Décisions
CA Douai, ch. 2 sect. 2, 7 décembre 2023, n° 21/06236
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 07/12/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/06236 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAAA
Jugement (N° 2015016567) rendu le 02 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTES
SAS Kopiright Managed Solutions France, prise en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
SAS Service Recherche Développement, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Philippe Larivière, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 6]
de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Frédéric Cavedon, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 28 septembre 2023 tenue en double rapporteur après accord des parties par Stéphanie Barbot et Clotilde Vanhove, et après rapport oral de l'affaire par Stéphanie Barbot
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 décembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 février 2023
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Service recherche développement (la société SRD), dont M. [T] était l'associé majoritaire et le président directeur général, exerce une activité de développement de solutions informations (progiciels) destinées à la gestion de l'activité de vente à distance et de e-commerce de ses clients.
La société SRD et la société Kopiright Managed Solutions France (la société Kopiright) se sont rapprochées en vue de la cession de la première au profit de la seconde.
Le 17 décembre 2010, les parties ont conclu un protocole d'accord prévoyant :
- la cession, sous diverses conditions suspensives, de l'intégralité du capital social de la société SRD au profit de la société Kopiright pour le prix de 788 000 euros ;
- une convention de garantie d'actif net (article 2.3.1), destinée à garantir le cessionnaire contre toute diminution d'actif et/ou d'augmentation de passif dont l'origine serait antérieure à la réalisation de la cession ;
- et le maintien de M. [T] dans ses fonctions de dirigeant jusqu'au 30 septembre 2011, afin de mener une mission d'accompagnement.
Par un acte du 11 février 2011, la société Kopiright a acquis la totalité des actions de la Société SRD.
Par un acte du même jour, M. [T] a souscrit au bénéfice de la société Kopiright une convention de garantie d'actif net, plafonnée à 425 000 euros.
Par un acte séparé, M. [T] a consenti à la société Kopiright une garantie bancaire à première demande d'un montant de 85 000 euros, afin de garantir la bonne exécution du paiement des sommes susceptibles d'être mises à sa charge en exécution de la convention de garantie.
M. [T] a été le dirigeant de la société SRD jusqu'au 31 octobre 2011, son mandat, qui expirait contractuellement le 30 septembre 2011, ayant été renouvelé sur décision de la société Kopiright, associée unique de la société SRD.
Par une première lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 novembre 2011, la société Kopiright a informé M. [T] de faits susceptibles d'entraîner la mise en jeu de la garantie.
Le 29 novembre 2011, le conseil de M. [T] a opposé au cessionnaire le caractère imprécis de sa lettre au regard des exigences contractuelles et l'a mis en demeure de lui payer diverses sommes au titre du solde créditeur de son compte courant, de son indemnité de départ en retraite, de sa rémunération d'octobre 2011 et de sa prime de 13e mois.
Par une deuxième lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 décembre 2011, la société Kopiright a, conformément à l'article 7.5 de la convention de garantie, informé M. [T] de son intention de mettre en oeuvre la garantie, en détaillant l'objet et le calcul de sa réclamation, et en faisant état d'un préjudice évalué à 612 254,18 euros.
Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 janvier 2012, M. [T], contestant les griefs invoqués, s'est opposé à cette demande.
Le 26 mars 2012, la société Kopiright a activé la garantie à première demande et demandé à la banque le paiement de la somme de 85 000 euros (article 7.4 de la convention).
Par une troisième lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 janvier 2013, la société Kopiright a activé la garantie d'actif en faisant état d'un préjudice supplémentaire de 172 230,02 euros.
Par une lettre du 5 février 2013, M. [T] s'est opposé à cette nouvelle demande, sauf à accepter de payer la somme de 2 500 euros.
Le 7 mai 2023, la société Kopiright a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Lille métropole, afin d'obtenir le paiement de la somme principale de 340 000 euros, correspondant au montant du plafond de la garantie (425 000 euros), déduction faite de la somme de versée en exécution de garantie bancaire (85 000 euros).
Le 18 juin 2014, M. [T] a assigné en intervention forcée la société SRD.
Le 7 octobre 2014, le tribunal a ordonné la jonction de ces deux instances.
A titre reconventionnel, M. [T] a demandé la condamnation solidaire des sociétés Kopiright et SRD à lui payer des sommes au titre de son compte courant d'associé créditeur, de l'indemnité contractuelle de départ en retraite et du solde de sa rémunération et de son indemnité de 13e mois du mois d'octobre 2011, outre des dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par un jugement du 22 mars 2016, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise comptable.
L'expert, M. [M], a déposé son rapport le 17 septembre 2018.
Par jugement du 2 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
In limine litis
- Débouté la société Kopiright de sa demande d'annulation du rapport d'expertise pour violation du principe du contradictoire,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de résiliation de la mesure d'expertise complémentaire,
- Débouté la société SRD de sa demande de sursis à statuer sur les demandes formées à son encontre par M. [T] au titre du remboursement de ses comptes courant d'associés, de sa prime de départ à la retraite et du solde de sa rémunération dans l'attente de l'issue de l'instance pénale pendante devant la cour d'appel à la suite du jugement rendu par le tribunal correctionnel le 25 septembre 2020 ;
A titre principal :
- Déclaré M. [T] recevable en toutes ses pièces,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390,42 euros,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T], en application des dispositions contractuelles de la convention de garantie d'actif net, à lui verser la somme de 340 000 euros,
- Constaté que M. [T] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée,
- Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros et condamné M. [T], en application des dispositions contractuelles de la convention de garantie, à payer cette somme à la société Kopiright ,
- Dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par M. [T] porterait intérêt au taux de 5 % à défaut de paiement dans les 30 jours à compter de la notification par la société Kopiright de son exigibilité en application des stipulations de la convention ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. [T] :
- Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros assortie des intérêts au taux de 5 % à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande et Ordonné la compensation entre cette condamnation et le montant du préjudice global dû par M. [T] à la société Kopiright correspondant à 8 799,49 euros, assorti des intérêts au taux de 5 % à défaut de paiement dans les 30 jours à compter de la notification par la société Kopiright de son exigibilité en application des stipulations de la convention,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société SRD,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime retraite contractuellement convenue et de 2 538,47 euros au titre du solde de sa rémunération,
- Débouté M. [T] de sa demande de condamner la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû à raison de la transformation des deux avances remboursables versées par la société OSEO dans le cadre du projet ASICOM (contrats n° A0808007 N et n° A 0808007 N CR) et transformées en subventions non remboursables et ce, en vertu des dispositions de l'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010,
- Débouté M. [T] de sa demande d'ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos au 30/09/2011, 30/09/2012, 30/09/2013 et 30/09/2014,
- Débouté M. [T] de sa demande de dire que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright à raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par la société Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrat n° A 0808007 N LM) et transformée en subvention non remboursable, viendra en déduction de toute condamnation éventuelle, qui, par extraordinaire, serait prononcée contre M. [T],
- Débouté M. [T] de sa demande subsidiaire [tendant à ce que soit déduite de toute condamnation prononcée contre lui la somme de 146 328,64 euros, au titre d'abandons de créances consentis au titre des trois contrats précités] ;
Sur la demande subsidiaire de la société SRD :
- Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer à M. [T] une quelconque somme, la compensation avec les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020,
Sur les demandes reconventionnelles de la société SRD :
- Débouté la société SRD de ses deux demandes reconventionnelles [i.e. celles formées au titre du solde débiteur du compte courant de M. [T] et d'un trop-perçu de rémunération concernant le mois d'octobre 2011] ;
En tout état de cause :
- Débouté la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ce jugement a été signifié aux parties le 16 novembre 2021.
Les sociétés Kopiright et SRD en ont relevé appel par une première déclaration du 14 décembre 2021 (RG n° 21/06236), rectifiée par une deuxième déclaration du 15 décembre 2021 (RG n° 21/06246) et une troisième déclaration du 14 mars 2022 (RG n° 22/01251).
Le 29 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a, d'une part, ordonné la jonction des procédures numérotées RG 21/6246 et RG 22/01251 sous le numéro 21/6246, d'autre part, ordonné la jonction des procédures n° RG 21/6236 et 21/6246 sous le numéro 21/6236.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
' Par leurs dernières conclusions signifiées le 17 février 2023, les sociétés Kopiright et SRD demandent à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,
Vu la convention de garantie du 11 février 2011,
' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté la société Kopiright de sa demande d'ordonner la réalisation d'une mesure d'expertise complémentaire,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390,42 euros,
- Débouté la société Kopiright de sa demande tendant à voir condamner M. [T] à lui payer la somme de 340 000 euros au titre de des dispositions contractuelles de la convention de garantie d'actif net,
- Constaté que M. [T] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée,
- Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros,
- Condamné M. [T], en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme de 8 799,49 euros,
- Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros, outre les intérêts, et ordonné la compensation entre cette condamnation et le montant du préjudice global dû par M. [T] à la société Kopiright (8.799,49 euros, outre les intérêts),
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société SRD,
- Condamné solidairement ces sociétés à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime retraite contractuellement convenue et 2538,47 euros au titre du solde de sa rémunération,
- Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer à M. [T] une quelconque somme, la compensation avec les sommes dues par celui-ci au titre de sa condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020,
- Débouté la société SRD de ses demandes reconventionnelles,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, celle de 35 000 euros à titre d'indemnité procédurale et les dépens ;
' confirmer le jugement entrepris pour le surplus et débouter M. [T] de ses demandes incidentes,
' Y AJOUTANT :
- écarter les développements du rapport d'expertise judiciaire en ce qu'ils se réfèrent à l'audit de pré-acquisition réalisé par la société Kopiright, non débattu contradictoirement dans le cadre des opérations d'expertise ;
- écarter les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, incomplètes et erronées, concernant les montants immobilisés dans les comptes de la société SRD au 30 septembre 2010 et les frais exposés par la société SRD dans le cadre du litige « [O] » ;
- condamner M. [T], en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme principale de 340 000 euros, outre les intérêts au taux de 5% à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande par cette société ;
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société Kopiright ;
- condamner M. [T] à payer à la société Kopiright la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] à payer à la société SRD :
* la somme de 7 707 euros au titre de la régularisation de la situation débitrice de son compte courant ;
* la somme de 1 201,01 euros en restitution du trop-perçu sur sa rémunération d'octobre 2011 et son 13e mois payable par moitié fin octobre 2011 ;
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société SRD ;
- condamner M. [T] à payer à la société SRD la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] aux dépens de première instance et d'appel.
' Dans ses conclusions récapitulatives du 23 février 2023, M. [T] demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Vu la convention de garantie d'actif net du 11 février 2011,
- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, y faire droit et, en conséquence, débouter les sociétés Kopiright et SRD de l'ensemble de leurs demandes ;
- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :
In limine litis
o Débouté la société Kopiright en sa demande de prononcer la nullité du rapport d'expertise pour violation du principe du contradictoire ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande d'ordonner la réalisation d'une mesure d'expertise complémentaire ;
o Débouté la société SRD de sa demande de sursis à statuer sur les demandes de M. [T] à son encontre au titre du remboursement de ses comptes courant d'associés, de sa prime de départ à la retraite et du solde de sa rémunération dans l'attente de l'issue de l'instance pénale pendante devant la cour d'appel en suite du jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
A titre principal
o Déclaré M. [T] recevable en toutes ses pièces ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390, 42 euros ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T], en application de la convention de garantie d'actif net, à lui verser la somme de 340 000 euros ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. [T],
o Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros, outre les intérêts ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime de retraite contractuelle et 2 538,47 euros au titre du solde de sa rémunération restant dû ;
Sur la demande subsidiaire de la société SRD
o Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, si elle était condamnée, la compensation avec les sommes dues par M. [T] au titre de la condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
Sur les demande reconventionnelles de la société SRD
o Débouté la société SRD de ses deux demandes reconventionnelles ;
En tout état de cause
o Débouté la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :
o Constaté qu'il [M. [T]] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée ;
o Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros et l'a condamné, en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme de 8 799,49 euros ;
o Dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par lui-même porterait intérêt au taux de 5% à défaut de paiement dans les 30 jours de la notification de son exigibilité ;
o Omis d'assortir des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 les condamnations prononcées contre la société Kopiright au titre du solde de compte courant, de la prime de retraite contractuelle et du solde de rémunération restant dû ;
o Rejeté sa demande de condamnation de la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû à raison de la transformation des deux avances remboursables versées par la société Oséo dans le cadre du projet Asicom (contrats n° A0808007 N et n° A0808007 N CR) en subventions non remboursables, en application de l'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010 ;
o Rejeté sa demande d'ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos au 30/09/2011, 30/09/2012, 30/09/2013 et 30/09/2014 ;
o Rejeté sa demande de dire que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par Oséo dans le cadre du programme ASICOM (contrat n° A0808007 N LM) en subvention non remboursable, viendrait en déduction de toute condamnation éventuelle ;
o Rejeté sa demande subsidiaire ;
o Limité l'indemnité pour préjudice moral à la somme de 20 000 euros ;
Et en conséquence, statuant à nouveau :
o Débouter les sociétés Kopiright et SRD de leurs demandes ;
o Les condamner à lui payer les intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011, appliqués sur les sommes de :
' 10 957,70 euros relative au solde de compte courant ;
' 56 000 euros relative a la prime de retraite contractuelle ;
' 2 538,47 euros relative au solde de rémunération restant dû ;
o Condamner la société Kopirigh à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû en raison de la transformation des deux avances remboursables versées par Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrats n° X A0808007 N et n°X A0808007 N CR) en subventions non remboursables, en vertu de l'article 3.3. du protocole de cession du 8 décembre 2010, outre les intérêts au taux de 5 % à compter du 15 mars 2013 ;
o En tant que de besoin, si la société Kopiright ne répond pas aux sommations qui lui sont faites aux termes des présentes conclusions et si la cour s'estimait insuffisamment informée :
' ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels (bilan, compte de résultat, soldes intermédiaires de gestion et annexes), le détail de ses comptes (bilan détaillé, compte de résultat détaillé et soldes intermédiaires de gestion détaillés), ainsi que sa liasse fiscale pour les quatre derniers exercices, soit les exercices clos au 30/09/2011 (2010/2011), au 30/09/2012 (2001/2012), au 30/09/2013 (2012/2013) et 30/09/2014 (2013/2014), et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours à partir du prononcé du « jugement » à intervenir ;
' se réserver la liquidation des astreintes, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
o ordonner que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrat n° X A0808007 N LM) en subvention non remboursable, viendra en déduction de toute condamnation éventuelle qui serait prononcée contre lui (M. [T]) ;
' A titre subsidiaire, si la cour considérerait qu'il est forclos ou mal fondé à invoquer les dispositions de l'article 3.3. du protocole de cession, ordonner que la somme de 146 328,64 euros, correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison des abandons de créances consentis par Oséo dans le cadre du programme Asicom, au titre des contrats n° X A0808007 N,X A0808007 N CR et A0808007 N LM, viendra en déduction de toute condamnation éventuellement prononcée contre lui (M. [T]) ;
o condamner in solidum les sociétés Kopiright et SRD, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 80 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés Kopiright et SRD, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux les dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION :
A titre liminaire, il y a lieu de délimiter précisément l'objet de l'appel formé par les sociétés Kopiright et SRD au vu de leurs trois déclarations d'appel successives.
D'abord, bien que les chefs du jugement entrepris déboutant la société Kopiright de sa demande d'annulation du rapport d'expertise et rejetant la demande de sursis à statuer sur les demandes de remboursement formées par M. [T] soient expressément critiqués par ces déclarations d'appel, le dispositif des dernières conclusions des appelantes ne renvoie pas à ces chefs-là. En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est donc pas saisie.
Ensuite, si d'autres chefs du jugement sont critiqués dans les déclarations d'appel et figurent au nombre des chefs dont les appelantes demandent l'infirmation dans le dispositif de leurs dernières conclusions, ces chefs ne donnent cependant lieu à aucune prétention particulière dans ce dispositif. Il en va ainsi des chefs suivants :
- celui rejetant la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société Kopiright : les appelantes en demandent l'infirmation, sans former de demande de dommages et intérêts à ce titre dans le dispositif de leurs conclusions ;
- celui rejetant la demande d'expertise complémentaire formée par la société Kopiright : dans le dispositif des leurs conclusions, les appelants en demandent également l'infirmation, mais ne forment aucune une nouvelle demande en ce sens ;
- et celui rejetant, en cas de condamnation de la société SRD, la demande de compensation entre le montant de sa condamnation et les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par un jugement correctionnel du 25 septembre 2020 : alors que, dans le dispositif de leurs dernières écritures, les appelantes en demandent encore l'infirmation, aucune demande de compensation n'est ensuite formulée.
Ces chefs n'étant dès lors pas critiqués, ils seront confirmés.
Enfin, il y a lieu de rappeler que les deux demandes, reprises dans le dispositif des conclusions des sociétés appelantes, tendant à ce que soient écartés certains développements ou parties du rapport d'expertise judiciaire ne constituent pas des prétentions saisissant la cour, au sens de l'article 954 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef. Le chef rejetant la demande d'annulation de ce rapport étant confirmé pour les motifs ci-dessus explicités, il appartiendra à la cour d'apprécier souverainement la valeur et la portée de cette pièce.
A- Sur les conditions d'application de la garantie
Les société appelantes exposent, d'abord, le contenu de la convention de garantie, soutenant notamment que M. [T] s'est engagé à indemniser le cessionnaire, dans la limite de 425 000 euros, de tout préjudice subi à divers titres, précisés à l'article 6.1.1. Elles réfutent l'analyse juridique défendue par M. [T], en opposant les termes des articles 6.1.2 et 6.1.3 de la convention. Elles en concluent que, le risque s'étant réalisé, celui-ci est contractuellement tenu de la garantie, indépendamment du contenu du rapport de pré-acquisition établi par le cessionnaire et des informations révélées par le cédant avant la cession.
Elles ajoutent que :
- M. [T] ne tire aucune conséquence procédurale de ses affirmations sur les clauses qu'il critique, n'ayant demandé ni leur nullité ni l'irrecevabilité des demandes du cessionnaire ;
- la validité de ces clauses est indiscutable en jurisprudence. Le cédant ne peut échapper à la mise en oeuvre de la garantie pour des risques préalablement connus du cessionnaire. Juger l'inverse priverait la garantie de passif de toute utilité dans la majeure partie des cas. De plus, une garantie de passif étant un accord contractuel, il y a lieu de donner un plein effet aux droits et obligations convenus. Enfin, le mécanisme de garantie mis en place en l'espèce était classique et financièrement cohérent, le prix de cession ayant été fixé en fonction d'un certain niveau d'actif et de passif justifiant la révision de ce prix, par l'effet de garantie, en cas d'augmentation du passif ou de diminution de l'actif, fussent-elles prévisibles et connues des deux parties.
Par conséquent, il est demandé :
- la réformation du jugement entrepris, ses demandes étant fondées au regard des stipulations de la garantie et celles de M. [T], à l'inverse mal fondées.
- et que la cour écarte les développements du rapport d'expertise se référant à l'audit de pré-acquisition, qui ne sont pas pertinents ni n'ont fait l'objet d'un débat contradictoire au cours de l'expertise.
M. [T] répond que l'analyse des sociétés appelantes est erronée, sur plusieurs plans :
- d'abord, la garantie d'actif net souscrite en l'espèce - qui permet une « compensation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles » - doit être distinguée à la fois de la garantie de passif et de la garantie d'actif ;
- ensuite, il est erroné d'affirmer que le cédant ne peut échapper à la mise en jeu de cette garantie, lorsque les conditions sont réunies, pour des risques préalablement connus de l'acquéreur. Outre le caractère léonin, et donc nul, des articles 6.1.2. et 6.1.3 de la convention de garantie, la jurisprudence juge l'inverse et consacre la possibilité, pour les parties, d'exclure du champ de la garantie de passif les éléments dont le bénéficiaire aurait eu connaissance au jour de la conclusion de la cession. Il en résulte que la garantie doit être limitée, tacitement, mais nécessairement, par la preuve de la prise en compte des informations connues par le bénéficiaire, dans la fixation du prix de cession.
En l'espèce, la communication du rapport de pré-acquisition était donc justifiée en ce qu'elle aurait permis d'établir que le cessionnaire disposait d'une parfaite connaissance de la situation de la société SRD avant l'acquisition de ses parts sociales. En effet, le prix de cession initial (1 000 000 euros) a été réduit à 788 000 euros à la suite de nouvelles discussions des parties consécutives à cet audit, afin de tenir compte des informations connues de la société Kopiright. Celle-ci ne peut donc prétendre à une nouvelle diminution du prix sur la base des mêmes informations et se trouve donc irrecevable et, à tout le moins, mal fondée en ses prétentions au titre de la convention de garantie d'actif net (v. p. 20 des concl.).
M. [T] ajoute que :
- la garantie d'actif nécessitant de « compenser les bonnes et les mauvaise nouvelles », il doit être tenu compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010 (Editions [P]).
- en tout état de cause, la garantie d'actif net ne peut être actionnée, aucune des demandes formées par la société Kopiright n'étant justifiée (v. infra, § 2°).
Réponse de la cour :
Il résulte de la jurisprudence fondée sur l'ancien article 1134 du code civil, applicable en la cause eu égard à la date de conclusion de la convention de garantie litigieuse, que l'applicabilité d'une telle convention dépend de ses termes. En effet, les parties peuvent librement décider soit d'exclure sa mise en oeuvre dans certaines circonstances, et en particulier lorsque le cessionnaire a été informé, par le cédant, d'un fait ou d'un événement susceptible d'avoir une incidence sur le montant du passif ou de l'actif garanti, soit au contraire qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des faits ou éléments connus antérieurement par le cessionnaire.
M. [T] se livre donc à une interprétation inexacte de la jurisprudence (notamment de l'arrêt Com. 14 dec. 2010 pourvoi n° 09-68868) en affirmant que, lorsque le cessionnaire a eu connaissance de la cause d'augmentation du passif invoquée, il ne peut jamais exiger la mise en jeu de la garantie, puisqu'en réalité, tout dépend de la rédaction de la convention de garantie en cause.
En l'espèce, l'article 6.1.2 de la convention de garantie stipule que :
« Aucune des déclarations et attestations contenues dans le présent contrat ne peut avoir pour effet de limiter de quelque façon que ce soit les garanties consenties par le cédant si elles sont susceptibles d'avoir des conséquences économiques négatives pour la société [i.e. SRD, cf. p. 2-3 de la convention]. En effet, les informations données n'ont pour vocation que d'éclairer le cessionnaire sur la situation de la société, sans exonérer le cédant des obligations souscrites par lui au titre de ses engagements de garantie et sans en réduire la portée. »
Et l'article 6.1.3 :
« De même, les garanties consenties par le cédant ne seront pas réduites ou limitées du fait des audits, revues ou investigations préalables effectués le cas échéant par le cessionnaire. »
M. [T] invoque le caractère léonin de ces clauses pour conclure à leur nullité (p 19 de ses conclusions) ou au fait qu'elles créent un « déséquilibre absolu » entre les parties, à son préjudice, ce qui serait contraire à la loyauté contractuelle (p. 62 de ses conclusions), tous éléments dont il déduit que la société Kopiright est irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée à se prévaloir de ces clauses.
Toutefois, ses conclusions ne contenant aucune démonstration juridiquement articulée sur ces points, la cour n'est pas tenue de répondre à ce qui ne constitue que de simples arguments.
En tout état de cause, dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code civil, M. [T] n'a pas demandé l'annulation des clauses précitées pour les raisons qu'il avance, de sorte que, fussent-ils qualifiés de moyens, la cour n'est pas tenue de répondre à ceux-ci.
Au surplus, la clause léonine, prohibée en droit des sociétés, est une clause des statuts d'une société non conforme aux dispositions de l'article 1844-1 du code civil. Cette prohibition, qui tend donc à protéger les associés, s'applique à un contrat social, et non à la garantie consentie par l'associé accessoirement à un contrat de cession de ses parts sociales. Le moyen tiré du caractère léonin de ces clauses s'avère, dès lors, inopérant.
En l'espèce, il résulte des clauses ci-dessus reproduites que la convention de garantie ne distingue pas selon que la société Kopiright, cessionnaire, avait, ou non, connaissance, avant la cession, du fait ou de l'événement susceptible de fonder la mise en oeuvre de la garantie due par M. [T]. Cela signifie que, contrairement à ce que soutient celui-ci, la garantie est due par le cédant même dans l'hypothèse où le cessionnaire aurait connaissance de ce fait ou événement avant la cession de parts.
Cette constatation vaudra pour tous les postes d'indemnisation présentés par la société Kopiright et auxquels M. [T] oppose la connaissance, par celle-ci, du fait ou de l'événement justifiant la demande indemnitaire.
Par ailleurs, si M. [T] soutient (p. 21 de ses conclusions) que la garantie d'actif net souscrite en l'espèce nécessite de « compenser les bonnes et les mauvaises nouvelles », de sorte qu'il y aurait lieu de tenir compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010 (Editions [P]), soit 76 747 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, et d'un chiffre d'affaires récurrent annuel de 16 200 euros, force est toutefois de relever que l'intimé ne précise aucunement sur quelle(s) clause(s) de la convention de garantie - qui comprend 28 pages, sans les annexes - repose son affirmation sur ce point, ni n'indique les conséquences juridiques précises qu'il conviendrait d'en tirer, ni sur quel poste de demande il conviendrait de tenir compte d'effectuer cette « compensation », cependant que la cour est tenue d'examiner dix postes de préjudice distincts. Eu égard à ces conclusions imprécises, la cour s'estime non tenue de répondre à ce qui ne constitue pas un moyen, mais un simple argument.
