des fichiers individuels ou courriels qui seraient en lien avec l'exercice des droits de la défense, quel que soit le domaine du droit concerné, le juge du contrôle appréciant in concreto chaque pièce produite et la motivation qui l'accompagne, dans le cadre d'un débat contradictoire. Seule l'autorité judiciaire est compétente pour apprécier in fine si un document saisi est couvert par le secret du conseil en lien avec l'exercice des droits de la défense, notamment en cas de désaccord sur la réalité de la protection invoquée

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence affirme qu'il avait expressément été fait mention dans les procès-verbaux du contrôle du Premier Président de la cour d'appel de la détection de pièces relevant du secret de la correspondance avocat-client. Il relevait de la seule responsabilité de la requérante de sélectionner uniquement les véritables échanges directs avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense et de motiver et justifier sa demande d'annulation pour chacun d'entre eux afin de ne pas alourdir le travail de la juridiction, ce qu'elle a manqué de faire, en se livrant à l'exercice contraire consistant à produire des listes volumineuses et confuses de documents.

En quatrième lieu, il est soutenu que le périmètre de la mesure de protection par le placement sous scellé fermé provisoire des fichiers informatiques proposée par l'Autorité de la concurrence et acceptée par LONGCHAMP est clairement indiqué dans les procès-verbaux des 29 et 29-30 septembre 2022. L'Autorité de la concurrence affirme que ses rapporteurs ont pris l'initiative de demander à LONGCHAMP si les saisies informatiques étaient susceptibles de contenir des correspondances avocat-client afin de pouvoir recourir à la procédure protectrice du scellé fermé provisoire. Il suffisait à l'occupant des lieux ou à son représentant, au moindre doute, de répondre par l'affirmative pour déclencher la mise en œuvre de la mesure de protection de la correspondance avocat-client. Lors de la proposition qui lui a été faite de la mise en place de la procédure du scellé fermé provisoire, LONGCHAMP n'a à aucun moment contesté le champ de celle-ci. Par ailleurs, Mme [NF], occupante des lieux et directrice juridique de LONGCHAMP, peut être considérée comme une personne avertie capable de fournir des conseils juridiques à son employeur.

À aucun moment pendant les opérations qui se sont déroulées du 29 septembre 2022 à 9h45 au 30 septembre 2022 à 1h40 du matin, l'occupant des lieux et/ou ses représentants n'ont interpellé l'officier de police judiciaire pour lui soumettre une difficulté sérieuse quant au champ de la mesure de protection qui leur a été proposée, qui aurait nécessité la saisine du juge de la liberté et de la détention, chargé de contrôler les opérations.

Au surplus, les réserves écrites sont toujours possibles. Cependant, aucune réserve écrite n'a été remise à l'officier de police judiciaire présent lors des opérations du 29-30 septembre 2022 dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2], seul site sur lequel les fichiers informatiques sélectionnés ont été placés sous scellé fermé provisoire.

L'Autorité de la concurrence rappelle que le placement sous scellé fermé provisoire ne constitue en aucune manière une obligation pour les rapporteurs. La possibilité de constituer des scellés provisoires est une faculté laissée à l'appréciation des enquêteurs, agissant sous le contrôle du juge (Cass crim, 20 avril 2022, n° 20-87248).

En l'espèce, la société LONGCHAMP, après avoir accepté dans un premier temps cette procédure pour les fichiers informatiques sélectionnés dans les locaux situés au [Adresse 2], s'agissant notamment de la messagerie de M. [X] [W], n'a pas transmis à l'Autorité de la concurrence de demande de suppression de documents qui relèveraient de ladite protection dans le délai imparti.

Un délai de 14 jours calendaires, soit du 1er au 14 octobre 2022, a été octroyé à LONGCHAMP afin de faire parvenir à l'Autorité de la concurrence la liste de documents qu'elle estime couverts au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence, comme en atteste la page 7 du PV du 29-30 septembre 2022 dressé dans les locaux situés [Adresse 2].

Or, par courriel du 12 octobre 2022 (pièce adverse n° 7), le conseil de LONGCHAMP écrit au rapporteur général de l'Autorité de la concurrence afin de demander un "délai supplémentaire de deux semaines "pour permettre à sa cliente" d'effectuer une revue exhaustive du contenu du scellé fermé provisoire".

Cette demande a été formulée seulement deux jours avant l'expiration du délai initialement prévu. De surcroît, la motivation de cette demande permet de constater que la requérante entend élargir de manière unilatérale le champ de ses recherches à des supports d'information autres que la seule messagerie de M. [W], qu'elle a déclarée susceptible de contenir de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence et se démarquer ainsi de l'objet de l'accord intervenu avec les rapporteurs quant à la mise en œuvre de la procédure du scellé fermé provisoire arrêté par PV du 29-30 septembre 2022.

Par ailleurs, si la requérante considère que "ce scellé est toutefois particulièrement volumineux puisqu'il contient pas moins de 70522 fichiers informatiques saisis sur huit ordinateurs différents et un téléphone, ainsi que l'intégralité des fichiers de messagerie de MM. [W] et [P], qui contiennent près de 200 000 messages", cette affirmation doit être à tout le moins relativisée au vu du nombre réduit de fichiers sélectionnés et placés sous scellé fermé provisoire (devenu scellé définitif le 25 octobre 2022) par rapport au nombre de fichiers préalablement analysés par les rapporteurs sur le site [Adresse 2].

L'Autorité de la concurrence ajoute en cinquième lieu, qu'il appartient aux demandeurs de verser aux débats les pièces contestées, en précisant les raisons les rendant insaisissables (Cass com, 5 janvier 2016, n° 14-24666) et de justifier en quoi ces éléments sont en lien avec l'exercice des droits de la défense (Cass crim, 25 novembre 2020, n° 19-84304 ; Cass crim, 10 janvier 2023, n° 21-85526, sociétés Hubside et autres).

En l'espèce, le 30 mai 2023, il est relaté que la requérante a communiqué à l'Autorité de la concurrence quatre clés USB correspondant à la nouvelle pièce adverse n° 17 dans le cadre du recours contre le déroulement des opérations conduites dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2], enregistré sous le n° RG 22/16778. Ces clés USB contiennent 3 listes de courriels mentionnées en pièces adverses n° 13, 14 et 15, ainsi que trois répertoires correspondants contenant des courriels et leurs pièces jointes. Le 1er juin° 2023, la requérante a communiqué à l'Autorité de la concurrence une clé USB correspondant à la nouvelle pièce adverse n° 9 dans le cadre du recours contre le déroulement des opérations conduites dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1], enregistré sous le n° RG 22/16777 (Annexe D aux présentes observations). Cette clé USB contient une liste de 22 courriels mentionnée en pièce adverse n° 7, ainsi qu'un répertoire contenant un courriel et une pièce jointe. Cependant, alors même que par la communication des clés USB les 30 mai et 1er juin° 2023, la requérante produit aux débats des courriels qu'elle prétend protégés "au titre de la correspondance avocat-client", elle s'abstient de justifier et de motiver pour chacun d'eux son lien avec l'exercice des droits de la défense. Par conséquent, la requérante ne saisit pas le Premier président de la Cour d'appel d'allégations motivées que des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense auraient été saisies dans les locaux de LONGCHAMP.

L'Autorité de la concurrence ajoute en outre que la requérante semble confondre la procédure a priori facultative du scellé fermé provisoire avec le contrôle in concreto effectué a posteriori devant le Premier président de la Cour d'appel prévu par le législateur à l'article L. 450-4 alinéa 12 du code de commerce. Comme cela a été développé supra, la procédure du scellé fermé provisoire a été mise en œuvre à partir de 2014, sur demande des entreprises. Il s'agit d'une simple procédure facultative offerte aux entreprises, qui peuvent la refuser ou y renoncer (Cass crim, 18 décembre 2019, n° 18-86750) et qui n'a aucunement vocation à remplacer le contrôle du Premier président, mais qui œuvre à concilier les principes de la protection du secret de la correspondance avocat-client et les impératifs liés à l'efficacité de l'enquête, sans perturber inutilement le fonctionnement de l'entreprise. L'objectif de la procédure du scellé fermé provisoire est de supprimer avant saisie les documents qui pourraient causer un grief à l'entreprise, dans le cadre de l'enquête de concurrence en cours. Il n'y a donc aucune contradiction à ce que l'Autorité de la concurrence réserve sa procédure facultative de scellé fermé provisoire aux correspondances avocat-client relatives à l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence, dès lors que l'entreprise peut la refuser ou y renoncer pour porter directement sa demande, quel que soit le domaine du droit concerné, devant le Premier président, notamment en cas de désaccord sur l'étendue de cette protection.

Alors même que la société LONGCHAMP a renoncé à présenter une demande sérieuse, dans le délai prévu, de suppression de documents prétendument protégés lors de l'ouverture du scellé fermé provisoire, elle ne saisit pas non plus le Premier président de demande motivée relative à l'annulation de documents prétendument protégés par le secret de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense qui seraient contenus dans les fichiers définitivement saisis le 25 octobre 2022 ou remis le 3 octobre 2022, rendant sa prétention sans objet.

