CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 7 décembre 2023, n° 20/03533
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
MDB (SARL)
Défendeur :
Linaclo (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chalbos
Conseillers :
Mme Vignon, Mme Martin
Avocats :
Me Nabères, Me Cherfils, Me Barthélémy
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 30 octobre 2015, M. [R] [B] a cédé à la société MDB, avec le concours de l'établissement bancaire le Crédit Lyonnais, un fonds de commerce de vente, location et réparation de motos neuves et d'occasion situé [Adresse 4] à [Localité 6] pour un prix de 120.000 €.
Ce local appartient à la SCI Linaclo, dont les associés sont M. [B] et son épouse. Avant la cession, le fonds était exploité par la société X Bike 83 gérée par M. [B] dans le cadre d'un contrat de location-gérance.
L'acte de vente du fonds contient une clause de non concurrence imposée au cédant pendant cinq ans dans la même activité et dans un rayon de 30 kilomètres à vol d'oiseau de l'activité cédée, mais prévoit une exception rédigée de la manière suivante 'l'acquéreur autorise M. [R] [B] à exercer toute activité de réparation et préparation personnalisée des motos appelée 'customisation' ainsi que l'entretien et la réparation de véhicules Buggy.'
Le même jour, un bail commercial a été consenti par la SCI Linaclo à la société MDB sur le local dans lequel l'activité était exploitée.
Le 13 octobre 2017, la SCI Linaclo a fait délivrer à la société MDB un commandement visant la clause résolutoire pour avoir paiement d'une somme de 4.540,40 €.
Par acte d'huissier du 16 novembre 2017, la société MDB et son gérant, M. [U] [T], ont fait assigner la SCI Linaclo et M. [R] [B], en présence du Crédit Lyonnais, créancier inscrit, devant le tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d'opposition au commandement de payer et d'annulation ou résolution de l'acte de cession de fonds de commerce.
Par ordonnance en date du 21 décembre 2018, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les défendeurs au profit du tribunal de commerce, a condamné la société MDB à payer à la SCI Linaclo la somme de 37.540,40 € au titre des loyers et charges impayés et a ordonné à M. [B] de produire, sous astreinte, le contrat de franchise conclu avec la société Sherco.
Le 29 avril 2019, la société MDB a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Fréjus.
Un nouveau commandement de payer les loyers et charges visant la clause résolutoire a été délivré le 8 juillet 2019.
Me [Y] [K], ès qualités de mandataire représentant des créanciers à la procédure collective ouverte au profit de la société MDB, est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 11 juillet 2019.
Par jugement contradictoire en date du 16 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a:
- dit que l'exception d'incompétence soulevée par la SCI Linaclo et M. [R] [B] au profit du tribunal de commerce se heurte à l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en date du 21 décembre 2018,
- rejeté la demande d'annulation du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
- rejeté la demande de résolution du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
- rejeté les demandes en paiement de M. [U] [T] et de la SARL MDB à l'encontre de la SCI Linaclo,
- rejeté les demandes en restitution du prix de cession et en paiement des frais liés à la vente, des frais de prêt bancaire, de dommages et intérêts équivalents aux sommes empruntées, à l'achat du stock et au titre du préjudice de santé,
- annulé la contre-lettre portant paiement d'un supplément de prix dans le cadre de la vente du fonds de commerce,
- condamné M. [R] [B] à restituer à M. [U] [T] et la SARL MDB ensemble la somme de 60.000 € payée à ce titre,
- fait interdiction à M. [R] [B], et ce jusqu'au 30 octobre 2020, de réaliser des ventes de motos et scooters et des réparations de motos et scooters interdites par la clause de non concurrence figurant dans l'acte du 30 octobre 2015 et ce sous astreinte provisoire de 500 € par infraction dûment constatée,
- déclaré irrecevables les demandes de la SCI Linaclo de constatation de résiliation du bail commercial, de prononcé d'expulsion et de paiement d'indemnité d'occupation,
- fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 15.000 € au titre des loyers impayés des mois d'octobre 2018 à février 2019 inclus,
- fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. [U] [T] et la SARL MDB in solidum à payer à la SCI Linaclo la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes de M. [U] [T], de la SARL MDB et de M. [R] [B] au titre des frais irrépétibles de procédure,
- fait masse des dépens et condamné M. [U] [T] et la SARL MDB in solidum à en supporter la moitié, l'autre moitié étant à la charge de M. [R] [B] et dit qu'ils seront recouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l'avance,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a, pour l'essentiel, retenu que :
- les demandeurs formulent leur demande d'annulation du contrat de cession de fonds de commerce sur le fondement de la tromperie dont ils auraient été victimes au motif que M. [B] a menti sur son intention de se réinstaller :
* dès lors qu'ils font état d'une tromperie au moment de la conclusion du contrat, ils invoquent le dol,
