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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 7 décembre 2023, n° 23/03114

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/03114

7 décembre 2023

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/03114 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHTBS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 janvier 2023 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 20/05476

APPELANTE

Madame [E] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6] - ANGLETERRE

Elisant domicile au cabinet de Me Alexandra SABBE FERRI dont l'adresse est [Adresse 2]

Représentée par Me Alexandra SABBE FERRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1138

INTIMÉES

S.A.S. CAUDALIE

[Adresse 4]

[Localité 5]

Société CAUDALIE UK LIMITED

[Adresse 3]

[Localité 6] / ANGLETERRE

Toutes deux représentées par Me Guillaume NAVARRO, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Eric LEGRIS, président

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Alicia CAILLIAU

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [E] [S] a été engagée par la société Caudalie UK en qualité de « Global retail Director », suivant contrat à durée indéterminée à effet du 4 juin 2018.

Elle a été placée en congé maternité de 12 semaines à compter du 9 décembre 2019.

Elle a repris ses fonctions au sein de la société Caudalie UK le 20 avril 2020.

Le 26 mai 2020, la société Caudalie UK a notifié à Mme [S] son licenciement pour motif économique.

Le 5 août 2020, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de diverses réclamations.

Par jugement rendu le 31 janvier 2023, le conseil de prud'hommes de Paris :

- s'est déclaré incompétent,

- a invité Mme [E] [S] à mieux se pourvoir,

- a condamné Mme [S] aux entiers dépens.

Vu l'appel interjeté par Mme [E] [S] à la date du 11 mai 2023.

Par ordonnance en date du 26 juin 2023, le premier président de la cour d'appel de Paris l'a autorisé à assigner à jour fixe pour l'audience du 3 novembre 2023.

Les assignations on été déposées le 10 juillet 2023.

Vu les dernières conclusions déposées le 10 juillet 2023 par Mme [E] [S] qui demande de :

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusion ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 31 janvier 2023 en ce qu'il s'est déclaré incompétent, a invité Mme [S] à mieux se pourvoir et l'a condamné aux entiers dépens ;

- Juger qu'il est justifié par Mme [S] de la compétence territoriale et matérielle du conseil de prud'hommes de Paris pour connaître des conditions d'exécution et de rupture du contrat de travail qui l'a lié à la société Caudalie UK LTD et à la société S.A.S. Caudalie ;

En conséquence,

- Renvoyer l'affaire au conseil de prud'hommes de Paris compétent, initialement saisi, pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;

- Condamner solidairement les sociétés Caudalie UK LTD et S.A.S. Caudalie au versement à Mme [S] de la somme de 5.000 € nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Subsidiairement et statuant à nouveau,

- Fixer le salaire mensuel brut de référence de Mme [S] à la somme de 12.499,12 €.

- Juger que le licenciement notifié le 26 mai 2020 à Mme [S] est nul ;

- Condamner solidairement les sociétés Caudalie UK LTD et S.A.S.Caudalie au versement à Mme [S] des sommes suivantes :

' A titre principal,

150.000€ nets de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement,

' A titre subsidiaire,

50.000€ nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' 12.500 € nets d'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

' 7.064,88 € nets d'indemnité de licenciement

' 14.646,75 € bruts de rappel de bonus 2020

' 1.464,67 € bruts de congés payés y afférent

' 64.451,35 € nets de dommages-intérêts pour violation des dispositions protectrices de la maternité

' 77.382,65 € bruts et 7.738,26 € bruts de congés payés y afférent de rappels d'heures supplémentaires du 04/06/2018 au 26/05/2020

' 6.788,66 € bruts et 678,86 € bruts de congés payés y afférent de rappels de majorations d'heures supplémentaires contractuelles

' 20.000 € nets de dommages-intérêts pour violation de la durée du travail hebdomadaire maximale

' 68.276,10 € nets d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

' 5.000 € nets au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

' Dépens

' Intérêts au taux légal depuis la date de réception de la convocation devant le B.C.O.

- Ordonner :

' La capitalisation des intérêts

' La délivrance à Mme [S] d'un bulletin de salaire, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée des condamnations à intervenir.

