Décisions
CA Nancy, 1re ch., 25 septembre 2023, n° 22/02562
NANCY
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 25 SEPTEMBRE 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02562 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCMJ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 19/02306, en date du 24 juin 2022,
APPELANT :
Monsieur [J] [C]
domicilié [Adresse 3]
Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/007485 du 30/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY
Représenté par Me Maggy RICHARD de l'AARPI CABINITIO, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Société TRAVEL EARTH WEB COMMUNICATION, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1] (ESPAGNE)
Représentée par Me Corinne AUBRUN-FRANCOIS de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, chargée du rapport,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 25 Septembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société limitée de droit espagnol TRAVEL EARTH WEB COMMUNICATION (ci-après, dénommée société TEWC) est spécialisée dans le secteur d'activité de la vente à distance, qu'elle réalise au travers de son site internet travel-earth.net et sur la plate-forme Amazon.fr depuis 2015 sur lesquels elle commercialise pour l'essentiel des produits de voyage.
Le 7 mai 2018, cette société a déposé en Espagne la marque semi-figurative « Travel Earth » enregistrée sous le n° 3 717 483 pour désigner les produits suivants relevant de la classe n° 18 de la classification dite de [Localité 2] : cuir et similicuir ; peaux d'animaux ; articles de bagagerie et sacs de transport ; parapluies et parasols ; cannes ; cravaches, harnais et articles de sellerie ; colliers, laisses et vêtements pour animaux ; accessoires de voyage et domestiques.
La société TEWC a également déposé en Espagne le 16 novembre 2018 la même marque enregistrée sous le n° 3 744 193 pour protéger des services publicitaires relevant de la classe 35 de la classification de [Localité 2].
Le 9 mai 2019, la société TEWC a déposé à l'Institut national de la propriété intellectuelle une demande d'extension en France de la marque espagnole « Travel Earth » pour désigner des malles et valises (classe 18), des coussins (classe 20) et le service de publicité (classe 35) en sollicitant le bénéfice de la priorité au titre de la marque espagnole n° 3 744 193 déposée le 16 novembre 2018.
Monsieur [J] [C] a, pour sa part, déposé le 4 décembre 2018 à l'Institut national de la propriété industrielle la marque verbale « Travel Earth », enregistrée sous le n° 4 505 293 pour désigner les produits suivants relevant des classes n° 18 et 20 de la classification de [Localité 2] :
18 Cuir ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; sellerie ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits « vanity cases » ; colliers pour animaux ;
20 glaces (miroirs) ; cintres pour vêtements ; coussins ; étagères ; sièges ; vaisseliers ; oreillers de voyage ; oreillers ; oreillers de maintien pour la tête ; oreillers de confort cervical ; oreillers de voyage pour le soutien du menton ; oreillers de confort cervical équipés d'une couverture ; oreillers cervicaux ; oreillers de voyage équipés d'un compartiment de rangement ; oreillers de voyage portables ; coussins de décoration ; oreillers de baignoire ; oreillers souples remplis de billes ; oreillers pour lits ; oreillers et coussins décoratifs en trois dimensions ; oreillers de confort pour la tête destinés à être fixés sur des sièges de voiture pour enfants ; oreillers de sols ; oreillers gonflables ; coussins de grossesse ; oreillers fantaisie ; oreillers d'allaitement ; lits, matelas, et traversins ; coussins ; meubles ; oreillers pour animaux de compagnie ; oreillers pour bercer, soutenir, poser et alimenter les bébés, autres qu'à usage médical ou thérapeutique ; oreillers correcteurs ; oreillers de soutien lombaire ; oreillers pour le corps ; oreillers galbés ; oreillers pour les genoux ; canapés-lits ; canapés ; oreillers stimulateurs d'énergie ; tables de massage ; coussins appuie-tête pour tables de massage ; matelas à air pour le camping ; matelas-futons ; futons ; meubles gonflables ; oreillers odorants ; oreillers parfumés ; oreillers de confort cervical équipés d'un capuchon ; oreillers de confort cervical équipés de masques pour les yeux ; oreillers de voitures ; oreillers appuie-tête ; oreillers en mousse à mémoire de forme ; oreillers pour les pieds ; sacs pour oreillers ; oreillers pour la prévention de ronflements.