Par conséquent, il est soutenu que la jurisprudence invoquée par la requérante ne permet pas de soutenir la contestation de celle-ci portant sur le périmètre de la procédure de protection avant saisie proposée par l'Autorité de la concurrence, au bénéfice de laquelle elle a, par ailleurs, renoncé de son propre chef, en ne respectant pas délibérément ce à quoi elle s'était engagée par procès-verbal du 29-30 septembre 2022.

L'Autorité de la concurrence rappelle en outre que la présence dans les saisies ou, le cas échéant, dans les remises ultérieures, de documents protégés par la confidentialité de la correspondance avocat-client ne saurait avoir pour effet d'invalider la totalité des opérations de visite et saisie ou l'intégralité des saisies ou remises volontaires de fichiers informatiques(Cass crim, 20 avril 2022, n°20-87248). Régulièrement saisies ou remises volontairement, utiles à l'enquête et à l'instruction, et porterait irrémédiablement atteinte à l'efficacité de celles-ci. L'annulation des seuls documents et/ou courriels qui seront reconnus par le juge comme pouvant véritablement bénéficier de la protection de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense permet de rétablir l'entreprise dans ses droits (Cass crim, 16 décembre 2009, n° 08-86359 ; voir aussi 16 juin° 2011, n° 11-80345 et 11 janvier 2012, n° 10-87087). L'Autorité de la concurrence peut être amenée à saisir des documents dont le caractère confidentiel n'est pas revendiqué et/ou prouvé par l'entreprise le jour des opérations de visite et saisie ou qui ne présentent pas de façon manifeste les caractéristiques d'une correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense, sans violation de ceux-ci, dès lors que la requérante dispose également d'un recours effectif devant la cour d'appel lui permettant de contester ultérieurement la régularité de la saisie (Cass crim, 14 octobre 2015, n°14-83302 ; CEDH, 21 mars 2017, Janssen Cilag S.A.S. c/ France, n° 33931/12).

L'Autorité de la concurrence ajoute qu'il appartient à la requérante d'établir la réalité de la protection qu'elle invoque, soit en fournissant aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence les informations et explications leur permettant de s'assurer pendant les opérations de visite et saisie que les documents dont la saisie est contestée relèvent véritablement de la protection demandée, soit en produisant devant la Cour de céans les documents dont la protection est demandée au titre de la correspondance avocat-client pour tenter d'obtenir leur annulation après avoir expliqué pour chacun d'eux les raisons de sa protection (Cass crim, 4 mars 2020, n° 18-84071 ; Cass crim, 25 novembre 2020, n° 19-84304). Par la méthode de suppression des correspondances protégées au titre de la confidentialité de la correspondance avocat-client dans un dossier de concurrence proposée par l'Autorité de la concurrence avant la saisie sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et acceptée par l'entreprise, et surtout par le recours devant la cour d'appel qui permet l'annulation des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense, le cas échéant, après la fin des opérations de visite et de saisie, ce double recours effectif (Cass crim, 11 juillet 2017, n° 16-81037 ; Cass crim, 23 novembre 2016, n° 15-81131) permet sans équivoque que les droits de la défense de la requérante, notamment son droit à la confidentialité de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense, en particulier dans le dossier de l'enquête de concurrence, soient respectés dès le stade de l'enquête préalable.

L'Autorité de la concurrence soutient qu'en l'espèce, tant la procédure a priori de mise sous scellé fermé provisoire des fichiers sélectionnés par les rapporteurs (mise en œuvre au cas présent sur le site de LONGCHAMP situé au [Adresse 2] du fait de la réponse de l'occupant des lieux à la question posée par les rapporteurs, actée par le PV du 29-30 septembre 2022), que celle a posteriori de contrôle par le Premier président, sont totalement respectueuses des droits de la défense.

L'Autorité de la concurrence avance que cependant, la requérante ne saisit pas le juge d'appel d'allégations motivées selon lesquelles certains courriels des fichiers saisis le 25 octobre 2022 ou remis le 3 octobre 2022 relèveraient de la confidentialité des échanges avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense, confirmant le caractère factice de son allégation. Malgré l'identification de milliers de courriels en pièce adverse n° 17 et d'un courriel et une pièce jointe en pièce adverse n° 9, la requérante n'a pas apporté d'élément de nature à établir que ces courriels sont en lien avec l'exercice des droits de la défense, ce qu'elle se garde d'alléguer par ailleurs.

3. Sur les prétendus manquements à la protection de la correspondance avocat-client invoqués par LONGCHAMP

S'agissant des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1], l'Autorité de la concurrence relève que les 5 985 éléments saisis représentent un pourcentage infime, de seulement 0,22 % des éléments analysés. Selon l'Autorité de la concurrence, ce chiffre et ce pourcentage témoignent à eux seuls que les rapporteurs ont procédé aux saisis avec discernement et proportionnalité, en cherchant à sélectionner les seuls fichiers contenant des éléments en lien avec l'objet de l'enquête. Dans sa requête, l'Autorité de la concurrence fournit un tableau relatif aux éléments analysés et aux éléments saisis.

D'autre part, l'Autorité de la concurrence relève que la demande de la requérante de restitution des correspondances avocat-client figurant dans les documents saisis au [Adresse 1] n'est aucunement motivée.

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence observe que la requérante ne produit pas aux débats les courriels litigieux et elle se garde d'alléguer que ces échanges seraient en lien avec l'exercice des droits de la défense de LONGCHAMP. En effet, la pièce communiquée à l'Autorité de la concurrence le 1er juin 2022 ne permet pas de soutenir que les 22 courriels listés en pièce adverse n° 7 sont versés aux débats. Cette clé USB ne contient qu'un seul courriel sur les 22 courriels listés dans le tableau produit en pièce adverse n° 7.

Par conséquent, nonobstant la production d'une liste de 22 courriels en pièce adverse n° 7, la requérante manque à son obligation de produire aux débats lesdits courriels.

La requérante n'apporte pas la preuve qui lui incombe et ne saisit pas le Premier président d'allégations motivées que des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense auraient été saisies dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1].

En second lieu, s'agissant des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2], l'Autorité de la concurrence relève que la motivation avancée par la requérante est insuffisante.

En effet, l'Autorité de la concurrence observe que la requérante se contente d'affirmer qu'au vu du seul libellé de l'objet de ces correspondances ou du seul objet d'un courriel, son expéditeur ou son destinataire a la qualité d'avocat extérieur indépendant et que son contenu est en lien avec l'exercice des droits à la défense.

La requérante doit justifier et motiver pour chacune des correspondances litigieuses son lien avec l'exercice des droits de la défense (Cass. Crim., 25 novembre 2020, n° 19-84304.)

En l'espèce, il est soutenu qu'elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe et ne saisit pas le Premier président d'allégations motivées que des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense auraient été saisies dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2] ou remis postérieurement par LONGCHAMP

Selon l'Autorité de la concurrence, l'absence de motivation et/ou une motivation large et générale comme celle apportée par la requérante lors de l'établissement des listes qui figurent en pièces adverses n° 13 et 14 "personnel", ne permettent pas de vérifier les conditions jurisprudentielles nécessaires à l'application de la protection du secret des correspondances avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense.

D. Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence aurait saisi des documents dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par le juge des libertés et de la détention.

- En premier lieu, il est soutenu qu'il ressort des arrêts invoqués par la requérante que, contrairement aux allégations de celle-ci, les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence peuvent saisir des documents ou fichiers pour partie utiles à la preuve des agissements dont la recherche a été autorisée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, s'agissant notamment de fichiers de messagerie par nature composites et insécables, tout comme des agendas, carnets et cahiers de notes.

La saisie globale des fichiers de messagerie pour partie utiles à la preuve des agissements recherchés est valide (Cass. Crim., 12 décembre 2007, n° 06-81907). Si l'administration ne peut appréhender que des documents se rapportant aux agissements retenus par l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie, il ne lui est pas interdit de saisir des pièces pour partie utiles à la preuve de ces agissements (Cass. Crim., 14 décembre 2011, n° 10-85293 ; Cass. Crim., 29 juin 2011, n° 10-85479). Dès lors qu'une partie du document saisi contient des informations entrant dans le champ de l'autorisation, à appréhender la totalité de celui-ci lorsqu'il constitue un tout indissociable afin de préserver l'authenticité du document saisi (Cass. Crim., 8 avril 2010, n° 08-87416).

Contrairement aux allégations de la requérante, les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence peuvent saisir des documents ou fichiers pour partie utiles à la preuve des agissements dont la recherche a été autorisée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, s'agissant notamment de fichiers de messagerie par nature composites et insécables, tout comme des agendas, carnets et cahiers de notes.

- En deuxième lieu, il est avancé que les exemples cités par la requérante ne sont pas transposables à l'espèce dans la mesure où LONGCHAMP n'allègue pas et établit encore moins que certains documents saisis seraient étrangers au secteur de la distribution des articles de la maroquinerie.