Vu les dernières conclusions déposées le 28 septembre 2023 par la société Caudalie UK Ltd et la société Caudalie SAS qui demandent de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 31 janvier 2023 par lequel le conseil s'est déclaré incompétent pour trancher le litige et a renvoyé Mme [E] [S] à mieux se pourvoir ;

A titre subsidiaire, si la cour ne confirmait pas purement et simplement le jugement,

- transmettre la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l'Union Européenne et surseoir à statuer dans l'attente de l'examen de celle-ci par la Cour de justice de l'Union Européenne :

« Les articles 4, § 1, et 20, § 1, du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans le cas où est alléguée, à l'égard d'une société domiciliée sur le territoire d'un État membre et attraite par un travailleur devant les juridictions de cet État, une situation de coemploi du même travailleur engagé par une autre société, ladite juridiction n'est pas tenue, pour déterminer sa compétence pour statuer sur les demandes formées contre les deux

sociétés, d'apprécier préalablement l'existence d'une situation de coemploi ' » ;

« Les mêmes articles doivent-ils être interprétés en ce sens que, dans un tel cas, l'autonomie des règles spéciales de compétence en matière de contrats individuels de travail ne fait pas obstacle à l'application de la règle générale de compétence des juridictions de l'État membre du domicile du défendeur énoncée à l'article 4, § 1, du règlement n° 1215/2012 ' » ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour jugeait le conseil de prud'hommes de Paris compétent,

- renvoyer l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris pour qu'il soit statué sur le fond ;

A titre reconventionnel,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des sociétés et condamner Mme [E] [S] au paiement d'une amende civile au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- condamner, Mme [E] [S] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

SUR CE,

Sur la compétence du conseil de prud'hommes de Paris :

Mme [S] considère que le conseil de prud'hommes de Paris devait se juger compétent en faisant valoir que 'elle bénéficie du privilège de juridiction de l'article 14 du code civil, que la France a été le lieu où elle a habituellement accompli son travail, se référant à l'article 19 du règlement n°44/2001 «Bruxelles I», ajoutant qu'en tout état de cause les demandes qu'elle forme sont liées par un rapport étroit compte tenu de la confusion d'intérêts entre les sociétés Caudalie UK et Caudalie France.

Elle indique qu'en présence d'un contrat de travail international, il appartient au juge de trancher le litige sur la base de la loi applicable qu'elle soit française ou étrangère et que son contrat de travail conclu avec Caudalie UK et prévoyant l'application du droit anglais relève de l'application du droit français a minima pour les dispositions d'ordre public. Elle estime que le conseil de prud'hommes aurait dû écarter l'application de la loi anglaise à son contrat qui relève d'une fraude aux droits de la salariée, alors que son employeur réel était selon elle la société Caudalie SAS.

Elle soutient en ce sens que sa prestation de travail ne présente aucun lien particulier avec Caudalie UK qui n'a été son employeur que pour «compenser» l'obligation de Caudalie SAS d'accepter le maintien de son domicile à [Localité 6], son contrat ne se justifiant que par la volonté de Caudalie SAS de réaliser des économies sur le coût de son emploi, et que le lien de subordination est exclusivement caractérisé avec Caudalie SAS.

Elle fait valoir, en se référant en particulier à un tableau synthétisant les jours passés par mois en France et dans d'autres pays, que l'exécution de son contrat de travail caractérise des liens plus étroits avec la France.

La société Caudalie UK Ltd et la société Caudalie SAS soutiennent au contraire que le conseil de prud'hommes de Paris est territorialement et matériellement incompétent pour se prononcer sur les demandes de Mme [S].

Elles invoquent l'incompétence territoriale du conseil de prud'hommes de Paris au profit des juridictions anglaises, relevant que Mme [S], qui a été embauchée et licenciée par la société Caudalie UK, a néanmoins saisi les juridictions françaises pour contester cette mesure en soutenant qu'elle aurait, en réalité, été employée par la société Caudalie France et qu'elle sollicite, devant ces juridictions françaises, la condamnation solidaire des sociétés Caudalie UK et Caudalie France, mais qu'il lui appartient (en application du Règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012) de rapporter la preuve (pour justifier de la compétence des juridictions françaises) d'un «rapport de droit étroit» entre les demandes de condamnations solidaires qu'elle forme à l'encontre des sociétés Caudalie UK et Caudalie France, lequel suppose nécessairement que soit établie, ce qu'elle échoue à faire, l'existence d'une situation de «co-emploi» entre ces deux sociétés, puisque à défaut d'une telle démonstration, les juridictions françaises seraient incompétentes.