Le 8 mai 2019, Monsieur [J] [C] a notifié à la plate-forme Amazon.fr que la société TEWC violait les droits du propriétaire de la marque Travel Earth dont il était titulaire en France.
Le 8 juillet 2019, Monsieur [C] a formé opposition à l'enregistrement de la marque déposée par la société TEWC en France. Cette opposition a été déclarée irrecevable par décision rendue le 26 septembre 2019 par le Directeur général de l'INPI en considération du droit de priorité espagnole dont bénéficie la déposante.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mai 2019, la société TEWC a mis en demeure Monsieur [J] [C] de cesser l'usage illicite de la marque Travel Earth.
Par acte d'huissier signifié le 14 juin 2019, la société TEWC a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy Monsieur [J] [C], aux fins de prononcer la nullité du dépôt de la marque verbale « Travel Earth » le 4 décembre 2018 sous le n° 4505293 et de le condamner à lui payer la somme de 30000 euros à titre de provision, subsidiairement à le condamner à lui payer la même somme au titre de la concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- annulé la marque verbale « Travel Earth » déposée le 4 décembre 2018 par Monsieur [J] [C] auprès de l'Institut national de la propriété industrielle sous le n° 4 505 293 en fraude des droits de la société limitée de droit espagnol 'Travel Earth Web Communication' (ci-après dénommée 'la société TEWC'),
- ordonné la transmission de la décision à l'Institut national de la propriété industrielle,
- condamné Monsieur [C] à payer à la société TEWC :
* la somme de 111009 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires,
* la somme de 4752 euros au titre des frais de stockage de ses produits auprès de la société Amazon,
* la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral,
* la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [C] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la marque française de la société TEWC ne bénéficiait pas de la priorité espagnole et ainsi a rejeté la demande de nullité de cette marque fondée sur son antériorité. Il a en revanche accueilli au visa des articles L714-3 et L 711- 4 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction alors en vigueur, la demande de nullité fondée sur le caractère frauduleux du dépôt réalisé par Monsieur [C] au motif que la société demanderesse établissait utiliser le signe Travel Earth pour commercialiser en France des articles de voyage depuis 2015 sur le site internet travel-earth.net et sur la plate-forme Amazon.fr. Le dépôt de la marque litigieuse ayant pour but de faciliter son introduction sur le marché, l'intention frauduleuse étant ainsi caractérisée. Le tribunal a fait intégralement droit à la demande indemnitaire au titre du préjudice matériel au regard de la perte de chiffre d'affaires et des frais de stockage résultant du blocage de la vente sur Amazon.fr et a alloué la somme de 10000 euros au titre du préjudice moral.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 8 novembre 2022, Monsieur [C] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 8 décembre 2022 puis le 20 janvier 2023, la société TEWC a réclamé la radiation pour défaut d'exécution du jugement du 24 juin 2022 déféré à la cour, la condamnation de Monsieur [C] à lui payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en se fondant sur les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, en faisant valoir l'absence de commencement d'exécution de la décision ainsi que de demande de suspension de l'exécution provisoire.
En réponse par conclusions communiquées par voie électronique le 10 janvier 2023, Monsieur [J] [C] a sollicité le débouté des demandes de la société TEWC ainsi que sa condamnation à une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, au motif qu'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter le jugement entrepris, n'ayant pas de revenus autres que le revenu de solidarité active et la prime d'activité de 472,55 euros versée par la CAF, soit une somme de 4277 euros pour l'année 2020 ; il ajoute que rien ne démontre que la société intimée soit en mesure de représenter les sommes réclamées, une fois l'instance jugée.