*les demandeurs ont accepté de faire figurer dans l'acte une exception à la clause de non concurrence autorisant le vendeur à pratiquer certaines activités en rapport avec la mécanique des motos et buggys, exception conventionnelle qui est incompatible avec l'arrêt total d' une activité de commerce et de réparations de cycles à moteur, de sorte qu'il n'est pas établi que le consentement des demandeurs a été vicié à l'achat par le dol,
- s'agissant de la demande de résolution du contrat de vente, il appartient au juge d'apprécier si les manquements invoqués sont suffisamment graves:
* la question du contrat de franchise: le cédant n'a pas pris l'engagement de transférer le contrat de franchise au cessionnaire, ni de ne pas en souscrire un identique à son profit et les pièces produites établissement que la société Sherco n'est pas liée par référencement ou autre mode de distribution à Speed Racer, nom commercial de l'activité de M. [B],
* sur la violation de la clause de non concurrence: la rédaction de l'acte de cession met en évidence que cette clause n'était pas déterminante de l'achat et les deux manquements avérés à cette clause, à savoir la réparation de motos en dehors de toute activité de customisation et la vente de quelques motos et scooters sur le site 'Le Bon Coin', étant limités dans leur ampleur , ils ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifieraient la résolution du contrat d'achat du fonds de commerce,
- les demandes en paiement à l'encontre de la SCI Linaclo et M. [B] ne peuvent donc qu'entrer en voie de rejet,
- sur la demande de restitution de la somme de 60.000 €: il est établi qu'une somme de 60.000 € a été réglée par l'acquéreur en sus du prix d'acquisition porté officiellement à l'acte de cession et il ne peut être soutenu que cette somme était destinée à compenser le stock laissé dans le local, de sorte que la contre-lettre conclue entre les parties concernant le supplément de prix non déclaré à l'administration fiscale doit être déclarée nulle et M. [B] condamné à en restituer le montant,
- la demande de fermeture de l'établissement Speed Racer entraînerait la fin de son activité alors qu'elle est expressément autorisée par l'acte de cession et une telle sanction au titre de la violation de la clause de non concurrence serait disproportionnée par rapport à l'infraction reprochée,
- la demande reconventionnelle de constatation de la résiliation du bail par l'effet du commandement du 30 octobre 2017 et les demandes accessoires d'expulsion et de paiement d'indemnité d'occupation sont irrecevables comme se heurtant à la suspension des poursuites instaurée par les articles L. 622-21 et L. 145-41 du code de commerce,
- s'agissant des loyers impayés, la condamnation au paiement ne peut être prononcée du fait de l'ouverture de la procédure collective au profit de la SARL MDB, mais le montant des loyers antérieurs à cette ouverture peut être fixé au passif de cette société, à savoir une somme de
15.000 €,
- la société MDB n'a réglé aucun loyer pendant plusieurs mois invoquant des manquements de l'un des associés de la SCI Linaclo, sans établir de manquement propre de cette dernière société et a donc commis un abus du droit d'agir en justice, justifiant l'allocation de dommages et intérêts.
Par déclaration en date des 6 et 9 mars 2020, M. [U] [T], la SARL MDB et Me [Y] [K], en qualités, ont interjeté appel de ce jugement.
Par jugement du 29 juin 2020, la société MDB a été placée en liquidation judiciaire, Me [K] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et signifiées le 14 septembre 2023, M. [U] [T], la SARL MDB et Me [Y] [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la société MDB, demandent à la cour de :
Vu les articles 1130,1131 et 1137 du code civil ( applicables à la date de la cession) et les articles 1178, 1224 à 1227,1352 à 1352-9 du code civil,
- prendre acte de l'intervention de Me [Y] [K], nouvellement ès qualités de mandataire liquidateur de la société MDB, désigné en ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de Fréjus le 29 juin 2020,
- juger recevable et bien fondé l'appel limité interjeté contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan en date du 16 janvier 2020,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Draguignan en date du 16 janvier 2020 en ce qu'il a:
* rejeté la demande d'annulation du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
* rejeté la demande de résolution du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
* rejeté les demandes en paiement de M. [U] [T] et de la SARL MDB à l'encontre de la SCI Linaclo,
* rejeté les demandes en restitution du prix de cession et en paiement des frais liés à la vente, des frais de prêt bancaire, de dommages et intérêts équivalents aux sommes empruntées, à l'achat du stock et au titre du préjudice de santé,
* fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 15.000 € au titre des loyers impayés des mois d'octobre 2018 à février 2019 inclus,
* fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* condamné M. [U] [T] et la SARL MDB in solidum à payer à la SCI Linaclo la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* rejeté les demandes de M. [U] [T], de la SARL MDB et de M. [R] [B] au titre des frais irrépétibles de procédure,
* fait masse des dépens et condamné M. [U] [T] et la SARL MDB in solidum à en supporter la moitié, l'autre moitié étant à la charge de M. [R] [B] et dit qu'ils seront recouvrés directement par les avocats de la cause qui en ont fait la demande et l'avance,
- confirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- prononcer la nullité ou, à défaut, la résolution de la cession du fonds de commerce intervenue selon acte sous seing privé en date du 30 octobre 2015 entre M. [R] [B] et la SARL MDB portant sur le fonds de commerce de réparation, location, vente de motos neuves et occasions, accessoires situé [Adresse 4] à [Localité 6] ( Var),
- condamner conjointement et solidairement la SCI Linaclo et M. [R] [B] à verser à M. [U] [T] et la SARL MDB:
* la somme de 120.000 € correspondant au prix d'achat du fonds, avec intérêts à compter du 30 octobre 2015,
* les sommes suivantes:
° 2.400 € au titre des frais de rédaction,
° 2.910 € au titre des droits d'enregistrement de l'acte,
° 523,42 € au titre des frais de greffe,
° 124 € au titre de la chambre des métiers,
° 1.800 € au titre des honoraires de la société ACE Conseil,
* la somme de 21.152,16 € au titre des intérêts, assurance et frais bancaires,
* la somme de 50.000 € au titre des aides bancaires,
* la somme de 40.000 € au titre de l'achats du stock,
* la totalité des loyers perçus par la société Linaclo au titre des loyers commerciaux, incluant les charges, depuis la prise de possession jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,
* la somme de 30.000 € au titre du préjudice moral,
- condamner conjointement et solidairement la SCI Linaclo et M. [R] [B] à verser à M. [U] [T] et la SARL MDB la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les constats d'huissier des 15 mars 2017, 29 juin 2017, 24 juillet 2017, 24, 25, 29, 30 avril, 4, 5, 6, 7, 11, 12, 13, 15, 19, 20 mai, 12, 15, 18, 23 juin, 15, 16, 20 et 23 juillet 2020 et la sommation interpellative du 11 septembre 2017, dont distraction au profit de Me Denis Naberes, avocat aux offres de droit.
Ils relatent que nonobstant l'interdiction contractuelle liant les parties, M. [R] [B], dans le périmètre concerné, a continué une activité de même nature que celle du fonds cédé, ne se limitant nullement à la customisation de motos ou entretien et réparation de véhicules buggy et que les difficultés créées par cette concurrence déloyale, outre un dénigrement constant, ont impacté, dès l'origine, le chiffre d'affaires de la société MDB qui n'a pas pu régler les loyers et charges et a été placée en liquidation judiciaire.
Ils font grief au tribunal, tout en ayant constaté les infractions, par la réalisation d'activités interdites, d'avoir jugé que la clause de non concurrence n'était pas déterminante et que les infractions étaient insuffisamment graves.
Ils rappellent que la clause de non concurrence à l'occasion de la vente d'un fonds de commerce a pour objet de protéger ou conserver la clientèle attachée au fonds, qu'aucun texte de loi, ni aucune jurisprudence n'imposent que son bénéficiaire déclare que cette clause a été déterminante de son engagement, dès lors que l'élément essentiel et déterminant d'un fonds de commerce est la clientèle.
Ils considèrent que l'exception à la clause de non concurrence n'autorise M. [B] qu'à exercer une activité de customisation proprement dite pour les motos, comme l'a jugé cette cour, dans son arrêt du 22 avril 2021, confirmant le jugement du juge de l'exécution du 27 juillet 2021.
Ils exposent que la violation de cette clause s'est immédiatement faite ressentir en termes de chiffres d'affaires, alors qu'il était déterminant pour M. [U] [T] que la clientèle ne soit pas détournée, encore moins par une activité nouvelle du vendeur, très connu dans le Golfe de [Localité 7], étant souligné que celui-ci avait déjà cette intention lors de la vente, caractérisant ainsi un dol.
Ils reprochent à M. [R] [B] des infractions lourdes et répétées à la clause de non concurrence justifiant des sanctions plus importantes que celles retenues en première instance aux motifs que:
- celui-ci, sous la même immatriculation pour laquelle il était inscrit depuis le 19 mars 2004, a rouvert le 23 mars 2016, sous l'enseigne 'Speed Racer' sur la commune de [Localité 8] ( soit à moins de 30 kms à vol d'oiseau du fonds vendu), une 'activité de réparation, entretien et réparation de motos vente de buggys, quads, motos neufs et occasions, accessoires et pièces détachées motos,' l'activité déclarée étant déjà contraire à la clause litigieuse qui fait interdiction de s'intéresser directement ou indirectement à une activité de même nature,
- M. [B] a mis en ligne sur le site 'Le Bon Coin.fr' comme annonces professionnelles avec son enseigne Speed Racer, 6 véhicules à la vente qui n'ont rien à voir avec une activité de customisation ou d'entretien et réparation de véhicules buggys,
- un constat d'huissier du 15 mars 2017 atteste de l'existence de ces annonces commerciales pour la vente de motos et démontre le référencement de la société Speed Racer sur le site de la société Sherco, alors que le contrat de franchise qui liait M. [B] avec cette société était inclus dans le fonds cédé,
- la violation de la clause résulte également des achats suivants par ce dernier ( procès-verbal de constat du 24 juillet 2017),
* 180 pneumatiques pour scooter, motos sportives, Harley, motos enduro et cross,
* 12 kits d'entretien de scooter et 46 batteries achetées,
* des accessoires casques et vêtements
outre des factures mettant en évidence la réparation de véhicules accidentés,
- de nouvelles constatations ont été opérées par d'autres procès-verbaux en avril et mai 2020 qui font état, sur cette période, de 275 motos et scooters outre 26 quads constatés à la vente,
- des constats d'huissier effectués en juin et juillet 2020 établissement sur ces deux mois une activité de 232 motos et 18 quads à la vente.