Elles ajoutent, au soutien de l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes de Paris, que Mme [S] a été embauchée par contrat de travail à effet du 4 juin 2018 par la société Caudalie UK, société anglaise domiciliée et enregistrée au Royaume-Uni et que selon tant les termes du contrat de travail librement consentis par les parties, que ses conditions d'exécution, la loi applicable est la loi anglaise ; dans l'hypothèse même où les parties au contrat n'aurait pas choisi le droit applicable au contrat, les critères applicables auraient selon elles également conduit à l'application de la loi anglaise au contrat de travail.

Elles estiment que l'analyse du faisceau d'indices dégagé par la jurisprudence permet de se rendre compte que le contrat de travail de Mme [S] ne présentait pas de liens plus étroits avec un autre état que le Royaume-Uni. Elles concluent que le droit anglais s'appliquait au contrat de travail de Mme [S], lequel ne présentait pas de liens plus étroits avec la France.

Elles contestent que Mme [S] aurait en réalité été employée par la société Caudalie France, alors que les conditions dans lesquelles elle exécutait son contrat de travail ne permettent pas d'établir que ce contrat présentait un lien plus étroit avec la France et que la conclusion de son contrat de travail avec la société Caudalie UK n'avait nullement été motivée par une volonté du Groupe Caudalie de réaliser des économies sur le coût de son emploi et de ne pas lui appliquer les dispositions plus favorables de la loi française.

Elles font valoir que Mme [S] fait mine de confondre conflit de loi et conflit de juridiction.

Elles estiment que si la saisine de Mme [S] étaient fondée sur la reconnaissance d'une situation de co-emploi transnational avec la société Caudalie France, dans ce cas, la cour devrait poser une question préjudicielle à la CJUE, qu'elle détaille dans le dispositif de ses écritures, et surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la CJUE.

Enfin, au soutien de leur demande formulée à titre infiniment subsidiaire, elles font valoir que l'enjeu financier relativement important du dossier et sa complexité justifient que les parties ne soient pas privées au fond du double degré de juridiction.

Le Règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 définit les règles relatives à la compétence territoriale judiciaire en matière civile et commerciale au sein des Etats membres.

En vertu de l'article 67 de l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union Européenne du 12 novembre 2019 (2019/C 384 I/01), les dispositions relatives à la compétence du règlement n°1215/2012 sont applicables à toute action judiciaire impliquant le Royaume-Uni et intentée avant la fin de la période de transition, le 31 décembre 2020.

En l'espèce, Mme [S], qui a été engagée par la société Caudalie UK en qualité de « Global retail Director »suivant contrat à durée indéterminée à effet du 4 juin 2018, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 4 août 2020.

Elle forme des demandes pour connaître et juger des conditions d'exécution et de rupture du contrat de travail qui l'a lié selon elle à la société Caudalie UK LTD et à la société S.A.S. Caudalie, co-défendeurs dans le cadre de la présente procédure.

Le Règlement européen n°1215/2012 (Bruxelles 1 bis) dispose notamment que :

- en son article 4 point 1 (au sein de la section I «Dispositions générales»)que : « Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre » ;

- en son article 5 que :

« 1. Les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections II à VII du présent chapitre.

2. Ne peuvent être invoquées contre les personnes visées au paragraphe 1 notamment les règles de compétence nationales que les Etats membres doivent notifier à la Commission en vertu de l'article 76, paragraphe 1, point a). » ;

- en son article 8 (au sein de la section II relatives aux «Compétences spéciales») que : « Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite :

1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. (...)» ;

- en son article 20 point 1 (de la section V relative à la compétence de matière de contrats individuels de travail) que : « En matière de contrats individuels de travail, la compétence est déterminée par la présente section, sans préjudice de l'article 6, de l'article 7, point 5) et, dans le cas d'une action intentée à l'encontre d'un employeur, de l'article 8, point 1).»