Par ordonnance contradictoire d'incident du 5 avril 2023, le juge de la mise en état a :
- rejeté les demandes de la société TEWC,
- condamné la société TEWC aux dépens de la procédure sur incident,
- débouté la société TEWC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 3 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [C] demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris, de l'article 34 du Règlement de l'Union Européenne sur la marque n°2017/1001, des articles L. 712-1 et suivants du code de propriété intellectuelle, des articles 1240 et suivants du code civil, des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 24 juin 2022,
- dire et juger que l'action de la société de droit espagnol TEWC est infondée,
- débouter purement et simplement la société de droit espagnol TEWC de ses demandes,
- condamner la société de droit espagnol TEWC à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société TEWC demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris, de l'article L. 712-12 du code de propriété intellectuelle, de l'article L. 714-3 du code de propriété intellectuelle et de l'article 1240 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 24 juin 2022,
- débouter purement et simplement Monsieur [C] de ses demandes,
- condamner Monsieur [C] au paiement d'une somme de 10000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 juin 2023 et le délibéré au 25 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [C] le 3 février 2023 et par la société TEWC le 6 avril 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 30 mai 2023 ;
Sur la demande d'annulation de la marque Travel Earth n° 4 505 293 fondée sur l'antériorité des droits de marque de l'intimée résultant du droit de priorité fondé sur les dépôts de marques en Espagne
Vu les dispositions l'article L 712-12 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris (ci-après CUP),
Etant rappelé que le droit de priorité suppose une exacte identité de signes et de produits et services désignés dans la ou les marques antérieures et la marque seconde, il doit être relevé que :
- la marque semi-figurative espagnole Travel Earth a été déposée en premier lieu le 7 mai 2018 sous le numéro 3 717 483 pour désigner exclusivement les produits de la classe 18,
- la marque semi-figurative espagnole a été déposée à l'identique le 16 novembre 2018 pour désigner les produits et services de la classe 35 visant la publicité,
- la marque semi-figurative Travel Earth a été déposée à l'identique en France le 9 mai 2019 pour désigner les produits et services des classes 18, 20 et 35, en revendiquant la date de priorité au 16 novembre 2018 correspondant au second dépôt en Espagne.
Il suit de là qu'à la date du dépôt de la marque française, le seul droit de priorité dont pouvait bénéficier la société intimée portait exclusivement sur les produits et services de la classe 35, le délai de six mois étant écoulé pour les produits de la classe 18, aucun des dépôts réalisés en Espagne ne visant par ailleurs les produits et services de la classe 20.
En conséquence, la demande de nullité de la marque verbale Travel Earth déposée par l'appelant le 4 décembre 2018 pour désigner les produits et services des classes 18 et 20 n'est pas fondée de ce chef.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point par substitution de motifs.
Sur la demande d'annulation fondée sur un dépôt frauduleux
Vu l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle,
Il incombe à la société TEWC de démontrer qu'à la date du dépôt de la marque contestée Monsieur [C] avait connaissance de ce qu'elle utilisait déjà la dénomination Travel Earth sur le territoire français pour désigner des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés et ce dans l'intention de lui nuire.
Elle justifie avoir acquis auprès d'une société chinoise à la date du 27 novembre 2015 un stock de produits portant le signe Travel Earth pour un montant de 6 296 dollars (Pièce n° 12).
Elle démontre avoir réservé le nom de domaine Travel-Earth.net le 10 janvier 2015 (Pièce n°5) et d'un enregistrement du site éponyme à la date du 2 octobre 2015 (Pièce n°14).
Ainsi que l'a relevé le premier juge, cette société verse aux débats des pièces établissant qu'elle commercialise notamment en France des produits répertoriés dans les classes 18 et 20, valises et produits de voyage, oreillers, coussins, et ce depuis 2015 au travers du site internet travel earth.net (Pièce n°13) et de la plate-forme Amazon.fr (Pièce n°9).