B- Sur les demandes formées par la société Kopiright
La société Kopirigth s'estime bien fondée à mobiliser la garantie souscrite par M. [T] à hauteur des montants suivants (cf. p. 46 de ses concl.) :
1°- Perte de clients : 87 506,72 euros HT
2°- Production immobilisée : 271 951,40 +130 301,90 + 144 165,95 euros
3°- Litige [O] et [V] : 89 115,06 + 48 809,32 euros HT
4°- Situation financière dégradée : 82 404 euros euros
5°- Droits de propriété intellectuelle : 25 500 + 7 401,25 + 66 492,65 euros HT
6°- Factures non payées et avoirs : 26 753,07 euros HT
7°- Encours [A] : 3 160 euros HT
8°- Litige Nouvel Observateur : 2 500 euros HT
9°- Litige Youness [C] : 21 228 euros HT
10°- Contrôle fiscal : 16 360 euros
Elle rappelle cependant que la garantie est plafonnée à la somme de 425 000 euros, et qu'il conviendra d'en déduire la somme de 85 000 euros, versée en exécution de la garantie à première demande. C'est pourquoi elle demande la condamnation de M. [T] la somme principale de 340 000 euros, augmentée des intérêts prévus à la convention de garantie.
Il convient donc d'examiner successivement ces dix postes de préjudice allégués.
B.1. Sur la perte de clients
La société Kopiright fait valoir (pp. 15 à 17) que M. [T] a conventionnellement garanti qu'à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'à la date de signature, le 11 février 2011, aucun client « important » de la société SRD ne mettrait fin à ses opérations commerciales (articles 5.28.2, 5.28.3. (ii) et 5.29 de la convention). Or, trois clients ont cessé leur relation commerciale ou annoncé la cessation de cette relation avant le 11 février 2011 : Jungstil, 3 Suisses Chine et la société Eaux du Nord. Ces clients représentaient, chacun, un chiffre d'affaires bien supérieur à 10 000 euros HT et plus de 15% du chiffre d'affaires de l'activité de maintenance et hébergement, ou encore 5,76 % du chiffre d'affaires total de la société, chiffre important, en pourcentage comme en valeur absolue. Compte tenu de la répartition du chiffre d'affaires de la société SRD, tout client dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 000 euros est un client important, les parties ayant retenu ce seuil à plusieurs reprises dans leurs accords, exprimant ainsi qu'un événement ou un acte devenait important dès que son impact financier excédait cette somme. Le terme « important » ne se réfère pas uniquement à un montant de chiffre d'affaires et peut se rapporter à d'autres critères, telle l'importance stratégique, commerciale ou marketing. Tel était le cas des trois clients en cause.
En outre, parmi les conditions suspensives insérées dans le protocole de cession, figurait l'absence de survenance, à compter du 1er octobre 2010, d'événements affectant ou susceptibles d'affecter de manière négative la valeur, l'activité ou les perspectives d'activité de la société SRD, dont les conséquences pouvaient être évaluées à au moins 50 000 euros. Or, la perte de chiffre d'affaires cumulée des trois clients précités représentant 58 337,81 euros HT, cette situation aurait dû être révélée par M. [T] et entre directement dans les prévisions de l'article 5.29 de la garantie l'obligeant à informer le cessionnaire de tout « fait ou événement significatif » dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la Société ».
Elle évalue le préjudice subi de ce chef à la somme de 87 506,72 euros HT, par application des articles 5.28.3.(ii) et 5.29 de la convention de garantie.
En réponse, M. [T] s'oppose à cette demande en faisant valoir, principalement, qu'à supposer même que la perte des trois clients invoquée soit établie - ce qu'il conteste -, c'est à raison que le tribunal s'est référé au critère du chiffre d'affaires pour apprécier l'importance du client perdu au sens de l'article 5.28.3 de la convention. Les trois clients concernés en l'espèce n'étaient donc pas importants. Il ajoute notamment que :
- l'appréciation du caractère important ou non du client doit être déterminée individuellement, c'est-à-dire client par client ;
- la société Kopiright est malvenue de contester l'appréciation de l'importance d'un client fondée sur le chiffre d'affaires, en renvoyant à des critères « subjectifs », alors qu'elle faisait elle-même référence à ce critère dans son assignation ;
- le seuil de 10 000 euros, invoqué subsidiairement par la société Kopiright, n'est pas pertinent et, en outre, figure dans le protocole de cession et non dans la garantie d'actif net.
Réponse de la Cour :
La convention conclue entre les parties le 11 février 2011, dénommée « convention de garantie d'actif net », contient un point 5, intitulé « déclarations et attestations du cédant relatives à la société », qui inclut lui-même diverses clauses, parmi lesquelles celles-ci, expressément invoquées par les appelantes à l'appui leur demande :
- article 5.28.2, situé dans le § 5.28 intitulé « gestion sociale depuis le 1er octobre 2010 » :
Aucun événement ou circonstance s'écartant du cours normal des affaires et susceptible d'affecter défavorablement et significativement le patrimoine et les activités de la société, quel qu'en soit le caractère, n'est intervenu.
- article 5.28.3 :
(...)
(ii) aucun fournisseur important ou client important de la société ou toute autre personne en relations d'affaires habituelles avec l'une d'elle n'a mis fin à ses opérations commerciales ou n'a été admis au bénéfice d'une procédure collective.
- article 5.29, intitulé « Autres faits » :
Aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer un fait ou événement significatif, qu'il ait été réalisé ou qu'il soit potentiel, quel que soit sa nature (e.g. : économique, juridique, financier, etc.) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation est les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations.
En premier lieu, les parties divergent sur l'interprétation de la notion de « client important » au sens de l'article 5.28.3 précité. En l'état de cette divergence et de l'imprécision de la clause sur ce point, il appartient à la cour d'interpréter le contrat.
A l'instar des premiers juges, la cour estime que, pour apprécier l'importance d'un client, il convient de se référer au chiffre d'affaires généré par chaque client considéré par rapport à la totalité du chiffre d'affaires de la société cédée.
Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, et sauf à réécrire le contrat a posteriori à leur bénéfice, il n'y a pas lieu, pour procéder à cette appréciation, de cumuler la totalité du chiffre d'affaires engendré par l'ensemble des clients perdus, ni de rapporter le chiffre d'affaires réalisé au titre de chaque client perdu à celui généré par les activités spécifiques de maintenance et d'hébergement, ni de se référer au seuil de 10 000 euros prévu par d'autres clauses insérées dans le protocole de cession ou dans la convention de garantie, dès lors que l'article 5.28.3 ne prévoit pas lui-même cette manière de procéder ni ne renvoie à un seuil chiffré.
Au demeurant, la cour observe que cette référence au chiffre d'affaires réalisé par chaque client prétendument perdu a été choisie par la société Kopiright elle-même dès l'origine, ainsi qu'il résulte de sa lettre du 27 décembre 2011 (cf. pièce n° 9 de M. [T]).
En l'occurrence, pour l'exercice clos au 30 septembre 2010, le chiffre d'affaires de la société SRD s'est élevé à la somme de 1 109 046 euros, tandis que, sur la même période, et selon les propres chiffres avancés par les sociétés appelantes (v. sa pièce n° 9 et ses conclusions pp. 15 et 16), le chiffre d'affaires réalisé grâce à chacun des trois clients en cause représentait :
- concernant le client Jungstil : 24 122,60 euros, soit 2,18 % du chiffre d'affaires total de la société ;
- concernant le client 3 Suisses de Chine : 13 674,21 euros, soit 1,23 % du chiffre d'affaires total ;
- et concernant le client Les Eaux du Nord : 20 541 euros, soit 1,85 % du chiffre d'affaires total.
Au regard de ces éléments, la cour estime que les trois clients précités ne peuvent être qualifiés « d'importants » au sens de l'article 5.28.3 (ii) de la convention.
En second lieu, les sociétés appelantes invoquent également les dispositions de l'article 5.29, ci-dessus reproduit.
Or, la cour considère que la perte de chacun des trois clients précités, qui ne peut être cumulée faute de précision en ce sens figurant dans l'article 5.29 lui-même, ne constitue pas « un fait ou événement » susceptible d'être qualifié de « significatif » au sens de cette clause, compte tenu de la faiblesse du chiffre d'affaires que chacun d'eux représentait au regard du chiffre d'affaires total de la société SRD sur l'exercice clos au 30 septembre 2010, ainsi qu'il a été précédemment exposé.
A titre superfétatoire, la cour observe que, selon son appellation même, cette clause vise « les autres faits », autrement dit ceux qui n'ayant pas déjà fait l'objet de déclarations particulières dans les clauses précédentes, ce qui signifie donc que l'intention des parties était de faire de l'article 5.29 un texte « subsidiaire », n'ayant vocation à s'appliquer qu'en cas de non-application d'un autre article. Dès lors que les sociétés appelantes invoquent elles-mêmes la « perte de clients » à l'appui de ce chef de demande, fait ou événement relevant déjà de l'article 5.28.3 précité, elle ne pouvaient, en tout état de cause, se prévaloir de l'article 5.29 pour tenter d'obtenir ce qu'elles ont échoué à obtenir sur le fondement principal de l'article 5.28.3.
En conséquence, la demande formée à ce titre par les sociétés appelantes sera rejetée, ainsi que l'ont décidé à juste titre les premiers juges.
B.2. Sur la production immobilisée :
Les sociétés appelantes (pp. 19 à 30) soutiennent que les comptes de la société SRD de l'exercice clos le 30 septembre 2010 ne donnent pas une image fidèle de l'actif de cette société et de son résultat, en contradiction avec l'article 5.26 de la convention de garantie. En effet, ces comptes font apparaître des productions immobilisées au titre de trois projets (MC Direct V1, MC Direct V3 et ASICOM), sans qu'aucune dépréciation ni amortissement aient été effectués. Tout en indiquant avaliser l'analyse du sapiteur en informatique, l'expert judiciaire a dénaturé le sens et les conclusions techniques de ce sapiteur. Il a d'ailleurs relevé que « rien n'est écrit et n'est conforme aux règles de l'art », mais n'en a tiré aucune conclusion au plan de la pertinence des écritures comptables. Il a refusé de réaliser sa mission d'analyse technique consistant à évaluer les immobilisations inscrites au bilan de la société SRD.
Selon les règles comptables applicables, strictes et précises, il convient, concernant la comptabilisation des dépenses de recherche et de développement d'un logiciel, de se référer aux conditions fixées par le Plan comptable général (PCG), lequel régit aussi l'obligation de dépréciation de toute immobilisation. Or, ces conditions n'étaient manifestement pas réunies en l'espèce, ce que l'expert a refusé d'analyser. Dès lors, il y a lieu d'écarter les conclusions du rapport d'expertise, incomplètes et erronées sur ces points et, infirmant le jugement entrepris, de juger que les montants inscrits à titre d'immobilisation n'étaient pas justifiés, pour les trois projets précités. Ainsi :
- le projet MC Direct V1 (p. 24 à 25) a été abandonné début 2010, soit avant la cession, mais aucune dépréciation n'a été constatée dans les comptes. De plus, selon le sapiteur informatique, aucune pièce probante ne permet de corréler la valorisation (de ces coûts de développement) en termes d'immobilisations. Les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2010 ne donnent donc pas une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat, en contradiction avec l'article 5.26.1 de la garantie. L'actif à ce titre a été surévalué pour son montant global tel qu'indiqué dans les comptes, soit 271 951,40 euros, montant du préjudice subi dont il est demandé réparation, en application des articles 6.1.1(i) et 6.1.1.(iii) de la garantie ;
- le projet MC Direct V3 (pp. 26 et 27) a fait l'objet d'une immobilisation que ni l'expert judiciaire ni les premiers juges n'ont examinée, d'où le recours à l'expertise du cabinet [L]. Selon ce dernier, cette opération n'est ni justifiée ni régulière au regard des règles comptables. Ce programme informatique étant inexploitable et sa maintenance impossible, cela ne pouvait qu'engendrer une dépréciation totale du montant immobilisé. Cela n'ayant pas été fait, la vision du patrimoine de la société SRD était faussée, en contradiction avec l'article 5.26.1 de la garantie. Le préjudice subi à ce titre est évalué à 130 301,90 euros ;
- le projet Asicom (p. 27 et s.) n'ayant pas été analysé par le sapiteur, l'expert judiciaire n'a pu se prononcer sur la conformité de cette comptabilisation, et le tribunal a omis de statuer sur ce point. Ce projet, un prototype, n'a pas pu être immobilisé et n'était pas commercialisable. Les dépenses de développement ne pouvaient être inscrites en immobilisation, les conditions posées par le PCG n'étant pas réunies. Ce projet n'avait aucune chance sérieuse de réussite ni de rentabilité commerciale, ce que M. [T] savait à la clôture de l'exercice du 30 septembre 2010. Cette immobilisation n'étant pas justifiée, en contradiction avec la déclaration faite à l'article 5.26.1 de la convention de garantie, M. [T] doit une indemnisation égale à la surélévation de la production immobilisée, soit 123 184,70 euros, sous réserve du plafond de la garantie.
En réponse (p. 30 à 59), M. [T] demande la confirmation du jugement qui a rejeté ce chef de demande.
Il expose notamment l'objectif du projet MC direct (p. 31 à 49), qui était de remplacer l'ancien produit « Direct 400 », exploitable avec un seul type de système d'exploitation, et de viser une clientèle plus large afin de rester sur le marché, ainsi que l'historique de première version (V1) et de la troisième version (V3), qui était l'évolution technologique d'un seul et même projet, afin d'améliorer la performance du produit.
Il soutient notamment qu'à aucun moment le produit MC Direct n'a été remis en cause ou abandonné, en ce compris dans sa V1, avant la cession du 11 février 2011, puisqu'il était toujours en cours de développement ; que c'est la nouvelle direction de la société SRD qui a décidé d'abonner ce projet au cours de l'exercice 2010/2011 (v. p. 34, p. 39, p. 40) ; que ce choix de gestion, pris après la cession et qu'il a dû respecter, ne lui est pas imputable ; que la solution MC Direct n'était pas dépourvue de valeur, puisqu'elle a permis le maintien de relations commerciales avec un nombre significatif de clients ; qu'en conséquence, le grief tiré d'une prétendue surévaluation du projet MC Direct ne peut entrer dans le champ d'application de la garantie d'actif net ni la société Kopiright se prévaloir de cette garantie en arguant d'une dépréciation de l'immobilisation litigieuse.
Quant au « Rapport [L] » invoqué par la société Kopiright (p. 42 et s.), il estime qu'il est est dépourvu de toute force probante, ayant été établi de manière unilatérale, pour les seuls besoins de la cause ; qu'en outre, n'étant pas expert-comptable, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas respecté les règles comptables issues du PCG ; que par ailleurs, l'expert judiciaire infirme les conclusions du cabinet [L] ; que non seulement le seul reproche que semble faire l'expert judiciaire, concernant la matière dont les sommes ont été comptabilisées, ne lui est pas imputable à lui, M. [T], mais en outre, ce point a été examiné par l'audit de pré-acquisition sans que l'acquéreur ne soulève de question à cet égard ; que la société Kopiright est dès lors mal fondée à prétendre qu'il lui aurait caché des informations et c'est en pleine connaissance de cause qu'elle acquis les parts sociales de la société SRD.
Surabondamment (p. 43 et s.), M. [T] indique que le projet MC Direct, qui a connu plusieurs phases de développement, n'a jamais été abandonné courant 2010 ; qu'il n'y a pas eu de dépréciation puisque ce produit n'étant pas abouti ni encore commercialisé ; qu'il existe une documentation technique relative à ce produit et les coûts salariaux liés à son développement sont justifiés ; que s'agissant de la V1 (p. 46-47), installée chez un client pilote, il n'y a pas eu de dépréciation des immobilisations au stade de développement du produit, et ce d'autant moins que la solution MC Direct était toujours en cours de développement, y compris dans sa V1, même après l'exercice comptable de référence (01/10/2009 ' 30/09/2010) ; que ce produit n'ayant pas été abandonné, les immobilisations y afférentes n'avaient pas à être dépréciées ; que la V3 n'a été mise en développement qu'à compter de juin 2010, de sorte qu'à la date de clôture de l'exercice comptable de référence, il était trop tôt pour mesurer ses apports et abandonner la V1, d'autant moins que cette dernière avait été retenue pour développer le projet Asicom.
Concernant le projet Asicom (pp. 49 et s.), M. [T] fait valoir qu'il s'agissait d'un projet sérieux, à finalité commerciale, basé sur la V1 de la solution MC Direct ; que c'est donc de manière justifiée que les dépenses correspondantes ont été immobilisées, sans être surévaluées ; qu'en outre, ce projet était connu du cessionnaire, comme en attestent un courriel du 9 novembre 2010 et l'audit de pré-acquisition ; que c'est donc à tort que la société Kopiright oppose les dispositions du PCG, et ce d'autant plus que les dépenses engagées pour ce projet ont été inscrites pour partie en immobilisations sur les conseils de l'expert-comptable, validés par le commissaire aux comptes. Surabondamment, c'est à tort que l'expert judiciaire a considéré qu'il n'y avait aucune documentation concernant ce projet, ainsi qu'en attestent les pièces annexées au dire du 15 février 2018 ; que divers salariés de la société SRD étaient impliqués dans ce projet ; que le conformité de la comptabilisation de l'immobilisation correspondante ne peut donc être contestée.
Réponse de la cour :
Aux termes l'article 5.26.1 de la convention de garantie du 11 février 2011, situé dans la partie 5 intitulée « déclarations et attestations du cédant relatives à la société » cédée SRD, et dans la sous-partie 5.26 relative aux comptes sociaux, M. [T], cédant, a déclaré que :
« Les comptes sociaux au 30 septembre 2010 qui figurent en Annexe A sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat. »
Et l'article 6.1.1 stipule que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en cas d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites au articles 4 et 5,
(...)
(iii) soit en cas de constatation de toute surestimation des actifs de la société, tels qu'ils seront comptabilisé dans les comptes de référence de la société dès lors que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour, quelle qu'en soit la cause. »
A titre liminaire, la cour entend apporter deux précisions :
- premièrement, il résulte des termes de l'article 6.1.1. précité que M. [T] s'est personnellement engagé à répondre de toute erreur comptable commise dans les comptes sociaux de référence (ceux arrêtés au 30 septembre 2010) et résultant d'une surestimation des actifs. L'intéressé ne peut donc, afin d'échapper à son obligation d'exécuter le contrat qu'il a librement souscrit, se retrancher derrière la circonstance qu'il n'a pas établi lui-même ces comptes de référence, mais un expert-comptable ;
- deuxièmement, pour les motifs développés dans la partie introductive de l'arrêt, la convention de garantie prévoit que M. [T], cédant, doit sa garantie même dans l'hypothèse où la société Kopiright, cessionnaire, aurait eu connaissance, avant la cession des parts de la société SRD, du fait ou événement susceptible de justifier la mise en oeuvre de la convention de garantie. Il importe dès lors peu que la société Kopiright ait été informée de certains éléments, soit par M. [T] personnellement, soit via l'audit de pré-acquisition qu'elle a diligentée ;
En application des principes gouvernant la charge de la preuve, il appartient à la société Kopiright, en sa qualité de demanderesse à la mise en oeuvre de la convention de garantie, de rapporter la preuve de ses allégations.
Concernant les règles comptables, le rapport d'expertise judiciaire (p. 10), non critiqué sur ce point, précise que l'inscription d'un logiciel en tant que « production immobilisée », dans la comptabilité d'une entité, est soumise à des règles édictées par le plan comptable général (PCG), qui prévoit en particulier ceci :
- Article 611-2 du PCG : Les logiciels destinés à un usage commercial sont comptabilisés en immobilisations, si les conditions suivantes sont simultanément réunies :
Le projet est considéré par l'entité comme ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale : l'entité manifeste sa volonté de produire le logiciel concerné et de s'en servir durablement pour les besoins de la clientèle et identifie des ressources humaines et techniques qui seront mises en oeuvre.
- Article 611-4 du PCG : Les logiciels créés par l'entité, destinés à un usage commercial, ainsi que ceux destinés aux besoins propres de l'entité sont inscrits en immobilisations, à leur coût de production. Le coût de production comprend les seuls coûts liés à la conception (codification), à la réalisation de tests et de jeux d'essais et à l'élaboration de la documentation technique destinée à l'utilisation interne ou externe.
Et s'agissant des règles de la dépréciation comptable, l'expert indique (p. 12) que, pour les éléments incorporels notamment, les articles 214 et suivants du PCG précisent qu'à chaque arrêté de comptes, l'entité doit effectuer un test de dépréciation s'il existe un indice de perte de valeur.
En l'occurrence, le rapport d'expertise judiciaire (v. p. 10) relève que les comptes de référence de la société SRD, clôturés le 30 septembre 2010, incluent à l'actif les « productions immobilisées » suivantes :
- concernant le projet MC Direct V1 : 271 951,40 euros, correspondant à des écritures de frais de développement et de salaires affectés à la production, s'étalant de 2006 à 2008 ;
- concernant le projet MC Direct V3 : 130 301,90 euros, correspondant à des salaires affectés à la production de l'année 2010, selon un tableau produit par M. [T] ;
- et concernant le projet Asicom : 123 184,70 euros, correspondant à des frais de développement «Megadyne» en 2009 pour 8 575 euros, des salaires de production immobilisée pour 27 645,95 euros en 2009 et pour 66 337,75 euros en 2010, et des frais de développement pour 9 600 et 11 025 euros ;
L'expert judiciaire n'a relevé aucun amortissement pour ces postes et justifie cet état de fait par la circonstance que les « postes » (autrement dit les projets) « n'étaient pas encore finalisés. »
S'agissant du logiciel MC Direct, la cour retient parmi les pièces versées aux débats, très nombreuses et techniques, d'abord, le rapport technique dressé le 21 novembre 2017 par M. [H], sapiteur en informatique que s'est adjoint l'expert judiciaire.
Selon les constatations de ce sapiteur, ce logiciel avait vocation à remplacer l'ancien, dénommé Direct 400, dont il reproduisait les fonctionnalités, tout en y ajoutant un canal web. Ce projet a connu plusieurs évolutions : une première version (V1) installée en avril 2009 chez un client « pilote » (Champagne Boizel) et une troisième version (V3) modifiant complètement la structure de données de ce logiciel. Et la V1 a fait l'objet de développements informatiques au cours de l'année 2010 et la V3, qui a donc donné lieu à une modification complète de la structure de données, a été développée « jusqu'en 2011 ».
Ensuite, plusieurs pièces versées aux débats établissent que, loin d'avoir été abandonné au début de l'année 2010 comme le soutiennent les appelantes, le projet MC Direct, dans sa V1, était toujours en cours d'exploitation à la date des comptes de référence (30/09/2010) et même de la cession du 11 février 2011, tandis que la V3 était encore en phase de recherches et développements en 2010 et au moins jusqu'au printemps 2011. En effet :
- la version 1 était toujours utilisée chez le client pilote en octobre 2010 et en juillet 2011 (cf. les courriels pièces n° 29 et 119 de M. [T]), de même qu'en décembre 2011 (cf. la facture, pièce n° 30 de M. [T]), l'expert judiciaire relevant d'ailleurs, à l'occasion d'une réunion du 21 septembre 2017, que le contrat avec ce client a été résilié en novembre 2012 ;
- la liste du personnel de la société SRD du mois de septembre 2010, produite par la société Kopiright elle-même (cf. sa pièce n° 62), démontre qu'à cette date, trois salariés étaient affectés au produit MC Direct, dont Mme [W], analyste programmeur, et M. [K], développeur recruté en septembre 2010 - ce que les appelantes ne contestent nullement- afin, selon les termes de son contrat de travail, de développer la solution MC Direct (cf. la pièce n° 28 de M. [T]) ;
- de novembre 2009 à février 2011, la société Norsys, cabinet de consultant, a effectué un travail de développement du logiciel MC Direct pour le compte de la société SRD (cf le relevé d'activité, pièce n° 57 de M. [T]) ;
- le projet Asicom, alors en cours de développement, ainsi qu'il sera précisé ci-après, nécessitait d'utiliser le logiciel MC Direct (cf. la pièce n° 113 de M. [T]) ;
- enfin, la lettre de licenciement de Mme [W] du 22 avril 2011, signée par Mme [G], nouvelle directrice générale de la société SRD (cf. pièce n° 31 de M. [T]), motive cette mesure par des insuffisances professionnelles caractérisées précisément à propos du projet MC Direct version 3. Cette lettre mentionne ainsi :
' au titre de l'insuffisance de maîtrise technologique :
« Nous [avons] par ailleurs constaté qu'il n'existait aucune sauvegarde du projet MC Direct version 3 depuis octobre 2009, ce qui est extrêmement grave. Malgré nos rappels à l'ordre à cet égard depuis le mois de février 2011, aucune sauvegarde n'a été faite jusqu'au 15 avril, ce qui aurait pu entraîner la perte du logiciel en développement. [...] » ;
' au titre de l'insuffisance au niveau de la gestion du projet :
« Il n'existe aucun plan de développement du logiciel MC Direct, alors que vous êtes la seule salariée cadre en charge de ce projet. [...] A titre d'exemple, nous avons demandé le 7 mars 2011, à l'occasion d'une réunion de présentation, l'état d'avancement du logiciel MC Direct par rapport aux fonctionnalités minimum pour pouvoir le commercialiser. Or, alors que ce projet est en développement depuis 4 ans (!), vous avez tout d'abord évalué le nombre de jours de travail restant avant la commercialisation du produit à 200 jours. [...]
Par ailleurs, nous n'avons aucune trace écrite de votre méthode de travail : [...] ni de plan de migration des clients Direct 400.
Compte tenu de ces carences, il n'est pas possible de déterminer si le logiciel sera exploitable et pourra répondre aux besoins de nos clients. » ;
' au titre de l'insuffisance de management :
« Aux termes de votre contrat de travail, vous êtes en charge d'encadrer les développeurs affectés au logiciel MC Direct. »
Et Mme [G] d'en conclure :
« Ces insuffisances caractérisées induisent un retard extrême dans le développement du logiciel MC Direct qui est un projet vital pour la société puisqu'il doit remplacer notre logiciel Direct 400. Il doit donc montrer un chemin de migration pour les clients de la société [...] »
La cour estime qu'il découle de l'ensemble de ces éléments qu'à la date des comptes de référence, il existait deux produits pouvant être valorisés à l'actif de la société SRD : la V1, toujours utilisée au cours de l'année 2011, et la V3, objet de recherches et développements en vue d'une commercialisation qu'envisageait encore la nouvelle direction de la société en avril 2011.