- en son article 21 (de la même section V) que :

« Un employeur domicilié sur le territoire d'un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l'État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le travailleur » (article 21 du règlement Bruxelles 1 bis).»

Dans la suite du courriel du 5 avril 2018 indiquant que « vous serez embauchée par Caudalie UK (contrat de travail local) » et du courrier du 16 avril 2018 mentionnant que « Nous sommes fières de vous offrir le poste de Directeur commercial monde pour Caudalie UK Limited. Vous trouverez ci-après les modalités d'emploi qui s'appliqueront à ce poste. Celles-ci incluent toutes les modalités devant vous être remises et précisées conformément au Employment Rights Act 1996 », le contrat de travail conclu entre la société Caudalie UK, société anglaise domiciliée au Royaume-Uni, et Mme [S], domiciliée à [Localité 6], prévoit notamment que :

« Vous aurez pour mission le déploiement à l'échelle mondiale d'un réseau de boutiques-spas, dans le but de proposer à nos clients de découvrir pleinement toute l'expérience Caudalie :

explorer les valeurs et l'éthique de notre marque + découvrir nos formules naturelles et sensorielles + profiter du prodigieux savoir-faire de nos thérapeutes », ce qui impliquait notamment « un travail en coordination avec nos responsables pays pour sélectionner les bons sites, adaptés à nos besoins (superficie, services, ambiance et image générale). (...)» et «une cohérence en matière de merchandising visuel et de vitrines : vous travailleriez en collaboration avec notre équipe MKG et VM (Marketing et Merchandising Visuel) (régionale & mondiale) en vue du déploiement de nos programmes de promotion.»

Vous serez sous la responsabilité du directeur général à [Localité 7]. Vous devrez vous rendre:

- au siège social mondial situé à [Localité 7] 8 jours par mois ;

- à toutes les boutiques européennes (dont [Localité 6], [Localité 7], etc.) 4 fois par an ;

- en Asie 4 fois par an ;

- aux boutiques américaines (Etats-Unis, Brésil, Canada) 2 fois par an.

- «. Résiliation sans préavis

(...)

(g) si vous n'êtes plus saine d'esprit ou si vous devenez une patiente au sens de la partie VIII

du Mental Health Act 1959 » ;

- «Protection de la propriété intellectuelle

Sous réserve de la loi de 1988 relative à la propriété intellectuelle en matière de droit d'auteur, de modèles et de brevets (Copyright, Designs and Patents Act 1988), toute invention réalisée par vous dans le cadre de votre emploi ou découlant de celui-ci appartient à la Société et vous devrez prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que la Société obtienne le bénéfice maximal de cette invention en déposant rapidement des demandes de brevets aux frais de la Société ».

Eu égard à l'application des dispositions du règlement Bruxelles I bis, Mme [S] ne peut utilement invoquer le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil.

Comme le relèvent les sociétés intimées, le contrat de travail, conclu à [Localité 6], était rédigé en langue anglaise avec une société anglaise située et enregistrée à [Localité 6], où était aussi domiciliée la salariée, dont le salaire était payé en livres sterling, les bulletins de paie rédigés en langue anglaise, et la salariée était en lien avec les Ressources Humaines de la société Caudalie anglaise pour la gestion et l'exécution de son contrat de travail ainsi qu'il ressort d'échanges de courriel, la société Caudalie UK supportait la charge financière de la salariée et s'acquittait des charges sociales britanniques ; par ailleurs, la salariée payait ses impôts au Royaume-Uni et était affiliée à la sécurité sociale et au régime de retraite au Royaume-Uni.

Il est avéré par ailleurs qu'au moment de contracter son emploi avec la société Caudalie UK, Mme [S] travaillait déjà en Angleterre pour le compte d'un précédant employeur.

Les sociétés intimées rappellent aussi que le groupe Caudalie est notamment constitué de la société mère Tomcat International Limited, société de droit anglais, et de la société Caudalie International SE, de droit anglais, et de plusieurs filiales dont les sociétés Caudalie UK Limited, également de droit anglais et Caudalie SAS (ou « Caudalie France »), société de droit français dont le siège social est situé à [Localité 7].

Etant domiciliée à [Localité 6], également lieu de son travail pour la société Caudalie UK lorsqu'elle était sédentaire, Mme [S] débutait et terminait habituellement ses déplacements professionnels depuis le Royaume-Uni.