Il doit être relevé que Monsieur [C] dont la marque contestée a été enregistrée le 19 avril 2019 a saisi dès le 8 mai 2019 la plate-forme Amazon d'une réclamation fondée sur sa marque et tendant au retrait de neuf des produits de l'intimé, retrait qui a duré jusqu'au 11 décembre suivant ;
Il a par ailleurs formé opposition le 8 juillet 2019 au dépôt de la marque Travel Earth de l'intimée, opposition qui a été rejetée.
L'appelant objecte en substance qu'il ignorait tout des activités de la société TEWC jusqu'au dépôt de la marque en France et de son enregistrement sur Amazon Brand Registry en février 2019.
Cette affirmation manque de vraisemblance au regard des éléments ci-dessus relevés. Il ne peut pas être sérieusement soutenu qu'un jeune homme de 21 ans, qui envisage de commercialiser des produits de voyage par le biais d'Internet, n'ait pas procédé préalablement à son dépôt de marque à une recherche sur Amazon et sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter sur lesquels Travel Earth Net était également présent depuis 2015.
L'absence de bonne foi de l'appelant étant établie à la date du dépôt de la marque, celui-ci n'avait nécessairement pour but que de nuire aux activités développées par la société TEWC en France ce que démontrent tant l'intervention auprès de la plate-forme Amazon que l'engagement de la procédure d'opposition à la marque.
Il convient dès lors de confirmer la jugement contesté en ce qu'il a prononcé la nullité de la marque de l'appelant.
Sur les demandes indemnitaires
Il est constant que les ventes de l'appelant ont été bloquées sur le site Amazon.fr entre le 8 mai et le 11 décembre 2019.
L'intimée, qui ne produit aucun document comptable, justifie que de ce que son chiffre d'affaires a baissé de 111109 euros en comparaison des ventes réalisées sur la même période au cours de l'année 2018, en produisant les chiffres fournis par Amazon (pièces n°19 et 20).
Cependant, d'une part, ce document ne permet pas de déterminer la part de l'activité réalisée en France seule indemnisable ici, d'autre part, les ventes non réalisées sur Amazon ont pu être compensées par d'autres réalisées sur le site de vente de la société TEWC, enfin une perte de chiffre d'affaires n'équivaut pas au préjudice commercial, qui représente le manque à gagner et la perte subie du fait des agissements frauduleux et dépend donc de la marge brute, étant considéré que les produits en cause ne sont pas périssables de sorte qu'ils ont pu être remis en vente une fois le blocage levé.
Il y a lieu en outre de tenir compte du fait que l'appelant n'a tiré aucun bénéfice de ses agissements, n'ayant pas réussi à commercialiser ses propres produits.
Enfin, les pièces produites à hauteur de cour, ne permettent pas d'établir la réalité des frais de stockage dont l'indemnisation est demandée pour un montant de 4750 euros.
Au regard de ces éléments, il sera alloué à l'intimée la somme de 30000 euros en réparation de son préjudice commercial.
Il lui sera alloué la somme de 5000 euros au titre de son préjudice moral.
Le jugement contesté sera donc partiellement infirmé de ces chefs.
Sur les frais et dépens.
L'appelant, partie perdante sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il sera en outre condamné à payer à la société TEWC la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [J] [C] à payer à la société limitée de droit espagnol Travel Earth Web Communication :
- la somme de 30000 euros (TRENTE MILLE EUROS) au titre de son préjudice d'exploitation,
- la somme de 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre de son préjudice moral,
Déboute la société Travel Earth Web Communication de sa demande de dommages et intérêts au titre des frais de stockage,
Condamne Monsieur [J] [C] à payer à la société limitée de droit espagnol Travel Earth Web Communication la somme de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en huit pages.