Ajoutés au refus persistant de la société Kopiright de produire l'audit de pré-acquisition qu'elle a fait réaliser le 21 octobre 2010 et qui fut l'occasion, pour elle, d'examiner la valorisation des productions immobilisées litigieuses - refus réitéré tout au long de la présente procédure et jusqu'à maintenant, puisque, dans leurs conclusions d'appel, les appelantes demandent à la cour d'écarter les développements du rapport d'expertise relatifs à cet audit -, ces mêmes éléments interrogent sur la bonne foi manifestée par la société Kopiright dans la mise en oeuvre de la convention de garantie de ce chef.
Quoi qu'il en soit, il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que la société Kopiright soutient que le logiciel MC Direct V1 aurait été abandonné au début de l'année 2010 ; le contraire est incontestablement démontré.
De surcroît et en toute hypothèse, la seule circonstance que, tel que l'a relevé le sapiteur, fassent défaut une documentation technique et une analyse fonctionnelle « conformes aux règles de l'art» ne signifie pas l'absence de toute documentation technique - M. [T] en verse d'ailleurs aux débats - mais, en outre, cela n'est en soi pas de nature à démontrer que la surévaluation du passif s'élèverait à la totalité de la production immobilisée à ce titre, comme le soutient pourtant la société Kopiright, mais sans produire de pièce probante à l'appui. Cette conclusion s'impose de plus fort qu'il est démontré qu'à la date des comptes de référence, ce logiciel, toujours utilisé, représentait une valeur certaine, d'ailleurs initialement admise par la société Kopiright elle-même, avant que celle-ci ne se ravise à l'occasion du présent litige.
Se trouvent ainsi corroborées les conclusions expertales relatives au projet MC Direct et selon lesquelles :
- « les sommes comptabilisées étaient conformes dans la mesure où à leur date de comptabilisation, le projet pouvait avoir des chances de réussite technique et commerciale, d'autant que c'était la volonté de la direction », l'expert ajoutant que « ce point a d'ailleurs été certifié par le commissaire aux comptes puisqu'aucune observation n'a été formulée. »
- il est normal qu'aucun amortissement n'ait été effectué, dès lors que, tel qu'établi ci-dessus, ce projet n'était « pas encore finalisé », autrement dit était toujours en cours, et que « la volonté de la direction était la commercialisation des progiciels lorsque les utilisations expérimentales seraient achevées », le constat de ce que le projet n'était pas commercialisable étant apparu seulement après la cession.
Concernant la V3, la cour estime, là encore, que les éléments mentionnés rapportent la preuve que cette version du logiciel MC Direct pouvait faire l'objet d'une valorisation comptable, peu important les non-conformités constatées par le sapiteur en informatique en termes de documentation technique, dès lors, d'une part, que la documentation n'était pas inexistante, au contraire, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi qu'à la date des comptes de référence, cette situation rendait ce logiciel « inexploitable » et sa maintenance « impossible » - griefs non formulés par le sapiteur en informatique qui, au contraire, a déclaré, lors d'une réunion organisée sous l'égide de l'expert judiciaire le 21 septembre 2017, que le logiciel était « viable » et, dans son propre rapport, seulement noté que la maintenance était « extrêmement problématique ». De plus, tel qu'il a été précédemment relevé, en avril 2011, la nouvelle direction de la société SRD avait elle-même reconnu l'existence et l'importance de ce projet V3, dont elle espérait encore la commercialisation.
La société Kopiright ne peut, dès lors, soutenir que la production immobilisée à ce titre devrait être totalement dépréciée, et ce d'autant moins que le rapport dressé à sa demande le 1er juillet 2020 par le cabinet [L] (cf. pièce n° 118 des appelantes), concernant le seul projet MC Direct V3, n'aboutit lui-même pas à cette conclusion extrême.
En revanche, bien que n'étant pas le fruit de travaux effectués contradictoirement à l'égard des parties, ce rapport [L], lui-même soumis à la libre discussion contradictoire des parties et établi sur la base d'éléments versés aux débats et contradictoirement débattus (les comptes annuels de référence et l'état justificatif des coûts de développement produit par M. [T] lui-même), corrobore les constatations du sapiteur en informatique comme celles de l'expert judiciaire en ce qu'il relève :
- d'abord, que la somme de 130 301 euros immobilisée à ce titre correspond à des frais de développements concernant des coûts salariaux supportés par la société SRD au cours de l'exercice clos au 30 septembre 2010 - ce qu'a lui-même constaté l'expert judiciaire ;
- ensuite, qu'aucun justificatif ou détail de calcul des pourcentages d'affectation des salariés dédiés au développement de ce logiciel n'est produit - ce que le sapiteur a relevé, en déplorant l'absence de « plan de charges » -, de sorte que les coûts salariaux ne sont pas justifiés dans leur totalité, notamment pour ce qui est de l'affectation du temps consacré au développement de ce logiciel.
Le cabinet [L] constate ainsi que les coûts salariaux pris en compte (130 301,90 euros) englobent à concurrence de la somme de 52 938 euros des coûts salariaux administratifs (deux secrétaires) et de direction (PDG), ainsi que des frais généraux, ce qui est contraire au PCG, de tels frais devant être comptabilisés en charges. M. [T] ne conteste nullement cette constatation technique claire, précise et argumentée, qui ressortait déjà du rapport technique du sapiteur en informatique.
La cour estime donc qu'à ce titre, la production immobilisée a été surévaluée dans les comptes de référence, et donc l'actif de la société SRD surestimé, et ce à hauteur de la somme de 52 938 euros, pour une cause ou une origine antérieure. Cela justifie la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 6.1.1. précité et, partant, la condamnation de M. [T] à indemniser la société Kopiright pour ce montant.
Concernant, enfin, le projet Asicom, c'est sans produire la moindre pièce justificative à l'appui que la société Kopiright affirme que M. [T] savait que ce projet n'avait aucune chance sérieuse de réussite ni de rentabilité commerciale dès la date des comptes sociaux de référence (30/09/2010). En effet, les seules pièces dont elle se prévaut ont toutes été établies par M. [T] postérieurement à cette date, les 30 juin 2011 et 20 juillet 2011. Bien plus, les pièces produites par M. [T] démentent la thèse soutenue par la société Kopiright, puisque, après que la société SRD a signé le 1er juin 2010, un contrat de sous-traitance avec une société tierce concernant ce projet, il est établi qu'elle travaillait encore sur ce projet en septembre 2010 (cf. le planning des tâches présenté lors d'un comité de pilotage du 07/09/2010 et le compte rendu du comité de pilotage du 09/09/2010, pièces n° 121 et 114 de M. [T]), qu'en septembre 2010, un salarié, M. [C] consacrait 100 % de son temps de travail à ce projet, et qu'en mai 2011, la société travaillait encore sur ce projet avec un prospect, la société Okaïdi (pièce n° 111 de M. [T]). Ce n'est donc que plusieurs mois après l'établissement des comptes de référence, et même après la cession du 11 février 2011, que l'échec du projet a été envisagé par M. [T], puis constaté officiellement.
En outre, bien que l'expert judiciaire ait relevé une absence de documentation technique, M.[T] produit un cahier des charges techniques et fonctionnelles du projet Asicom (cf. sa pièce n° 124) établissant que ce projet n'était pas inexistant.
Eu égard à ces éléments, la société Kopiright ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que l'actif de la société SRD aurait été surestimé à ce titre ni, a fortiori, que cette surestimation représenterait la totalité de la production immobilisée.
En définitive, la cour considère donc, à l'inverse des premiers juges, que la garantie peut être activée de ce chef, mais uniquement à hauteur de la somme de 52 938 euros, au titre de la production immobilisée correspondant au logiciel MC Direct V3, le surplus des demandes devant être rejeté.
B.3. Sur le litige « [O] et [V] » (pp. 31 et s.) :
La société Kopirigh indique que :
- l'article 5.16.2 de la convention de garantie n'exonère pas M. [T] de ses obligations contractuelles, compte tenu de la rédaction des articles 6.1.2 et 6.1.3, jugées valables par la jurisprudence. En l'occurrence, le passif lié au litige [O] et [V], pourtant connu avant la cession, n'a pas été intégré dans les comptes de référence. Il doit donc être pris en charge au titre de la garantie de passif, comme tout autre passif nouveau ou supplémentaire dont l'origine est antérieure à la cession du 11 février 2011 ;
- ce litige, qui a pour origine la constatation, en 2010, de dysfonctionnements entravant l'utilisation d'un progiciel fourni à ce client, s'est soldé par la conclusion d'un protocole d'accord en application duquel la société SRD a dû verser la somme principale de 89 115,06 euros ;
- le fait que ce litige n'ait donné lieu à une assignation qu'au 7 décembre 2010 ne permet pas de conclure qu'il est né à cette date, alors que son antériorité ressort de l'assignation ;
- la transaction, qui met fin au litige, ne constitue pas le fait générateur d'un passif, celui-ci trouvant son origine dans le litige ;
- l'article 7.3 de la garantie autorisait la transaction ;
- M. [T] a participé aux négociations qui ont abouti à la transaction et validé le principe même d'une telle transaction.
L'indemnisation réclamée à ce titre est évaluée à 89 115,06 euros, montant versé par la société SRD à l'occasion de ce litige.
Les appelantes y ajoutent la somme de 48 809,32 euros au titre des frais supportés pour les besoins de ce litige, en précisant que :
- peu importe le sort réservé à ces frais par la transaction, qui ne lie que les parties signataires de cet acte ;
- sur le montant de ces frais, l'expert a fait une lecture erronée des pièces comptables produites, en déduisant à tort une somme de 17 135,05 euros, ce qui justifie que les conclusions expertales soient écartées sur ce point. Après retraitement de ces frais (de 137 949,38 euros) et déduction des remboursement obtenus, le solde restant dû par M. [T] s'élève à 48 809,32 euros, montant qu'il ne conteste pas, si l'on tient compte des écritures enregistrées sur le compte courant de M. [T] au titre des remboursement des frais de ce litige et aboutissant à un compte débiteur de 7 707,80 euros (v. infra les explications données sur ce point). En revanche, si l'on ne tient pas compte des écritures enregistrées sur le compte courant, il convient de réintégrer la somme de 21 450 euros.
En réponse (pp. 60 à 67), M. [T] s'oppose à cette demande en faisant valoir ces éléments :
- il ne peut être tenu de garantir les conséquences d'un litige qu'il a régulièrement déclaré et dont la société Kopiright était informée avant le 11 février 2011 - date de la convention de garantie - puisque, selon la jurisprudence, le cessionnaire ne peut exiger la garantie du cédant lorsqu'il a eu connaissance de la cause de l'augmentation du passif invoquée ;
- la société Kopiright ne peut revendiquer l'application des articles 6.1.2. et 6.1.3 de la convention, ces clauses, contraires à la jurisprudence, conférant au cessionnaire des droits totalement disproportionnés par rapport à ses obligations et ayant caractère manifestement léonin en ce qu'elles créent un déséquilibre absolu entre les parties, au préjudice du cédant. Or, le principe de loyauté contractuelle, qui impose des droits et obligations équilibrés entre les parties à un contrat, interdit ce type de clauses, qui sont réputées non écrites. En conséquence, la société Kopiright est irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée à se prévaloir des deux articles susvisés et, plus largement, du moyen selon lequel le cédant serait tenu de la garantir et l'indemniser même si elle a eu connaissance du fait préjudiciable ;
- la société Kopiright est également mal fondée à solliciter la réparation de son prétendu préjudice en application de l'article 6.1.1. (ii) de la convention, puisque la cause ou l'origine de ce préjudice n'est pas imputable à des faits antérieurs au 11 février 2011, mais à des faits postérieurs ;
- en acceptant de transiger, la nouvelle direction de la société SRD a fait le choix, postérieurement au 11 février 2011, de supporter la charge de l'indemnisation qu'elle a consenti à accorder au client [O] et [V] et, ainsi, contribué à son propre préjudice. Elle ne peut donc reporter les conséquences de ses choix sur lui-même, qui n'a joué aucun rôle actif dans les négociations ayant abouti à la transaction, à laquelle il n'a pas donné son accord ;
- en tout état de cause, la période de référence à retenir pour les faits reprochés est celle allant jusqu'au 30 septembre 2010, date de clôture de l'exercice. Or, ce n'est qu'en décembre 2010, lors de la délivrance de l'assignation, qu'il a eu « connaissance de l'abandon du produit » par la société [O] et [V]. Ce « litige » ne pouvait donc pas être provisionné dans les comptes clos au 30 septembre 2010 ;
- surabondamment et en tout état de cause, la société Kopiright doit être déchue du bénéfice de la garantie en application de l'article 7-1, alinéa 4, de la convention, sans pouvoir se retrancher derrière le 5e alinéa de cet article, puisqu'il a été privé du droit de pouvoir défendre ses intérêts et de contester les termes de la transaction ;
- au surplus, le montant du préjudice invoqué est contestable dès lors, d'une part, qu'aux termes de la transaction, chacune des parties s'est engagée à supporter les frais afférents au litige, tels les honoraires d'avocat, et, d'autre part, qu'il n'est pas justifié des frais que la société SRD aurait exposés.
Réponse de la cour :
En premier lieu, la logique commande d'examiner, dans un premier temps, le moyen tiré de la prétendue déchéance du bénéfice de la garantie soulevé par M. [T].
L'article 7.1 de la convention de garantie est rédigé en ces termes :
« La mise en oeuvre des garanties implique que le cédant, après en avoir reçu une information préalable, ait la faculté de faire valoir ses observations et de défendre ses intérêts.
L'exercice de ces droits aura lieu selon les modalités suivantes.
Le cessionnaire devra associer le cédant ou lui proposer de s'associer à toute vérification, décision, négociation, instance ou procédure pouvant avoir une incidence sur le montant de son éventuelle dette à son égard.
Toute réclamation, tout fait ou événement susceptible d'entraîner la mise en jeu des garanties sera porté à la connaissance du cédant par le cessionnaire au plus tard dans les vingt (20) jours suivant celui où il en aura lui-même pris connaissance. En outre, le cessionnaire informera le cédant dans le délai de vingt (20) jours suivant leur réception, de tout avis de vérification fiscale, douanière et sociale de la société et de toute assignation dont celui-ci n'aurait pas déjà connaissance.
Toutefois, le non-respect de ces délais n'aura pas pour effet d'entraîner la déchéance des droits du cessionnaire à dédommagement au titre des garanties conférées au titre du contrat que dans la mesure où il aura privé le cédant de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques. »
Il ressort de cette stipulation que le non-respect du délai d'information n'est pas sanctionné automatiquement par la déchéance de la garantie due au cessionnaire, puisqu'une condition supplémentaire est requise : la privation, pour le cédant, d'un droit ou d'un recours quelconques.
En l'espèce, M. [T] procède par voie d'affirmation, sans aucune démonstration à l'appui, lorsqu'il déclare que le non-respect du délai d'information sur le processus transactionnel engagé avec la société [O] et [V] l'aurait privé, en tant que cédant, « de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques ».
Au surplus, non seulement M. [T] a été personnellement destinataire de l'assignation délivrée par la société [O] et [V] le 7 décembre 2010 (cf. pièce n° 15 des appelantes), soit avant la signature de l'acte de cession du 11 février 2011, mais en outre, selon l'échange de courriels produit par les appelantes, il a été pleinement associé au processus transactionnel engagé avec ce client - il a ainsi expressément consenti à la proposition indemnitaire formulée, le 31 octobre 2011 (cf. la pièce n° 94 des appelantes).
Dans ces conditions, M. [T] n'établissant pas avoir été privé « de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques », tel que l'exige le contrat, c'est en vain qu'il oppose à la société Kopiright la déchéance de la garantie sur le fondement de cette clause.
En deuxième lieu, l'article 5.16.2 de cette convention, figurant dans la partie 5.16 intitulée « qualité des produits et des prestations », stipule notamment que :
« Il n'existe aucune action en dommages et intérêts ou en non-conformité trouvant son origine dans la commercialisation ou la fabrication, le cas échéant, desdits produits ou la réalisation desdites prestations par la société à l'exception de celle du client [O]. »
Pour les motifs précédemment développés, les articles 6.1.2 et 6.1.3 - que, pour des motifs également explicités ci-dessus, M. [T] n'a pas utilement critiqués en arguant qu'il s'agirait de clauses léonines ou créant entre les parties un déséquilibre contraire à la loyauté contractuelle - n'excluent nullement la mise en oeuvre de la garantie lorsque le cessionnaire a été informé, avant la cession, du fait ou de l'événement susceptible d'avoir des conséquences sur le passif nouveau ou supplémentaire de la société cédée SRD.
Dès lors, il est indifférent que l'article 5.16.2 précité informe la société Kopiright de l'existence du litige né avec le client [O] et [V], une telle information ne le privant pas du droit de se prévaloir de la garantie.
En troisième lieu, s'agissant de la cause ou de l'origine du préjudice invoqué à ce titre, l'article 6.1.1 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(...)
(ii) soit en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire excédant celui qui figure dans les comptes de références de la société, dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour quelle qu'en soit la cause. »
Il ressort de l'assignation délivrée le 7 décembre 2010 que ce litige a pour origine des prestations informatiques accomplies par la société SRD pour le compte de la société cliente [O] et [V], en 2009 et au plus tard le 16 juin 2010, date à laquelle ce client l'a mise en demeure de proposer une solution de mise en conformité du logiciel installé, affecté de dysfonctionnements. Ces éléments sont, au demeurant, corroborés par le protocole d'accord transactionnel conclu avec ce client le 12 décembre 2011, que M. [T] produit lui-même (cf. p. 2 de cet accord, pièce n° 32 de l'intimé).
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le préjudice en lien avec ce litige trouve sa cause ou son origine non point dans l'acte transactionnel lui-même, qui se borne à constater l'accord des parties sur le montant de l'indemnité due à la société [O] et [V], mais dans les fautes commises par la société SRD non seulement avant le 11 février 2011, date de référence retenue par les sociétés appelantes conformément à ce que prévoit l'article 6.1.1, mais en tout état de cause avant le 30 septembre 2010, date choisie par M. [T] comme correspondant à celle la clôture de l'exercice des comptes sociaux de référence.
Il n'est pas contesté que le passif lié à ce litige n'a pas été intégré dans ces comptes de référence, de sorte qu'il s'agit bien d'un passif nouveau ou supplémentaire dont la cause ou l'origine est antérieure à la cession, au sens de l'article 6.1.1.
En quatrième lieu, cette transaction ayant pour objet de négocier le montant de l'indemnisation due à raison de manquements imputables au seul cédant et commis au cours de la période couverte par la garantie, M. [T] ne peut se soustraire à son obligation de garantie au prétexte qu'en acceptant de transiger avec ce client après la conclusion de la convention de garantie, la nouvelle direction de la société SRD aurait contribué à la réalisation de son propre préjudice. L'intimé est d'autant moins fondé à défendre une telle position que, tel qu'indiqué précédemment, il a exprimé son consentement exprès au montant de l'indemnisation accordée à la société [O] et [V] le 31 octobre 2011, conformément aux prévisions de l'article 7.1 précité, donc en sa seule qualité de cédant, de sorte qu'il importe peu qu'il ne fût alors plus le mandataire social de la société SRD.
En cinquième et dernier lieu, l'indemnisation due au titre de ce litige s'élève, au minimum, au coût de l'indemnité forfaitaire que la société SRD a dû payer à la société [O] et [V], qui correspond à la somme de 89 115,06 euros (cf. l'article 1.1 du protocole transactionnel), incluant le préjudice subi et les frais engagés à l'occasion de l'instance afférente à ce litige, « y compris les frais d'expertise. »
En outre, les appelantes se prévalent d'un préjudice complémentaire lié « aux frais du litige », évalués, à la somme totale de 48 809,32 euros (cf. le tableau récapitulatif p. 35-36 de leurs conclusions), à laquelle il conviendrait d'ajouter la somme de 21 450 euros si la cour ne tenait pas compte des « écritures d'opérations diverses » enregistrées sur le compte courant de M. [T] (v. p. 37, §1 desdites conclusions).
Contrairement à ce que prétend ce dernier, le fait que la transaction ait prévu le partage de certains frais ne signifie pas que la société SRD ait, à l'égard de M. [T], accepté de supporter définitivement la charge des frais engendrés par ce litige et, partant, renoncé à lui en demander remboursement, la transaction n'obligeant que les parties qui l'ont conclue, au nombre desquelles ne figure pas M. [T].
Du tableau récapitulatif établi par les appelantes, qui n'intègre pas les frais d'expertise partagés avec la société [O] et [V] au vu de l'accord transactionnel, doivent d'emblée être écartées les dépenses dont les appelantes ne justifient pas au moyen des pièces produites, soit les dépenses correspondant au coût des salaires des employés intervenus lors de l'expertise et au coût de préparation des rendez-vous d'expertise.
Il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, et notamment pas des échanges de courriels préalables à la conclusion de la transaction, que des dépenses autres que les frais d'expertise, en particulier les honoraires d'avocat supportés par la société SRD, aient été partagées avec la société [O] et [V] et soient donc déjà pour partie incluses dans l'indemnité transactionnelle de 89 115,06 euros.
Au vu des pièces produites, ce litige, survenu avec une société ayant son siège à [Localité 5], a donné lieu à une expertise, un jugement rendu en référé et des négociations préalables à la transaction conduites par un avocat. Les frais liés à ces événements procéduraux, non utilement contestés par M. [T] et dont il est, en tout état de cause, justifié par les pièces communiquées par les appelantes, représentent les sommes suivantes :
- 57 339,14 euros au titre des frais d'avocat et de conseils externes ;
- 4 622 euros au titre des frais de déplacement aux rendez-vous ;
- et 594,18 euros au titre des frais de la procédure de référé, frais d'acte d'huissier inclus ;
soit un sous-total de : 65 555,32 euros.
Cependant, il y a lieu de déduire de ces frais les remboursements que les appelantes reconnaissent avoir perçus.
Au titre de ces remboursements, elles mentionnent en particulier des écritures enregistrées sur le compte courant de M. [T] qui, après « retraitement » aboutissent, selon elles, à rendre ce compte débiteur de la somme de 7 707,80 euros. Or, ainsi qu'il sera détaillé ci-après lors de l'examen de la demande en remboursement du solde créditeur du compte courant formée par M. [T], les « retraitements » comptables opérés par les appelantes ne sont pas justifiés. Il ne sera donc pas tenu compte des remboursements invoqués à ce titre.
Ainsi donc, les seuls remboursements qui seront pris en compte correspondent aux sommes suivantes :
- 5 829,66 euros perçus de la Cité des entreprises. Sur ce point, le chiffrage de 17 135,05 euros, évoqué en des termes très dubitatifs par l'expert judiciaire lui-même sur la seule base de précédentes écritures de la société Kopiright, doit être écarté à défaut d'être fondé sur la moindre pièce justificative et au regard des justificatifs produits par les appelantes (cf. p. 18-19 de l'expertise, et la pièce n° 116 des appelantes) ;
- 23 235,34 euros correspondant à des chèques émis par M. [T] ;
soit un sous-total de : 29 065 euros.
Les frais complémentaires restés à la charge des appelantes représentent ainsi un montant total de 36 490,32 euros (65 555,32 - 29 065).
Au total, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préjudice résultant de ce litige s'élève donc aux sommes 89 115,06 (montant de l'indemnité transactionnelle accordée à la société [O] et [V]) et 36 490, 32 (frais justifiés en lien avec ce litige), pour lesquels M. [T] doit sa garantie.
B.4. Sur la situation financière dégradée :
Les appelantes font valoir (pp. 37-38) que M. [T] a délibérément caché au cessionnaire que la société SRD subissait des pertes. Ainsi, sur la période intercalaire, du 1er octobre 2010 au 11 février 2011, la perte constatée s'est élevée à un minimum de 82 404 euros. Ceci a conduit à une dégradation de la valeur de l'actif de la société SRD d'un montant au moins équivalent. Alors que l'expert n'a fourni aucune analyse technique sur ce point, les premiers juges ont rejeté la demande faute d'élément probant. Or, le fait que l'expert judiciaire ait éludé cette partie de sa mission ne saurait être reproché à la société Kopiright. Si la cour s'estimait insuffisamment éclairée sur ce poste de préjudice, il lui appartiendrait d'ordonner une expertise.
En réponse, M. [T] objecte ceci (pp. 67 à 70) :
- la société Kopiright a été informée de la situation par la remise de documents avant la cession et par l'audit de pré-acquisition, ce qui a justifié la diminution du prix de cession de 212 000 euros. Ayant déjà bénéficié d'une réduction substantielle du prix, la société Kopiright ne peut être indemnisée une seconde fois, et ce d'autant moins que la situation financière prétendument dégradée de la société SRD n'est pas établie ;
- à la date de la convention de garantie, le « point mort », fixé à 94 000 euros, était non seulement atteint mais même dépassé ;
- la société Kopiright n'établit ni ne démontre qu'il aurait manqué aux obligations stipulées aux articles 5.28.1, 5.28.2 et 5.29 de la convention, dont l'impact aurait été significatif ou important ;
- le montant du préjudice allégué ne résulte d'aucune pièce probante, bancaire ou comptable, ni d'aucune démonstration ou explication de la part de la société Kopiright ;
- la diminution du chiffre d'affaires enregistrée s'explique par des raisons conjoncturelles, notamment par un prélèvement de 200 000 euros opéré par la société Kopiright dans la trésorerie de la société SRD afin de payer le solde du prix de cession. La société Kopiright a donc contribué au préjudice qu'elle prétend avoir subi ;
- la demande d'expertise complémentaire doit être rejetée.
Réponse de la cour :
Au préalable, l'on observe que les appelantes ne précisent pas sur quel fondement précis elles basent leur demande à ce titre.
En tout état de cause, à supposer même qu'il faille considérer que leur demande se fonde implicitement sur l'article 6.1.1. (i) - obligeant le cédant à indemniser le cessionnaire de tout préjudice subi en raison « d'inexactitudes ou omissions dans une ou plusieurs déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5 » - ou sur l'article 6.1.1. (ii) - déjà reproduit ci-dessus - de la convention de garantie, textes visés dans le jugement entrepris (p. 15), force est de constater qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites par les appelantes que la société SRD aurait subi une perte de valeur d'actif, de surcroît d'un montant de 82 404 euros, sur la période dite « intercalaire », comprise entre le 1er octobre 2010 et le 11 février 2011, et donc que la garantie lui serait due en application de ces clauses.