Ils rappellent que l'irrespect de la clause de non concurrence ouvre la possibilité de demander la nullité ou la résolution de la cession et des réparations financières, qu'en l'espèce les manquements graves mettent en évidence:
- un dol, dans la mise en confiance de l'acquéreur du fonds par des engagements du cédant finalement nullement respectés, étant précisé que la signature et le respect de la clause de non concurrence étaient déterminants du consentement de M. [T] à la cession du fonds de commerce,
- en tout état de cause, des inexécutions des clauses contractuelles.
Ils considèrent que :
- si le dol est retenu, l'ensemble des condamnations sera supporté conjointement et solidairement avec la société Linaclo, qui n'est pas tiers au contrat en ce que le droit au bail est cédé avec le fonds de commerce et que M. [D] [B] et son épouse sont associés dans cette société, qui perçoit les fruits d'une escroquerie,
- si la résolution est prononcée, la décision lui sera rendue opposable afin qu'elle cesse d'être créancière de loyers commerciaux à l'égard de la société MDB.
M. [R] [B] et la SCI Linaclo, suivant leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 20 septembre 2023, demandent à la cour de :
Vu les articles 1116, 1117 et 1184 du code civil ( ancien),
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 16 janvier 2020 en ce qu'il a:
* rejeté la demande d'annulation du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
* rejeté la demande de résolution du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre M. [R] [B] et la SARL MDB le 30 octobre 2015,
* rejeté les demandes en paiement de M. [U] [T] et de la SARL MDB à l'encontre de la SCI Linaclo,
* rejeté les demandes en restitution du prix de cession et en paiement des frais liés à la vente, des frais de prêt bancaire, de dommages et intérêts équivalents aux sommes empruntées, à l'achat du stock et au titre du préjudice de santé,
* déclaré irrecevables les demandes de la SCI Linaclo de constatation de résiliation du bail commercial, de prononcé d'expulsion et de paiement d'indemnité d'occupation,
* fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 15.000 € au titre des loyers impayés des mois d'octobre 2018 à février 2019 inclus,
* fixé au passif de la procédure collective ouverte au profit de la SARL MDB la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
* condamné M. [U] [T] et la SARL MDB in solidum à payer à la SCI Linaclo la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement de première instance et statuant à nouveau,
- déclarer valide le paiement de la somme de 60.000 € au titre de l'achats du stock de la société X Bike et ordonner la restitution de la somme de 60.000 € versée par M. [R] [B],
- supprimer l'interdiction et l'astreinte provisoire de 500 € par infraction constatée mise à la charge de M. [R] [B] par le premier juge,
- constater la résiliation du bail commercial liant la SCI Linaclo et la SARL MDB et par conséquent, confirmer l'expulsion de la SARL MDB,
A titre subsidiaire,
- si par extraordinaire, la restitution de la somme de 60.000 € était maintenue au profit de la SARL MDB, ordonner la compensation judiciaire des sommes avec les loyers impayés,
- condamner M. [U] [T], la SARL MDB et Me [K] à la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance, distraits au profit de Me Romain Cherfils, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocat associé aux offres de droit.
A titre liminaire, ils relèvent que la société Linaclo, bailleur, n'a rien à voir avec la cession de fonds de commerce, qu'elle n'a reçu aucun prix de cession du fonds et n'est que le propriétaire des murs ayant abrité les différents preneurs successifs, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice.
Ils s'opposent à l'annulation de la cession du fonds pour dol, lequel doit s'analyser exclusivement lors de la formation du contrat alors qu'en l'espèce :
- les éléments censés démontrer un tel dol sont tous datés de 2017, 2018, 2019 ou 2020, alors que la vente est intervenue le 30 octobre 2015,
- ils sont relatifs à une éventuelle violation de la clause de non concurrence stipulée à l'acte et non aux éléments de sa formation ou aux pourparlers ayant conduit à la signature du contrat,
- le dol ne peut qu'être rejeté dès lors d'une part, une telle clause est prévue au contrat et, d'autre part, une exception est prévue, mettant en évidence que les éléments du contrat figuraient en page 5 et il suffisait aux parties appelantes de refuser de le signer en vertu du principe de liberté contractuelle,
- en réalité, le seul débat qui existe est celui de la bonne ou mauvaise application par M. [B] de la clause dite de non concurrence.