- En troisième lieu, il est soutenu que la saisie d'éléments hors champ, conséquence de la saisie globale d'une messagerie électronique est sans incidence sur la régularité de la saisie.

Il appartient à la requérante de demander le classement en secret d'affaires de l'ensemble des fichiers de messageries professionnelles ou de tout autre fichier informatique individuel sur le fondement des articles L. 463-4 et R. 463-13 à 15 du code de commerce si elle souhaite préserver la confidentialité des données informatiques contenues dans ces différents fichiers (Cass crim, 13 janvier 2010, n° 07-86229 ; Cass crim, 14 juin 2022, n° 21-84460), ce qu'elle ne manquera pas de faire. Le tout indissociable que forme une messagerie contient donc bien des documents utiles ou pour partie utiles à la manifestation de la vérité dans le secteur de la distribution d'articles de maroquinerie (Cass crim, 19 novembre 2003, n° 02-81997 ; Cass com, 13 juillet 2004, n° 03-11430 ; Cass crim, 9 février 2005, n° 03-86664 ; Cass crim, 12 décembre 2007, n° 06-81907).

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence soutient que la présence de courriels en dehors de l'objet de l'enquête, contenus dans un fichier de messagerie électronique, ne saurait entraîner la nullité des opérations de visite et de saisie, voire remettre en cause la saisie globale de la messagerie elle-même, à partir du moment où les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont vérifié préalablement que celle-ci contenait des éléments en rapport avec l'enquête, ce qui est établi par les procès-verbaux des 29 et 29-30 septembre 2022 dressés dans les locaux de la requérante. Le tout indissociable que forme une messagerie contient donc bien des documents utiles ou pour partie utiles à la manifestation de la vérité dans le secteur de la distribution d'articles de maroquinerie (Cass crim, 19 novembre 2003, n° 02-81997 ; Cass com, 13 juillet 2004, n° 03-11430 ; Cass crim, 9 février 2005, n° 03- 86664 ; Cass crim, 12 décembre 2007, n°06-81907)

Par conséquent, il est affirmé qu'il en résulte que la saisie globale des fichiers de messagerie professionnelle dans les locaux de LONGCHAMP a été régulière.

En quatrième lieu, il est soutenu que ces documents ont répondu à la procédure sélective notamment par mots clés réalisée le jour des investigations pour appréhender les documents paraissant pertinents. En outre, il est difficile, à ce stade inachevé de l'instruction, d'établir définitivement que ces documents sont véritablement hors du champ de l'autorisation judiciaire, ce que d'ailleurs la requérante n'établit pas pour chacun de ceux-ci. De plus, il n'est pas démontré par la requérante en quoi la présence d'éléments qui seraient en dehors de l'objet de l'enquête, qu'elle ne liste et ne produit pas devant la cour d'appel afin d'expliquer et de motiver pour chacun d'entre eux son caractère hors du champ de l'autorisation judiciaire pour que le Premier président puisse exercer son contrôle in concreto conformément à la jurisprudence en vigueur, lui fait grief ou porte atteinte à un droit légalement protégé. L'Autorité de la concurrence ne pourra que constater que ces documents sont sans intérêt pour l'instruction en cours et assurer la requérante qu'elle n'en fera, en aucun cas, usage. En tout état de cause, la présence de documents qui seraient étrangers au champ des investigations dans les saisies réalisées dans les locaux de la requérante ne porte aucun grief à ses intérêts et ne saurait en conséquence invalider leur saisie à partir du moment où les saisies contiennent des documents utiles ou pour partie utiles à l'enquête et à l'instruction, ce qui a été vérifié avant saisie par les rapporteurs. Ainsi, les documents qui seraient hors de l'objet de l'enquête, notamment contenus dans les fichiers de messagerie professionnelle, loin de constituer une saisie attentatoire aux droits de la défense, sont conservés par l'administration jusqu'à ce que la décision soit devenue définitive, comme l'a prévu le législateur à l'article L. 450-4 alinéa 12 du code de commerce.

En l'espèce, s'agissant notamment des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de Longchamp situés [Adresse 1], après avoir rappelé l'objet de l'ordonnance d'autorisation du 28 septembre 2022, la requérante formule une demande de "restitution des documents saisis qui sont étrangers à l'objet de l'enquête ", sans pour autant identifier des documents saisis qui seraient prétendument étrangers à l'objet de l'enquête, les produire aux débats et motiver pour chacun d'eux son caractère prétendument hors champ de l'autorisation judiciaire.

S'agissant des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de Longchamp situés [Adresse 2], il est indiqué qu'après avoir rappelé l'objet de l'ordonnance d'autorisation du 28 septembre 2022, la requérante demande la restitution de 11637 documents listés dans un tableau produit en pièce adverse n° 15, qu'elle considère être "dénuées de tout lien avec l'objet de l'enquête" en ce qu'ils relèvent prétendument de la vie privée de M. [W].

Il est avancé soit ces documents sont prétendument en dehors du champ de l'enquête, soit ils relèvent de la vie privée de M. [W].

Il est soutenu que dans le premier cas, leur saisie dans le cadre de la saisie de fichiers de messagerie professionnelle en partie utiles pour l'enquête et l'instruction ne porte atteinte à aucun droit légalement protégé tel qu'il ressort de l'analyse de la liste fournie par la requérante que chacun des 11637 documents listés dans le tableau produit en pièce adverse n° 15 provient d'un fichier de messagerie appartenant à M. [W]. Leur saisie est dès lors régulière.

- En cinquième lieu, il est soutenu en outre que les saisies ont exclusivement porté sur des supports d'information (ordinateurs et téléphones mobiles) et des boites de messageries électroniques professionnelles mis à leur disposition par leur employeur pour émettre et recevoir des messages à caractère professionnel dans le cadre de leur activité salariée. Dès lors qu'un support d'information est mis à la disposition du salarié par son employeur, il est présumé avoir un caractère professionnel.  De plus, tous les documents, courriels ou fichiers individuels créés par le collaborateur à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.  Ces éléments ne sont pas par nature exclus du champ des investigations (Cass crim, 20 décembre 2017, n° 16-83469 ; Cass crim, 21 février 2023, n° 21-85572). Le simple fait pour un document, un message ou un fichier de porter en objet une mention ou d'être placé dans un dossier "personnel" ou "privé" ne suffit pas à lui conférer un caractère privé, seul l'examen in concreto de son contenu permet de qualifier un document de personnel (Cass crim, 23 novembre 2016, n° 15-81131 ; Cass crim, 19 décembre 2018, n° 17-86336 ; Cass crim, 20 janvier 2021, n° 19-84292). Lorsqu'une société souhaite obtenir l'annulation ou la restitution de la saisie de documents relevant prétendument de la vie privée de ses salariés, il lui revient d'apporter la preuve de ses allégations et produire individuellement les documents litigieux, dans un format lisible, afin de permettre le contrôle in concreto du Premier président et un débat contradictoire, le cas échéant (Cass crim, 19 décembre 2018, n° 17-86337.)

En l'espèce, l'Autorité de la concurrence soutient qu'une motivation large et générale comme celle apportée par la requérante lors de l'établissement de la liste qui figure en pièce adverse n° 15 "personnel", ne permet pas de vérifier les conditions jurisprudentielles nécessaires à l'application de la protection de la vie privée.

Cependant, il est affirmé que nonobstant la communication de deux clés USB à l'Autorité de la concurrence, la requérante manque à justifier pour chacun son appartenance à la protection alléguée, une motivation large comme celle avancée par les conclusions du 24 mai 2023 de la requérante, qui entend établir le caractère protégé de ces courriels au vu du seul objet de ces courriels est insuffisante.

En tout état de cause, si des documents, fichiers individuels ou des courriels relevant de la vie privée étaient contenus dans les saisies, ce qui n'est pas établi par la requérante, ceux-ci n'intéresseraient aucunement les services d'instruction de l'Autorité de la concurrence qui de plus ne pourraient en faire aucun usage (Cass crim, 21 février 2023, n° 21-85572).

Par ailleurs, l'Autorité de la concurrence soutient qu'il n'appartient pas à la société LONGCHAMP de revendiquer les documents personnels ou de la vie privée de certains de ses salariés. Ainsi, il appartient avant tout à M. [W] d'en revendiquer la protection, ce qu'il pouvait faire, soit par une action principale (Cass crim, 27 octobre 2017, n° 17-86327), soit par une intervention volontaire (Cass crim, 30 novembre 2011, n° 10-81748).

Il en résulte qu'à défaut pour cette personne d'être intervenue à l'instance, d'avoir identifié précisément les documents dont la saisie est contestée et de justifier véritablement de leur insaisissabilité pour chacun d'entre eux, il ne pourra être reproché à la cour d'appel de ne pas avoir prononcé l'annulation et/ou la restitution en rejetant la demande de la requérante.