Nonobstant la circonstance que l'article 146 du code de procédure civile prévoit qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, de sorte que la cour n'aurait pas ordonné une expertise à cet égard, en tout état de cause, les appelantes n'ont pas saisi la cour d'une demande d'expertise sur ce point dans le dispositif de leurs dernières conclusions d'appel.
En conséquence, faute de preuve du préjudice allégué, la demande d'indemnisation formée à ce titre ne peut qu'être rejetée, ainsi que les premiers juges l'ont estimé.
B.5. Sur les droits de propriété intellectuelle :
Les sociétés appelantes soutiennent (pp. 38 à 40) que M. [T] a manqué à ses déclarations figurant dans la convention de garantie (5.13.5, 5.13.6, 5.13.10 et 5.29), puisque des tiers ont reproché à la société SRD d'avoir utilisé sans autorisation leurs logiciels ou machine de développement. Ainsi :
- la société Mapping : faute d'avoir trouvé un accord amiable, la société SRD a dû cesser d'utiliser les services de cette société et trouver une solution de « contournement temporaire » engendrant des frais financiers. Ce litige entre dans les prévisions de la garantie pour s'être concrétisé après la cession (le 22 mars 2022). Est demandée à ce titre une indemnisation de 25 000 euros HT, correspondant aux conséquences financières négatives de cette fausse déclaration ;
- concernant la société Servy : M. [T] ne prouve pas avoir conclu un accord avec cette société pour l'utilisation de son logiciel, au contraire. Est demandée à ce titre une indemnisation de 7 401,25 euros HT ;
- et concernant la société IBM : au moment de la conclusion de la garantie, la société SRD faisait de la machine de développement mise à sa disposition par IBM un usage interdit par le contrat. La société SRD a donc dû acheter un nouveau serveur avec les licences adéquates, pour un montant de 66 492,65 euros HT, conséquence directe du défaut de droits que M. [T] avait omis d'indiquer. L'indemnisation demandée à ce titre est évaluée à cette somme.
Le montant total de l'indemnisation réclamée, en application des articles 6 et 7 de la convention de garantie, s'élève donc à 66 492,65 euros.
M. [T] rétorque (pp. 71 à 79) que pour les clients hébergés chez la société SRD, un accord existait avec les trois sociétés partenaires en cause pour l'utilisation, par la société SRD, de leurs progiciels en contrepartie de l'apport d'affaires effectué par SRD pour les clients équipés. Jusqu'à la cession de février 2011, les relations ont fonctionné ainsi sans aucune difficulté, et ce n'est qu'après que ces relations se sont dégradées, en raison de l'attitude adoptée par la nouvelle direction. Et plus particulièrement :
- s'agissant de la société Servy : une autorisation sur l'utilisation des logiciels par la société SRD a existé et n'a cessé qu'en mai 2011, en raison du refus, par la nouvelle direction, d'un nouvel accord relatif à la facturation des clients hébergés. Dès lors, le préjudice allégué à ce titre ne résulte pas d'un manquement de sa part aux engagements souscrits dans la convention de garantie, le grief n'est pas fondé et le fait générateur de la garantie, postérieur à la date de la cession, n'entre pas dans le champ de la convention de garantie ;
- s'agissant de la société Mapping : avant la cession, cette société avait donné son accord sur la mise à disposition de son logiciel à la société SRD pour les clients hébergés, en contrepartie de l'apport de la solution aux clients, qui versaient une redevance au titre de la licence. Cependant, après la cession, la nouvelle direction a confié à ses équipes le développement d'une autre solution, ce qui a conduit à la remise en cause de l'accord antérieur, en mars 2012. En conséquence, le préjudice allégué à ce titre ne résulte pas d'un manquement du cédant aux déclarations stipulées dans la garantie. Au surplus, n'est produite aucune pièce explicitant le préjudice invoqué ;
- s'agissant de la société IBM : le contrat conclu avec cette société ne contient aucune clause restrictive d'utilisation, de sorte que la société SRD n'a pas utilisé la machine de développement en violation des dispositions contractuelles. En tout état de cause, l'acquisition, par la société SRD, d'un nouveau serveur n'est nullement justifiée par la prétendue impossibilité d'utiliser celui existant ; il s'agit d'un nouvel investissement (et non d'un passif nouveau) décidé par la nouvelle direction de la société SRD.
Réponse de la cour :
La convention de garantie litigieuse contient un paragraphe 5.13, intitulé « Droits de propriété intellectuelle », incluant les clauses suivantes :
- Article 5.13.5 : La société possède un droit exclusif, soit par la propriété directe, soit par le bénéfice d'une licence, sur tous les droits de propriété intellectuelle utilisés pour l'exploitation de son activité quel que soit le pays où ces activités sont exercées et ces droits sont dûment protégés et en vigueur. [...]
- Article 5.13.6 : Les logiciels et progiciels utilisés par la société sont sa propriété ou font l'objet de droits d'utilisation réguliers au bénéfice de la société.
- Article 5.13.10 : Les logiciels utilisés par la société le sont conformément aux licences qui lui ont été consenties.
En outre, l'article 5.29 de cette convention, déjà reproduit ci-dessus, stipule, en substance, que dans ses déclarations précédentes, le cédant n'a pas omis d'indiquer « un fait ou événement significatif (...) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation est les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Enfin, tel qu'indiqué précédemment, les articles 6.1.1. (i) et (ii) prévoient que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice résultant d'omissions ou d'inexactitudes, ainsi qu'en cas de survenance d'un passif nouveau ou supplémentaire ayant une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à la cession.
S'agissant, en premier lieu, de l'utilisation du logiciel de la société Mapping par la société SRD, il ressort d'un courriel du 28 décembre 2011, émanant de Mme [G], dirigeante de la société Kopiright (cf. pièce n° 67 des appelantes), que, dans les immobilisations mentionnées au bilan de la société SRD figuraient deux licences « en version illimitée » acquises en 1990 et qui, d'après ces informations, ne pourraient pas être utilisées « en production », mais seulement pour le développement. La lettre adressée par la société Mapping à la société SRD le 22 mars 2012 (pièce n° 18 des appelantes) indique que celle-ci utilise sans autorisation des licences Mapping qu'elle souhaiterait exploiter « en mode SaaS » pour ses clients, et lui envoie, afin de privilégier une solution amiable, une facture de 60 000 euros, ainsi qu'un contrat de licence autorisant l'usage souhaité par la société SRD.
Il ne ressort pas de ces pièces, ni d'aucune autre, qu'en pratique, avant la cession litigieuse du 11 février 2011, l'exploitation que la société SRD faisait de ces licences méconnaissait les termes du contrat conclu avec la société Mapping. Un courriel de la société Servy du 21 février 2011 (pièce n° 50 des appelantes) démontre au contraire que c'est seulement à partir de cette date, donc après la cession, que la société SRD a souhaité « disposer de nouvelles licences Mapping ». Ces éléments tendent à démontrer que les conditions d'utilisation du logiciel voulues par la société SRD ont évolué entre la période antérieure à la cession et la période postérieure.
En outre et en toute hypothèse, il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que les appelantes auraient subi un préjudice égal au surcoût engendré par la mise en place d'une « solution de contournement temporaire » d'un montant de 24 000 euros. Quant aux honoraires d'avocat invoqués, d'un montant de 1 500 euros, rien ne permet de les relier au préjudice allégué à ce titre.
En second lieu, s'agissant de l'utilisation de licences appartenant à la société Servy, il ressort des termes de la lettre envoyée par celle-ci à la société SRD après la cession, le 16 mai 2011 (pièce n° 20 des appelantes), que c'est l'absence d'accord sur la régularisation des licences et l'abonnement, à cette date, qui est à l'origine de la fin du partenariat qui liait jusqu'alors ces sociétés et, partant, à l'origine de l'absence de droit d'utiliser les licences attribuées temporairement auparavant « dans le cadre de ce partenariat. » La société Servy en déduisait ainsi : « Ainsi, vous êtes maintenant dans une situation non autorisée et qu'il faut régulariser immédiatement. »
Cet élément démontrant l'existence d'un accord conclu entre les sociétés SRD et Servy jusqu'au 16 mai 2011, soit après la cession du 11 février 2011, les appelantes n'établissent donc pas qu'antérieurement à cette cession, la société SRD aurait utilisé les licences de la société Servy sans autorisation.
En troisième et dernier lieu, alors même qu'elles produisent le contrat conclu entre les sociétés IBM et SRD le 6 août 2009 (cf. leur pièce n° 53), les appelantes soutiennent que la société SRD aurait fait d'une « machine de développement » de la marque IBM une utilisation en violation flagrante des termes de ce contrat, mais sans préciser quelle clause précise aurait été méconnue par la société SRD. De surcroît, les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce que cette société aurait commis la faute qu'elles articulent contre elle - soit l'utilisation de ces machines dans un environnement de production, pour héberger des applications de ses clients.
A titre surabondant, à supposer même qu'une faute pût être imputée à la société SRD avant la cession, dans l'utilisation de la machine IBM, il n'est, en toute hypothèse, nullement établi par les appelantes que l'achat d'un nouveau serveur avec des « licences adéquates », pour le prix de 66 492,65 euros serait la conséquence directe et certaine de cette prétendue faute.
En conclusion, aucune indemnisation ne peut être accordée sur ce point, à l'instar de ce qu'ont retenu les premiers juges.
B.6. Sur les factures impayées et les avances
Les appelantes font valoir qu'après la cession, le cessionnaire a appris que la société SRD avait consenti à des clients, avant la cession, des avances sur deux périodes distincts :
- avant le 30 septembre 2010 : 6 299,50 euros HT d'avances non comptabilisées. Les comptes n'étaient donc pas sincères, en violation de l'article 5.26 de la garantie, et l'actif a été surévalué, ce qui fait naître un préjudice indemnisable, notamment au titre de l'article 6.1.1 de la garantie. Il est demandé une confirmation du jugement sur ce point. Même à retenir la qualification comptable invoquée par M. [T], la garantie est due, puisque l'émission ultérieure d'avoirs a eu pour effet de réduire à due concurrence l'actif de la société SRD, tel qu'évalué dans les comptes arrêtés au 30 septembre 2010. L'expert a pris en compte cette somme et M. [T] n'apporte aucun élément pour invalider le chiffre retenu.
En réplique à l'appel incident formé à cet égard par M. [T], les appelantes font valoir que les 2 500 euros de condamnation complémentaire prononcée par le tribunal correspondent au litige né avec Le Nouvel Observateur, au titre duquel M. [T] avait reconnu, en première instance, qu'il était bien couvert par la garantie. Celui-ci ne remet pas en cause cet accord dans ses conclusions d'appel. Il convient donc de confirmer la condamnation prononcée à hauteur de 8 799,49 euros (6 299,49 + 2 500) et débouter l'intimé de sa demande incidente.
- et entre les 1er octobre 2010 et 31 janvier 2011 : 20 413,62 euros HT d'avances ont été consenties. L'expert n'a pas retenu cette prétention, mais n'a pas rempli sa mission : il aurait dû analyser toute la demande de la société Kopiright, même s'agissant d'avoirs ou factures non inscrites au bilan arrêté au 30 septembre 2010. L'existence de ces avances rendent erronées les déclarations visées aux articles 5.28 et 5.29 de la convention de garantie, relatifs à la gestion de l'entreprise entre le 1er octobre 2010 et la date de la cession, également couverte par la garantie.
La société SRD ayant subi un passif nouveau non comptabilisé et un passif supplémentaire excédant celui figurant dans ses comptes de référence, le cédant est tenu contractuellement d'indemniser le cessionnaire, en vertu de ses engagements de garantie. Ce poste de préjudice est évalué à la somme de 26 753,07 euros HT, et non 6 299,50 euros HT comme l'a retenu le tribunal.
M. [T] (pp. 80 et 81) demande l'infirmation du jugement en ce qu'il le condamne à payer à 6 299,49 euros, mais sa confirmation en ce qu'il rejette la demande indemnitaire complémentaire portant sur la somme de 20 413,62 euros. A l'appui, il fait valoir ces éléments :
- d'abord, les sommes invoquées ne correspondent pas à des « avances », mais à des « créances » que la société SRD détenait sur les clients facturés au titre d'une prestation réalisée mais ayant fait l'objet d'un avoir pour une raison déterminée. Ces créances ont été comptabilisées dans les comptes sociaux de référence, mais pas dans la rubrique « avances » ;
- de plus, les « créances » relatives à la période comprise entre le 1er octobre et le 31 janvier 2011 (20 413,62 euros HT) n'avaient pas à faire l'objet d'une information particulière à l'égard du cessionnaire, faute de manquement ayant un impact significatif ou important au sens des articles 5.28 et 5.29 de la convention de garantie. Tout au contraire, au vu du montant de chacun des factures et avoirs en cause, les montants en jeu n'ont rien de significatif ou d'important ;
- en outre, certains avoirs ont été émis postérieurement à la période de référence (par exemple la facture 19466 d'un montant de 457,35 euros).
Réponse de la cour :
L'article 5.26.1 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Les comptes sociaux au 30 septembre 2010 qui figurent en Annexe A sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat. »
L'article 5.28, relatif à la « gestion sociale depuis le 1er octobre 2010 » contient notamment les clauses suivantes :
- article 5.28.1. : Depuis le 1er octobre 2010, le cédant garantie et certifie que la société a géré son patrimoine et ses activités à l'image d'un commerçant diligent et avisé, de manière normale et courante, qu'aucune décision de gestion exceptionnelle n'a fondamentalement modifié les éléments des comptes de référence.
- article 5.28.2 : Aucun événement ou circonstance s'écartant du cours normal des affaires et susceptible d'affecter défavorablement et significativement le patrimoine et les activités de la société, quel qu'en soit le caractère, n'est intervenu.
Tel qu'indiqué ci-dessus, l'article 5.29, relatif aux « autres faits », prévoit, en substance, qu'aucune des déclarations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer « un fait ou événement significatif [...] dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Et l'article 6.1.1 stipule que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait, notamment dans l'hypothèse prévue dans son alinéa (iii), lequel est ainsi rédigé :
« soit en cas de constatation de toute surestimation des actifs de la société, tels qu'ils seront comptabilisé dans les comptes de référence de la société dès lors que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour, quelle qu'en soit la cause. »
D'abord, concernant l'origine de ces avoirs, la cour estime qu'elle se trouve non dans la date de leur émission, mais dans la date de la facture ayant justifié cet avoir, dès lors que, sans facturation préalable, l'avoir n'aurait pas eu lieu d'être.
Or, au vu des pièces produites, toutes les factures invoquées par les appelantes dans leur tableau produit en pièce n° 27 bis sont antérieures au 11 février 2011, s'étalant sur la période comprise entre le 30 juin 2009 (date de la plus ancienne facture) jusqu'au 27 janvier 2011 (date de la plus récente), la majorité des factures ayant été émise au cours du mois d'octobre 2010.
Ensuite, M. [T] opposant les termes des articles 5.28 et 5.29, dont les appelantes ne contestent pas l'applicabilité à ce chef de demande (v. leurs conclusions p. 43), la cour se trouve, une fois encore, tenue d'interpréter le contrat. Et elle estime que l'article 6.1.1. (iii) doit s'interpréter indépendamment de l'article 5.29 et que l'intention des parties était que toute surestimation des actifs de la société cédé devait être indemnisée au titre de la garantie.
A ce titre, peu importe la qualification des sommes ici en cause - avoirs ou créances - dès lors qu'il s'agit de montants à déduire de ceux figurant sur des factures émises par la société SRD et qu'il ne résulte pas des comptes sociaux de référence du 30 septembre 2010 qu'il en a été tenu compte dans l'évaluation des actifs mentionnés dans ces comptes.
Enfin, s'agissant du montant des avoirs non comptabilisés, l'expert judiciaire, prenant uniquement en compte ceux consentis à deux clients [Goodson (première facture) et Finelinea], a abouti à la somme de 6 299,49 euros. Cependant, après examen des pièces produites par les appelantes, la cour estime qu'il est justifié d'un montant cumulé d'avoirs consentis par la société SRD, après l'émission d'une facture pendant la période intercalaire, à concurrence de la somme totale de 6 430,15 euros, déduction faite des avoirs dont il n'est pas justifié à l'égard de certains clients [[Z], [J], [S] (seconde facture du 26/10/2010), Nouvel observateur 24,58 euros, Forco, Trois Suisses Chine et [X]].
La garantie peut donc être mise en oeuvre de ce chef, à concurrence de la somme de 6 430,15 euros, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
B.7. Sur le litige avec le Nouvel Observateur
Le jugement entrepris a condamné M. [T] au paiement de la somme totale de 8 799,49 euros (cf. le dispositif du jugement, p. 27), incluant celle de 2 500 euros au titre d'un litige survenu avec le client « Nouvel observateur ». Les motifs exposés à ce titre indiquent que, dans ses écritures, M. [T] acceptait de prendre en charge le montant d'une franchise de 2 500 euros.
Les sociétés appelantes ne forment aucune critique contre le jugement entrepris sur ce point et soutiennent, au contraire, que la société Kopiright est fondée à mobiliser la garantie notamment pour le montant de 2 500 euros au titre de ce litige (cf. p. 46 de leurs conclusions) et que M. [T] ne remet pas cela en cause dans ses écritures (cf. p. 54 desdites conclusions).
De fait, la cour observe que si M. [T] demande, dans le dispositif de ses conclusions (p. 109), l'infirmation du jugement en ce qu'il le condamne à payer à la somme de 8 799,49 euros, qui englobe celle de 2 500 euros présentement en cause, il n'articule cependant aucune critique précise contre les motifs retenus par les premiers juges.
Dans ces conditions, outre le fait que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la cour est tenue d'interpréter les conclusions de M. [T] qui, à cet égard, demeurent obscures. Elle en déduit qu'en l'absence de critiques articulées par ce dernier sur l'application de la garantie à ce litige particulier, il reconnaît implicitement mais nécessairement que cette garantie est due à concurrence de la somme de 2 500 euros, comme l'ont retenu les premiers juges - étant précisé qu'il n'a pas été tenu compte de cette somme dans le poste précédent (n° B.6 « Sur les factures impayées et les avances »).
B.8. Sur l'encours « [A] »
Les appelantes exposent (p. 43) que :
- sur l'exercice 2012, la société SRD a dû effectuer des prestations au profit du client « [A] » pour un montant de 1 990 euros, sur la base d'un devis du 9 novembre 2009 portant sur des prestations payées mais non entièrement effectuées ;
- cela est à l'origine d'un passif nouveau non comptabilisé et supplémentaire excédant celui figurant dans les comptes de référence de la société, qui est garanti à l'article 6.1.1 de la convention ;
- en outre, M. [T] n'a pas mentionné l'existence de cette situation dans la convention de garantie au titre « d'autres faits significatifs » qui auraient dû être portés à la connaissance du cessionnaire, en vertu de l'article 5.29 ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ces faits ont bien une origine antérieure à la cession et sont donc bien couverts par la garantie ;
- est donc demandée une indemnisation de 3 160 euros, correspondant au coût de la main d'oeuvre utilisée pour réaliser ces prestations.
M. [T] (pp. 81 à 83) demande le rejet de cette demande, en faisant notamment valoir ces éléments :
- hormis le fait que le « crédit développement » en cause s'élève à 1 990 euros, et non 3 160 euros, il n'est pas démontré que cette somme résulterait de prestations facturées sur l'exercice 2009 et réalisées à l'occasion de l'exercice 2012 ;
- en outre, les articles 5.28 et 5.29 de la convention ne peuvent s'appliquer, dès lors que cela ne constitue pas un événement ou une circonstance visée par ces stipulations, pas plus que l'article 6.1.1 (ii), dès lors qu'il n'est pas établi que le « crédit de développement » en cause (de 1 990 euros et non 3 160) serait le fait de nouvelles prestations, alors qu'il est plus que probable que cela corresponde à des prestations budgétées au cours de l'exercice 2010/2011.
Réponse de la cour :
Il ne ressort d'aucune des pièces produites par les appelantes (cf. leurs pièces 31, 32 et 33) que la société [A] aurait, avant l'acte de cession, effectué un paiement de 1 990 euros au titre d'un devis du 9 novembre 2009, ce devis ne comportant aucune signature et le paiement allégué n'étant pas établi.
Au surplus, à supposer même que ce devis eût été accepté, il n'est pas davantage démontré que, tel qu'il est soutenu par les appelantes, les prestations correspondantes n'auraient pas été effectuées avant la cession ni qu'en 2012, donc après la cession, la société SRD aurait dû réaliser ces prestations.
Enfin, toujours à titre surabondant, aucun élément ne démontre l'existence d'un préjudice égal à 3 160 euros, aucune explication n'étant au demeurant fournie par les appelantes quant à cette évaluation.
C'est dès lors à raison que les premiers juges ont écarté ce chef de demande.
B.9. Sur le litige concernant M. [C]
Les sociétés appelantes font valoir que plusieurs informations relatives à M. [C], salarié embauché en contrat à durée déterminée jusqu'au 2 février 2012, n'ont pas été portées à la connaissance du cessionnaire, et ce en violation des engagements figurant aux articles 5.29 et « 5.32.1 » de la convention de garantie. Ainsi :
- le litige survenu avec ce salarié a abouti à une transaction conclue en mars 2012 ;
- de plus, la société SRD a dû honorer une facture de 13 500 euros au titre d'un contrat en lien avec le travail accompli par M. [C], alors que M. [T] n'a jamais mentionné l'existence de ce contrat, ainsi que des frais y afférents.
En raison des inexactitudes ou omissions dans les déclarations mentionnées dans la convention et du passif nouveau non comptabilisé occasionné, est demandée, en application de l'article 6.1.1 de la convention de garantie, la somme totale de 21 228 euros HT, se décomposant comme suit :
- 2 728 euros HT, au titre du montant de la transaction signée avec M. [C], (2 328 euros) et des frais d'avocat générés par cette situation (400 euros) ;
- 5 000 euros HT au titre des frais reversés à l'Ecole centrale de [Localité 4],
- 13 500 euros au titre de la facture.
Les premiers juges, qui ont rejeté cette demande, auraient dû s'attacher à la date de la cause ou de l'origine du passif, conformément aux termes de l'article 6.1.1 de la convention, l'origine de ce préjudice étant indiscutablement antérieure au 11 février 2011.
En réponse, M. [T] (pp. 84 à 87) s'oppose à ces demandes, en faisant valoir ceci :
- avant la cession, le cessionnaire était parfaitement informé de la situation du salarié en cause, du contrat de recherche signé avec l'école à laquelle il appartenait et du contrat signé avec une société tierce pour l'accompagnement du projet Asicom, tous éléments à l'origine des sommes réclamées par la société Kopiritght. Dès lors, il ne s'agit pas d'un « passif nouveau » au sens de la convention de garantie ;
- s'agissant de la situation de M. [C], le fait générateur de la transaction est postérieur à la convention et exclusivement imputable à la nouvelle direction, cet acte, régularisé après la convention de garantie, portant sur les sommes restant dues à l'issue de son contrat de travail, après le 2 février 2012. En outre, la société Kopiright ne peut ignorer que les congés payés étaient dus à M. [C], qui a effectué une partie de sa mission sous le régime de la nouvelle direction de la société SRD ;
- quant à la facture de la société tierce, elle est postérieure à la convention de garantie et concerne l'accompagnement de la société SRD dans le projet Asicom, dont le cessionnaire n'ignorait rien avant la convention ;
- selon la jurisprudence, dans le cas où le cessionnaire a eu connaissance de la cause de l'augmentation du passif invoqué, il ne peut exiger du cédant qu'il le garantisse et l'indemnise du préjudice prétendument subi, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de la situation de M. [C] ;
- de plus, le fait préjudiciable trouvant sa cause et son origine après la signature de l'acte de cession et de la convention de garantie, il n'entre pas dans le champ de cette dernière.
Réponse de la cour :
En premier lieu, il convient de rappeler que, pour les motifs explicités précédemment, il résulte des termes de la convention de garantie que le cédant est tenu d'exécuter cette garantie à l'égard du cessionnaire lors même que ce dernier aurait été informé, avant la cession des parts de la société SRD, du fait ou de l'événement justifiant la demande de mise en oeuvre de la garantie.
En conséquence, il n'importe que, préalablement à la cession, M. [T] ait informé la société Kopiright de la nature et du contenu du contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [C], salarié de la société SRD, ainsi que de l'existence des contrats conclus avec l'Ecole centrale de [Localité 4], à laquelle appartenait ce salarié, et avec la société Open Technoloqies.
En second lieu, la cour observe que, parmi les clauses invoquées par les appelants, aucun article 5.32.1 n'est inséré dans la convention de garantie. En revanche, y est stipulé, dans le paragraphe 5 contenant l'ensemble des déclarations du cédant, l'article 5.29, relatif aux « autres faits » déclarés par ce dernier, déjà évoqué ci-dessus, et libellé en ces termes :
« Aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer un fait ou un événement significatif, qu'il ait été réalisé ou qu'il soit potentiel, quel[le] que soit sa nature (e.g. : économique, juridique, financier, etc.) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Quant à l'article 6.1.1, situé dans le paragraphe 6 relatif à l'étendue et aux limites des garanties et intitulé « Faits et opérations garanties », il prévoit que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en raison d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5.
(ii) soit en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire excédant celui qui figure dans les comptes de référence de la société, dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputables à des faits antérieurs à ce jour quelle qu'en soit la cause. »
Tenue d'interpréter le contrat sur ce point, la cour estime qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations contractuelles que la garantie est due par le cédant en particulier dans ces deux hypothèses alternatives :
- soit en cas d'inexactitude des déclarations relativement à un fait ou événement « significatif », ou en cas de non-déclaration d'un fait ou événement identiquement qualifié ;
- soit en cas de survenance d'un passif nouveau ou supplémentaire non mentionné par les comptes de référence - en l'espèce, ceux arrêtés au 30 septembre 2010 -, à la condition que sa cause ou son origine soit antérieure au 11 février 2011.