S'agissant des violations alléguées de cette clause, ils font valoir que :
- si M. [B] a mis en vente 6 véhicules sur internet, il justifie qu'il n'a tiré aucun profit de ces annonces faites pour des amis de longue date et en toute hypothèse, il ne s'agit pas d'une violation suffisamment grave de la clause,
- la société Sherco atteste qu'elle n'a aucune relation avec l'enseigne Speed Racer et comme l'a relevé le tribunal, l'acte de cession ne mentionne pas de transfert du contrat de franchise Sherco au cessionnaire,
- il est indiqué sur l'enseigne ' Speed Racer' une activité de préparation, customisation, moto, quad et buggy,
- les pages de facture annexées au constat d'huissier du 24 juillet 2017 ne démontrent rien en ce que, contrairement à l'analyse des premiers juges, l'achat de matériels peut participer à l'entretien d'une moto ou d'un buggy déjà customisé ou à customiser, la clause autorisant l'activité de réparation et de préparation personnalisée des motos customisées,
- M. [B] peut donc réparer une moto qui est customisée ou qui va être customisée, comme l'a retenu à juste titre le juge de l'exécution à l'occasion de la première instance,
- s'agissant des constats d'huissier des mois d'avril, mai, juin et juillet 2020, les photographies prises par l'huissier l'ont été de l'extérieur et sont totalement obscures, de sorte que rien ne peut être distingué, étant précisé que les véhicules ont été comptés plusieurs fois sur des périodes différentes, qu'il n'a jamais été constaté un mécanicien en train de travailler sur un véhicule non customisé et/ ou sans travail de customisation, de préparation ou de réparation sur celle-ci,
- M. [B] produit pour sa part un constat en date du 11 février 2021 ( date à laquelle il n'est plus tenu par la clause) qui met en évidence qu'il est impossible d'accueillir plus de 500 véhicules dans son atelier de 87 m² en trois mois, pour une entreprise comptant 3 salariés,
- il est tout à fait logique techniquement que la réparation soit autorisée et porte aussi sur les motos customisées dans la mesure où les pièces composant ces motos sont spécifiques et différentes des pièces de motos standard, raison pour laquelle la clause précise que la 'réparation' peut porter sur une moto customisée,
- aucune violation n'est établie et le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a fait interdiction à M. [B] de réaliser, sous astreinte, des ventes de motos et scooters et des réparations de motos et scooters,
- la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL MDB n'est pas due à une prétendue violation de la clause de non concurrence mais bien à l'incompétence et au manque d'expérience de son gérant.
Ils forment un appel incident, faisant grief au tribunal d'avoir condamné M. [B] à restituer à M. [T] la somme de 60.000 € à la suite de l'annulation d'une contre-lettre, qu'il n'existe aucun acte occulte puisqu'il s'agit du stock laissé dans le local et non facturé et qui n'est pas malheureusement pas repris dans l'acte de cession, à la demande de la société MDB pour lui éviter des frais.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 octobre 2023.
MOTIFS
Sur la demande d'annulation et à défaut de résolution du contrat de cession de fonds de commerce
Par acte du 30 octobre 2015, M [R] [B] a cédé à la SARL MDB un fonds de commerce de réparation, location, vente de motos neuves et occasions, accessoires, situé [Adresse 5], ledit fonds de commerce comprenant :
- le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés,
- le mobilier commercial et les agencements servant à son exploitation,
- le droit au bail.
Le prix de cession a été fixé à 120.000 € ventilé comme suit: 110.000 € au titre des éléments incorporels et 10.000 € au titre des éléments corporels.
L'acte comporte une clause de non concurrence ainsi libellée :
'Le vendeur s'engage à s'interdire expressément pour une durée de 5 années entières et consécutives à compter de la date d'entrée en jouissance, de s'intéresser directement ou indirectement, même comme associé commanditaire, à l'exploitation d'une activité de même nature que celle du fonds cédé ou susceptible de lui faire concurrence, et ce dans un rayon de 30 kilomètres à vol d'oiseau du siège actuel d'exploitation. L'acquéreur autorise M. [R] [B] à exercer toute activité de réparation et préparation personnalisée des motos appelée ' customisation' ainsi que l'entretien et la réparation de véhicules Buggy.'
Les appelants sollicitent, à titre principal, l'annulation du contrat sur le fondement du dol, soutenant que M. [R] [B], nonobstant l'interdiction contractuelle, a continué, dans le périmètre concerné, une activité de même nature que celle du fonds qu'il a cédé, que la signature et le respect de cette clause de non concurrence était déterminants de leur consentement lequel a été vicié, le vendeur ayant menti dès le début, sur son intention de réinstaller.
En vertu de l'article 1116 du code civil, dans sa version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Il appartient à l'acquéreur d'établir le vendeur lui a sciemment caché une information déterminante de son consentement ou a menti sur une telle information.
Le dol, vice du consentement, s'apprécie au moment de la formation et non lors de son exécution ou son extinction.