Pour ces motifs, l'Autorité de la concurrence demande de :

- déclarer régulière l'opération de saisie des fichiers informatiques du 25 octobre 2022 ;

- rejeter les demandes, à titre principal, d'annulation des opérations de visite et de saisie qui se sont déroulées du 29 au 30 septembre 2022 dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1] et de restitution de l'ensemble des documents saisis ;

- rejeter les demandes, à titre subsidiaire, d'annulation et de restitution des 4027 documents prétendument couverts par le secret de la correspondance avocat-client listés en pièces adverses n° 13 et 14, saisis dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2], pour défaut de justification et motivation des allégations de la requérante pour chacun d'entre eux du lien avec l'exercice des droits de la défense, ainsi que des prétendues correspondances avocat-client qui auraient été saisies dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1] listées en pièce adverse n° 7 et non produites, pour défaut de justification et motivation des allégations de la requérante pour chacune d'entre elles du lien avec l'exercice des droits de la défense ;

- rejeter les demandes, à titre subsidiaire, d'annulation et de restitution des 11637 documents prétendument hors objet de l'enquête et/ou relevant de la vie privée de M. [W] listés en pièce adverse n° 15, saisis dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 2], pour défaut de justification et motivation des allégations de la requérante pour chacun d'entre eux, ainsi que des documents prétendument hors objet de l'enquête qui auraient été saisis dans les locaux de LONGCHAMP situés [Adresse 1], pour défaut de production, de justification et motivation des allégations de la requérante pour chacun d'entre eux;

- condamner la société LONGCHAMP au paiement de 20000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans un avis du 5 octobre 2023, le parquet général observe :

I. S'agissant des recours concernant les visites domiciliaires

1. La privation de la requérante de son droit de prendre connaissance des documents avant leur saisie et de faire valoir ses observations sur ces documents.

La société LONGCHAMP fait valoir qu'en raison du nombre de documents concernés, l'entreprise n'a pas pu prendre connaissance "avant leur saisie" des documents que les enquêteurs envisageaient de saisir, ni de formuler ses observations en temps utile sur la légalité de ces saisies en faisant valoir que ces documents n'avaient pas de rapport avec l'objet des opérations autorisées par le juge des libertés et de la détention ou qu'ils relevaient de la protection des correspondances entre un avocat et son client.

Dans les locaux situés au [Adresse 1], ont ainsi été saisis 2 192 pages de documents papier se trouvant dans neuf bureaux différents, ainsi que 6 000 documents informatiques et 20 boîtes ou archives de messagerie.

Dans les locaux situés au [Adresse 2], ont été saisis 700 pages de documents papier se trouvant dans cinq bureaux différents, plus de 70 500 éléments informatiques contenus dans neuf ordinateurs, 400 messages contenus dans un téléphone, et les fichiers de messagerie de deux salariés contenant au total près de 200 000 messages. Les enquêteurs se sont également fait remettre par la société LONGCHAMP, le 3 octobre 2022, dix autres fichiers de messagerie (contenant 570 000 messages), messages placés sous scellé fermé après que la société a eu indiqué que ces éléments de messagerie étaient susceptibles de contenir des documents protégés au titre du secret des correspondances entre un avocat et son client. Les enquêteurs avaient alors accordé à la société un délai de 14 jours, soit jusqu'au 14 octobre, pour faire le tri, l'Autorité de la concurrence ayant refusé d'accorder les délais supplémentaires demandées, le scellé provisoire ayant été finalement ouvert le 25 octobre 2022.

Ce nombre de documents, couplé à l'inexpérience des salariés - aucun d'eux n'ayant déjà fait l'expérience d'opérations de visites et de saisies - auraient donc rendu illusoire cette prise de connaissance des documents saisis et la formulation d'observations, en contradiction avec l'article L.  450-4 du code de commerce et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La prise de connaissance des documents lors des opérations est, dans le texte même de l'article L.  450-4, présenté comme une possibilité, et non une obligation (CA Paris, Chambre n° 5-15, 11 décembre 2019, RG n° 17/20112, Conseil supérieur du notariat et Association pour le développement du service notarial c/ Autorité de la concurrence, confirmée par Cass. crim., 4 novembre 2021, n° 20-80.149). Cette prise de connaissance des documents saisis n'est pas une expression du principe du contradictoire, inapplicable à ce stade de la procédure (Cass. Com., 28 novembre 2012, n° 12-18410). Elle relève de l'exigence de loyauté dans la recherche de la preuve, sous le contrôle effectif du juge des libertés et de la détention ainsi que du premier président en cas de recours. Ainsi, l'article L. 450-4 du code de commerce est tant conforme à la Constitution qu'aux articles 6, 8 et 13 de la CESDH (Cass. crim., 16 juin° 2011, n° 10-80.016).

En l'espèce, le parquet général considère que cette exigence de loyauté a été parfaitement respectée vis-à-vis de la société et de ses représentants puisque toutes les règles prévues par l'article L. 450-4 du code de commerce notamment la notification verbale de l'ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, avec remise d'une copie intégrale ; la reprise dans l'ordonnance de la possibilité pour l'occupant des lieux de faire appel à un avocat ainsi que des voies de recours et délais ; la présence d'un officier de police judiciaire par site ; la possibilité de faire des réserves, notamment après avoir pris attache avec l'avocat de la société, ce qui a été le cas de Mme [NF] pour les locaux situés au [Adresse 2] (RG n° 22/16778), aucune réserve n'ayant été faite dans le cadre des opérations concernant les locaux situés au [Adresse 1] (RG n° 22/16777) ; la possibilité, en cas de difficulté, de prévenir le juge des libertés et de la détention pour qu'il se déplace sur les lieux (ce qui n'a pas été demandé ici) ; la possibilité de contester l'ordonnance d'autorisation du juge des libertés et de la détention (ce qui a été fait et a donné lieu à l'ordonnance précitée de la présente Chambre du 28 juin° 2023, RG n° 22/16767) et celle de contester la régularité des opérations de visites domiciliaires et saisies, ce qui est l'objet des présents recours.

Ce moyen d'annulation ne pourra donc qu'être rejeté.

2. La saisie de pièces couvertes par la confidentialité des correspondances entre un avocat et son client

La correspondance entre un avocat et son client est protégée, et est insaisissable, si elle est couverte par le secret professionnel de la défense et du conseil et, bien que la requérante affirme le contraire, si elle relève de l'exercice des droits de la défense (Cons. Const. n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023). Cela n'empêche pas les enquêteurs de prendre connaissance des documents pour justement déterminer s'ils entrent manifestement dans le cadre de cette protection. PORTEEE (TPICE, 17 septembre 2007, aff. T-125/03 et T-253/03, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals) n'interdit pas les agents de se livrer à un examen sommaire des documents (CA Paris, Chambre n° 5-15, 9 décembre 2020, RG n° 19/07453, Cofepp, MBWS, Copagef et Castel Frères c/ Autorité de la concurrence). Lorsque la saisie informatique a lieu, une déclaration de l'occupant des lieux sur la présence potentielle de documents protégés par le secret des correspondances entre un avocat et son client suffit à déclencher, si les enquêteurs estiment cette mesure adaptée à la situation (Cass. crim., 14 décembre 2011, n° 10-85.293 et Cass. crim., 20 avril 2022, n° 20-87.248), une mesure de protection consistant à placer les données sous scellé fermé provisoire.

En l'espèce, cela a été le cas lors des opérations de visites domiciliaires et saisies effectuées au [Adresse 2]. Ici, il est établi que la société a disposé d'un délai de 14 jours pour identifier les documents à extraire des saisies, ce qui semble largement suffisant pour parvenir à cette tâche.

Enfin, pour le parquet général, il convient d'ajouter deux considérations complémentaires.

Tout d'abord, la présence, dans les documents saisis ou remis, de documents protégés par le secret des correspondances entre un avocat et son client n'entraîne pas l'invalidation de la totalité des opérations de visites et de saisies, la seule annulation de la saisie des documents en question par le Premier président suffisant à rétablir la société requérante dans ses droits.

A défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l'objet de l'enquête et a fortiori de ceux relevant de la confidentialité qui s'attache aux relations entre un avocat et son client, les personnes concernées devaient pouvoir faire apprécier a posteriori, de manière concrète et effective, leur régularité (CEDH 2 avril 2015, Vinci construction et GTM génie civil et services c/ France, n° 63629/10 et n° 60567/10 ; Il appartient dès lors au juge, saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils étaient sans lien avec l'enquête ou qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache aux relations entre un avocat et son client, de statuer sur leur sort au terme d'un contrôle concret de proportionnalité et d'ordonner, le cas échéant, leur restitution (CEDH, 13 avril 2017, Janssen Cilag SAS c/ France, n° 33931/12).

Ensuite, il revient à la requérante de produire les documents qu'elle estime illicitement saisis, et de motiver pourquoi, selon elle, ils relèvent de la confidentialité des échanges avec son ou ses avocats, ce qui permettra à la chambre de se prononcer (Cass. crim., 4 mai 2017, n° 16-81.403 et n° 16-81.066) , à la suite d'un contrôle de proportionnalité, sur leur restitution.

Or le parquet général considère que tel n'est pas le cas ici.

Il est rappelé que :

- dans son recours RG n° 22/16777, la requérante demande la restitution, parmi les fichiers saisis, des documents protégés par la confidentialité des correspondances entre un avocat et son client, mais sans désigner un seul document.