En premier lieu, s'agissant des frais liés à la transaction conclue par la société SRD avec M. [C] (correspondant à l'indemnité consentie à ce salarié et aux frais d'avocats exposés par la société SRD), il ressort des propres conclusions des appelantes que ce litige a pour origine « des contestations élevées par le salarié sur l'exécution de son contrat de travail », qui a pris fin automatiquement le 2 février 2012 - ce que confirme d'ailleurs la lecture de la transaction du 30 mars 2012 versée aux débats (cf. pièce n° 35 des appelantes).
A supposer même que, tel que le soutiennent les appelantes, le contentieux ayant justifié la conclusion de cet accord transactionnel soit lié au fait que l'employeur, la société SRD, fût redevable de congés payés envers ce salarié, il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, et notamment pas de cette transaction, que la dette de congés payés aurait, fut-ce pour partie, une cause ou une origine antérieure au 11 février 2011, alors que le contrat de travail, certes conclu avant cette date, il a été exécuté pendant près d'une année après cette même date. La garantie de M. [T] ne peut donc être mise en oeuvre sur le fondement de l'article 6.1.1. (ii) précité.
Par ailleurs, la cause ou l'origine de la transaction demeurant inconnue, c'est en vain que les appelantes imputent à M. [T] un manquement relevant de l'article 6.1.1 (i) précité (soit une inexactitude ou omission dans ses déclarations préalables à la cession). Cette conclusion s'impose de plus fort qu'aux termes de l'article 5.29, le fait ou l'événement inexactement déclaré ou non déclaré par le cédant doit être « significatif », ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant de frais représentant 2 328 euros (montant de l'indemnité transactionnelle) et 400 euros (frais d'avocat), au regard du chiffre d'affaires réalisés de la société SRD au moment de la cession (1 109 046 euros pour l'exercice clos au 30 septembre 2010).
En second lieu, s'agissant des autres dépenses alléguées par les appelantes, il ressort des propres conclusions de M. [T] que celui-ci reconnaît :
- d'une part, que la somme de 5 000 euros correspond à la dernière échéance due par la société SRD en exécution du contrat de recherche conclu le 4 février 2009 entre la société SRD et l'Ecole centrale de [Localité 4] (cf. pièce n° 34 des appelantes), auprès de laquelle M. [C] était détaché ;
- d'autre part, que la facture de 13 500 euros émise par la société Open Technologies le 26 juin 2011, à laquelle la société SRD a dû faire appel après le départ d'un salarié en avril 2010, afin d'être accompagnée dans le projet Asicom, et que le contrat de sous-traitance conclu entre ces sociétés date du 1er juin 2010 (cf. la pièce n° 122 de M. [T]).
Dès lors que ces deux dettes sont liées à l'exécution de contrats conclus antérieurement à la cession litigieuse du 11 février 2011, la cour estime qu'elles ont une cause ou origine antérieure à cette date et qu'il s'agit d'un passif nouveau antérieur entrant dans le champ de la garantie prévue par l'article 6.1.1 (ii) précité.
Dès lors qu'il n'est pas contesté que ce passif nouveau n'a pas été comptabilisé dans les comptes sociaux de référence, M. [T] doit sa garantie à concurrence de la somme de totale de 18 500 euros (5 000 + 13 500), contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges.
B.10. Sur le contrôle fiscal
Les sociétés appelantes font valoir que ;
- un passif nouveau, au sens de la garantie, est né d'un redressement fiscal de 19 235 euros, en raison de la perception indue de crédits d'impôt recherche pour les années 2007 à 2009. Or, cette situation est contraire à l'article 5.21.2 de la convention de garantie, qui précise que la société n'a pas bénéficié d'avantages fiscaux de façon indue. Est donc demandée une indemnisation en application de l'article 6.1.1 (iv) de la garantie ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société SRD n'a pas accepté le montant du redressement fiscal à 10 000 euros, mais l'indemnisation obtenue de l'assureur de l'expert-comptable responsable de ce redressement. Elle a donc supporté la différence (9 235 euros), qui constitue un passif nouveau que M. [T] doit prendre en charge ;
- il importe peu que le redressement fiscal soit imputable à une faute de l'expert-comptable, M. [T] étant seul responsable et garant de la gestion antérieure à la cession, selon la garantie qu'il a souscrite. M. [T] n'est pas exonéré par l'indemnisation reçue de l'assureur de l'expert-comptable, qui est venue diminuer le préjudice subi, sans toutefois le supprimer ;
- est, en outre, demandée la prise en charge les honoraires supportés par la société SRD pour la gestion de ce contentieux fiscal, soit 7 125 euros HT, conformément aux stipulations de l'article 6.3.5 de la garantie ;
- au total, est demandée la somme de 16 360 euros (19 235 ' 10 000 + 7 125) à ce titre, par voie de réformation du jugement entrepris.
M. [T] (pp. 87 à 89) rétorque que cette demande ne peut prospérer, pour plusieurs raisons :
- il « semblerait » que la « non-conformité » comptable à l'origine du redressement relève de la seule responsabilité du cabinet d'expertise comptable auquel avait été confié l'établissement des déclarations litigieuses. Ce fait n'entre donc pas dans le champ de la convention de garantie ;
- de plus, la société Kopiright est irrecevable à solliciter une indemnisation à ce titre, dès lors que cette non-conformité ne peut s'analyser en une diminution de l'actif mais en une dette sociale de la société SRD, dont seule cette dernière pourrait être autorisée à réclamer le paiement, le cas échéant dans le cadre d'une garantie de passif, inexistante en l'espèce. Il appartient donc à la société SRD, le cas échéant, de se tourner vers le cabinet d'expertise comptable pour obtenir réparation du préjudice qu'elle peut avoir subi ;
- en toute hypothèse, la demande n'est pas fondée, dès lors que le cabinet d'expertise comptable a pris en charge le montant du redressement à concurrence de la somme forfaitaire de 10 000 euros, que la société SRD a acceptée. Soit elle estimait que c'était insuffisant à l'indemniser, et alors elle aurait dû engager une action contre l'expert comptable, ce qu'elle n'a pas fait ; soit elle estimait être suffisamment indemnisée, ce qui expliquerait l'absence d'action exercée contre celui-là dans les délais légaux. Dans les deux cas, lui, M. [T], n'est pas responsable d'un quelconque manquement au titre du redressement fiscal en cause, et les sociétés appelantes ne sont ni recevables ni fondées à lui demander la prise en charge d'une somme quelconque à ce titre, en exécution de la convention de garantie.
Réponse de la cour :
La convention de garantie souscrite par M. [T] contient les déclarations de ce dernier concernant la situation fiscale de la société cédée SRD (paragraphe 5.21), et en particulier celle-ci, contenue à l'article 5.21.2 :
« La société n'a pas bénéficié d'avantages fiscaux ou sociaux de manière indue et la cession des actions n'a pas pour effet d'entraîner la perte d'avantages fiscaux ou sociaux dont elle bénéficié ou aurait bénéficié. »
L'article 6.1.1, relatif à l'étendue et aux limites des garanties, prévoit que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en raison d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5.
(...)
(iv) soit en cas de redressement fiscal ou rappel d'impôts au titre d'exercices postérieurs aux comptes de référence de la société et fondés sur des erreurs comptables antérieures à la date de ces comptes. »
Et l'article 6.3.5, inclus dans le paragraphe 6.3 intitulé « Mode de calcul de la réduction de prix dans le cas où les préjudices résultent d'opérations traduites dans les comptes », stipule que :
« Elles [sous-entendu «les sommes garanties»] comprendront, le cas échéant, les honoraires et frais de conseils chargés de la défense des intérêts de la société et/ou du cessionnaire, les frais de procédure et les honoraires d'experts.»
Il résulte de la « réponse aux observations du contribuable » établie par la Direction générale des finances publiques le 15 octobre 2012, que la société SRD a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre du « crédit impôt recherche » (CIR) déclaré par la société SRD au titre des années 2007, 2008 et 2009, donc avant la cession. Le rappel d'impôt dû en conséquence s'élève aux sommes respectives de 3 585, 9 957 et 5 693 euros, soit un redressement fiscal s'élevant, au total, à 19 235 euros (cf. la pièce n° 38 des appelantes).
Ce redressement fiscal, fondé sur des erreurs comptables antérieures à la date des comptes de référence (soit ceux arrêtés 30 septembre 2010), relève incontestablement de la garantie souscrite par M. [T].
En effet, aux termes des clauses précitées, ce dernier s'étant porté garant de l'exactitude des comptes sociaux de référence à l'égard de la société Kopiright, il ne saurait s'exonérer de son obligation de garantie aux motifs que ce redressement fiscal aurait pour origine une erreur commise par le cabinet d'expertise comptable de la société SRD, ou encore que seule la société SRD pourrait réclamer une indemnisation à ce titre. Il est donc tenu de répondre des éventuelles erreurs commises par l'expert-comptable de la société SRD, à charge pour lui d'exercer, le cas échéant, un recours en garantie contre ce professionnel du chiffre.
Selon une lettre adressée à la société SRD le 15 janvier 2014 (cf. pièce n° 78 des appelantes), l'assureur de cet expert-comptable a accepté d'indemniser le préjudice subi au titre de ce redressement fiscal, mais seulement dans la limite de 10 000 euros, estimant que la faute de son assuré était seulement à l'origine d'une perte de chance, pour la société SRD, de se mettre en conformité et d'obtenir ainsi le CIR.
Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sans fournir le moindre fondement juridique à l'appui de leur décision, l'acceptation de cette indemnisation partielle ne prive pas la société SRD de son droit de réclamer à M. [T] le complément d'indemnisation résultant de ce redressement fiscal, la convention de garantie obligeant M. [T] en cas de manquement commis sur ce point, dans la seule limite du plafond de garantie fixé à la somme totale de 450 000 euros.
Au surplus, même en interprétant les motifs du jugement comme signifiant que la société SRD aurait, ce faisant, renoncé à réclamer à M. [T] davantage que 10 000 euros, force est de rappeler que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes dépourvus d'équivoque, inexistants en l'espèce.
Par conséquent, au préjudice correspondant au montant du redressement fiscal que M. [T] est tenu d'indemniser, s'ajoute, conformément à l'article 6.3.5 précité, le montant des honoraires d'avocat en lien avec ce redressement, au cours duquel la société SRD a présenté une défense, ces honoraires représentant la somme de 7 125 euros HT (cf. la pièce n° 79 des appelantes).
Au total, M. [T] est donc débiteur, à ce titre, de la somme de 16 360 euros [(19 235 + 7 125) - 10 000].
B.11 Sur la détermination de la somme due par M. [T] en exécution de la convention de garantie d'actif net
En définitive, la mise en oeuvre de la garantie souscrite par M. [T] à l'égard de la société Kopiright est justifiée à concurrence des sommes suivantes :
' 52 938 euros au titre de la production immobilisée,
' 89 115,06 + 36 490,32 euros au titre du litige avec le client [O] et [V],
' 6 430,15 euros au titre des factures impayées et avoirs,
' 2 500 euros au titre du litige avec le client Nouvel Observateur,
' 18 500 euros au titre de la situation en lien avec M. [C],
' 16 360 euros au titre du contrôle fiscal,
soit la somme totale de 222 333,53 euros.
Tel qu'il a déjà été explicité précédemment, il n'y a pas lieu de répondre au simple argument soulevé par M. [T] (v. p. 21 de ses conclusions), selon lequel la garantie d'actif net nécessite de « compenser les bonnes et les mauvaises nouvelles » et, partant, de tenir compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010.
Par ailleurs, la société Kopiright déduit de sa demande de condamnation de M. [T] la somme de 85 000 euros qu'elle a déjà perçue en exécution de la garantie à première demande souscrite en lien avec la convention de garantie d'actif net. A l'inverse, M. [T] demande la condamnation de la société Kopiright à lui rembourser cette somme. C'est donc à ce stade qu'il convient d'examiner cette prétention, afin de déterminer le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée contre M. [T].
B.11.a) Sur la demande de M. [T] tendant à restitution de la somme de 85 000 euros :
M. [T] (v. p. 91 et s.) demande la confirmation du jugement qui a condamné la société Kopiright à lui restituer la somme de 85 000 euros. A l'appui, il fait valoir ces éléments :
- c'est en raison de l'attitude déloyale de la société Kopiright et du caractère totalement infondé de ses demandes que les premiers juges ont estimé que la mise en oeuvre de la garantie à première demande était abusive. En effet, c'est sur la base de prétendus griefs de pure opportunité que cette société s'est autorisée à actionner cette garantie, à ses risques et périls : elle a mis en oeuvre une stratégie pensée de longue date dans le seul but d'obtenir par tous moyens une nouvelle réduction du prix de cession ;
- c'est encore de manière fallacieuse que la société Kopiright affirme que les passifs liés au litige [O] et [V] et au redressement fiscal étaient exigibles à la date à laquelle elle a actionné la garantie à première demande. En effet, au vu de la rédaction de l'article 7.5 de la convention de garantie d'actif net, ces passifs n'étaient pas exigibles à la date à laquelle la garantie à première demande a été actionnée.
La société Kopiright (pp. 46-47) estime avoir activé à bon droit la garantie à première demande le 26 mars 2012, dès lors qu'à cette date était exigible, au sens de l'article 7.4 de la convention, le passif dû en conséquence de la transaction conclue dans le litige [O] et [V] (transaction de 89 115,06 euros, outre les frais d'avocat) et du redressement fiscal (19 235 euros). En tous les cas, compte tenu des demandes formulées au titre de la garantie souscrite par M. [T], il n'y a pas lieu à remboursement.
Réponse de la cour :
La garantie à première demande, émise accessoirement à un contrat dit « de base », est l'engagement par lequel un garant s'oblige envers un donneur d'ordre à verser à un bénéficiaire une somme d'argent sur simple demande ou suivant certaines modalités convenues.
Selon la jurisprudence rendue sur le fondement de l'ancien article 1134 du code civil, applicable en la cause eu égard à la date de conclusion du contrat en cause, le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que ce dernier en a reçu indûment le paiement, soit par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, soit par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opération préventive à l'exécution de la garantie par le garant (Com. 7 juin 1994, n° 93-11340, publié ; Com. 15 juin 1999, 94-13615, publié).
La Cour de cassation a également précisé que si, après la mise en oeuvre d'une garantie à première demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun (Com. 31 mai 2016, n° 13-25.509, publié).
Il résulte de ces principes que le recours en restitution du donneur d'ordre, après exécution de la garantie à première demande, est une action en remboursement ouverte indépendamment de tout abus dans l'appel de la garantie, dès lors que le bénéficiaire a encaissé le montant de la garantie bien qu'il ne fût titulaire d'aucune créance contre le donneur d'ordre, ou que sa créance fût inférieure au montant de la garantie dont il a demandé un paiement total. A fortiori ce recours en restitution est-il ouvert au donneur d'ordre en cas d'appel abusif d'une garantie à premier demande. Est constitutif d'un abus le fait d'appeler la garantie à première demande en l'absence totale et certaine de droit détenu au titre du contrat de base. A l'inverse, cet appel n'est pas abusif lorsque son bénéficiaire peut, de bonne foi, se prétendre créancier du donneur d'ordre, même si la preuve de l'inexécution n'est pas encore rapportée et n'est que redoutée.
En l'espèce, par un acte du 11 février 2011 (cf. pièce n° 2 de M. [T]), la banque Société générale s'est engagée en faveur de M. [T] à verser à la société Kopiright, à première demande et sans pouvoir opposer aucune exception tenant à la convention de base (i.e. la convention de garantie d'actif net du 11 février 2011), toutes les sommes que cette société pourrait réclamer en considération de la convention de garantie d'actif net, et ce dans la limite de la somme forfaitaire maximale de 85 000 euros.
La demande de M. [T] est une demande de « restitution » de cette somme de 85 000 euros, fondée sur le fait que la société Kopiright aurait abusivement mis en oeuvre la garantie à première demande. Il s'en déduit que M. [T] agit en vertu du recours ouvert au donneur d'ordre contre le bénéficiaire de la garantie à première demande.
Tel qu'il a été énoncé ci-dessus, ce recours n'étant pas subordonné à l'existence d'un abus dans l'appel de la garantie à première demande et supposant simplement que le donneur d'ordre n'ait aucune dette à l'égard du bénéficiaire, les développements de M. [T] relatifs à l'existence d'un abus commis par la société Kopiright dans l'appel de cette garantie sont inopérants. Il suffit, en effet, de constater que, pour l'ensemble des motifs ci-dessus explicités, il a été démontré qu'en application de la convention de garantie d'actif net - contrat de base de la garantie à première demande -, M. [T] est débiteur, envers la société Kopiright, d'une somme qui excède largement la somme de 85 000 euros perçue par cette dernière en exécution de la garantie à première demande. Pour ces seuls motifs, la demande de remboursement de cette somme formée par M. [T] n'est pas fondée.
En tout état de cause, même en se plaçant, tel que le font les parties, au 26 mars 2012 - la date à laquelle elles s'accordent à dire que la société Kopiright a mis en oeuvre la garantie à première demande - pour apprécier l'existence, ou non, d'un abus dans le recours à cette garantie, la cour relève qu'à cette date, avait déjà été signée la transaction du 12 décembre 2011 mettant un terme au litige survenu avec le client [O] et [V] et prévoyant le versement, par la société SRD, d'une indemnité de 89 115,06 euros, en accord avec M. [T], qui avait été associé aux négociations préalables à cette transaction et accepté cette indemnisation. Ces seules constatations suffisent à écarter la commission, par la société Kopiright de tout abus lorsqu'elle a demandé l'exécution de la garantie à première demande pour son montant maximal de 85 000 euros, même à supposer que cette dette ne fût pas encore exigible au sens de la convention de garantie d'actif net - contrat de base à la garantie à première demande. Cela justifie de plus fort e rejet de la demande de remboursement formée par M. [T].
Le jugement, qui a condamné la société Kopiright au paiement de la somme de 85 000 euros, doit donc être infirmé de ce chef.
B.11.b) Sur la demande d'intérêts formée par la société Kopiright.
Tel qu'indiqué précédemment, le total des postes de préjudice justifiant la mise en oeuvre de la garantie due par M. [T] s'élève à 222 333,53 euros. Pour les motifs qui viennent d'être explicités ci-dessus, doit être déduite de cette somme celle de 85 000 euros perçue par la société Kopiright en exécution de la garantie à première demande. M. [T] doit être condamné à exécuter sa garantie à concurrence du solde restant dû, soit la somme de 137 333,53 euros (222 333,53 - 85 000).
Dans le dispositif de ses écritures (p. 61), la société Kopiright demande que cette condamnation soit assortie des intérêts « au taux de 5% à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande » par elle-même.
De son côté M. [T] demande, dans le dispositif de ses propres conclusions (p. 109), l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par lui porterait intérêt au taux de 5% à défaut de paiement dans les 30 jours de la notification de son exigibilité - c'est effectivement ce que prévoit l'un des chefs de dispositif du jugement entrepris (p. 27).
L'article 9.2 de la convention de garantie du 11 février 2011, que le tribunal a appliqué dans son raisonnement (v. p. 20 du jugement), stipule que :
« Toute somme due par le cédant en exécution des garanties consenties aux termes des articles 5 et 6 portera des intérêts au taux de cinq pour cent (5 %) l'an si elle n'est pas payée trente jours (30) jours après que le cessionnaire aura notifié au cédant qu'elle est devenue exigible en application des stipulations du présent contrat. »
Ce sont les articles 7.4 et 7.5 de cette convention qui fixent très précisément les conditions dans lesquelles les sommes dues par le cédant en exécution de sa garantie deviennent exigibles.
Il résulte de la combinaison de ces clauses que l'application des intérêts prévus par l'article 9.2 suppose à la fois que le cessionnaire, bénéficiaire de la garantie, ait respecté la procédure de notification préalable pour chaque créance justifiant la mise en oeuvre de la garantie et que soit déterminée, pour chacune de ces créances, la date à laquelle celle-ci est devenue exigible au sens du contrat.
Or, même en passant outre l'erreur matérielle qui affecte le chef de dispositif des conclusions des appelantes (la garantie à première demande ayant été mise en oeuvre le 26 mars 2012, comme en conviennent les parties, et non en 2021), la cour constate qu'à l'appui de sa demande d'intérêts contractuels, la société Kopiright ne développe, dans les motifs de ses écritures, pas la moindre argumentation, puisqu'elle se borne à demander que la somme due par M. [T] soit « augmentée des intérêts prévus à la convention de garantie » (cf. ses conclusions, p. 46).
En conséquence, la société Kopiright ne rapportant aucunement la preuve de ce que les conditions de mise en oeuvre de l'article 9.2 seraient réunies en l'espèce pour chacune des créances dont elle dispose contre M. [T], et la cour ne pouvant se substituer à elle pour élaborer un raisonnement juridique propre à asseoir sa prétention sur ce point, sera rejetée la demande tendant à ce que la condamnation prononcée contre M. [T] soit assortie d'un taux d'intérêt de 5 % à compter du 26 mars 2021, voire du 26 mars 2012.
C- Sur les demandes reconventionnelles formées par M. [T]
C.1. Sur l'obligation à paiement de la société Kopiright
La société Kopiright demande (p. 47) qu'à supposer même que les demandes reconventionnelles de M. [T] soient fondées (ce qui est contesté), soit infirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée « in solidum » avec la société SRD à ce titre. Elle soutient, en effet, que le remboursement du compte courant d'associé ne peut être réclamé qu'à la société SRD et que le mandataire social d'une société ne peut réclamer le paiement de sa rémunération ou d'une prime contractuelle de retraite qu'à la société, et non à ses associés.
En réponse, M. [T] fait valoir (p. 91, avant le point 11.1) que :
- compte tenu des termes du protocole de cession relatifs notamment à sa rémunération mensuelle et à sa prime de départ en retraite, il a sollicité la condamnation « conjointe et solidaire » des sociétés Kopiright et SRD, ou bien l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme globale de 69 496,17 euros correspondant aux sommes lui restant dues au titre de son solde de compte courant d'associé (10 957,70 euros), de sa prime de départ en retraite (56 000 euros) et du solde de la rémunération (2 538,47 euros) ;
- ces sommes lui sont incontestablement dues, notamment la prime de départ en retraite à propos de laquelle Mme [G], présidente de la Société SRD, indiquait expressément et sans équivoque, dans une lettre du novembre 2011, qu'elle ne remettait pas en cause son principe, mais souhaitait en différer le paiement d'un an - délai expiré le 4 novembre 2012, sans qu'un paiement soit intervenu.
Réponse de la cour :
Dans l'hypothèse où la cour accueillerait, ci-après, tout ou partie des demandes de M. [T], elle déterminera, pour chacune d'elles, si la société Kopiright est tenue à paiement, en plus de la société SRD.
C.2 Sur le solde du compte courant d'associé
M. [T] (pp. 92 à 94) demande la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde créditeur de son compte courant, en faisant valoir que :
- aucune erreur de comptabilité n'a été commise. Celle-ci a été validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes, sans qu'aucune critique ait été formulée jusqu'à aujourd'hui. Il n'est pas intervenu dans l'établissement de ces écritures comptables ;
- ce n'est pas par « erreur » qu'apparaît sur son compte courant la somme de 17 135,05 euros au débit et celle de 34 174,39 euros au crédit ;
- ces écritures comptables ne sont pas le fruit de son fait unilatéral. Au moment où les travaux du bilan comptable ont été réalisés (à compter de novembre 2011), il avait quitté la société SRD ;
- subsidiairement, la demande en paiement formée à ce titre par la société SRD est irrecevable, car prescrite.
Les sociétés appelantes demandent (pp. 48 à 50) la condamnation de M. [T] au paiement de la somme de 7 707 euros, estimant qu'en réalité, après « retraitements » des écritures comptables indûment portées sur ce compte courant (v. le détail pp. 48-49 de leurs conclusions), le solde de ce compte est débiteur de 7 707 euros, et non créditeur de 10 957,70 euros. En effet, les frais supportés au titre du litige [O] et [V] aurait dû rester à la charge de M. [T], la clause de la transaction relative à la conservation des frais par chacune des parties ne pouvant lui bénéficier. C'est dès lors à tort que M. [T] s'est fait rembourser des honoraires qui étaient à sa charge, comme le démontre l'analyse des écritures comptables qui sont le fait de M. [T], lequel avait gardé la main sur la comptabilité jusqu'à la fin de son mandat social. Les erreurs commises dans les écritures comptables doivent être « retraitées » dans le compte courant.
Elles ajoutent qu'à supposer que la demande de remboursement du compte courant soit irrecevable, comme prescrite, la demande de M. [T] doit être rejetée, celui-ci n'étant pas créancier de la société SRD au titre de son compte courant.
Réponse de la cour :
Il ressort de leurs conclusions respectives que les parties forment des « demandes croisées » concernant le solde du compte courant ouvert par M. [T] dans les livres de la société SRD.
Au préalable, il convient de relever que si, M. [T] soutient, dans les motifs de ses conclusions, que cette demande de la société SRD est irrecevable, car prescrite, le dispositif desdites écritures, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne contient aucun chef demandant l'irrecevabilité de cette demande.
La cour n'ayant donc pas été régulièrement saisie de cette fin de non-recevoir, elle n'a pas à statuer sur ce point.
Sur le fond, alors que les sociétés appelantes avaient déjà soulevé une argumentation similaire devant l'expert judiciaire, celui-ci n'a retrouvé trace d'aucune des prétendues instructions données par M. [T], selon ces sociétés, et c'est toujours sans produire la moindre pièce à l'appui de leurs assertions que ces sociétés affirment qu'après la cession des parts de la société SRD, M. [T] aurait gardé la maîtrise de la comptabilité jusqu'à la fin de son mandat social et indûment porté diverses écritures comptables sur son compte courant. Et tel qu'exposé ci-dessus à propos du litige [O] et [V], il a été tenu compte de la décision arrêtée par la cour sur chef de demande dans l'évaluation des conséquences financières liées à ce litige.