Or, les éléments produits par la SARL MDB et M. [T] au soutien de leur demande d'annulation sont tous postérieurs à la signature de l'acte de cession, à l'exception de l'attestation de Mme [V] [H] qui relate que M. [B] avait indiqué à M. [T], qu'il vendait son fonds en ce qu'il entendait ' changer de cap dans sa vie et avait d'autres projets, en l'occurrence, celui de faire des balades en motos dans la montagne avec des clients comme le faisait un ami à lui en Corse (...) M. [B] était ferme sur le fait de changer de vie et de faire autre chose (...) '
Cette attestation ne peut qu'avoir une valeur probatoire limitée en ce que Mme [H] n'indique pas si elle a assisté à de telles discussions ou s'il s'agit de propos rapportés.
Surtout, une clause de non concurrence est bien expressément prévue à l'acte litigieux et les appelants ont accepté de faire figurer une exception conventionnelle à cette clause, en autorisant le vendeur à pratiquer certaines activités, dans le périmètre concerné, ayant trait à la mécanique des motos et buggys. La SARL MDB et M. [T] ne pouvaient donc ignorer que M. [B] allait poursuivre une activité dans ce secteur, l'exception susvisée étant incompatible avec un arrêt total de l'activité.
Il y a lieu, en effet, de relever que les appelants reprochent en réalité à M. [B] une violation répétée de la clause de non concurrence, manquements qui par définition sont intervenus postérieurement à la formation du contrat, au cours de son exécution.
Le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'acte de cession ne peut donc qu'être confirmé.
S'agissant de la résolution de ce contrat, il convient d'apprécier, en application de l'article 1184 du code civil, si les infractions déplorées par les appelants sont suffisamment graves pour entraîner la résolution dudit contrat.
Ces derniers font grief à M. [R] Coste d'avoir maintenu une activité concurrence au mépris de la clause de non concurrence insérée dans l'acte de cession.
Il ressort de l'extrait Kbis qui est versé au dossier que M. [R] [B], sous la même immatriculation pour laquelle il était inscrit depuis le 19 mars 2004 a rouvert le 23 mars 2016, sous l'enseigne ' Speed Racer', sur la commune de [Localité 8], soit dans le périmètre concerné par la clause de non concurrence, une activité de réparation, entretien et préparation de motos vente de buggys, quads, motos neufs et occasions, accessoires et pièces détachées, motos.
Il ne peut cependant être tiré du fait que sur ce document, l'objet social de l'entreprise de l'intimé n'a pas été modifié, une nécessaire violation de la clause de non concurrence.
Au demeurant, sur le constat d'huissier du 24 juillet 2017 établi à la requête des appelants, il est bien indiqué sur l'enseigne Speed Racer ' préparation, customisation, moto, quad, buggy'
Il est reproché en premier lieu à M. [B] d'avoir procédé à la vente de véhicules.
Il est établi que ce dernier a passé sur le site ' Le Bon Coin', sous le nom de son activité, plusieurs annonces en vue de la vente de motos et scooters, alors que l'exception la clause de non concurrence ne comprend pas la vente de tels véhicules.
Les appelants communiquent six annonces différentes, l'huissier de justice ayant également retrouvé les véhicules vendus sur le site litigieux, ainsi qu'il en ressort de son procès-verbal du 15 mars 2017.
M. [B] qui ne conteste d'ailleurs pas de telles constatations, indique qu'il n'a tiré aucun profit de ses annonces qui ont été faites pour des amis de longue date et dont il n'a tiré aucun revenu. Les témoignages dont il se prévaut exposent en effet que ce lui-ci était plus compétent qu'eux pour répondre aux éventuelles questions des acheteurs et qu'il n'a perçu aucune rémunération, ayant servi uniquement d'intermédiaire.
Il n'en demeure pas moins que la violation de la clause de non concurrence est établie en ce que l'intimé a incontestablement vendu des motos. Toutefois, comme ce dernier le souligne, le manquement est limité en ce qu'il ne porte que sur six véhicules et que l'huissier de justice, autorisé à se faire remettre les documents comptables afférents à ces cessions, n'a pas relevé de facture de vente à ce titre.
La SARL MDB et M. [T], s'appuyant le procès-verbal de constat du 15 mars 2017, se plaignent également d'une reprise par M. [B] d'un référencement auprès de la marque Sherco, alors que l'acte de cession prévoit un contrat de franchise qui a été cédé avec le fonds.
Or, contrairement aux affirmations des appelants, l'acte de cession du fonds de commerce mentionne qu'il comprend :
- le nom commercial, la clientèle, l'achalandage y attachés,
- le mobilier commercial et les agencements servant à son exploitation,
- le droit au bail.
Il n'est donc nullement fait état du contrat de franchise avec la marque Sherco, qui ne fait donc pas partie des éléments cédés.