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
Première Chambre Civile
ARRÊT N° /2023 DU 25 SEPTEMBRE 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/02562 - N° Portalis DBVR-V-B7G-FCMJ
Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,
R.G.n° 19/02306, en date du 24 juin 2022,
APPELANT :
Monsieur [J] [C]
domicilié [Adresse 3]
Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/007485 du 30/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NANCY
Représenté par Me Maggy RICHARD de l'AARPI CABINITIO, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Société TRAVEL EARTH WEB COMMUNICATION, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1] (ESPAGNE)
Représentée par Me Corinne AUBRUN-FRANCOIS de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,
Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,
Madame Claude OLIVIER-VALLET, Magistrat honoraire, chargée du rapport,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2023, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 25 Septembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société limitée de droit espagnol TRAVEL EARTH WEB COMMUNICATION (ci-après, dénommée société TEWC) est spécialisée dans le secteur d'activité de la vente à distance, qu'elle réalise au travers de son site internet travel-earth.net et sur la plate-forme Amazon.fr depuis 2015 sur lesquels elle commercialise pour l'essentiel des produits de voyage.
Le 7 mai 2018, cette société a déposé en Espagne la marque semi-figurative « Travel Earth » enregistrée sous le n° 3 717 483 pour désigner les produits suivants relevant de la classe n° 18 de la classification dite de [Localité 2] : cuir et similicuir ; peaux d'animaux ; articles de bagagerie et sacs de transport ; parapluies et parasols ; cannes ; cravaches, harnais et articles de sellerie ; colliers, laisses et vêtements pour animaux ; accessoires de voyage et domestiques.
La société TEWC a également déposé en Espagne le 16 novembre 2018 la même marque enregistrée sous le n° 3 744 193 pour protéger des services publicitaires relevant de la classe 35 de la classification de [Localité 2].
Le 9 mai 2019, la société TEWC a déposé à l'Institut national de la propriété intellectuelle une demande d'extension en France de la marque espagnole « Travel Earth » pour désigner des malles et valises (classe 18), des coussins (classe 20) et le service de publicité (classe 35) en sollicitant le bénéfice de la priorité au titre de la marque espagnole n° 3 744 193 déposée le 16 novembre 2018.
Monsieur [J] [C] a, pour sa part, déposé le 4 décembre 2018 à l'Institut national de la propriété industrielle la marque verbale « Travel Earth », enregistrée sous le n° 4 505 293 pour désigner les produits suivants relevant des classes n° 18 et 20 de la classification de [Localité 2] :
18 Cuir ; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; sellerie ; portefeuilles ; porte-monnaie ; porte-cartes de crédit [portefeuilles] ; sacs ; coffrets destinés à contenir des articles de toilette dits « vanity cases » ; colliers pour animaux ;
20 glaces (miroirs) ; cintres pour vêtements ; coussins ; étagères ; sièges ; vaisseliers ; oreillers de voyage ; oreillers ; oreillers de maintien pour la tête ; oreillers de confort cervical ; oreillers de voyage pour le soutien du menton ; oreillers de confort cervical équipés d'une couverture ; oreillers cervicaux ; oreillers de voyage équipés d'un compartiment de rangement ; oreillers de voyage portables ; coussins de décoration ; oreillers de baignoire ; oreillers souples remplis de billes ; oreillers pour lits ; oreillers et coussins décoratifs en trois dimensions ; oreillers de confort pour la tête destinés à être fixés sur des sièges de voiture pour enfants ; oreillers de sols ; oreillers gonflables ; coussins de grossesse ; oreillers fantaisie ; oreillers d'allaitement ; lits, matelas, et traversins ; coussins ; meubles ; oreillers pour animaux de compagnie ; oreillers pour bercer, soutenir, poser et alimenter les bébés, autres qu'à usage médical ou thérapeutique ; oreillers correcteurs ; oreillers de soutien lombaire ; oreillers pour le corps ; oreillers galbés ; oreillers pour les genoux ; canapés-lits ; canapés ; oreillers stimulateurs d'énergie ; tables de massage ; coussins appuie-tête pour tables de massage ; matelas à air pour le camping ; matelas-futons ; futons ; meubles gonflables ; oreillers odorants ; oreillers parfumés ; oreillers de confort cervical équipés d'un capuchon ; oreillers de confort cervical équipés de masques pour les yeux ; oreillers de voitures ; oreillers appuie-tête ; oreillers en mousse à mémoire de forme ; oreillers pour les pieds ; sacs pour oreillers ; oreillers pour la prévention de ronflements.