Dès lors, c'est exactement que les premiers juges ont tenu compte du montant du compte courant tel qu'il figure dans les comptes sociaux arrêtés au 30 septembre 2011, dûment examinés par l'expert judiciaire, desquels il résulte que ce compte est créditeur de la somme de 10 957,70 euros.
Il en résulte, d'un côté, que la société SRD doit être déboutée de sa demande en remboursement du compte courant, celui-ci n'étant pas débiteur contrairement à ce qu'elle prétend.
De l'autre, s'agissant de la demande formée par M. [T], il convient de relever que, dans le dispositif de ses conclusions (p. 108), celui-ci demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au paiement de cette somme.
Cependant, ainsi que le soutiennent à bon droit les appelantes, seule la société dans les comptes de laquelle a été ouvert un compte courant d'associé est débitrice de la créance de remboursement née du solde créditeur de ce compte, dès lors que ce dernier s'analyse en un prêt consenti par l'associé à la société.
Par conséquent, à l'inverse de ce qu'ont estimé les premiers juges, seule la société SRD, au sein de laquelle le compte courant de M. [T] a été ouvert, peut être condamnée au paiement de la somme de 10 957,70 euros, au titre du solde créditeur de ce compte, à l'exclusion de la société Kopiright, qui n'est que l'associé de la société SRD.
Enfin, dans le dispositif de ses conclusions d'appel (p. 110), M. [T] demande uniquement à l'égard de la société Kopiright que la condamnation prononcée à ce titre soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011. Aucune condamnation n'étant toutefois prononcée contre cette société de ce chef, cette demande d'intérêts ne peut qu'être rejetée.
C.3 Sur la rémunération de M. [T] de mois d'octobre 2011
M. [T] (pp. 94-95) :
- soutient que la demande de remboursement d'un trop-perçu de salaire formée par la société SRD est irrecevable, pour être prescrite en ce qu'elle a été formée pour la première fois par des conclusions du 18 mars 2015, et en tout cas mal fondée ;
- et il demande la confirmation du jugement qui a condamné « in solidum » les sociétés appelantes à lui payer la somme de 2 538,47 euros à titre de solde restant dû sur sa rémunération d'octobre 2011. Il fait valoir qu'aucune confusion n'est opérée entre les montants net et brut de sa rémunération. Compte tenu de sa rémunération brute, contractuellement convenue dans le protocole de cession, et de sa prime de 13e mois, payable par moitié en octobre, et déduction faite de la somme de 9 000 euros que lui a déjà payée la société SRD, il lui reste dû un solde de rémunération.
La société SRD :
- demande la condamnation de M. [T] au paiement d'un trop-perçu de 1 201,01 euros à ce titre, en soutenant (pp. 50-51) que l'intéressé opère une confusion entre les montants brut et net de sa rémunération. Sa rémunération mensuelle brute étant de 7 692,31 euros, le montant net de celle-ci et de la moitié de son indemnité de 13e mois s'élevait à 7 798,99 euros en octobre 2011. Or, à cette date, M. [T] a reçu une avance sur salaire de 9 000 euros, ce qu'il reconnaît, et il s'agit d'un montant net. Le trop-perçu s'élève donc à 1 201,01 euros ;
- et si sa demande de reversement du trop-perçu de salaire est irrecevable comme prescrite, M. [T] doit être débouté de sa demande à ce titre, puisqu'il a été rempli de ses droits par le versement d'un montant supérieur à celui qui lui était dû.
Réponse de la cour :
Là encore, les parties forment des « demandes croisées » qui seront successivement examinées.
A titre liminaire, la cour relève, là encore, que, dans le dispositif de ces conclusions d'appel, M. [T] ne demande pas que la demande formée à ce titre par la société SRD soit déclarée irrecevable, pour cause de prescription. La cour n'est donc pas saisie de cette fin de non-recevoir, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur le fond, il importe d'observer qu'est uniquement en cause la rémunération du mois d'octobre 2011.
A la lecture de leurs conclusions respectives, les parties coïncident sur les points suivants :
- en octobre 2011, la rémunération mensuelle brute due à M. [T] s'élevait à 7 692,31 euros ;
- la prime de 13e mois due à M. [T] était payable en deux mois, dont une moitié à verser en octobre, donc en particulier en octobre 2011 ;
- et en octobre 2011, la société SRD à payer à M. [T] la somme de 9 000 euros.
La société SRD verse aux débats le bulletin de paie de M. [T] du mois d'octobre 2011, qui inclut le paiement de son salaire mensuel et de sa prime de 13e mois, mais manifestement pas pour les bons montants bruts, puisqu'il y est indiqué un salaire brut de 6 712,24 euros seulement, et une prime brute de 13e mois calculée sur cette base erronée, soit 3 356,12 euros (cf. pièce n° 61 des appelantes). Or, cette société reconnaît devoir une rémunération brute représentant la somme de :
7 692,31(salaire brut) + 3 846,16 (prime de 13e mois brute) = 11 538,47 euros bruts.
La somme de 9 000 euros effectivement perçue par M. [T] était nécessairement un montant net de tous impôts et cotisations obligatoires.
Cependant, bien qu'il lui incombe, en sa qualité de demandeur au paiement d'un complément de rémunération, de rapporter la preuve qu'il resterait créancier d'un solde à ce titre, M. [T] ne précise pas le montant net correspondant à la rémunération brute de 11 538,47 euros qui lui était due, ni ne fournit d'élément permettant de calculer ce montant net. Dans ces conditions, puisqu'il échoue à démontrer qu'un complément de rémunération lui serait dû, sa demande en paiement à ce titre sera rejetée.
Le jugement qui, pour prononcer une condamnation au profit de M. [T], a déduit une somme nette d'un montant brut de rémunération, ne peut donc qu'être infirmé de ce chef.
Réciproquement, alors qu'elle est demanderesse au remboursement prétendu d'un trop-perçu de rémunération par M. [T], la société SRD ne produit aucun élément permettant d'établir que le versement de la somme nette de 9 000 euros aurait excédé la valeur nette correspondant à la somme de 11 538,47 euros bruts due à M. [T] a titre de sa rémunération totale d'octobre 2011. Par conséquent, cette société doit être déboutée de sa demande à ce titre.
C.4 Sur la prime de départ en retraite
M. [T] (pp. 95 à 98) demande la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui payer la somme de 56 000 euros au titre d'une prime de retraite. Il soutient que :
- cette prime a été contractuellement convenue par le protocole de cession de la société SRD, de sorte qu'il est bien créancier de la société Kopiright à ce titre. Cette prime trouvant sa cause dans le protocole de cession de la société SRD, il ne s'agit donc pas d'une convention réglementée soumise à la procédure de contrôle de l'article L. 227-10 du code de commerce ;
- en outre, l'article L. 227-10 est inapplicable en l'espèce, et ce pour plusieurs raisons :
' ce texte s'applique uniquement dans les SAS, cependant qu'à la date où la prétendue « convention » a été conclue, la société SRD n'avait pas encore été transformée en SAS ;
' l'article L. 227-10 précité ne vise que les conventions courantes, à l'exclusion de celles qui auraient été conclues ou autorisées au cours d'exercices antérieurs dont l'exécution se poursuivrait après transformation du statut de la société en cause. Aucun texte n'impose une quelconque communication au commissaire au compte dans ce cas ;
' même en se plaçant à la date de la réalisation de l'opération, la « convention » en cause n'est pas une convention réglementée au sens de l'article L. 227-10, dès lors que, selon les statuts de la société SRD mis à jour lors de l'assemblée générale du 10 février 2011, les avantages particuliers relèvent d'une décision prise par la collectivité des associés, ce qui est précisément le cas en l'espèce. En effet, de l'aveu même de la société SRD, la décision portant sur la prime de départ en retraite résulte non d'une convention intervenue directement entre la société et son président, mais d'une décision collective des associés (une assemblée générale des actionnaires du 10 février 2011). Dans ce cas, il résulte de la jurisprudence qu'une telle décision ne relève pas des conventions réglementées visées par le texte précité (Com. 4 nov. 2014, n° 13-24889, publié) ;
' l'exercice comptable de la société SRD se clôture au 30 septembre de chaque année, de sorte que les conventions soumises au contrôle de l'article L. 227-10 font l'objet d'un rapport qui aurait dû être présenté à l'assemblée générale dans les six mois qui suivent cet exercice, soit en l'occurrence en janvier ou février 2012 (et non 2011). Or, à cette date, il n'était plus président de la société SRD, ayant cessé ses fonctions le 31 octobre 2011. Il ne peut donc lui être reproché aucun manquement au titre d'un mandat qu'il n'exerçait plus ;
' enfin, la mauvaise foi et la déloyauté de la société SRD sont d'autant plus manifestes que, dans une lettre du 4 novembre 2011, Mme [G] a reconnu le principe de la prime de départ en retraite. Par application du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la société SRD est donc mal fondée à remettre en cause le principe de la prime de départ en retraite convenue à son profit par le protocole de cession de la société SRD.
Les sociétés appelantes (pp. 51 à 52) font valoir que :
- cette demande doit être rejetée, M. [T] n'ayant pas respecté les obligations lui incombant au titre de la procédure des conventions réglementées. En effet, une telle prime, à caractère exceptionnel, doit nécessairement être soumise à la procédure de contrôle prévue par les dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce. Or, M. [T] n'a pas soumis la convention prévoyant sa prime de retraite, votée par une assemblée générale du 10 février 2011, à la procédure de contrôle prévue par l'article 19 des statuts de la société SRD, qui impose que les conventions réglementées soient portées à la connaissance du commissaire aux comptes dans un certain délai ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le texte précité n'était pas applicable, aux motifs que la société SRD n'était pas une SAS à la date du protocole de cession, alors qu'il convenait de se placer à la date de la réalisation effective de la cession pour apprécier la légalité de l'engagement au regard de la réglementation relative aux conventions réglementées. Selon l'article 5 du protocole de cession, la société SRD devait être transformée en SAS au plus tard à la date du « Closing », l'octroi d'une prime de retraite devant précisément être voté à l'occasion de la nomination de M. [T] en qualité de président de la SAS. Indépendamment des stipulations du protocole de cession, c'est bien dans le cadre de la SAS SRD (transformation en SAS votée le 10 février 2011) que la prime de retraite a été votée au bénéfice de l'intéressé.
- Réponse de la cour :
En premier lieu, l'article 5.2 du protocole de cession est rédigé comme suit :
« Le cédant, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte des actionnaires minoritaires et des administrateurs pour lesquels il se porte fort conformément aux dispositions de l'article 1120 du code civil, s'engage à faire usage de ses pouvoirs et droits de vote à l'effet de décider, dans les termes de textes des résolutions devant être préalablement agréés par le cessionnaire :
[...]
(ii) de nommer à compter de la même date [i.e. la date dite de closing, visée au (i)] le cédant en qualité de président, aux conditions suivantes :
[...]
b) prime de retraite : cinquante-six mille euros (56 000 EUR) brut en cas de départ à la retraite du cédant postérieurement à sa nomination (sauf révocation pour faute grave ou lourde [...] ou cessation des fonctions avant le délai prévu à l'article 7.1 du protocole.»
A supposer même qu'il faille interpréter les conclusions de M. [T] comme signifiant que l'obligation à paiement de la société Kopiright aurait pour origine une violation de ses engagements pris dans le protocole de cession, la cour relève qu'il ressort de la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société SRD du 10 février 2011 (cf. pièce n° 60 des appelantes), que la prime de retraite due à M. [T] a été votée exactement dans les mêmes termes que ce que prévoyait cet article 5 du protocole.
Dès lors, aucun manquement à ses obligations, telles qu'elles résultent du protocole, ne peut être imputé à la société Kopiright. Et celle-ci n'étant pas l'employeur débiteur de cette prime, elle ne peut être condamnée à la payer au profit de M. [T].
En second lieu, même en se plaçant à la date de la réalisation de la cession, soit au 11 février 2011, comme le demandent les appelantes, l'article L. 227-10 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, dispose que :
« Le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président, l'un de ses dirigeants, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3.
Les associés statuent sur ce rapport.
Les conventions non approuvées, produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société. »
Il en résulte que, à l'inverse de ce qui est prévu concernant les sociétés anonymes, la procédure de contrôle des conventions réglementées applicable dans les sociétés par actions simplifiée (SAS) - ce qu'est devenue la société SRD le 11 février 2011 -, prévoit uniquement un contrôle a posteriori de la convention en cause : celle-ci doit faire l'objet d'un rapport spécial du commissaire aux comptes (ou du président, en l'absence de commissaire aux comptes), et ce rapport doit ensuite être présenté aux associés ou actionnaires, qui vont autoriser ou non la convention, au vu de ce rapport.
Il a été jugé que, lorsque les statuts d'une SAS prévoient que la rémunération du président de la société par actions simplifiée doit être fixée par une décision collective des associés prise à la majorité simple, la procédure de contrôle des conventions conclues entre ce dernier et la société n'est pas applicable (Com. 4 nov. 2014, n° 13-24889, publié).
En l'occurrence, est en cause une prime de retraite, dont Mme [G], alors devenue présidente de la société SRD, a expressément indiqué, dans une lettre du 4 novembre 2011, ne pas remettre en cause le principe, souhaitant uniquement en différer le paiement (cf. la pièce n° 3 de l'intimé).
Deux analyses sont envisageables concernant cette prime.
Soit elle peut être regardée comme un complément de rémunération servi au président, M. [T] - ce qui a manifestement été l'analyse retenue par l'assemblée générale du 10 février 2011, puisque la quatrième résolution, concernant en particulier le vote sur l'octroi de sur cette prime, s'intitule « Fixation de la rémunération des dirigeants » -, auquel cas la règle jurisprudentielle ci-dessus énoncée est applicable.
Or, l'article 16.1.3 des statuts de la société SRD, dont se prévalent elles-mêmes les appelantes, stipule que « Le président peut percevoir une rémunération au titre de ses fonctions dont les modalités sont fixées soit par la décision de nomination soit par décision ordinaire de la collectivité des associés » et les associés ont approuvé l'octroi de cette prime à l'unanimité, lors de la première assemblée générale du 11 février 2011. La procédure de contrôle des conventions réglementées n'était donc pas applicable, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes.
Soit, à l'inverse, cette prime de retraite ne s'apparente pas à un complément de rémunération, auquel cas la convention qui la prévoit relève de la procédure de contrôle prévue par l'article L. 227-10 précité.
Or, même si cette procédure n'a pas été respectée en l'espèce, la convention dont s'agit n'est pas pour autant frappée de nullité, dès lors que le troisième alinéa de ce texte prévoit au contraire, dans ce cas de figure, que la convention produit néanmoins ses effets.
Dès lors, la société SRD, employeur de M. [T], doit exécuter cette convention, sans pouvoir s'y soustraire au prétexte que M. [T] aurait méconnu ses obligations légales et statutaires en ne soumettant pas la convention à la procédure de contrôle.
En conclusion, quelle que soit l'analyse juridique retenue à propos de cette prime de retraite, la société SRD, employeur de M. [T], en est seule débitrice, de sorte qu'elle seule donc être condamnée au paiement de la somme de 56 000 euros réclamée à ce titre. Le jugement entrepris, qui a condamné solidairement les sociétés appelantes de ce chef, sera donc infirmé.
Sur ce point encore, il sera rappelé que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [T] demande que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011, mais uniquement à l'égard de la société Kopiright, pourtant non condamnée de ce chef. Cette demande d'intérêts ne peut dès lors être accueillie.
C.5. Sur les demandes de M. [T] relatives aux contrats d'aides conclus avec l'organisme Oséo
C.5.a) Sur les demandes principales de « complément financier » de 65 880,90 euros au titre des deux premiers contrats, et de déduction de la somme de 29 248,70 euros de toute condamnation prononcée contre M. [T] au titre du troisième contrat :
M. [T] fait valoir (p. 98 à 104., point 11.5) ces éléments :
- à titre liminaire, sa demande est recevable
. En effet, si l'article 4.4 du protocole de cession fixe une date de paiement au titre du complément de prix, il ne prévoit cependant nullement qu'il s'agirait d'une échéance au terme de laquelle le cédant ne pourrait plus faire valoir ses droits. De plus, le fait générateur du complément de prix est postérieur à la date fixée dans cette clause. Enfin, la société Kopiright est d'autant moins fondée à invoquer une forclusion qu'elle a caché les informations qui auraient pu lui permettre de formaliser plus tôt une demande au titre d'un complément de prix ;
- sur le fond, et à titre principal, sa demande est fondée sur les dispositions de l'article 3.3 du protocole de cession. Sont rappelées les conditions de versement des avances remboursables, obtenues dans le cadre du projet Asicom, au titre de deux contrats (A0808007 N et A0808007 N CR). Nonobstant les prorogations de délais, ce projet a été « déclaré en constat d'échec ». Il en résulte que tout ou partie des avances remboursables, versées par Oséo, ont été transformées en subventions. Un troisième contrat (A0808007 N LM), conclu en 2009, octroyait une aide complémentaire qui a eu la même issue que les deux précédentes à raison du constat d'échec du programme Asicom. Les avances remboursables se sont également transformées en subventions non remboursables, à la suite de l'abandon de créances correspondant par Oséo. Cette « transformation » constitue, comme celles relatives aux deux autres contrats, une plus-value (de 29 248,70 euros) au profit du cessionnaire, dont il est fondé à demander qu'elle vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui ;
- en tant que de besoin, il fait sommation à la société SRD - qui n'a pas publié ses comptes annuels - de produire aux débats l'intégralité de ses comptes annuels, le détail de ses comptes, ainsi que sa liasse fiscale pour les quatre derniers exercices, ces pièces faisant nécessairement apparaître, sur un exercice ou sur un autre, ce qu'il est advenu des avances remboursables et donc leur transformation en subventions non remboursables ;
- l'organisme Oséo (devenu BPI France) a donné satisfaction à la société SRD, qui a bénéficié d'abandons de créances et donc d'une augmentation de son actif à concurrence de la somme de 146 328,64 euros. Ces abandons de créances ne lui ont pas bénéficié à lui, M. [T], que ce soit directement ou indirectement, « ce qui justifie d'ailleurs sa demande de complément de prix et, à tout le moins, la prise en compte de cette augmentation de l'actif de la société SRD » (p. 103, § 8) ;
- en conséquence, il est demandé la condamnation de la société Kopiright au paiement de la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier résultant de la transformation des deux avances remboursables versées concernant les deux premiers contrats, en vertu de l'article 3,3 du protocole de cession, et qu'il soit dit que la somme correspondant à la plus-value générée au titre du troisième contrat vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui.
Les sociétés appelantes s'opposent à ces demandes (p. 54 à 59), en faisant notamment valoir que :
- après l'échec du projet Asicom, les avances accordées par Oséo n'ont pas été transformées en subventions. Sur les trois contrats d'aides conclus avec Oséo, le 3e n'est pas visé par l'article 3.3 du protocole de cession. Pour chacun de ces contrats , un constat d'échec a été prononcé le 4 octobre 2013, de sorte qu'a été abandonnée la partie des avances remboursables subordonnée à la réussite du projet, en application des dispositions contractuelles. La société SRD a bien remboursé la partie du prêt qui, selon les contrats, était remboursable sans condition ;
- à l'époque des négociations avec la société Kopiright, M. [T] avait indiqué qu'au titre des deux premiers contrats, il pensait obtenir à la place un contrat de subvention, ce pourquoi il a souhaité intégrer, dans le protocole de cession, une clause de complément de prix. Cependant, Oséo n'ayant pas accepté de modifier les avances accordées en subventions, les contrats sont restés en l'état. C'est donc à tort qu'il est prétendu que, le projet ayant fait l'objet d'un constat d'échec, ces avances auraient été transformées en subventions non remboursables. Ce constat d'échec a seulement entraîné un abandon de créance de la part d'Oséo, conformément aux stipulations des contrats. Même si, fiscalement, les abandons de créances sont traités comme des subventions, ils ne sont juridiquement pas assimilables aux subventions. Les conditions de versement du complément de prix n'étant pas remplies, la demande de M. [T] doit être rejetée ;
- en tout état de cause, M. [T] est forclos pour agir, l'article 4.4 du protocole stipulant qu'aucun complément de prix n'est dû après le 15 mars 2013, alors que les décisions d'Oséo (devenu BPI) de procéder à des abandons de créance datent du 4 octobre 2013.
Réponse de la cour :
L'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010, situé dans le paragraphe intitulé « Prix de cession », est rédigé en ces termes :
« Le Prix pourra, le cas échéant, faire l'objet d'un complément financier (le « Complément ») selon les modalités suivantes.
Pour le cas où les avances remboursables versées à ce jour par OSEO et faisant l'objet des conventions A0808007 N laquelle a fait l'objet d'un avenant N°1 du 04/10/2010 et A0808007 N CR laquelle a fait l'objet d'un avenant N°1 du 06/10/2010 (les « Avances Remboursables ») étaient transformées en subventions non remboursables par la Société, le cessionnaire s'engage à verser à chaque cédant au prorata de la quote-part de capital social de la Cible qu'il aura cédé, un complément financier égal au montant desdites avances qui auront été transformées, net d'impôt sur les sociétés qui sera dû par la Cible de ce fait et de tous autres frais, droits d'enregistrement et/ou pénalités dus à ce titre afin que la transformation en subvention soit neutre financièrement pour le groupe constitué de la Cible et du Cessionnaire et ne se traduise pas par un appauvrissement pour l'un et/ou pour l'autre, sous réserve (i) que le Cédant puisse en justifier par des documents émanant d'OSEO et attestant de manière définitive que les sommes considérées ne sont plus dues et (ii) que cela n'affecte pas ou ne soit pas susceptible d'affecter de manière connexe et négative (autrement que par le fait même de la transformation en subvention) la valeur (étant précisé que le paiement du Complément ne pourra être considéré comme affectant la valeur de la Cible), l'activité ou les perspectives notamment contractuelles de la Cible ou du Cessionnaire.
En cas de désaccord éventuel sur le montant du Complément, ce désaccord sera réglé par un expert désigné par Monsieur le Président de la Compagnie Régional des Commissaires aux Comptes dont relève la Cible, à la requête de la partie la plus diligente, ledit expert agissant en qualité de mandataire commun des Parties. »
Quant à l'article 4.4 du protocole, situé dans le paragraphe « modalités de paiement », il stipule que :
« Le Complément, s'il est dû, sera payé en une fois et en totalité le 15 mars 2013. »
En premier lieu, la cour estime, à l'inverse des premiers juges, qu'il ne résulte pas de la rédaction de cet article 4.4 que l'intention des parties fût de limiter dans le temps, jusqu'au 15 mars 2013, toute demande en paiement du complément de prix, et ce pour tous les événements, y compris ceux qui surviendraient postérieurement à l'acte de cession, à peine de forclusion de cette demande.
En second lieu, les parties divergent, une fois encore, sur l'interprétation du contrat, en l'occurrence sur le sens de l'article 3.3. L'interprétation de cette clause doit s'effectuer à la lumière du contexte ayant présidé à sa rédaction, tel qu'il ressort des pièces versées aux débats.
Au vu de ces pièces, il est acquis qu'avant sa cession à la société Kopiright, la société SRD a bénéficié de trois aides financières à l'innovation versées par l'organisme Oséo, dans le cadre du programme dit « Asicom », en exécution de trois contrats :
- deux contrats du 20 janvier 2009 (A0808007 N et A0808007 N CR) ont prévu, chacun, le versement d'une aide de 152 000 euros, payable en plusieurs tranches au vu de justificatifs d'avancement du projet, chaque contrat spécifiant sans aucune ambiguïté que, sur cette somme-là, 82 000 euros seraient remboursables en tout état de cause, c'est-à-dire même en cas d'échec du programme (cf. l'article 4.3 du premier contrat et l'article 3.3. du deuxième) ;
- et un troisième contrat du 2 février 2009 (A0808007 N LM), portant sur une aide de 76 000 euros, prévoyait un dispositif similaire : sur cette somme-ci, 41 000 euros étaient remboursables en tout état de cause, soit y compris en cas d'échec du projet (cf. l'article 3.4) ;
Dans un courriel du 9 novembre 2010, donc au moment des négociations préalables à la conclusion du protocole de cession contenant l'article 3.3 litigieux, M. [T] a indiqué à Mme [G], de la société Kopiright, que le projet Asicom se terminait en juin 2011 et que « si celui-ci n'était pas commercialisé en tant que tel, donc pas de CA généré, nous n'avons pas à rembourser les avances remboursables, 'clause du contrat.' De plus, je me fais fort d'avoir l'information officiel[le] de transformer l'avance remboursable en subvention pour partie, concernant la région, selon l'information qui m'a été communiquée » (cf. pièce n° 72 des appelantes). Dans un courriel ultérieur du 30 juin 2011, il évoquait encore le financement du projet Asicom en ces termes : « Oséo va étudier notre dossier au regard des avances remboursables reçues par rapport à ce qui avait été accordé et notre demande de transformer ce qui peut l'être en subvention. De plus, étant donné que le projet restera en l'état d'un prototype et ne pourra donc être commercialisé, on établira alors un constat d'échec, pour ne rembourser alors que le 'RFM'. » (cf. pièce n° 71 des appelantes).
Il ressort de ces écrits que l'intention de M. [T] était de parvenir à obtenir de l'organisme Oséo qu'en définitive, et contrairement à ce que stipulaient les trois contrats en cause, la société SDR ne soit pas obligée de rembourser la partie des aides normalement remboursable « en tout état de cause », en faisant en sorte que ces aides deviennent des subventions non remboursables.
L'article 3.3 précité signifie dès lors que c'est seulement dans l'hypothèse où M. [T], cédant, serait parvenu à obtenir la transformation des aides remboursables en subventions non remboursables que la société Kopiritght serait tenue de lui verser un complément de prix.
Or, il ressort des lettres de constat d'échec établies le 4 octobre 2013 par l'organisme BPI, venant aux droits d'Oséo, que M. [T] n'a pas atteint cet objectif, puisque, en application des clauses des contrats précités, cet organisme a demandé à la société SDR de lui payer la part des aides remboursables en tout état de cause, soit 68 575,39 euros au titre des deux premiers contrats et 34 287,70 euros au titre du troisième (cf. pièces n° 73, 74 et 75 des appelantes), ce que la société SRD a d'ailleurs fait (cf. pièce n° 76 des appelantes), sans que cela soit contesté par M. [T].
