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Décisions

Cass. com., 14 juin 2023, n° 21-21.686

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Bedouet

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Dijon, du 24 juin 2021

24 juin 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 24 juin 2021), la société MR promotion, dont le gérant était M. [G], a été mise en procédure de sauvegarde, la société MP associés étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.

2. La société JDA [Localité 3] basket a déclaré une créance de 217 000 euros.

3. Par une ordonnance du 20 mai 2019, le juge-commissaire a admis la créance à concurrence de 217 000 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société MR promotion et la société MP associés, ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir portant sur les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire pour statuer sur l'admission de la créance de la société JDA [Localité 3] basket, de déclarer irrecevables les demandes de la société MR promotion tendant à l'annulation de la facture du 25 février 2016 et à la condamnation de la société JDA [Localité 3] basket à lui rembourser la somme de 47 644,20 euros, et de confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 20 mai 2019 ayant prononcé l'admission à titre chirographaire et définitif de la société JDA [Localité 3] basket pour la somme de 217 000 euros, alors « que saisi d'une contestation élevée par le débiteur sur la validité du contrat qui constitue la source de la créance déclarée, le juge de la vérification des créances ne peut admettre la créance sans se prononcer au préalable sur le caractère sérieux de cette contestation et son incidence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée ; que pour considérer que la société MR promotion et son mandataire n'opposaient "aucune contestation sérieuse à l'encontre de la déclaration de créance" et déclarer recevable la demande d'admission de cette créance devant le juge-commissaire, l'arrêt attaqué se borne à relever, d'une part, que la mention "bon pour accord et paiement" suivie de la signature de M. [G] figurant sur la facture du 25 février 2016 "équivaut à une reconnaissance de dette à hauteur de la somme de 216 000 euros", d'autre part, que l'ordonnance de référé du 14 juin 2017 condamnant la société MR promotion à verser à la société JDA [Localité 3] basket une provision de 216 000 euros "constitue un titre exécutoire", peu important "qu'elle n'ait pas autorité de la chose jugée au fond" ; qu'en ne caractérisant pas en quoi la contestation élevée par la société MR promotion et son mandataire judiciaire sur l'existence de la cause de la créance déclarée était dépourvue de caractère sérieux et était sans influence sur l'existence ou le montant de sa créance, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à exclure qu'une discussion était susceptible de s'instaurer sur la validité de la créance déclarée, eu égard à son absence de cause, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 624-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 624-2 du code de commerce :

5. Il résulte de ce texte que le juge-commissaire puis à sa suite la cour d'appel doivent, avant d'écarter une contestation, se prononcer sur le caractère sérieux de cette dernière et son incidence sur l'existence ou le montant de la créance déclarée, et qu'il leur appartient, si la contestation est sérieuse, d'inviter les parties à saisir le juge compétent ou à l'inverse, si la contestation n'est pas sérieuse ou sans influence sur l'admission, de l'écarter et d'admettre la créance.

6. Pour rejeter la fin de non-recevoir portant sur les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire, statuer sur l'admission de la créance de la société JDA [Localité 3] basket et confirmer l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient que la société MR promotion et son mandataire n'opposent aucune contestation sérieuse dès lors, d'une part, que la mention « bon pour accord de paiement » suivie de la signature de M. [G] figurant sur la facture du 25 février 2016 équivaut à une reconnaissance de dette à hauteur de la somme de 216 000 euros, d'autre part, que l'ordonnance de référé du 14 juin 2017 condamnant la société MR promotion à payer une provision de 216 000 euros à la société JDA [Localité 3] basket constitue un titre exécutoire, peu important qu'elle n'ait pas autorité de la chose jugée au fond.

7. En se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure le caractère sérieux de la contestation de la créance tenant à l'absence de cause de ladite créance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. La société MR promotion et la société MP associés, ès qualités, font encore le même grief à l'arrêt, alors « que seule une décision ayant autorité de la chose jugée sur l'existence et le montant de la créance est de nature à interdire au débiteur d'en contester le principe et le montant dans le cadre de la procédure de vérification ; que pour déduire de l'ordonnance de référé du 14 juin 2017 condamnant la société MR promotion à verser à la société JDA [Localité 3] basket une provision de 216 000 euros que la société MR promotion n'opposait aucune contestation sérieuse, l'arrêt attaqué retient qu'il importait peu que cette ordonnance n'ait pas autorité de la chose jugée, dès lors qu'elle constituait un titre exécutoire que son bénéficiaire peut invoquer au soutien d'une déclaration de créance ; qu'en statuant ainsi quand, en l'absence d'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance de référé, toute contestation de l'existence et du montant de cette créance demeurait recevable, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil et 488 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 624-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 624-2 du code de commerce et 488 du code de procédure civile :

9. Une ordonnance de référé n'a pas, au principal, autorité de chose jugée. Dès lors, le juge-commissaire saisi d'une contestation d'une créance déclarée doit se prononcer sur l'existence, la nature et le montant de cette créance sans pouvoir fonder sa décision sur une ordonnance de référé, même exécutoire, ayant accordé une provision au créancier sur l'obligation en cause.

10. Pour admettre la créance déclarée, l'arrêt retient que l'ordonnance de référé du 14 juin 2017, condamnant la société MR promotion à payer à la société JDA [Localité 3] basket une provision de 216 000 euros, a force exécutoire et que, peu important qu'elle n'ait pas l'autorité de la chose jugée, elle constitue un titre exécutoire que son bénéficiaire peut invoquer au soutien d'une déclaration de créance.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.