Le 8 mai 2019, Monsieur [J] [C] a notifié à la plate-forme Amazon.fr que la société TEWC violait les droits du propriétaire de la marque Travel Earth dont il était titulaire en France.
Le 8 juillet 2019, Monsieur [C] a formé opposition à l'enregistrement de la marque déposée par la société TEWC en France. Cette opposition a été déclarée irrecevable par décision rendue le 26 septembre 2019 par le Directeur général de l'INPI en considération du droit de priorité espagnole dont bénéficie la déposante.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 mai 2019, la société TEWC a mis en demeure Monsieur [J] [C] de cesser l'usage illicite de la marque Travel Earth.
Par acte d'huissier signifié le 14 juin 2019, la société TEWC a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nancy Monsieur [J] [C], aux fins de prononcer la nullité du dépôt de la marque verbale « Travel Earth » le 4 décembre 2018 sous le n° 4505293 et de le condamner à lui payer la somme de 30000 euros à titre de provision, subsidiairement à le condamner à lui payer la même somme au titre de la concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire du 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :
- annulé la marque verbale « Travel Earth » déposée le 4 décembre 2018 par Monsieur [J] [C] auprès de l'Institut national de la propriété industrielle sous le n° 4 505 293 en fraude des droits de la société limitée de droit espagnol 'Travel Earth Web Communication' (ci-après dénommée 'la société TEWC'),
- ordonné la transmission de la décision à l'Institut national de la propriété industrielle,
- condamné Monsieur [C] à payer à la société TEWC :
* la somme de 111009 euros au titre de sa perte de chiffre d'affaires,
* la somme de 4752 euros au titre des frais de stockage de ses produits auprès de la société Amazon,
* la somme de 10000 euros en réparation de son préjudice moral,
* la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [C] aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que la marque française de la société TEWC ne bénéficiait pas de la priorité espagnole et ainsi a rejeté la demande de nullité de cette marque fondée sur son antériorité. Il a en revanche accueilli au visa des articles L714-3 et L 711- 4 du code de la propriété intellectuelle dans leur rédaction alors en vigueur, la demande de nullité fondée sur le caractère frauduleux du dépôt réalisé par Monsieur [C] au motif que la société demanderesse établissait utiliser le signe Travel Earth pour commercialiser en France des articles de voyage depuis 2015 sur le site internet travel-earth.net et sur la plate-forme Amazon.fr. Le dépôt de la marque litigieuse ayant pour but de faciliter son introduction sur le marché, l'intention frauduleuse étant ainsi caractérisée. Le tribunal a fait intégralement droit à la demande indemnitaire au titre du préjudice matériel au regard de la perte de chiffre d'affaires et des frais de stockage résultant du blocage de la vente sur Amazon.fr et a alloué la somme de 10000 euros au titre du préjudice moral.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 8 novembre 2022, Monsieur [C] a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 8 décembre 2022 puis le 20 janvier 2023, la société TEWC a réclamé la radiation pour défaut d'exécution du jugement du 24 juin 2022 déféré à la cour, la condamnation de Monsieur [C] à lui payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en se fondant sur les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, en faisant valoir l'absence de commencement d'exécution de la décision ainsi que de demande de suspension de l'exécution provisoire.
En réponse par conclusions communiquées par voie électronique le 10 janvier 2023, Monsieur [J] [C] a sollicité le débouté des demandes de la société TEWC ainsi que sa condamnation à une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, au motif qu'il se trouve dans l'impossibilité d'exécuter le jugement entrepris, n'ayant pas de revenus autres que le revenu de solidarité active et la prime d'activité de 472,55 euros versée par la CAF, soit une somme de 4277 euros pour l'année 2020 ; il ajoute que rien ne démontre que la société intimée soit en mesure de représenter les sommes réclamées, une fois l'instance jugée.