Par conséquent, outre la circonstance que le troisième contrat d'aide n'est pas visé par l'article 3.3 précité, il s'avère, en tout état de cause, que la « transformation des avances remboursables en subventions non remboursables », qui conditionnait l'application de cette clause, ne s'est pas opérée. En conséquence, doit être rejetée la demande de M. [T] tendant au versement d'un complément de prix, en application de cette clause.
Enfin, concernant le troisième contrat (A0808007 N LM), non expressément visé par l'article 3.3. du protocole, la cour observe que les « abandons de créance » mentionnés par l'organisme BPI dans ses lettres de constat d'échec du projet Asicom (cf. les pièces n° 73, 74 et 75 précitées), correspondent en réalité à la partie des aides remboursables par la société SRD en cas d'échec du projet, selon les stipulations mêmes des contrats en cause, en ce inclus le troisième. Ces abandons de créances ne sauraient, dès lors, s'analyser en des « aides qui constituent comptablement un produit exceptionnel et donc une augmentation de l'actif », caractérisant une « plus-value » de 29 248,70 euros, comme le soutient à tort M. [T].
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T] tendant au paiement de la somme de 65 880,90 euros au titre d'un complément de prix, à la production sous astreinte des comptes annuels et de la liasse fiscale de la société SRD et à ce qu'il soit dit que la somme de 29 248,70 euros, correspondant à la plus-value, inexistante, générée par la « transformation d'une avance remboursable complémentaire » au titre du troisième contrat (N LM), vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui.
C.5.b) Sur la demande subsidiaire de déduction de la somme de 146 328,64 euros de toute condamnation prononcée contre M. [T]
M. [T] soutient (p. 104) que les abandons de créances consentis par l'organisme BPI constituent, au profit du cessionnaire, une plus-value devant venir en déduction de toute condamnation prononcée à contre lui au titre de la garantie. Il réfute l'application de l'article 6.3.12 de la convention de garantie, invoqué par les appelantes pour s'opposer à sa demande, au motif que la date du fait générateur est contestable et que le délai fixé par la convention ne s'applique pas aux avances remboursables.
Les sociétés appelantes (p. 59) rétorquent que la déduction demandée est expressément exclue par l'article 6.3.12 de la convention de garantie. En outre, le mécanisme de compensation prévu par cette clause suppose que les accroissements d'actif et les diminutions de passif aient une cause ou une origine antérieure au 30 septembre 2010, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le fait générateur du non-remboursement partiel des avances étant le constat d'échec du 4 octobre 2013.
Réponse de la cour :
D'une part, l'article 6.3.12 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Les accroissements de passif et les diminutions d'actif devront être compensés avec les accroissements d'actif et les diminutions de passif éventuels ayant un impact immédiat sur la trésorerie de la société (compte 511 à 533 du plan comptable général) à l'exception de ceux consécutifs à toute modification (e.g. transformation en subvention) des avances remboursables relatives aux contrats figurant en Annexe 5.27, de façon à ne retenir que le solde net, sous la condition que les accroissements de passif et les diminutions d'actif aient une cause ou une origine antérieure au 30 septembre 2010. [...] »
Les « plus-values » qui, selon les propres affirmations de M. [T], auraient été engendrées par les abandons de créances consentis par l'organisme Oséo, devenu BPI, sont intervenus le 4 octobre 2013. Leur cause ou origine est donc postérieure au 30 septembre 2010. Dès lors, la demande de M. [T] tendant à ce que le montant total de ces abandons de créance soit déduit de toute condamnation prononcée à son égard ne peut prospérer.
En tout état de cause, tel qu'il a été exposé précédemment concernant l'examen de la demande principale de déduction formée concernant le troisième contrat, les « abandons de créances » consentis par l'organisme BPI en octobre 2013 résultent de la simple application des trois contrats d'aides conclus entre l'organisme Oséo et la société SRD, ces contrats dispensant celle-ci de l'obligation de rembourser une partie des aides reçues en cas d'échec du projet Asicom - échec dûment constaté le 4 octobre 2013. Ces abandons de créances ne sauraient donc s'analyser en des plus-values en faveur de la société Kopiright, cessionnaire.
Le jugement, qui a rejeté ce chef de demande, sera donc confirmé sur ce point.
C.6. Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
M. [T] demande (p. 105) la confirmation du jugement en ce qu'il a admis le principe d'une indemnisation de son préjudice moral, mais son infirmation en ce qu'il a limité le quantum de cette indemnisation à 20 000 euros. Il réclame la somme de 80 000 euros.
Les sociétés appelantes font valoir (pp. 52-53) que la motivation du jugement ne justifie pas l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral au profit de M. [T]. En effet, la longueur de la procédure ne leur est pas imputable. Il ne saurait leur être reproché d'avoir contesté la régularité des opérations d'expertise, ni de s'être d'abord opposées à la production de l'audit de pré-acquisition, initialement refusée par le jugement du 3 décembre 2013, ni d'avoir voulu faire réduire la valeur de la société SRD, alors qu'il s'agissait simplement de faire usage de la garantie contractuelle souscrite par M. [T], sans abus. M. [T] ne caractérise ni ne justifie du préjudice qu'il allègue.
Réponse de la cour :
La circonstance que les sociétés appelantes triomphent pour partie en leurs demandes, et plus encore en appel, suffit à démontrer qu'elles n'ont commis d'abus ni dans leur droit d'ester en justice ni dans la mise en oeuvre de la garantie à première demande. M. [T] n'établit donc pas la mauvaise foi ou la déloyauté qu'il impute aux sociétés Kopiright et SRD.
Au surplus, à supposer que M. [T] reprenne implicitement à son compte les motifs du jugement entrepris, la cour estime que c'est à tort que les premiers juges ont imputé la longueur de la procédure à faute de la seule société Kopiright dans les motifs du jugement (p. 26) mais, implicitement, des deux sociétés appelantes dans le dispositif de leur jugement qui condamne ces deux sociétés de ce chef (p. 29). En effet, la durée de la procédure a pour origine la complexité des appréciations comptables nécessaires à la compréhension du litige, laquelle a justifié l'organisation d'une expertise et le recours à un sapiteur, et au cours de l'exécution cette mesure, les sociétés appelantes se sont défendues sans qu'il soit établi que cette défense aurait dégénéré en abus, au vu des dires qu'elles ont communiqués en cours d'expertise.
La demande indemnitaire de M. [T] sera par conséquent rejetée, par voie de réformation du jugement entrepris.
D- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chacune d'elles succombant partiellement dans ses prétentions, les parties conserveront la charge de leurs dépens, à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié entre elles.
Les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le jugement entrepris, qui a condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, sera donc infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme le jugement enrepris en ce qu'il :
' déboute la société Kopiright de sa demande de sursis à statuer sur les demandes formées par M. [T] ;
' déclare M. [T] recevable en toutes ses pièces ;
' constate que M. [T] a manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie d'actif net octroyée ;
' déboute M. [T] de sa demande de condamnation de la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros, à titre de complément financier ;
' déboute M. [T] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos des années 2011 à 2014 ;
' déboute M. [T] de sa demande tendant à dire que la somme de 29 248,70 vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui ;
' déboute M. [T] de sa demande subsidiaire tenant à voir déduire la somme de 146 328,64 euros de toute condamnation prononcée contre lui ;
' déboute la société SRD de sa demande subsidiaire de compensation entre la somme au paiement de laquelle elle serait condamnée et les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par un jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
' déboute la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée contre M. [T] ;
- L'infirme sur le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;
Et statuant à nouveau :
- REJETTE la demande de la société Kopiright tendant à la mise en oeuvre de la garantie d'actif conclu avec M. [T] concernant les postes de préjudice suivants :
' la perte de clients ;
' la production immobilisée au titre de la solution MC Direct V1 et du projet Asicom ;
' la situation financière dégradée ;
' les droits de propriété intellectuelle ;
' l'encours [A] ;
- DIT qu'en exécution de la convention de garantie d'actif net conclue entre M. [T] et la société Kopiright, M. [T] doit sa garantie à la société Kopiright à concurrence des sommes suivantes :
' 52 938 euros au titre de la production immobilisée concernant le projet MC Direct V3 ;
' 89 115,06 (montant de l'indemnité transactionnelle allouée) et 36 490,32 euros (frais liés à cette transaction) au titre du litige survenu avec le client [O] et [V] ;
' 6 430,15 euros au titre des factures non payées et avoirs ;
' 2 500 euros au titre du litige survenu avec le client Le Nouvel Observateur ;
' 18 500 euros au titre de la situation liée au salarié M. [C] ;
' 16 360 euros au titre du contrôle fiscal ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant à la restitution de la somme de 85 000 euros perçue par la société Kopiright en exécution de la garantie à première demande ;
- CONDAMNE M. [T] à payer à la société Kopiright la somme totale de 137 333,53 euros en exécution de la convention de garantie, déduction faite de la somme de 85 000 euros déjà perçue en exécution de la garantie à première demande ;
- REJETTE la demande de la société Kopiright tendant à ce que la condamnation prononcée contre M. [T] en exécution de la convention de garantie d'actif net soit assortie des intérêts au taux de 5 % à compter du 26 mars « 2021 », voire du 26 mars 2012 ;
- REJETTE la demande en remboursement d'un solde débiteur du compte courant de M. [T] formée par la société SRD ;
- CONDAMNE la société SRD à payer à M. [T] la somme de 10 957,70 euros, au titre du solde créditeur de son compte courant ;
- REJETTE les demandes de M. [T] tendant à la condamnation de la société Kopiright au paiement du solde créditeur de son compte courant et, en conséquence, à ce que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant au paiement d'un complément de rémunération au titre du mois d'octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de la société SRD tendant à la restitution d'un trop-perçu au titre de la rémunération due à M. [T] au titre du mois d'octobre 2011 ;
- CONDAMNE la société SRD à payer à M. [T] la somme de 56 000 euros à titre de prime de retraite ;
- REJETTE les demandes de M. [T] tendant à la condamnation de la société Kopiright à lui payer une prime de retraite et, en conséquence, à ce que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant à la condamnation des sociétés Kopiright et SRD au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel, à l'exception des honoraires de l'expert judiciaire qui seront partagés par moitié entre, d'un côté, les sociétés Kopiright et SRD, de l'autre, M. [T] ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 07/12/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/06236 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAAA
Jugement (N° 2015016567) rendu le 02 novembre 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTES
SAS Kopiright Managed Solutions France, prise en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
SAS Service Recherche Développement, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social, [Adresse 2]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Philippe Larivière, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 6]
de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assisté de Me Frédéric Cavedon, avocat au barreau de Bordeaux, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 28 septembre 2023 tenue en double rapporteur après accord des parties par Stéphanie Barbot et Clotilde Vanhove, et après rapport oral de l'affaire par Stéphanie Barbot
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 décembre 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 février 2023
****
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Service recherche développement (la société SRD), dont M. [T] était l'associé majoritaire et le président directeur général, exerce une activité de développement de solutions informations (progiciels) destinées à la gestion de l'activité de vente à distance et de e-commerce de ses clients.
La société SRD et la société Kopiright Managed Solutions France (la société Kopiright) se sont rapprochées en vue de la cession de la première au profit de la seconde.
Le 17 décembre 2010, les parties ont conclu un protocole d'accord prévoyant :
- la cession, sous diverses conditions suspensives, de l'intégralité du capital social de la société SRD au profit de la société Kopiright pour le prix de 788 000 euros ;
- une convention de garantie d'actif net (article 2.3.1), destinée à garantir le cessionnaire contre toute diminution d'actif et/ou d'augmentation de passif dont l'origine serait antérieure à la réalisation de la cession ;
- et le maintien de M. [T] dans ses fonctions de dirigeant jusqu'au 30 septembre 2011, afin de mener une mission d'accompagnement.
Par un acte du 11 février 2011, la société Kopiright a acquis la totalité des actions de la Société SRD.
Par un acte du même jour, M. [T] a souscrit au bénéfice de la société Kopiright une convention de garantie d'actif net, plafonnée à 425 000 euros.
Par un acte séparé, M. [T] a consenti à la société Kopiright une garantie bancaire à première demande d'un montant de 85 000 euros, afin de garantir la bonne exécution du paiement des sommes susceptibles d'être mises à sa charge en exécution de la convention de garantie.
M. [T] a été le dirigeant de la société SRD jusqu'au 31 octobre 2011, son mandat, qui expirait contractuellement le 30 septembre 2011, ayant été renouvelé sur décision de la société Kopiright, associée unique de la société SRD.
Par une première lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 novembre 2011, la société Kopiright a informé M. [T] de faits susceptibles d'entraîner la mise en jeu de la garantie.
Le 29 novembre 2011, le conseil de M. [T] a opposé au cessionnaire le caractère imprécis de sa lettre au regard des exigences contractuelles et l'a mis en demeure de lui payer diverses sommes au titre du solde créditeur de son compte courant, de son indemnité de départ en retraite, de sa rémunération d'octobre 2011 et de sa prime de 13e mois.
Par une deuxième lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 décembre 2011, la société Kopiright a, conformément à l'article 7.5 de la convention de garantie, informé M. [T] de son intention de mettre en oeuvre la garantie, en détaillant l'objet et le calcul de sa réclamation, et en faisant état d'un préjudice évalué à 612 254,18 euros.
Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 janvier 2012, M. [T], contestant les griefs invoqués, s'est opposé à cette demande.
Le 26 mars 2012, la société Kopiright a activé la garantie à première demande et demandé à la banque le paiement de la somme de 85 000 euros (article 7.4 de la convention).
Par une troisième lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 janvier 2013, la société Kopiright a activé la garantie d'actif en faisant état d'un préjudice supplémentaire de 172 230,02 euros.
Par une lettre du 5 février 2013, M. [T] s'est opposé à cette nouvelle demande, sauf à accepter de payer la somme de 2 500 euros.
Le 7 mai 2023, la société Kopiright a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Lille métropole, afin d'obtenir le paiement de la somme principale de 340 000 euros, correspondant au montant du plafond de la garantie (425 000 euros), déduction faite de la somme de versée en exécution de garantie bancaire (85 000 euros).
Le 18 juin 2014, M. [T] a assigné en intervention forcée la société SRD.
Le 7 octobre 2014, le tribunal a ordonné la jonction de ces deux instances.
A titre reconventionnel, M. [T] a demandé la condamnation solidaire des sociétés Kopiright et SRD à lui payer des sommes au titre de son compte courant d'associé créditeur, de l'indemnité contractuelle de départ en retraite et du solde de sa rémunération et de son indemnité de 13e mois du mois d'octobre 2011, outre des dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par un jugement du 22 mars 2016, le tribunal a ordonné, avant dire droit, une expertise comptable.
L'expert, M. [M], a déposé son rapport le 17 septembre 2018.
Par jugement du 2 novembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
In limine litis
- Débouté la société Kopiright de sa demande d'annulation du rapport d'expertise pour violation du principe du contradictoire,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de résiliation de la mesure d'expertise complémentaire,
- Débouté la société SRD de sa demande de sursis à statuer sur les demandes formées à son encontre par M. [T] au titre du remboursement de ses comptes courant d'associés, de sa prime de départ à la retraite et du solde de sa rémunération dans l'attente de l'issue de l'instance pénale pendante devant la cour d'appel à la suite du jugement rendu par le tribunal correctionnel le 25 septembre 2020 ;
A titre principal :
- Déclaré M. [T] recevable en toutes ses pièces,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390,42 euros,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T], en application des dispositions contractuelles de la convention de garantie d'actif net, à lui verser la somme de 340 000 euros,
- Constaté que M. [T] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée,
- Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros et condamné M. [T], en application des dispositions contractuelles de la convention de garantie, à payer cette somme à la société Kopiright ,
- Dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par M. [T] porterait intérêt au taux de 5 % à défaut de paiement dans les 30 jours à compter de la notification par la société Kopiright de son exigibilité en application des stipulations de la convention ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. [T] :
- Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros assortie des intérêts au taux de 5 % à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande et Ordonné la compensation entre cette condamnation et le montant du préjudice global dû par M. [T] à la société Kopiright correspondant à 8 799,49 euros, assorti des intérêts au taux de 5 % à défaut de paiement dans les 30 jours à compter de la notification par la société Kopiright de son exigibilité en application des stipulations de la convention,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société SRD,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime retraite contractuellement convenue et de 2 538,47 euros au titre du solde de sa rémunération,
- Débouté M. [T] de sa demande de condamner la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû à raison de la transformation des deux avances remboursables versées par la société OSEO dans le cadre du projet ASICOM (contrats n° A0808007 N et n° A 0808007 N CR) et transformées en subventions non remboursables et ce, en vertu des dispositions de l'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010,
- Débouté M. [T] de sa demande d'ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos au 30/09/2011, 30/09/2012, 30/09/2013 et 30/09/2014,
- Débouté M. [T] de sa demande de dire que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright à raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par la société Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrat n° A 0808007 N LM) et transformée en subvention non remboursable, viendra en déduction de toute condamnation éventuelle, qui, par extraordinaire, serait prononcée contre M. [T],
- Débouté M. [T] de sa demande subsidiaire [tendant à ce que soit déduite de toute condamnation prononcée contre lui la somme de 146 328,64 euros, au titre d'abandons de créances consentis au titre des trois contrats précités] ;
Sur la demande subsidiaire de la société SRD :
- Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer à M. [T] une quelconque somme, la compensation avec les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020,
Sur les demandes reconventionnelles de la société SRD :
- Débouté la société SRD de ses deux demandes reconventionnelles [i.e. celles formées au titre du solde débiteur du compte courant de M. [T] et d'un trop-perçu de rémunération concernant le mois d'octobre 2011] ;
En tout état de cause :
- Débouté la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Ce jugement a été signifié aux parties le 16 novembre 2021.
Les sociétés Kopiright et SRD en ont relevé appel par une première déclaration du 14 décembre 2021 (RG n° 21/06236), rectifiée par une deuxième déclaration du 15 décembre 2021 (RG n° 21/06246) et une troisième déclaration du 14 mars 2022 (RG n° 22/01251).
Le 29 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a, d'une part, ordonné la jonction des procédures numérotées RG 21/6246 et RG 22/01251 sous le numéro 21/6246, d'autre part, ordonné la jonction des procédures n° RG 21/6236 et 21/6246 sous le numéro 21/6236.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
' Par leurs dernières conclusions signifiées le 17 février 2023, les sociétés Kopiright et SRD demandent à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil,
Vu la convention de garantie du 11 février 2011,
' réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté la société Kopiright de sa demande d'ordonner la réalisation d'une mesure d'expertise complémentaire,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390,42 euros,
- Débouté la société Kopiright de sa demande tendant à voir condamner M. [T] à lui payer la somme de 340 000 euros au titre de des dispositions contractuelles de la convention de garantie d'actif net,
- Constaté que M. [T] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée,
- Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros,
- Condamné M. [T], en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme de 8 799,49 euros,
- Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros, outre les intérêts, et ordonné la compensation entre cette condamnation et le montant du préjudice global dû par M. [T] à la société Kopiright (8.799,49 euros, outre les intérêts),
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ouvert dans les livres de la société SRD,
- Condamné solidairement ces sociétés à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime retraite contractuellement convenue et 2538,47 euros au titre du solde de sa rémunération,
- Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer à M. [T] une quelconque somme, la compensation avec les sommes dues par celui-ci au titre de sa condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020,
- Débouté la société SRD de ses demandes reconventionnelles,
- Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T] à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, celle de 35 000 euros à titre d'indemnité procédurale et les dépens ;
' confirmer le jugement entrepris pour le surplus et débouter M. [T] de ses demandes incidentes,
' Y AJOUTANT :
- écarter les développements du rapport d'expertise judiciaire en ce qu'ils se réfèrent à l'audit de pré-acquisition réalisé par la société Kopiright, non débattu contradictoirement dans le cadre des opérations d'expertise ;
- écarter les conclusions du rapport d'expertise judiciaire, incomplètes et erronées, concernant les montants immobilisés dans les comptes de la société SRD au 30 septembre 2010 et les frais exposés par la société SRD dans le cadre du litige « [O] » ;
- condamner M. [T], en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme principale de 340 000 euros, outre les intérêts au taux de 5% à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande par cette société ;
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société Kopiright ;
- condamner M. [T] à payer à la société Kopiright la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] à payer à la société SRD :
* la somme de 7 707 euros au titre de la régularisation de la situation débitrice de son compte courant ;
* la somme de 1 201,01 euros en restitution du trop-perçu sur sa rémunération d'octobre 2011 et son 13e mois payable par moitié fin octobre 2011 ;
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes formées contre la société SRD ;
- condamner M. [T] à payer à la société SRD la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [T] aux dépens de première instance et d'appel.
' Dans ses conclusions récapitulatives du 23 février 2023, M. [T] demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivants du code civil,
Vu la convention de garantie d'actif net du 11 février 2011,
- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, y faire droit et, en conséquence, débouter les sociétés Kopiright et SRD de l'ensemble de leurs demandes ;
- CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :
In limine litis
o Débouté la société Kopiright en sa demande de prononcer la nullité du rapport d'expertise pour violation du principe du contradictoire ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande d'ordonner la réalisation d'une mesure d'expertise complémentaire ;
o Débouté la société SRD de sa demande de sursis à statuer sur les demandes de M. [T] à son encontre au titre du remboursement de ses comptes courant d'associés, de sa prime de départ à la retraite et du solde de sa rémunération dans l'attente de l'issue de l'instance pénale pendante devant la cour d'appel en suite du jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
A titre principal
o Déclaré M. [T] recevable en toutes ses pièces ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande de constater que son préjudice global s'élève à 942 390, 42 euros ;
o Débouté la société Kopiright de sa demande de condamner M. [T], en application de la convention de garantie d'actif net, à lui verser la somme de 340 000 euros ;
Sur les demandes reconventionnelles de M. [T],
o Condamné la société Kopiright à restituer à M. [T] la somme de 85 000 euros, outre les intérêts ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde de son compte courant d'associé ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD à payer à M. [T] les sommes de 56 000 euros au titre de la prime de retraite contractuelle et 2 538,47 euros au titre du solde de sa rémunération restant dû ;
Sur la demande subsidiaire de la société SRD
o Débouté la société SRD de sa demande d'ordonner, si elle était condamnée, la compensation avec les sommes dues par M. [T] au titre de la condamnation prononcée par le jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
Sur les demande reconventionnelles de la société SRD
o Débouté la société SRD de ses deux demandes reconventionnelles ;
En tout état de cause
o Débouté la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
o Condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
- INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :
o Constaté qu'il [M. [T]] avait manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie octroyée ;
o Constaté que le préjudice global s'élevait à la somme de 8 799,49 euros et l'a condamné, en application de la convention de garantie, à payer à la société Kopiright la somme de 8 799,49 euros ;
o Dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par lui-même porterait intérêt au taux de 5% à défaut de paiement dans les 30 jours de la notification de son exigibilité ;
o Omis d'assortir des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 les condamnations prononcées contre la société Kopiright au titre du solde de compte courant, de la prime de retraite contractuelle et du solde de rémunération restant dû ;
o Rejeté sa demande de condamnation de la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû à raison de la transformation des deux avances remboursables versées par la société Oséo dans le cadre du projet Asicom (contrats n° A0808007 N et n° A0808007 N CR) en subventions non remboursables, en application de l'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010 ;
o Rejeté sa demande d'ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos au 30/09/2011, 30/09/2012, 30/09/2013 et 30/09/2014 ;
o Rejeté sa demande de dire que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par Oséo dans le cadre du programme ASICOM (contrat n° A0808007 N LM) en subvention non remboursable, viendrait en déduction de toute condamnation éventuelle ;
o Rejeté sa demande subsidiaire ;
o Limité l'indemnité pour préjudice moral à la somme de 20 000 euros ;
Et en conséquence, statuant à nouveau :
o Débouter les sociétés Kopiright et SRD de leurs demandes ;
o Les condamner à lui payer les intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011, appliqués sur les sommes de :
' 10 957,70 euros relative au solde de compte courant ;
' 56 000 euros relative a la prime de retraite contractuelle ;
' 2 538,47 euros relative au solde de rémunération restant dû ;
o Condamner la société Kopirigh à lui payer la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier dû en raison de la transformation des deux avances remboursables versées par Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrats n° X A0808007 N et n°X A0808007 N CR) en subventions non remboursables, en vertu de l'article 3.3. du protocole de cession du 8 décembre 2010, outre les intérêts au taux de 5 % à compter du 15 mars 2013 ;
o En tant que de besoin, si la société Kopiright ne répond pas aux sommations qui lui sont faites aux termes des présentes conclusions et si la cour s'estimait insuffisamment informée :
' ordonner à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels (bilan, compte de résultat, soldes intermédiaires de gestion et annexes), le détail de ses comptes (bilan détaillé, compte de résultat détaillé et soldes intermédiaires de gestion détaillés), ainsi que sa liasse fiscale pour les quatre derniers exercices, soit les exercices clos au 30/09/2011 (2010/2011), au 30/09/2012 (2001/2012), au 30/09/2013 (2012/2013) et 30/09/2014 (2013/2014), et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours à partir du prononcé du « jugement » à intervenir ;
' se réserver la liquidation des astreintes, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
o ordonner que la somme de 29 248,70 euros correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison de la transformation d'une avance remboursable complémentaire versée par Oséo dans le cadre du programme Asicom (contrat n° X A0808007 N LM) en subvention non remboursable, viendra en déduction de toute condamnation éventuelle qui serait prononcée contre lui (M. [T]) ;
' A titre subsidiaire, si la cour considérerait qu'il est forclos ou mal fondé à invoquer les dispositions de l'article 3.3. du protocole de cession, ordonner que la somme de 146 328,64 euros, correspondant à la plus-value dont bénéficie la société Kopiright en raison des abandons de créances consentis par Oséo dans le cadre du programme Asicom, au titre des contrats n° X A0808007 N,X A0808007 N CR et A0808007 N LM, viendra en déduction de toute condamnation éventuellement prononcée contre lui (M. [T]) ;
o condamner in solidum les sociétés Kopiright et SRD, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 80 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés Kopiright et SRD, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux les dépens de première instance et d'appel.