L'acte mentionne également en page 4 qu' ' il existe un contrat de franchise avec une marque Sherco. Il appartiendra à l'acquéreur de se rapprocher du franchiseur pour la poursuite du contrat de distribution'.
L'existence de contrat de franchise est donc mentionné à titre d'information et le vendeur n'a pris aucun engagement, ni de le transférer au cessionnaire, ni de cesser toute relation avec cette enseigne.
Il résulte du procès-verbal de constat du 29 juin 2017 que la société Sherco a affirmé à l'huissier n'avoir aucune relation avec M. [B] que ce soit dans le cadre de d'un contrat de distribution ou au titre d'un référencement depuis le 1er janvier 2016 et dont le compte est bloqué. Cette affirmation ne peut valablement être contredite par la seule présence d'une banderole Sherco sur le site de Speed Racer ou par le fait que le site n'était pas à jour alors qu'aucun autre élément n'a été relevé par l'huissier lors de sa visite dans les locaux de Speed Racer permettant de démontrer un quelconque manquement contractuel à ses engagements de ce chef par l'intimé.
Les appelants reprochent en outre à M. [B] une activité de réparation de motos qui est interdite par la clause de non concurrence, en se fondant sur un procès-verbal de constat du 24 juillet 2017.
Comme l'a analysé à juste titre le tribunal, l'exception conventionnelle concerne ' toute activité de réparation et préparation personnalisée des motos appelée ' customisation' , le terme de 'réparation' étant couplé avec celui de 'préparation personnalisée de motos' dont il est précisé qu'il s'agit de customisation, de sorte que sauf à priver de porter la clause de non concurrence, l'activité de réparation ainsi visée ne peut qu'être incluse dans celle de personnalisation des motos.
Dans son procès-verbal dressé le 24 juillet 2017, l'huissier de justice, qui s'est transporté dans les locaux de la société Speed Racer, a constaté dans l'arrière-garage, la présence d'une réserve comportant des étagères professionnelles sur lesquelles sont entreposées des pièces détachées.
Les factures qui sont annexées à ce constat concernent, pour certaines, des achats de pneumatiques, de kit d'entretien et de batteries pour scooter, d'embrayages, de plaquettes de frein, de courroies ou encore de durites qui manifestement ne concernent pas une activité de customisation de motos. En effet, s'agissant de pièces standards, elles correspondent à des réparations de motos en dehors du champ autorisé par l'acte de cession. Le manquement à ce titre est donc également avéré même si effectivement il reste limité, les commandes portant sur des petites quantités.
En cause d'appel, la SARL MDB et M. [T] soutiennent que l'activité exercée par M. [B] en parfaite violation de la clause de non concurrence s'est amplifiée justifiant d'autant plus le prononcé de la résolution de l'acte de cession aux torts du vendeur.
Ils versent aux débats deux procès-verbaux de constat, le premier établi sur la période d'avril et mai 2020 et, le second sur la période de juin et juillet 2020.
Le premier constat comporte en annexe des photographies prises sur 11 jours entre le 20 avril et 20 mai 2020 qui attestent simplement de la présence de motos stationnées devant l'enceinte de l'établissement sans qu'il ne soit possible de déterminer qu'elles y étaient en vue de leur vente ou de leur réparation pour être customisés. L'existence d'une violation de l'exception contractuelle ne peut se déduire de la seule présence de ces véhicules et même de leur nombre. Aucun élément n'atteste de leur mise en vente, ni de leur présence en vue d'une réparation, de même que la présence de pièces mécaniques et détachées entreposées dans la courette.
Les informations recueillies sur Internet par l'huissier ne démontrent rien, qu'il a reproduit deux avis de clients, dont l'un négatif mais qui ne contiennent aucune date quant aux faits relatés, ni de précision sur la nature des véhicules dont il est fait mention et, s'agissant des captures d'écran, elles ne sont pas davantage datées et montrent des photographies de l'établissement Speed Racer avec des motos stationnées devant mais sans plus de précision.
Quant au second constat d'huissier, il se contente de constater la présence de motos à l'extérieur de l'enceinte de Speed Racer et à en décompter le nombre, entre le 12 juin et le 23 juillet 2020, étant relevé que sur ce procès-verbal les photographies sont, soit prises de très loin, soit prises derrière un grillage, de sorte qu'il est totalement impossible de distinguer précisément les véhicules qui y figurent et encore moins à quoi ils se rapportent.
Au regard de ces éléments, les appelants rapportent effectivement la preuve de la réalisation de deux activités interdites par la clause de non concurrence, dont les manquements restent toutefois limités dans leur ampleur. En outre, contrairement à leurs affirmations, ils ne démontrent pas de nouvelles infractions commises depuis le jugement entrepris qui pourraient justifier la résolution du contrat de cession. En effet, ils affirment que les agissements de M. [B] ont réduit les résultats de la SARL MDB la conduisant à l'ouverture d'une procédure collective et depuis à sa liquidation judiciaire.