- dans son recours RG n° 22/16778, elle liste au total 4 027 documents dans des tableaux constituant ses pièces n° 13 et 14, mais sans jamais reproduire ces documents ni même expliquer pourquoi, selon elle, ils seraient protégés par la confidentialité des correspondances entre un avocat et son client.

Pour le parquet général, ce moyen d'annulation ne pourra donc qu'être rejeté et les restitutions demandées ne pourront être satisfaites, sauf pour la requérante à désigner les pièces concernées et à démontrer qu'elles relèvent bien de la protection du secret des correspondances entre un avocat et son client.

3. La saisie de documents dénués de tout lien avec les opérations autorisées par le juge des libertés et de la détention

Le parquet général considère que la présence, dans les saisies, de documents ne concernant pas l'enquête, ne suffit pas à entraîner la nullité des opérations de visites et de saisies ou à remettre en cause la saisie globale d'un fichier de messagerie, tant qu'il peut être vérifié, bien évidemment, que les saisies s'expliquaient dans leur ensemble par l'enquête en cours et entre dans le cadre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention. Il en est notamment ainsi de saisies de documents qui concerne la vie privée d'un salarié, qui peuvent se retrouver saisis parmi d'autres, sans que cela remette en cause l'ensemble des opérations (CA Paris, Chambre n° 5-15, 15 novembre 2011, RG n° 10/23193, Biotronik c/ Autorité de la concurrence):Il revient à la requérante, si elle veut que certains documents soient exclus des documents saisis, de motiver en quoi il faudrait les exclure, in concreto, sauf d'ailleurs à considérer que c'est aux salariés concernés eux-mêmes de demander qu'ils soit exclus des saisis.

En l'espèce, le parquet général considère que ce n'est pas le cas ici.

Dans son recours RG n° 22/16777, selon le parquet général, la société LONGCHAMP se borne à demander la restitution des documents saisis qui seraient étrangers à l'enquête. Le parquet général relève le caractère extrêmement vague de sa demande, qui ne permet d'identifier aucun document, ni d'effectuer aucun contrôle sur leur contenu.

Dans son recours RG n° 22/16778, le parquet général observe que la requérante affirme que, dans la messagerie de M. [W], 11 697 courriels relevant de la vie privée de ce dernier ont été saisis alors qu'ils seraient manifestement dénués de tout lien avec l'objet de l'enquête. Selon le parquet général, à supposer que la société pouvait former une telle demande à la place de l'intéressé, elle ne produit aucun de ces documents saisis, le parquet général rappelle, dans une boîte de messagerie professionnelle. Ainsi, la requérante empêche tout débat contradictoire et, in fine, toute décision sur ces documents (CA PARIS, chambre n° 5-15, 28 juin° 2017, RG n° 15/21316).

Par conséquent, il est considéré que ce moyen d'annulation ne pourra qu'être rejeté et les restitutions demandées ne pourront être satisfaites, sauf pour la requérante à désigner les pièces concernées et à démontrer qu'elles relèvent bien de la protection de la vie privée du salarié concerné.

Le parquet général conclut donc au rejet des demandes de nullité des opérations de visite et de saisie effectuées et des procès-verbaux établis, ainsi que des demandes de restitution de certains documents saisis.

A l'audience du 11 octobre 2023, le parquet général a requis au soutien de la validité de la remise volontaire de fichiers par la société LONGCHAMP, afin de ne pas interpréter l'article 450-4 du code de commerce dans un sens trop restrictif et de créer un vide juridique.

SUR CE

SUR LA JONCTION :

Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient, en application de l'article 367 du code de procédure civile et eu égard au lien de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 22/16777 (recours contre les opérations de visite et saisie effectuées au [Adresse 1]) et 22/16778 (recours contre les opérations de visite et saisie effectuées au [Adresse 2]) qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien.

1. Sur l'allégation selon laquelle ni la société Longchamp, ni les enquêteurs n'ont pris connaissance de l'intégralité des documents avant leur saisie et qu'elle a été privée de son droit d'en prendre connaissance et de faire valoir ses observations sur ces documents :

1. La société LONGCHAMP allègue que le droit prévu par l'article L. 450-4 du code de commerce de prendre connaissance de l'intégralité des documents avant leur saisie constitue une garantie essentielle des droits de la défense des entreprises. Elle soutient qu'il permet en effet à celles-ci et à leurs avocats de prendre connaissance des documents que les enquêteurs envisagent de saisir et de formuler leurs observations, en temps utile, sur la légalité de ces saisies en faisant valoir si nécessaire que les documents concernés sont sans rapport avec l'objet des opérations de visite et de saisie autorisées par le juge ou qu'ils relèvent de la protection des correspondances avocat-client.

La requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure de prendre connaissance le jour des opérations de visite et saisie, de tous les documents papiers et fichiers informatiques et messages issus des messageries électroniques saisis par les enquêteurs en raison de leur volume, soit des centaines de milliers de documents.

Elle fait donc valoir que les enquêteurs de l'Autorité ne lui ont pas permis de prendre effectivement connaissance de l'intégralité des documents papiers et informatiques qu'ils ont sélectionnés et de faire valoir ses observations sur ces documents avant leur saisie, en violation de l'article L.  450-4 du code de commerce et de l'article 6 de la CEDH.

L'autorité répond que la prise de connaissance des documents retenus par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence comme entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire n'est qu'une possibilité. Elle considère que LONGCHAMP, qui s'est vu remettre entre le 30 septembre 2022 et le 25 octobre 2022 une copie complète des documents papier et des fichiers informatiques saisis a disposé de suffisamment de temps pour en prendre utilement connaissance et d'exercer son recours dans le cadre d'un procès équitable.

Selon l'article L. 450-4, alinéa 8 du code de commerce dans sa version applicable en l'espèce:

« Les agents mentionnés à l'article L. 450-1, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire et, le cas échéant, les agents et autres personnes mandatés par la Commission européenne peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. »

Il résulte de cette disposition que la prise de connaissance des documents retenus par les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence est une faculté et non d'une obligation imposée par le texte précité. Il a été ainsi jugé que 'la remise par les enquêteurs à l'occupant des lieux, à l'issue de la visite, d'une copie de l'ensemble des fichiers et des documents saisis, met celui-ci en mesure d'en prendre connaissance, et de contester ensuite devant le premier président de la cour d'appel, sous le contrôle de la Cour de cassation, le bien fondé des saisies ; (..) « dès lors le fait de ne pas pouvoir identifier ces documents préalablement à leur saisie n'a pas pour effet de causer à l'occupant des lieux une atteinte aux droits de la défense et au respect de la vie privée », (Crim., 26 Juillet 2017, n° 16-87.193).

En outre, la prise de connaissance des documents sélectionnés par les enquêteurs n'emporte pas pour l'occupant des lieux et son conseil le droit de visualiser la totalité des documents au fur et à mesure de leur consultation par les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence.

En outre, il est de jurisprudence constante qu'une saisie globale de messagerie peut être validée, en raison de son caractère insécable ; qu'un fichier indivisible peut être appréhendé s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête.

En l'espèce, le procès-verbal dressé dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 1] mentionne que :

« avant d'être placés sous scellés n° 1, les fichiers conteneurs refermant les fichiers issus des supports d'informations précités ont été copiés sur un disque dur vierge. Deux copies de ces fichiers ont été réalisées, l'une destinée aux rapporteurs de l'Autorité de la concurrence et l'autre laissée à LONGCHAMP sur un disque dur externe Samsung SSD T7 fourni par l'entreprise. Les inventaires informatiques des fichiers saisis ont été gravés sur CD-R et placés en annexe 1 au présent procès-verbal.  Nous avons informé M. [YH] [M], occupant des lieux, des modalités d'ouverture et de lecture des fichiers conteneurs sécurisés, ainsi que du procédé d'exportation qu'ils contiennent. Ainsi, M. [YH] [M], occupant des lieux et M. [YC] [OP], officier de police judiciaire, ont été mis en mesure d'en prendre connaissance, avons effectué la saisie de documents que nous avons inventoriés dans l'état ci-après et réunis sous les scellés n° 1 à 11. « Et page 34, Nous avons remis copie de l'ensemble des documents et supports d'information à M. [YH] [M], occupant des lieux. »

S'agissant des documents papiers saisis, il ressort du procès-verbal précité concernant la [Adresse 1], que l'occupant des lieux a été en mesure de les consulter préalablement à leur saisie et qu'il a reçu une copie intégrale des documents papier sélectionnés par les rapporteurs comme entrant dans le champ de l'enquête, après leur cotation et l'établissement d'un inventaire en annexe au procès-verbal avant la constitution de scellés définitifs.

Il en ressort que la requérante a donc été mise en mesure à la fois de prendre connaissance de l'ensemble des documents papier et sur supports informatiques avant leur mise sous scellé, alors qu'une copie de tous ces documents lui a été remise et de s'assurer que les documents sélectionnés par les enquêteurs entraient dans le champ de l'autorisation judiciaire et n'étaient pas couverts par la confidentialité des correspondances avocat-client.

