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Décisions

Cass. com., 18 décembre 1990, n° 89-15.838

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

Mme Loreau

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

Me Choucroy

Paris, du 21 mars 1989

21 mars 1989

Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mars 1989) que M. Y..., directeur commercial de la société nouvelle Piano-Center, est entré en rapport avec Mme Z..., gérante de la société KBM en vue de créer une société faisant commerce d'instruments de musique qui prendrait le nom de Centre Chopin ; que le projet n'ayant pas abouti, M. Y... a demandé la liquidation-partage de la société créée de fait ayant existé entre lui et Mme Z..., ainsi que la condamnation de celle-ci, solidairement avec la société KBM, à lui payer des dommages-intérêts pour s'être emparée des éléments d'actif de la société de fait et n'avoir acquitté aucune des charges concernant les locaux mis à leur disposition ; que Mme Z... et la société KBM ont de leur côté assigné M. Y... en dommages-intérêts pour les avoir empêchées d'exercer leur activité en leur interdisant l'accès des locaux susvisés, ainsi que la société nouvelle Piano-Center à titre de commettant de M. Y... ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en liquidation-partage aux motifs que les éléments constitutifs d'une société créée de fait n'étaient pas réunis, alors selon le pourvoi, que l'existence d'une société créée de fait résulte de la mise en commun de biens ou d'activités, dans l'intention de s'associer et de partager les bénéfices et les pertes ; qu'il s'ensuit que l'arrêt ne pouvait exclure l'existence d'une société créée de fait au motif de l'absence d'accord des parties sur le montant précis de leurs apports en capital, de leur part de bénéfices ou du nombre d'associés à inclure dans la société qu'ils projetaient de former, sans vérifier si les éléments constitutifs d'une société créée de fait ne résultaient pas de ce que les parties avaient, dès avant l'élaboration du contrat de société qu'elles avaient l'intention de former en vue de la création d'un centre commercial de vente d'instruments de musique d'occasion, entrepris en fait l'exploitation de ce centre qui avait fonctionné jusqu'à la rupture du projet ; qu'ainsi, l'arrêt a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1832 du Code civil.

Mais attendu que l'existence d'une société créée de fait suppose non seulement la volonté des associés de travailler ensemble sur un pied d'égalité au succès de l'entreprise commune, mais encore l'existence d'apports de la part de chacun des associés et l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes dans des proportions définies ; qu'ayant constaté que M. Y... et Mme Z... n'ont été d'accord ni sur le nombre des associés à faire entrer dans la société envisagée, ni sur les parts de bénéfices à revenir à chacun d'eux, que M. Y..., qui s'était engagé à fournir, outre son industrie, la disposition d'un local, ne disposait d'aucun droit transmissible sur ce local et qu'enfin l'apport en numéraire proposé par Mme Z... n'était pas suffisamment déterminé, la cour d'appel a par ces motifs légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... reproche également à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts, alors selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait exclure toute indemnisation en se bornant à rappeler le droit de rupture unilatérale d'un projet de contrat sans vérifier si n'avait pas commis une faute justifiant une indemnisation la partie qui, après être entrée dans les locaux en vue de l'exploitation commune du centre commercial objet de la société en projet, avait imposé des modifications importantes et déterminantes de la rupture, notamment quant à la présence d'un troisième associé ; que l'arrêt a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait exclure toute obligation à indemnisation sans vérifier si l'occupation par l'une des parties, dès la période pré-contractuelle, des locaux dont les loyers et charges étaient payés par l'autre en vue de l'exploitation d'une activité commerciale commune, n'emportait pas obligation d'indemnisation pour les frais et charges du local payés par l'autre ; qu'ainsi l'arrêt a encore violé l'article 1382 du Code civil.

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que la rupture des relations engagées par les parties était le résultat inéluctable de leur désaccord mutuel sur les "conditions" de la société envisagée et, par motifs adoptés, que M. Y... ne justifiait pas des charges dont il demandait l'indemnisation, la cour d'appel qui a procédé à la recherche prétendument omise, a justifié légalement sa décision ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ; Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, et le second moyen du pourvoi incident réunis :

Attendu que Mme Z... et la société KBM reprochent à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demandes dirigées à la fois contre M. Y... et la société nouvelle Piano-Center, alors selon le pourvoi, d'une part, que l'existence de relations pré-contractuelles n'exclut pas la possibilité de rechercher la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle d'une des parties ; qu'ainsi la cour la cour d'appel, en énonçant que la responsabilité délictuelle de M. Y... ne pouvait être mise en cause compte tenu des rapports pré-contractuels existant entre les parties, a violé l'article 1382 du Code civil ; alors d'autre part, que la cour d'appel en se bornant, pour écarter les demandes de Mme Z... et de la société KBM, à relever le caractère de leur occupation sans rechercher si M. Y... n'avait pas commis une faute ouvrant droit à réparation en interdisant après l'échec du protocole d'accord l'accès des locaux à la société KBM et à Mme Z..., et en retenant illégitimement les documents comptables et les instruments de musique qui y étaient déposés, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors enfin, que la société KBM et Mme Z... faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que M. Y... dans ses relations avec elles, avait toujours fait usage de sa qualité de directeur commercial de la société nouvelle Piano-Center ; qu'il avait, en cette qualité, remis en dépôt-vente des instruments de musique appartenant à cette société, et avait exigé, lors de la rédaction du protocole d'accord, que la société nouvelle Piano-Center soit désignée comme co-conctractante de la société KBM ; que la cour d'appel, en ne recherchant pas s'il ne résulte pas de l'ensemble de ces circonstances que M. Y... avait agi dans le cadre de ses fonctions, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil.

Mais attendu que c'est exactement que l'arrêt retient qu'en l'état des rapports ayant existé entre les parties, toute responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle était exclue et qu'il n'était pas dès lors nécessaire de rechercher si la société nouvelle Piano-Center encourait la responsabilité du commettant du chef des agissements de son préposé ; que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.