Par ordonnance contradictoire d'incident du 5 avril 2023, le juge de la mise en état a :
- rejeté les demandes de la société TEWC,
- condamné la société TEWC aux dépens de la procédure sur incident,
- débouté la société TEWC de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 3 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [C] demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris, de l'article 34 du Règlement de l'Union Européenne sur la marque n°2017/1001, des articles L. 712-1 et suivants du code de propriété intellectuelle, des articles 1240 et suivants du code civil, des articles 696 et 700 du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 24 juin 2022,
- dire et juger que l'action de la société de droit espagnol TEWC est infondée,
- débouter purement et simplement la société de droit espagnol TEWC de ses demandes,
- condamner la société de droit espagnol TEWC à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens,
- ordonner l'exécution provisoire.
Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 6 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la société TEWC demande à la cour, au visa de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris, de l'article L. 712-12 du code de propriété intellectuelle, de l'article L. 714-3 du code de propriété intellectuelle et de l'article 1240 du code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 24 juin 2022,
- débouter purement et simplement Monsieur [C] de ses demandes,
- condamner Monsieur [C] au paiement d'une somme de 10000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2023.
L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 juin 2023 et le délibéré au 25 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [C] le 3 février 2023 et par la société TEWC le 6 avril 2023 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 30 mai 2023 ;
Sur la demande d'annulation de la marque Travel Earth n° 4 505 293 fondée sur l'antériorité des droits de marque de l'intimée résultant du droit de priorité fondé sur les dépôts de marques en Espagne
Vu les dispositions l'article L 712-12 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 4 de la Convention de l'Union de Paris (ci-après CUP),
Etant rappelé que le droit de priorité suppose une exacte identité de signes et de produits et services désignés dans la ou les marques antérieures et la marque seconde, il doit être relevé que :
- la marque semi-figurative espagnole Travel Earth a été déposée en premier lieu le 7 mai 2018 sous le numéro 3 717 483 pour désigner exclusivement les produits de la classe 18,
- la marque semi-figurative espagnole a été déposée à l'identique le 16 novembre 2018 pour désigner les produits et services de la classe 35 visant la publicité,
- la marque semi-figurative Travel Earth a été déposée à l'identique en France le 9 mai 2019 pour désigner les produits et services des classes 18, 20 et 35, en revendiquant la date de priorité au 16 novembre 2018 correspondant au second dépôt en Espagne.
Il suit de là qu'à la date du dépôt de la marque française, le seul droit de priorité dont pouvait bénéficier la société intimée portait exclusivement sur les produits et services de la classe 35, le délai de six mois étant écoulé pour les produits de la classe 18, aucun des dépôts réalisés en Espagne ne visant par ailleurs les produits et services de la classe 20.
En conséquence, la demande de nullité de la marque verbale Travel Earth déposée par l'appelant le 4 décembre 2018 pour désigner les produits et services des classes 18 et 20 n'est pas fondée de ce chef.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point par substitution de motifs.
Sur la demande d'annulation fondée sur un dépôt frauduleux
Vu l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle,
Il incombe à la société TEWC de démontrer qu'à la date du dépôt de la marque contestée Monsieur [C] avait connaissance de ce qu'elle utilisait déjà la dénomination Travel Earth sur le territoire français pour désigner des produits et services identiques ou similaires à ceux désignés et ce dans l'intention de lui nuire.
Elle justifie avoir acquis auprès d'une société chinoise à la date du 27 novembre 2015 un stock de produits portant le signe Travel Earth pour un montant de 6 296 dollars (Pièce n° 12).
Elle démontre avoir réservé le nom de domaine Travel-Earth.net le 10 janvier 2015 (Pièce n°5) et d'un enregistrement du site éponyme à la date du 2 octobre 2015 (Pièce n°14).