- En l'espèce, le procès-verbal dressé dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 2] mentionne en page 7 que :

Avons remis à Mme [NF], occupant des lieux, la liste des fichiers jointe en annexe n° 1 du présent procès-verbal.  (...) Après que Mme [NF], occupant des lieux, et Mme [T], officier de police judiciaire ont été mis en mesure d'en prendre connaissance, avons effectué la saisie de documents ou supports d'informations que nous avons inventoriés en l'état ci-après et réunis sous les scellés n° 1 à 7.

Il est mentionné en page 18 : « Nous avons remis copie de l'ensemble des documents ou supports d'informations à Mme [NF], occupant des lieux. »

Il est mentionné en page 6 de ce procès-verbal, in fine,Nous avons demandé à M. [NP] de mettre à notre disposition les fichiers de messagerie de : M. [X] [W], M. [OF] [I], M. [A] [Y], Mme [N] [H], M. [YH] [M], Mme [R] [D], Mme [G] [NV], M. [E] [YS], Mme [ZH] [U], Mme [O] [Z], Mme [K] et M. [P].

Il est mentionné en page 7 de ce procès-verbal : Les fichiers de messagerie de M. [W] et de M. [P] ont été mis à notre disposition sur un disque dur externe vierge de l'entreprise LONGCHAMP.

Nous avons examiné le contenu des fichiers et avons constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention. Après avoir procédé à leur identification numérique, nous avons copié une sélection de fichiers informatiques issus de ce disque dur en les regroupant dans un fichier conteneur sécurisé interdisant tout ajout, retrait ou modification de son contenu. Nous avons élaboré un inventaire informatique des fichiers sélectionnés.

Le procès-verbal relate ensuite qu'en la présence de l'officier de police judiciaire, l'entreprise n'ayant pas été en mesure de mettre à disposition les fichiers M. [OF] [I], M. [A] [Y], Mme [N] [H], M. [YH] [M], Mme [R] [D], Mme [G] [NV], M. [E] [YS], Mme [ZH] [U], Mme [O] [Z], Mme [K] durant l'opération, elle s'engage à les remettre accompagnés de clés de déchiffrement nécessaires à leur analyse, sur un disque dur externe, une clé USB ou un DVD-R à l'Autorité pour le 3 octobre 2022 à 18 heures au plus tard.

le procès-verbal dressé dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 2] mentionne également en page 7 que :

'S'agissant des fichiers informatiques appréhendés, avons demandé à Mme [NF], occupant des lieux ou représentant de l'occupant des lieux, si des documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus.

Mme [NF] a indiqué que des documents présents dans la messagerie de M. [X] [W] relèvent de la protection susmentionnée.

Avons en conséquence placé les fichiers retenus sous scellé fermé provisoire n° 8 sur un disque dur.

Avons remis à Mme [NF], occupant des lieux, la liste des fichiers jointe en annexe 1 du présent procès-verbal.

Aucune copie de ces fichiers n'a été réalisée ;

Avons indiqué à Mme [NF], occupant des lieux, que l'ouverture du scellé fermé provisoire et la suppression de documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de la concurrence interviendra le 25 octobre 2022 à 9H30 dans les locaux de l'Autorité ou de l'entreprise LONGCHAMP en présence d'un officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de son représentant.

Qu'à cet effet, nous avons indiqué à Mme [NF] qu'elle devait nous faire parvenir par courriel à l'adresse suivante (...), au plus tard le 14 octobre 2022 à 18 heures, le tableau dont le modèle est joint en annexe listant les documents qu'elle estime couverts au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de la concurrence. Ce tableau devra impérativement être intégralement complété dans toutes ces colonnes.

En page 18 du même procès-verbal, il est indiqué : « Avons remis copie de l'ensemble des documents ou supports d'informations à Mme [NF], occupant des lieux, à l'exception de ceux placés sous le scellé provisoire n° 8 dans les conditions précédemment décrites. »

Le 25 octobre 2022, lors de la séance d'ouverture du scellé fermé provisoire, un scellé définitif n°8 a été créé reprenant le contenu du scellé provisoire.

S'agissant des documents papiers saisis, il ressort du procès-verbal précité que l'occupant des lieux ou ses représentants ont été en mesure de les consulter préalablement à leur saisie et qu'ils ont reçu une copie intégrale des documents papier sélectionnés par les rapporteurs comme entrant dans le champ de l'enquête, après leur cotation et l'établissement d'un inventaire en annexe au procès-verbal avant la constitution de scellés définitifs.

Concernant les fichiers informatiques saisis, dès lors qu'ils ont été sélectionnés sur site et placés sous scellé fermé provisoire, l'occupant des lieux s'en est vu remettre une liste et alors qu'il conservait par devers lui les originaux.

Par suite, il résulte de ce qui précède que l'occupant des lieux a donc été mis en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des documents papier et sur supports informatiques saisis au [Adresse 2] figurant en annexe 1.

La requérante, qui est une entreprise qui selon ses écritures emploie aujourd'hui environ 3000 salariés dans le monde et disposait selon le procès-verbal d'une vingtaine de personnes présentes à son siège le jour des opérations de visite et de saisie, qui selon ses propres écritures a affecté à cette tâche trois de ses salariés, a disposé du temps nécessaire entre la date du procès-verbal, le 29 septembre et la date du 14 octobre 2022 fixée dans le procès-verbal précité afférent aux locaux situés aux [Adresse 2], soit 15 jours, afin de prendre connaissance des documents placés sous scellé provisoire n° 8 et afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits notamment ceux protégés par le principe de la confidentialité avocat-client.

En outre, il ressort du procès-verbal du 25 octobre 2022, dressé dans les locaux de l'Autorité de la concurrence, s'agissant des fichiers informatiques sélectionnés dans les locaux de la société LONGCHAMP situés aux [Adresse 2] et placés sous scellé provisoire que l'occupant des lieux a reçu un inventaire informatique de ces fichiers annexé au procès-verbal et une copie des fichiers conteneurs des données informatiques saisis, outre des explications sur les modalités de consultation et d'exploitation des données, ce qui a permis à la société requérante d'en prendre connaissance. Ce procès-verbal est donc régulier.

- Enfin, s'agissant de l'ensemble des opérations de visite et de saisie contestées, il convient de rappeler que selon l'article L. 450-4, alinéas 3 et 4, du code de commerce, « la visite et la saisie s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci désigne le ou les chefs de service territorialement compétents, lesquels nomment autant d'officiers de police judiciaire que de lieux visités. Les officiers de police judiciaire sont chargés, chacun en ce qui les concerne, d'assister à ces opérations, d'y apporter leur concours en procédant, le cas échéant, aux réquisitions nécessaires et de tenir le juge informé du déroulement de ces opérations. Le juge ayant autorisé les opérations de visite et de saisie peut, pour en exercer le contrôle, délivrer une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s'effectue la visite. Le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite. »

Selon son alinéa 5, « l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbaL.  L'ordonnance comporte la mention de la faculté pour l'occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix. L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et saisie. »

S'agissant des opérations de visite et de saisie au [Adresse 1], le procès-verbal dressé le 29 septembre 2022 par les enquêteurs mentionne que se présentant à cette date au lieu précité, ils ont notifié verbalement et sur place à M. [M], en sa qualité d'occupant des lieux, l'ordonnance d'autorisation rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Paris du 28 septembre 2022 et lui en ont remis une copie intégrale ; ladite ordonnance mentionnant pour lui la faculté de faire appel à un conseil de son choix.

S'agissant des opérations de visite et de saisie au [Adresse 2], le procès-verbal dressé les 29-30 septembre 2022 par les enquêteurs mentionne qu'une copie de l'ordonnance d'autorisation a été remise à Mme [NF], Directrice juridique, occupant des lieux et qu'elle a demandé à faire appel à un conseil de son choix et a contacté son avocat par téléphone à 10 heures, les opérations de visite et de saisie ayant débuté à 9H45. Maître Mary-Claude MITCHELL s'est présentée dans les locaux de l'entreprise et a assisté aux opérations à compter de 14 heures et jusqu'à 15h30.

Il était donc parfaitement loisible à l'occupant des lieux ou à leurs représentants, s'agissant tant du déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 1] que du déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées dans ceux situés au [Adresse 2], de saisir l'officier de police judiciaire ou le juge des libertés et de la détention de toute difficulté.

En outre, il résulte des mentions figurant aux deux procès-verbaux concernant les deux opérations de visite et de saisie que les rapporteurs de l'Autorité ont bien constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge avant de copier les fichiers concernés, de les regrouper dans un fichier conteneur sécurisé interdisant tout ajout, retrait ou modification de son contenu et d'élaborer un inventaire informatique des fichiers sélectionnés. L'argument de LONGCHAMP selon lequel les enquêteurs eux-mêmes n'ont pas vérifié que les documents qu'ils saisissaient entraient tous dans le champ de l'autorisation accordée, n'est pas fondé et ne sera pas retenu. Il ressort également d'un tableau produit dans ses écritures par l'Autorité qu'elle n'a saisi comme entrant dans le champ de l'autorisation qu'une partie très faible de l'ensemble des documents analysés lors des opérations de visite et de saisie dans les deux sites où elles ont été diligentées, soit un ratio de moins de 1 % sur le site du [Adresse 1] (p. 66 des écritures de l'Autorité).