Si les supérieurs hiérarchiques de Mme [S] étaient M. [J] et M. [Z], le premier également directeur général de Caudalie SAS, le second, auquel avait également été adressé le courriel le 15 juin 2020 de l'ACAS (Service de conseil, de conciliation et d'arbitrage) d'une demande de conciliation pré-contentieuse, est fondateur du groupe et dirigeant et/ou associé de différentes entités le composant.

En outre, le périmètre des fonctions de Mme [S] étant mondial, ses missions se déroulaient non seulement au Royaume-Uni et parfois en France, mais dans l'ensemble des pays visés à son contrat de travail, comprenant l'Asie et les Amériques, ce qui justifiait aussi que ses objectifs ne soient pas limités en fonction du seul périmètre du Royaume-Uni.

Si plusieurs salariés auxquels se réfère Mme [S] étaient basés en France, ils exerçaient eux-même leurs fonctions sur un périmètre géographique plus large, et Mme [S], qui n'était pas leur unique responsable, était également appelée à être en contact de par ses fonctions avec des salariés et responsables situés dans l'ensemble de son propre périmètre géographique mondial.

Si une agence Egencia située à [Localité 7] intervenait pour la prise en charge de ses billets de voyage, cette circonstance demeure insuffisante à démontrer que la société Caudalie France supportait au final le coût des déplacements de la salariée ; Mme [S] disposait aussi d'une carte bancaire professionnelle de la banque anglaise Lloyds mise à disposition par Caudalie UK.

Si Mme [S] justifie de très nombreux déplacements professionnels dans le monde, les éléments figurant dans son tableau récapitulatif, qui ne sont pas toujours intégralement corroborés par les éléments figurant dans son calendrier et les justificatifs de voyage qu'elle produit, ce tableau établi par la salariée fait en tout état de cause ressortir qu'elle aurait entre juin 2018 et décembre 2019 travaillé 169 jours au Royaume-Uni (dans les bureaux de [Localité 6] ou en télétravail), soit environ la moitié de son temps de travail, 114 jours en France soit un temps de travail largement inférieur et 55 jours dans un pays autre.

Les intimées démontrent aussi que M. [I] [U], présenté par Mme [S] comme son prédécesseur, avait d'abord été engagé en qualité d'«attaché commercial», au statut d'employé, avant d'être promu au poste de «directeur régional (région [Localité 7] Est)», puis finalement de «Directeur Retail Europe», soit un périmètre géographique inférieur à celui de Mme [S] et qu'il percevait une rémunération brute mensuelle de base très éloignée de la sienne.

Compte tenu de ces éléments, la cour retient que le lieu habituel de travail de Mme [S] était situé au Royaume-Uni et non en France.

Il n'est pas rapporté la preuve par l'appelante de liens plus étroits avec la France ni que son lien de subordination était caractérisé avec Caudalie SAS.

Partant, il n'est pas caractérisé de relation de travail avec la société Caudalie SAS, établie en France, en tant qu'employeur ou de co-employeur, au sens du règlement précité.

Il n'est pas non plus démontré par l'appelante, qui procède ici essentiellement par voie d'affirmations, que la conclusion de son contrat de travail avec la société Caudalie UK ait été motivée par une volonté du groupe Caudalie de réaliser des économies sur le coût de son emploi en fraude de ses droits.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement rendu le 31 janvier 2023 du conseil de prud'hommes de Paris s'étant déclaré incompétent et ayant invité Mme [S] à mieux se pourvoir.

Sur les autres demandes

Sur l'amende civile

Les sociétés intimées sollicitent la condamnation de Mme [E] [S] au paiement d'une amende civile au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile.

La cour ne peut que rappeler qu'il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé d'une amende civile, lequel relève du pouvoir discrétionnaire du juge.

En tout état de cause, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation et il n'est pas démontré en l'espèce que Mme [S] ait agi de manière dilatoire ou abusive.

La demande de condamnation à une amende civile sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [S].

La demande formée par la société Caudalie UK Ltd et la société Caudalie SAS au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [E] [S] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne Mme [E] [S] à payer à la société Caudalie UK Ltd et la société Caudalie SAS la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,