Ainsi que l'a relevé le premier juge, cette société verse aux débats des pièces établissant qu'elle commercialise notamment en France des produits répertoriés dans les classes 18 et 20, valises et produits de voyage, oreillers, coussins, et ce depuis 2015 au travers du site internet travel earth.net (Pièce n°13) et de la plate-forme Amazon.fr (Pièce n°9).
Il doit être relevé que Monsieur [C] dont la marque contestée a été enregistrée le 19 avril 2019 a saisi dès le 8 mai 2019 la plate-forme Amazon d'une réclamation fondée sur sa marque et tendant au retrait de neuf des produits de l'intimé, retrait qui a duré jusqu'au 11 décembre suivant ;
Il a par ailleurs formé opposition le 8 juillet 2019 au dépôt de la marque Travel Earth de l'intimée, opposition qui a été rejetée.
L'appelant objecte en substance qu'il ignorait tout des activités de la société TEWC jusqu'au dépôt de la marque en France et de son enregistrement sur Amazon Brand Registry en février 2019.
Cette affirmation manque de vraisemblance au regard des éléments ci-dessus relevés. Il ne peut pas être sérieusement soutenu qu'un jeune homme de 21 ans, qui envisage de commercialiser des produits de voyage par le biais d'Internet, n'ait pas procédé préalablement à son dépôt de marque à une recherche sur Amazon et sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter sur lesquels Travel Earth Net était également présent depuis 2015.
L'absence de bonne foi de l'appelant étant établie à la date du dépôt de la marque, celui-ci n'avait nécessairement pour but que de nuire aux activités développées par la société TEWC en France ce que démontrent tant l'intervention auprès de la plate-forme Amazon que l'engagement de la procédure d'opposition à la marque.
Il convient dès lors de confirmer la jugement contesté en ce qu'il a prononcé la nullité de la marque de l'appelant.
Sur les demandes indemnitaires
Il est constant que les ventes de l'appelant ont été bloquées sur le site Amazon.fr entre le 8 mai et le 11 décembre 2019.
L'intimée, qui ne produit aucun document comptable, justifie que de ce que son chiffre d'affaires a baissé de 111109 euros en comparaison des ventes réalisées sur la même période au cours de l'année 2018, en produisant les chiffres fournis par Amazon (pièces n°19 et 20).
Cependant, d'une part, ce document ne permet pas de déterminer la part de l'activité réalisée en France seule indemnisable ici, d'autre part, les ventes non réalisées sur Amazon ont pu être compensées par d'autres réalisées sur le site de vente de la société TEWC, enfin une perte de chiffre d'affaires n'équivaut pas au préjudice commercial, qui représente le manque à gagner et la perte subie du fait des agissements frauduleux et dépend donc de la marge brute, étant considéré que les produits en cause ne sont pas périssables de sorte qu'ils ont pu être remis en vente une fois le blocage levé.
Il y a lieu en outre de tenir compte du fait que l'appelant n'a tiré aucun bénéfice de ses agissements, n'ayant pas réussi à commercialiser ses propres produits.
Enfin, les pièces produites à hauteur de cour, ne permettent pas d'établir la réalité des frais de stockage dont l'indemnisation est demandée pour un montant de 4750 euros.
Au regard de ces éléments, il sera alloué à l'intimée la somme de 30000 euros en réparation de son préjudice commercial.
Il lui sera alloué la somme de 5000 euros au titre de son préjudice moral.
Le jugement contesté sera donc partiellement infirmé de ces chefs.
Sur les frais et dépens.
L'appelant, partie perdante sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il sera en outre condamné à payer à la société TEWC la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 24 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Nancy, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [J] [C] à payer à la société limitée de droit espagnol Travel Earth Web Communication :
- la somme de 30000 euros (TRENTE MILLE EUROS) au titre de son préjudice d'exploitation,
- la somme de 5000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre de son préjudice moral,
Déboute la société Travel Earth Web Communication de sa demande de dommages et intérêts au titre des frais de stockage,
Condamne Monsieur [J] [C] à payer à la société limitée de droit espagnol Travel Earth Web Communication la somme de 2500 euros (DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-
Minute en huit pages.