Le moyen sera rejeté.

Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence a saisi des messageries électroniques hors de tout cadre légal

Il est reproché à l'Autorité de la concurrence de s'être fait remettre des documents volontairement par LONGCHAMP postérieurement à l'opération de visite et de saisie dans les locaux de l'entreprise situés au [Adresse 2] à [Localité 6], alors que les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce ne prévoit pas d'user d'un tel procédé.

L'autorité de la concurrence réplique essentiellement selon quatre axes, tel que cela est détaillé dans l'exposé des moyens des parties supra. Elle soutient que :

- l'article L. 450-4 du code de commerce ne s'oppose pas à la coopération de LONGCHAMP et à la remise volontaire de fichiers de messagerie qu'elle n'a pu mettre à la disposition des rapporteurs ;

- la remise volontaire de messageries professionnelles après la clotûre du procès-verbal n'est pas une saisie au sens de l'article L. 450-4 du code de commerce et les fichiers non saisis ne sont pas soumis aux exigences de cette disposition ;

- l'article L. 450-4 du code de commerce n'est ainsi pas applicable aux remises volontaires de fichiers à l'Autorité de la concurrence par les entreprises ; ces dispositions concernant uniquement les documents et fichiers saisis (p. 33, 3ème § de ces observations) ;

- aucune contrainte sur LONGCHAMP n'est en l'espèce caractérisée du fait de cette remise volontaire, nonobstant les dispositions du code de commerce afférentes à l'obstruction et, si LONGCHAMP n'est pas en mesure de remettre aux rapporteurs les fichiers litigieux en raison du temps très long de téléchargement de ceux-ci à partir du Cloud, cette situation ne doit pas permettre un échec de la mesure de vérification.

Le procès-verbal du 29 septembre 2022 relate le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de l'entreprise LONGCHAMP situés au [Adresse 2] à [Localité 6] en page 7, 4ème § comme suit :

« En la présence de Mme [C] [T], officier de police judiciaire, l'entreprise n'ayant pas été en mesure de mettre à disposition les fichiers M. [OF] [I], M. [A] [Y], Mme [N] [H], M. [YH] [M], Mme [R] [D], Mme [G] [NV], M. [E] [YS], Mme [ZH] [U], Mme [O] [Z], Mme [K] durant l'opération, elle s'engage à les remettre accompagnés de clés de déchiffrement nécessaires à leur analyse, sur un disque dur externe, une clé USB ou un DVD-R au service investigations de l'Autorité de la concurrence situé [Adresse 3] pour le 3 octobre 2022 à 18 h au plus tard. »

LONGCHAMP a remis les fichiers de messagerie demandés dans le cadre du procès-verbal précité sur un disque dur externe à l'Autorité de la concurrence le 3 octobre 2022 (c.f. pièce n° 6 de la requérante "Lettre remise en main propre").

Aucune des deux parties ne conteste que l'article L. 450-4 du code de commerce ne prévoit pas la remise volontaire de fichiers à l'Autorité de la concurrence par une entreprise faisant l'objet d'une autorisation de visite et de saisie, postérieurement à la clôture des opérations.

En effet, la remise volontaire par une entreprise faisant l'objet d'une opération de visite et de saisie, suite à un autorisation judiciaire prise sur le fondement des dispositions de l'article 450-4 du code de commerce, de fichiers de messageries électroniques, comme en l'espèce, postérieurement à la clôture desdites opérations intervenue le 30 septembre, soit en l'espèce le 3 octobre 2022, n'est pas prévue par l'article L. 450-4 du code de commerce.

L'Autorité de la concurrence ne peut à la fois sans contradiction énoncer que les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce ne sont pas applicables à la remise volontaire par une entreprise de fichiers et affirmer concomitamment que ces mêmes dispositions ne s'opposent pas à cette remise volontaire, dès lors que l'entreprise aurait de la sorte entendu coopérer à l'enquête diligentée à son encontre sur des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 2° du code de commerce et 101-1 a) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et alors que cette entreprise est fondée à ne pas contribuer à sa propre incrimination et ce alors également que dans les procédures fondées sur la violation du droit de la concurrence , l'obligation d'assurer l'exercice des droits de la défense doit être respectée dès le stade de l'enquête préalable ( Cass crim, 25 juin° 2014, n° 13-81.471).

En outre, tout comme la lettre de l'article L. 450-4 du code de commerce, que sa ratio legis l'indique, cette disposition n'a pas pour objet de mettre en œuvre une "coopération" entre les entreprises visées et l'Autorité de la concurrence, mais est mise en œuvre lorsque d'autres dispositions ou mesures d'enquêtes simples ne peuvent produire les effets escomptés pour rapporter la preuve des infractions suspectées en l'espèce.

C'est ainsi que les fichiers remis volontairement, comme affirmé par l'Autorité de la concurrence à juste titre, ne possèdent pas le statut de messageries saisies et ne bénéficient pas de garanties ou du respect des exigences de l'article L. 450-4 du code de commerce, comme la vérification préalable de ce qu'ils entrent dans le champ de l'autorisation donnée par le juge, l'obligation d'en établir un inventaire ou de les mettre sous scellés provisoire, même s'il ne s'agit que d'une faculté.

En l'espèce, il ressort de la décision d'autorisation du juge des libertés et de la détention prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce et motivée, du procès-verbal des 29-30 septembre précité de mise en œuvre de la décision d'autorisation et des écritures de la société LONGCHAMP, qu'en dehors du cadre d'une mesure coercitive telle que l'opération de visite et de saisie diligentée à son encontre à ces dates dans ses locaux des [Adresse 2] à [Localité 6], la société LONGCHAMP n'aurait pas remis volontairement les dix fichiers de messageries qu'elle a remis le 3 octobre 2022 à l'Autorité de la concurrence.

Pour autant les documents ainsi remis à l'Autorité de la concurrence abonderont nécessairement les saisies des autres documents de la société LONGCHAMP, opérées dans le cadre des deux visites domiciliaires, dans le cadre de l'enquête menée.

Par suite, la remise volontaire de ces fichiers de messageries par la société LONGCHAMP a été directement induite par et découle des opérations de visite et de saisie diligentées les 29-30 septembre 2022 dans ses locaux des [Adresse 2] à [Localité 6] et, n'étant pas prévue par les dispositions de l'article L. 450-4 du code de commerce, elle s'apparente à un détournement de procédure et sera annulée et les fichiers restitués.

Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence a saisi des pièces couvertes par la confidentialité des correspondances avocat-client :

Un document n'est insaisissable qu'aux deux conditions cumulatives qu'il soit couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, d'une part, et qu'il relève de l'exercice des droits de la défense.

La jurisprudence établie de la cour suprême considère que :

Si, selon les principes rappelés par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, les correspondances échangées entre le client et son avocat sont, en toutes matières, couvertes par le secret professionnel, il demeure qu'elles peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visites prévues par le second dès lors qu'elles ne concernent pas l'exercice des droits de la défense.

Il résulte de l'article L. 450-4 du code de commerce que le premier président, statuant sur la régularité de ces opérations ne peut ordonner la restitution des correspondances entre l'occupant des lieux visités et un avocat en raison de leur confidentialité que si celles-ci sont en lien avec l'exercice des droits de la défense.

Ne justifie pas sa décision le premier président qui ordonne que soient retirées des fichiers saisis les correspondances entre l'occupant des lieux visités et ses avocats, alors qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que la société requérante, qui s'est contentée d'identifier les courriers concernés, n'a pas apporté d'éléments de nature à établir que ces courriers étaient en lien avec l'exercice des droits de la défense. (Cass crim, 25 nov. 2020, n° 19-84.304).

Il n'est pas interdit aux agents de l'Autorité de la concurrence de prendre connaissance de manière sommaire des documents afin de décider s'ils doivent ou non les saisir ; cette connaissance se justifiant par la nécessité de vérifier s'ils entrent manifestement, explicitement et véritablement dans le cadre de la protection alléguée pour être écartés ou, le cas échéant annulés. C'est ainsi que la simple lecture d'un échange avocat-client ne peut avoir pour effet l'annulation de l'ensemble de la saisie et seule sa saisie aurait pour effet d'entraîner l'annulation du document relevant de la protection légale de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.

Le seul fait vérifié par le juge, qu'une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire suffit à valider la saisie globale opérée. La saisie, dans ce cadre global, de certains documents personnels à des salariés ou de correspondances avocat-client bénéficiant à ce titre de la protection prévue par l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, n'invalide pas la saisie, mais doit conduire l'administration à restituer les documents concernés dès lors qu'ils auront été identifiés par les intéressés.

La procédure de scellé fermé provisoire permet dans ce cadre de protéger la confidentialité des correspondances avocat-client et de garantir les objectifs d'efficacité de l'enquête.