Toutefois, il convient d'observer que :
- les chiffres comptables sur les trois précédentes années étaient spécifiés dans l'acte, révélant des résultats faibles, négatifs en 2013 ( - 5.533) et à peine positifs en 2014 ( + 1.138), situation que M. [T] ne pouvait ignorer,
- M. [B] justifie que deux concurrents de la SARL MDB se sont installés sur la même commune et à la même période,
- l'intimé communique un certain nombre d'attestations qui mettent en évidence une forme d'amateurisme de la part de M. [T], ne connaissant manifestement pas le métier, outre des problèmes de personnels et de stock.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer la résolution du contrat de cession du fonds de commerce.
Par voie de conséquence, les demandes en paiement formées par M. [B] qui sont la conséquence d'une résolution de la vente susvisée aux torts du vendeur, ne sauront pas accueillies.
Les demandes formées à l'encontre de la SCI Linaclo, qui n'a pas perçu le prix de vente et dont il ne ressort d'aucune pièce qu'elle a participé aux manquements à la clause de non concurrence, la seule circonstance que M. [B] soit également associé de cette société étant insuffisante à faire supporter cette dernière les conséquences financières d'un contrat auquel elle n'est pas parties, ne peuvent qu'enter en voie de rejet.
C'est en revanche, à juste titre, en l'état des deux violations constatées que le tribunal fait interdiction à M. [R] [B], et ce jusqu'au 30 octobre 2020, de réaliser des ventes de motos et scooters et des réparations de motos et scooters interdites par la clause de non concurrence figurant dans l'acte du 30 octobre 2015 et ce sous astreinte provisoire de 500 € par infraction dûment constatée
Sur la demande de restitution de la somme de 60.000 €
M. [B] fait grief au tribunal d'avoir :
- annulé la contre-lettre portant paiement d'un supplément de prix dans le cadre de la vente du fonds de commerce,
- condamné M. [R] [B] à restituer à M. [U] [T] et la SARL MDB ensemble la somme de 60.000 € payée à ce titre.
Conformément à l'article 1321-1 ancien du code civil, applicable au litige, est nulle et de nul effet toute contre-lettre ayant pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d'un office ministériel et toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'une vente d'immeubles ou d'une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d'une cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d'un échange ou d'un partage comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle.
En l'occurrence il est admis et établi qu'une somme de 60.000 € a été réglée par M. [T] au profit de M. [B] par chèque en date du 30 juillet 2015, en sus du prix d'acquisition porté officiellement à l'acte de cession.
Ledit contrat mentionne un prix de vente de 120.000 € dont 10.000 € au titre des éléments corporels listés et constitués du matériel et outillage.
M. [B] prétend que la somme de 60.000 € correspond à l'important stock laissé dans le local par la société X Bike. Toutefois il n'apporte aucun élément de nature à étayer une telle affirmation et la facture versée au dossier de la société X Bike du 30 octobre 2015 pour un montant de 40.000 € n'est pas probante en ce que le paiement litigieux est intervenu plusieurs mois auparavant et pour un montant supérieur à celui porté sur la facture.
Le jugement sera donc confirmé sur ces deux points et M. [B] débouté de son appel incident.
A titre subsidiaire, si la restitution de la somme de 60.000 € était maintenue au profit de la SARL MDB, les intimés demandent à la cour d'ordonner la compensation judiciaire des sommes avec les loyers impayés.
Or, il peut y avoir de compensation en ce que les créanciers et les débiteurs des deux sommes ne sont pas les mêmes, dès lors que les loyers impayés sont dus à la SCI Linaclo et non à M. [B].
Sur les autres demandes
C'est également à juste titre que les premiers juges, en application des articles L 622-21 et
L 145-41 du code de commerce a :
- déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de constatation de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire visée dans le commandement du 30 octobre 201, en raison de la suspension des poursuites concernant la SARL MDB du fait de l'ouverture de la procédure collective à son encontre et les demandes accessoires d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation
- les loyers antérieurs à cette ouverture peuvent être fixés au passif de la SARL MDB, à savoir une somme de 15.000 € correspondant aux loyers échus et impayés du mois d'octobre 2018 au mois de février 2019, à raison de 3.000 € par mois, au profit de la SCI Linaclo,
En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé au passif de la SARL MDB , la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
En effet, il n'est aucunement établi que la SARL MDB et M. [T], qui n'ont fait, devant le tribunal puis devant la cour, qu'user de leur droit d'agir en justice, sans qu'il soit démontré qu'ils aient été animés de l'intention de nuire envers la société Linaclo ou qu'ils auraient commis, dans l'exercice de ce droit, une faute équipollente au dol.
L'équité et la situation économique des parties commandent de rejeter les demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé au passif de la SARL MDB , la créance de la SCI Linaclo d'un montant de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Et statuant à nouveau sur ce point,
Déboute la SCI Linaclo de sa demande de fixation au passif de la SARL MDB de sa créance à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Y ajoutant,
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne M. [U] [T], la SARL MDB et Me [K], ès qualités, aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.