En l'espèce, le procès-verbal dressé dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 1] mentionne (page 7) :

« S'agissant des fichiers informatiques appréhendés, avons demandé à M. [YH] [M], occupant des lieux, si des documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus.

M. [M] a indiqué qu'aucun des documents présents dans les fichiers retenus ne relève de la protection susmentionnée. »

En l'espèce, le procès-verbal dressé dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 2] mentionnne en page 7 :

« S'agissant des fichiers informatiques appréhendés, avons demandé à Mme [NF], occupant des lieux ou représentant de l'occupant des lieux, si des documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de concurrence étaient susceptibles de figurer parmi les fichiers retenus.

Mme [NF] a indiqué que des documents présents dans la messagerie de M. [X] [W] relèvent de la protection susmentionnée.

Avons en conséquence placé les fichiers retenus sous scellé fermé provisoire n° 8 sur un disque dur »

Aucune copie de ces fichiers n'a été réalisée ;

Avons indiqué à Mme [NF], occupant des lieux, que l'ouverture du scellé fermé provisoire et la suppression de documents protégés au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de la concurrence interviendra le 25 octobre 2022 à 9H30 dans les locaux de l'Autorité ou de l'entreprise LONGCHAMP en présence d'un officier de police judiciaire et de l'occupant des lieux ou de son représentant.

Qu'à cet effet, nous avons indiqué à Mme [NF] qu'elle devait nous faire parvenir par courriel à l'adresse suivante (...), au plus tard le 14 octobre 2022 à 18 heures, le tableau dont le modèle est joint en annexe listant les documents qu'elle estime couverts au titre de la correspondance avocat-client en lien avec l'exercice des droits de la défense dans un dossier de la concurrence. Ce tableau devra impérativement être intégralement complété dans toutes ces colonnes.

Dans le cadre des opérations de visite et de saisie effectuées [Adresse 10], la société LONGCHAMP allègue que 22 messages électroniques et fichiers informatiques saisis dans la messagerie électronique de M. [S] [MV] seraient protégés au titre de la correspondance avocat-client, listés dans un tableau en pièce 7. Exposant que pour des raisons technique, elle n'était parvenue qu'à accéder à un seul de ces courriels qu'elle verse aux débats en pièce n° 9.

Il ressort de l'analyse du contenu de ce courriel adressé par Maître Mitchell, avocate au barreau de Paris, au service juridique de la société LONGCHAMP le 15 décembre 2021, dans un litige porté devant une juridiction, des justifications et de la motivation apportées, qu'il est en lien avec l'exercice des droits de la défense de la société requérante et que, par suite, sa saisie sera annulée et il sera restitué à celle-ci.

Par contre, il n'est suffisamment pas précis de se référer à l'objet d'un courriel, quand bien même son intitulé pourrait le rattacher à un litige, pour en déduire qu'il est protégé au titre de la correspondance avocat-client et se réfère à l'exercice des droits de la défense. En outre, la requérante ne justifie pas et ne motive pas pour chaque courriel repris à la pièce n° 9 son lien avec l'exercice effectif des droits de la défense.

Par suite, il ne sera pas fait droit à la demande de la société LONGCHAMP de restitution des autres documents listés dans un simple tableau en pièce 7 et versés aux débats en pièce 9.

Dans le cadre des opérations de visite et de saisie effectuées [Adresse 2], la société LONGCHAMP dénonce le fait que les enquêteurs ont saisi 3 825 messages électroniques et fichiers informatiques dans les messageries électroniques de M.M. [X] [W], [L] [P] et [J] [F], versés aux débats, listés en un tableau produit en pièce n° 13 et versés au débats sur une clé USB (pièce 17), dont elle allègue qu'ils sont protégés au titre de la correspondance avocat-client et, dont la seule lecture de leurs objets permettait parfois de prendre connaissance de leur caractère confidentiel.  Elle soutient que le caractère confidentiel de ces courriels et des fichiers qu'ils contiennent les cas échéant, ainsi que l'exercice des droits de la défense est confirmé par le libellé de l'objet de ces correspondances et à titre d'exemples, cite dans ses écritures, les objets de certains desdits courriels.

Il est de jurisprudence constante en outre qu'il appartient à la société requérante de produire individuellement les pièces contestées et d'expliquer pour chacune les raisons, afin qu'un contrôle in concreto sur le respect de la confidentialité avocat-client puisse être exercé sur cette pièce, notamment que chaque pièce est en lien avec l'exercice des droits de la défense (Cass crim, 25 nov. 2020, n° 19-84.304, Cass crim, 10 janv. 2023, n° 21- 85.526).

En l'espèce, il apparaît à la lecture des pièces 13 et 14, de la pièce 17 qu'elle contiennent des listes de courriels, des répertoires contenant des courriels. Toutefois, la requérante ne justifie pas et ne motive pas pour chaque courriel son lien avec l'exercice effectif des droits de la défense. Sa demande de restitution des documents listés en pièces n° 13 et 14 et versés aux débats en pièces n° 17 n'est donc pas fondée.

Sur l'allégation selon laquelle l'Autorité de la concurrence a saisi des documents dénués de tout lien avec l'objet des opérations de visite et saisie :

Dans son recours n° RG 22/16777, la requérante n'identifie pas les documents qui seraient étrangers à l'objet de l'enquête et ne motive nullement en quoi ils ne relèveraient pas du champ de l'autorisation.

La société requérante allègue que les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence ont saisi 11637 courriels relatifs à la vie privée de M. [W] listés en pièce n° 15 (et figurant en pièce n° 17 sur une clé USB) et dont leurs seuls objets attesteraient de leur caractère purement personnel et dénués de lien avec l'objet de l'enquête de l'Autorité et figurant dans un fichier intitulé "PERSO". Elle en sollicite la restitution.

Il convient de se référer au procès-verbal des 29-30 septembre 2023 à l'effet de constater que les saisies effectuées par les rapporteurs de l'Autorité de la concurrence n'ont porté que sur un support d'information à caractère professionnel de M. [W], en l'espèce son ordinateur de bureau.

Il est de jurisprudence établie devant cette cour que le fait que des messageries professionnelles contiennent des éléments relevant de la vie privée, hors champ des autorisations de visite et de saisie, est sans incidence sur la régularité de la saisie, sans néanmoins que des documents personnels ne soient nécessairement par nature exclus du champ de la saisie. Ces documents peuvent ainsi avoir été saisis dans le cadre de la saisie intégrale d'un fichier de messagerie par nature insécable. La présence dans des messageries professionnelles d'un dossier ou sous-dossier créé par l'utilisateur et intitulé "privé" ne suffit pas à établir que ces répertoires ne contiennent que des messages relatifs à la vie privée (Cass crim, 23 nov. 2016, n° 15-81.131). La saisie dans ce cadre de certains documents personnels à des salariés de l'entreprise n'invalide donc pas la saisie, mais peut faire l'objet d'une restitution aux intéressés.

En l'espèce, il appartient à M. [W] de revendiquer la protection et par suite, à défaut pour ce dernier d'être intervenu à l'instance, afin d'identifier précisément les messages relevant expressément de sa vie privée, la demande d'annulation et de restitution de la société requérante sera rejetée.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE :

Les circonstances de l'espèce justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société LONGCHAMP SAS qui succombe pour partie en ses demandes.

Les circonstances de l'espèce justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'Autorité de la concurrence qui succombe pour partie en ses demandes.

SUR LES DEPENS :

Chacune des parties succombant pour partie sur ses prétentions, la charge des dépens sera partagée par moitié entre elles.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Ordonnons la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 22/16777 et 22/16778 et disons que l'instance se poursuivra sous le numéro le plus ancien RG 22/16777,

Déclarons irrégulière et annulons la saisie des fichiers de messagerie remis par la société LONGCHAMP SAS aux agents de l'Autorité de la concurrence le 3 octobre 2022,

Ordonnons la restitution à la société LONGCHAMP SAS de l'ensemble des fichiers de messagerie remis par celle-ci aux agents de l'Autorité de la concurrence le 3 octobre 2022, sans possibilité pour l'Autorité de la concurrence d'en garder copie, ni d'en faire usage,

Annulons la saisie du courriel adressé par Maître Mitchell, avocate au barreau de Paris, au service juridique de la société LONGCHAMP le 15 décembre 2021figurant en pièce n° 9 de la requérante et en ordonnons la restitution à la société LONGCHAMP SAS,

Déclarons pour le surplus régulières les opérations de visite et de saisie effectuées les 29 septembre 2022 dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 1] à [Localité 9] et les 29-30 septembre 2022 dans les locaux de la société LONGCHAMP situés [Adresse 2] à [Localité 6],

Déclarons régulière pour le surplus l'opération de saisie des fichiers informatiques du 25 octobre 2022,

Rejetons les demandes formées par la société LONGCHAMP SAS et l'Autorité de la concurrence sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejetons toute autre demande,

Disons que la charge des dépens de l'instance sera partagée entre la société LONGCHAMP SAS et l'Autorité de la concurrence.