MOTIVATION :
A titre liminaire, il y a lieu de délimiter précisément l'objet de l'appel formé par les sociétés Kopiright et SRD au vu de leurs trois déclarations d'appel successives.
D'abord, bien que les chefs du jugement entrepris déboutant la société Kopiright de sa demande d'annulation du rapport d'expertise et rejetant la demande de sursis à statuer sur les demandes de remboursement formées par M. [T] soient expressément critiqués par ces déclarations d'appel, le dispositif des dernières conclusions des appelantes ne renvoie pas à ces chefs-là. En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est donc pas saisie.
Ensuite, si d'autres chefs du jugement sont critiqués dans les déclarations d'appel et figurent au nombre des chefs dont les appelantes demandent l'infirmation dans le dispositif de leurs dernières conclusions, ces chefs ne donnent cependant lieu à aucune prétention particulière dans ce dispositif. Il en va ainsi des chefs suivants :
- celui rejetant la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société Kopiright : les appelantes en demandent l'infirmation, sans former de demande de dommages et intérêts à ce titre dans le dispositif de leurs conclusions ;
- celui rejetant la demande d'expertise complémentaire formée par la société Kopiright : dans le dispositif des leurs conclusions, les appelants en demandent également l'infirmation, mais ne forment aucune une nouvelle demande en ce sens ;
- et celui rejetant, en cas de condamnation de la société SRD, la demande de compensation entre le montant de sa condamnation et les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par un jugement correctionnel du 25 septembre 2020 : alors que, dans le dispositif de leurs dernières écritures, les appelantes en demandent encore l'infirmation, aucune demande de compensation n'est ensuite formulée.
Ces chefs n'étant dès lors pas critiqués, ils seront confirmés.
Enfin, il y a lieu de rappeler que les deux demandes, reprises dans le dispositif des conclusions des sociétés appelantes, tendant à ce que soient écartés certains développements ou parties du rapport d'expertise judiciaire ne constituent pas des prétentions saisissant la cour, au sens de l'article 954 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef. Le chef rejetant la demande d'annulation de ce rapport étant confirmé pour les motifs ci-dessus explicités, il appartiendra à la cour d'apprécier souverainement la valeur et la portée de cette pièce.
A- Sur les conditions d'application de la garantie
Les société appelantes exposent, d'abord, le contenu de la convention de garantie, soutenant notamment que M. [T] s'est engagé à indemniser le cessionnaire, dans la limite de 425 000 euros, de tout préjudice subi à divers titres, précisés à l'article 6.1.1. Elles réfutent l'analyse juridique défendue par M. [T], en opposant les termes des articles 6.1.2 et 6.1.3 de la convention. Elles en concluent que, le risque s'étant réalisé, celui-ci est contractuellement tenu de la garantie, indépendamment du contenu du rapport de pré-acquisition établi par le cessionnaire et des informations révélées par le cédant avant la cession.
Elles ajoutent que :
- M. [T] ne tire aucune conséquence procédurale de ses affirmations sur les clauses qu'il critique, n'ayant demandé ni leur nullité ni l'irrecevabilité des demandes du cessionnaire ;
- la validité de ces clauses est indiscutable en jurisprudence. Le cédant ne peut échapper à la mise en oeuvre de la garantie pour des risques préalablement connus du cessionnaire. Juger l'inverse priverait la garantie de passif de toute utilité dans la majeure partie des cas. De plus, une garantie de passif étant un accord contractuel, il y a lieu de donner un plein effet aux droits et obligations convenus. Enfin, le mécanisme de garantie mis en place en l'espèce était classique et financièrement cohérent, le prix de cession ayant été fixé en fonction d'un certain niveau d'actif et de passif justifiant la révision de ce prix, par l'effet de garantie, en cas d'augmentation du passif ou de diminution de l'actif, fussent-elles prévisibles et connues des deux parties.
Par conséquent, il est demandé :
- la réformation du jugement entrepris, ses demandes étant fondées au regard des stipulations de la garantie et celles de M. [T], à l'inverse mal fondées.
- et que la cour écarte les développements du rapport d'expertise se référant à l'audit de pré-acquisition, qui ne sont pas pertinents ni n'ont fait l'objet d'un débat contradictoire au cours de l'expertise.
M. [T] répond que l'analyse des sociétés appelantes est erronée, sur plusieurs plans :
- d'abord, la garantie d'actif net souscrite en l'espèce - qui permet une « compensation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles » - doit être distinguée à la fois de la garantie de passif et de la garantie d'actif ;
- ensuite, il est erroné d'affirmer que le cédant ne peut échapper à la mise en jeu de cette garantie, lorsque les conditions sont réunies, pour des risques préalablement connus de l'acquéreur. Outre le caractère léonin, et donc nul, des articles 6.1.2. et 6.1.3 de la convention de garantie, la jurisprudence juge l'inverse et consacre la possibilité, pour les parties, d'exclure du champ de la garantie de passif les éléments dont le bénéficiaire aurait eu connaissance au jour de la conclusion de la cession. Il en résulte que la garantie doit être limitée, tacitement, mais nécessairement, par la preuve de la prise en compte des informations connues par le bénéficiaire, dans la fixation du prix de cession.
En l'espèce, la communication du rapport de pré-acquisition était donc justifiée en ce qu'elle aurait permis d'établir que le cessionnaire disposait d'une parfaite connaissance de la situation de la société SRD avant l'acquisition de ses parts sociales. En effet, le prix de cession initial (1 000 000 euros) a été réduit à 788 000 euros à la suite de nouvelles discussions des parties consécutives à cet audit, afin de tenir compte des informations connues de la société Kopiright. Celle-ci ne peut donc prétendre à une nouvelle diminution du prix sur la base des mêmes informations et se trouve donc irrecevable et, à tout le moins, mal fondée en ses prétentions au titre de la convention de garantie d'actif net (v. p. 20 des concl.).
M. [T] ajoute que :
- la garantie d'actif nécessitant de « compenser les bonnes et les mauvaise nouvelles », il doit être tenu compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010 (Editions [P]).
- en tout état de cause, la garantie d'actif net ne peut être actionnée, aucune des demandes formées par la société Kopiright n'étant justifiée (v. infra, § 2°).
Réponse de la cour :
Il résulte de la jurisprudence fondée sur l'ancien article 1134 du code civil, applicable en la cause eu égard à la date de conclusion de la convention de garantie litigieuse, que l'applicabilité d'une telle convention dépend de ses termes. En effet, les parties peuvent librement décider soit d'exclure sa mise en oeuvre dans certaines circonstances, et en particulier lorsque le cessionnaire a été informé, par le cédant, d'un fait ou d'un événement susceptible d'avoir une incidence sur le montant du passif ou de l'actif garanti, soit au contraire qu'il n'y a pas lieu de tenir compte des faits ou éléments connus antérieurement par le cessionnaire.
M. [T] se livre donc à une interprétation inexacte de la jurisprudence (notamment de l'arrêt Com. 14 dec. 2010 pourvoi n° 09-68868) en affirmant que, lorsque le cessionnaire a eu connaissance de la cause d'augmentation du passif invoquée, il ne peut jamais exiger la mise en jeu de la garantie, puisqu'en réalité, tout dépend de la rédaction de la convention de garantie en cause.
En l'espèce, l'article 6.1.2 de la convention de garantie stipule que :
« Aucune des déclarations et attestations contenues dans le présent contrat ne peut avoir pour effet de limiter de quelque façon que ce soit les garanties consenties par le cédant si elles sont susceptibles d'avoir des conséquences économiques négatives pour la société [i.e. SRD, cf. p. 2-3 de la convention]. En effet, les informations données n'ont pour vocation que d'éclairer le cessionnaire sur la situation de la société, sans exonérer le cédant des obligations souscrites par lui au titre de ses engagements de garantie et sans en réduire la portée. »
Et l'article 6.1.3 :
« De même, les garanties consenties par le cédant ne seront pas réduites ou limitées du fait des audits, revues ou investigations préalables effectués le cas échéant par le cessionnaire. »
M. [T] invoque le caractère léonin de ces clauses pour conclure à leur nullité (p 19 de ses conclusions) ou au fait qu'elles créent un « déséquilibre absolu » entre les parties, à son préjudice, ce qui serait contraire à la loyauté contractuelle (p. 62 de ses conclusions), tous éléments dont il déduit que la société Kopiright est irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée à se prévaloir de ces clauses.
Toutefois, ses conclusions ne contenant aucune démonstration juridiquement articulée sur ces points, la cour n'est pas tenue de répondre à ce qui ne constitue que de simples arguments.
En tout état de cause, dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code civil, M. [T] n'a pas demandé l'annulation des clauses précitées pour les raisons qu'il avance, de sorte que, fussent-ils qualifiés de moyens, la cour n'est pas tenue de répondre à ceux-ci.
Au surplus, la clause léonine, prohibée en droit des sociétés, est une clause des statuts d'une société non conforme aux dispositions de l'article 1844-1 du code civil. Cette prohibition, qui tend donc à protéger les associés, s'applique à un contrat social, et non à la garantie consentie par l'associé accessoirement à un contrat de cession de ses parts sociales. Le moyen tiré du caractère léonin de ces clauses s'avère, dès lors, inopérant.
En l'espèce, il résulte des clauses ci-dessus reproduites que la convention de garantie ne distingue pas selon que la société Kopiright, cessionnaire, avait, ou non, connaissance, avant la cession, du fait ou de l'événement susceptible de fonder la mise en oeuvre de la garantie due par M. [T]. Cela signifie que, contrairement à ce que soutient celui-ci, la garantie est due par le cédant même dans l'hypothèse où le cessionnaire aurait connaissance de ce fait ou événement avant la cession de parts.
Cette constatation vaudra pour tous les postes d'indemnisation présentés par la société Kopiright et auxquels M. [T] oppose la connaissance, par celle-ci, du fait ou de l'événement justifiant la demande indemnitaire.
Par ailleurs, si M. [T] soutient (p. 21 de ses conclusions) que la garantie d'actif net souscrite en l'espèce nécessite de « compenser les bonnes et les mauvaises nouvelles », de sorte qu'il y aurait lieu de tenir compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010 (Editions [P]), soit 76 747 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2011, et d'un chiffre d'affaires récurrent annuel de 16 200 euros, force est toutefois de relever que l'intimé ne précise aucunement sur quelle(s) clause(s) de la convention de garantie - qui comprend 28 pages, sans les annexes - repose son affirmation sur ce point, ni n'indique les conséquences juridiques précises qu'il conviendrait d'en tirer, ni sur quel poste de demande il conviendrait de tenir compte d'effectuer cette « compensation », cependant que la cour est tenue d'examiner dix postes de préjudice distincts. Eu égard à ces conclusions imprécises, la cour s'estime non tenue de répondre à ce qui ne constitue pas un moyen, mais un simple argument.
B- Sur les demandes formées par la société Kopiright
La société Kopirigth s'estime bien fondée à mobiliser la garantie souscrite par M. [T] à hauteur des montants suivants (cf. p. 46 de ses concl.) :
1°- Perte de clients : 87 506,72 euros HT
2°- Production immobilisée : 271 951,40 +130 301,90 + 144 165,95 euros
3°- Litige [O] et [V] : 89 115,06 + 48 809,32 euros HT
4°- Situation financière dégradée : 82 404 euros euros
5°- Droits de propriété intellectuelle : 25 500 + 7 401,25 + 66 492,65 euros HT
6°- Factures non payées et avoirs : 26 753,07 euros HT
7°- Encours [A] : 3 160 euros HT
8°- Litige Nouvel Observateur : 2 500 euros HT
9°- Litige Youness [C] : 21 228 euros HT
10°- Contrôle fiscal : 16 360 euros
Elle rappelle cependant que la garantie est plafonnée à la somme de 425 000 euros, et qu'il conviendra d'en déduire la somme de 85 000 euros, versée en exécution de la garantie à première demande. C'est pourquoi elle demande la condamnation de M. [T] la somme principale de 340 000 euros, augmentée des intérêts prévus à la convention de garantie.
Il convient donc d'examiner successivement ces dix postes de préjudice allégués.
B.1. Sur la perte de clients
La société Kopiright fait valoir (pp. 15 à 17) que M. [T] a conventionnellement garanti qu'à compter du 1er octobre 2010 et jusqu'à la date de signature, le 11 février 2011, aucun client « important » de la société SRD ne mettrait fin à ses opérations commerciales (articles 5.28.2, 5.28.3. (ii) et 5.29 de la convention). Or, trois clients ont cessé leur relation commerciale ou annoncé la cessation de cette relation avant le 11 février 2011 : Jungstil, 3 Suisses Chine et la société Eaux du Nord. Ces clients représentaient, chacun, un chiffre d'affaires bien supérieur à 10 000 euros HT et plus de 15% du chiffre d'affaires de l'activité de maintenance et hébergement, ou encore 5,76 % du chiffre d'affaires total de la société, chiffre important, en pourcentage comme en valeur absolue. Compte tenu de la répartition du chiffre d'affaires de la société SRD, tout client dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 000 euros est un client important, les parties ayant retenu ce seuil à plusieurs reprises dans leurs accords, exprimant ainsi qu'un événement ou un acte devenait important dès que son impact financier excédait cette somme. Le terme « important » ne se réfère pas uniquement à un montant de chiffre d'affaires et peut se rapporter à d'autres critères, telle l'importance stratégique, commerciale ou marketing. Tel était le cas des trois clients en cause.
En outre, parmi les conditions suspensives insérées dans le protocole de cession, figurait l'absence de survenance, à compter du 1er octobre 2010, d'événements affectant ou susceptibles d'affecter de manière négative la valeur, l'activité ou les perspectives d'activité de la société SRD, dont les conséquences pouvaient être évaluées à au moins 50 000 euros. Or, la perte de chiffre d'affaires cumulée des trois clients précités représentant 58 337,81 euros HT, cette situation aurait dû être révélée par M. [T] et entre directement dans les prévisions de l'article 5.29 de la garantie l'obligeant à informer le cessionnaire de tout « fait ou événement significatif » dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la Société ».
Elle évalue le préjudice subi de ce chef à la somme de 87 506,72 euros HT, par application des articles 5.28.3.(ii) et 5.29 de la convention de garantie.
En réponse, M. [T] s'oppose à cette demande en faisant valoir, principalement, qu'à supposer même que la perte des trois clients invoquée soit établie - ce qu'il conteste -, c'est à raison que le tribunal s'est référé au critère du chiffre d'affaires pour apprécier l'importance du client perdu au sens de l'article 5.28.3 de la convention. Les trois clients concernés en l'espèce n'étaient donc pas importants. Il ajoute notamment que :
- l'appréciation du caractère important ou non du client doit être déterminée individuellement, c'est-à-dire client par client ;
- la société Kopiright est malvenue de contester l'appréciation de l'importance d'un client fondée sur le chiffre d'affaires, en renvoyant à des critères « subjectifs », alors qu'elle faisait elle-même référence à ce critère dans son assignation ;
- le seuil de 10 000 euros, invoqué subsidiairement par la société Kopiright, n'est pas pertinent et, en outre, figure dans le protocole de cession et non dans la garantie d'actif net.
Réponse de la Cour :
La convention conclue entre les parties le 11 février 2011, dénommée « convention de garantie d'actif net », contient un point 5, intitulé « déclarations et attestations du cédant relatives à la société », qui inclut lui-même diverses clauses, parmi lesquelles celles-ci, expressément invoquées par les appelantes à l'appui leur demande :
- article 5.28.2, situé dans le § 5.28 intitulé « gestion sociale depuis le 1er octobre 2010 » :
Aucun événement ou circonstance s'écartant du cours normal des affaires et susceptible d'affecter défavorablement et significativement le patrimoine et les activités de la société, quel qu'en soit le caractère, n'est intervenu.
- article 5.28.3 :
(...)
(ii) aucun fournisseur important ou client important de la société ou toute autre personne en relations d'affaires habituelles avec l'une d'elle n'a mis fin à ses opérations commerciales ou n'a été admis au bénéfice d'une procédure collective.
- article 5.29, intitulé « Autres faits » :
Aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer un fait ou événement significatif, qu'il ait été réalisé ou qu'il soit potentiel, quel que soit sa nature (e.g. : économique, juridique, financier, etc.) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation est les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations.
En premier lieu, les parties divergent sur l'interprétation de la notion de « client important » au sens de l'article 5.28.3 précité. En l'état de cette divergence et de l'imprécision de la clause sur ce point, il appartient à la cour d'interpréter le contrat.
A l'instar des premiers juges, la cour estime que, pour apprécier l'importance d'un client, il convient de se référer au chiffre d'affaires généré par chaque client considéré par rapport à la totalité du chiffre d'affaires de la société cédée.
Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, et sauf à réécrire le contrat a posteriori à leur bénéfice, il n'y a pas lieu, pour procéder à cette appréciation, de cumuler la totalité du chiffre d'affaires engendré par l'ensemble des clients perdus, ni de rapporter le chiffre d'affaires réalisé au titre de chaque client perdu à celui généré par les activités spécifiques de maintenance et d'hébergement, ni de se référer au seuil de 10 000 euros prévu par d'autres clauses insérées dans le protocole de cession ou dans la convention de garantie, dès lors que l'article 5.28.3 ne prévoit pas lui-même cette manière de procéder ni ne renvoie à un seuil chiffré.
Au demeurant, la cour observe que cette référence au chiffre d'affaires réalisé par chaque client prétendument perdu a été choisie par la société Kopiright elle-même dès l'origine, ainsi qu'il résulte de sa lettre du 27 décembre 2011 (cf. pièce n° 9 de M. [T]).
En l'occurrence, pour l'exercice clos au 30 septembre 2010, le chiffre d'affaires de la société SRD s'est élevé à la somme de 1 109 046 euros, tandis que, sur la même période, et selon les propres chiffres avancés par les sociétés appelantes (v. sa pièce n° 9 et ses conclusions pp. 15 et 16), le chiffre d'affaires réalisé grâce à chacun des trois clients en cause représentait :
- concernant le client Jungstil : 24 122,60 euros, soit 2,18 % du chiffre d'affaires total de la société ;
- concernant le client 3 Suisses de Chine : 13 674,21 euros, soit 1,23 % du chiffre d'affaires total ;
- et concernant le client Les Eaux du Nord : 20 541 euros, soit 1,85 % du chiffre d'affaires total.
Au regard de ces éléments, la cour estime que les trois clients précités ne peuvent être qualifiés « d'importants » au sens de l'article 5.28.3 (ii) de la convention.
En second lieu, les sociétés appelantes invoquent également les dispositions de l'article 5.29, ci-dessus reproduit.
Or, la cour considère que la perte de chacun des trois clients précités, qui ne peut être cumulée faute de précision en ce sens figurant dans l'article 5.29 lui-même, ne constitue pas « un fait ou événement » susceptible d'être qualifié de « significatif » au sens de cette clause, compte tenu de la faiblesse du chiffre d'affaires que chacun d'eux représentait au regard du chiffre d'affaires total de la société SRD sur l'exercice clos au 30 septembre 2010, ainsi qu'il a été précédemment exposé.
A titre superfétatoire, la cour observe que, selon son appellation même, cette clause vise « les autres faits », autrement dit ceux qui n'ayant pas déjà fait l'objet de déclarations particulières dans les clauses précédentes, ce qui signifie donc que l'intention des parties était de faire de l'article 5.29 un texte « subsidiaire », n'ayant vocation à s'appliquer qu'en cas de non-application d'un autre article. Dès lors que les sociétés appelantes invoquent elles-mêmes la « perte de clients » à l'appui de ce chef de demande, fait ou événement relevant déjà de l'article 5.28.3 précité, elle ne pouvaient, en tout état de cause, se prévaloir de l'article 5.29 pour tenter d'obtenir ce qu'elles ont échoué à obtenir sur le fondement principal de l'article 5.28.3.
En conséquence, la demande formée à ce titre par les sociétés appelantes sera rejetée, ainsi que l'ont décidé à juste titre les premiers juges.
B.2. Sur la production immobilisée :
Les sociétés appelantes (pp. 19 à 30) soutiennent que les comptes de la société SRD de l'exercice clos le 30 septembre 2010 ne donnent pas une image fidèle de l'actif de cette société et de son résultat, en contradiction avec l'article 5.26 de la convention de garantie. En effet, ces comptes font apparaître des productions immobilisées au titre de trois projets (MC Direct V1, MC Direct V3 et ASICOM), sans qu'aucune dépréciation ni amortissement aient été effectués. Tout en indiquant avaliser l'analyse du sapiteur en informatique, l'expert judiciaire a dénaturé le sens et les conclusions techniques de ce sapiteur. Il a d'ailleurs relevé que « rien n'est écrit et n'est conforme aux règles de l'art », mais n'en a tiré aucune conclusion au plan de la pertinence des écritures comptables. Il a refusé de réaliser sa mission d'analyse technique consistant à évaluer les immobilisations inscrites au bilan de la société SRD.
Selon les règles comptables applicables, strictes et précises, il convient, concernant la comptabilisation des dépenses de recherche et de développement d'un logiciel, de se référer aux conditions fixées par le Plan comptable général (PCG), lequel régit aussi l'obligation de dépréciation de toute immobilisation. Or, ces conditions n'étaient manifestement pas réunies en l'espèce, ce que l'expert a refusé d'analyser. Dès lors, il y a lieu d'écarter les conclusions du rapport d'expertise, incomplètes et erronées sur ces points et, infirmant le jugement entrepris, de juger que les montants inscrits à titre d'immobilisation n'étaient pas justifiés, pour les trois projets précités. Ainsi :
- le projet MC Direct V1 (p. 24 à 25) a été abandonné début 2010, soit avant la cession, mais aucune dépréciation n'a été constatée dans les comptes. De plus, selon le sapiteur informatique, aucune pièce probante ne permet de corréler la valorisation (de ces coûts de développement) en termes d'immobilisations. Les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2010 ne donnent donc pas une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat, en contradiction avec l'article 5.26.1 de la garantie. L'actif à ce titre a été surévalué pour son montant global tel qu'indiqué dans les comptes, soit 271 951,40 euros, montant du préjudice subi dont il est demandé réparation, en application des articles 6.1.1(i) et 6.1.1.(iii) de la garantie ;
- le projet MC Direct V3 (pp. 26 et 27) a fait l'objet d'une immobilisation que ni l'expert judiciaire ni les premiers juges n'ont examinée, d'où le recours à l'expertise du cabinet [L]. Selon ce dernier, cette opération n'est ni justifiée ni régulière au regard des règles comptables. Ce programme informatique étant inexploitable et sa maintenance impossible, cela ne pouvait qu'engendrer une dépréciation totale du montant immobilisé. Cela n'ayant pas été fait, la vision du patrimoine de la société SRD était faussée, en contradiction avec l'article 5.26.1 de la garantie. Le préjudice subi à ce titre est évalué à 130 301,90 euros ;
- le projet Asicom (p. 27 et s.) n'ayant pas été analysé par le sapiteur, l'expert judiciaire n'a pu se prononcer sur la conformité de cette comptabilisation, et le tribunal a omis de statuer sur ce point. Ce projet, un prototype, n'a pas pu être immobilisé et n'était pas commercialisable. Les dépenses de développement ne pouvaient être inscrites en immobilisation, les conditions posées par le PCG n'étant pas réunies. Ce projet n'avait aucune chance sérieuse de réussite ni de rentabilité commerciale, ce que M. [T] savait à la clôture de l'exercice du 30 septembre 2010. Cette immobilisation n'étant pas justifiée, en contradiction avec la déclaration faite à l'article 5.26.1 de la convention de garantie, M. [T] doit une indemnisation égale à la surélévation de la production immobilisée, soit 123 184,70 euros, sous réserve du plafond de la garantie.
En réponse (p. 30 à 59), M. [T] demande la confirmation du jugement qui a rejeté ce chef de demande.
Il expose notamment l'objectif du projet MC direct (p. 31 à 49), qui était de remplacer l'ancien produit « Direct 400 », exploitable avec un seul type de système d'exploitation, et de viser une clientèle plus large afin de rester sur le marché, ainsi que l'historique de première version (V1) et de la troisième version (V3), qui était l'évolution technologique d'un seul et même projet, afin d'améliorer la performance du produit.
Il soutient notamment qu'à aucun moment le produit MC Direct n'a été remis en cause ou abandonné, en ce compris dans sa V1, avant la cession du 11 février 2011, puisqu'il était toujours en cours de développement ; que c'est la nouvelle direction de la société SRD qui a décidé d'abonner ce projet au cours de l'exercice 2010/2011 (v. p. 34, p. 39, p. 40) ; que ce choix de gestion, pris après la cession et qu'il a dû respecter, ne lui est pas imputable ; que la solution MC Direct n'était pas dépourvue de valeur, puisqu'elle a permis le maintien de relations commerciales avec un nombre significatif de clients ; qu'en conséquence, le grief tiré d'une prétendue surévaluation du projet MC Direct ne peut entrer dans le champ d'application de la garantie d'actif net ni la société Kopiright se prévaloir de cette garantie en arguant d'une dépréciation de l'immobilisation litigieuse.
Quant au « Rapport [L] » invoqué par la société Kopiright (p. 42 et s.), il estime qu'il est est dépourvu de toute force probante, ayant été établi de manière unilatérale, pour les seuls besoins de la cause ; qu'en outre, n'étant pas expert-comptable, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas respecté les règles comptables issues du PCG ; que par ailleurs, l'expert judiciaire infirme les conclusions du cabinet [L] ; que non seulement le seul reproche que semble faire l'expert judiciaire, concernant la matière dont les sommes ont été comptabilisées, ne lui est pas imputable à lui, M. [T], mais en outre, ce point a été examiné par l'audit de pré-acquisition sans que l'acquéreur ne soulève de question à cet égard ; que la société Kopiright est dès lors mal fondée à prétendre qu'il lui aurait caché des informations et c'est en pleine connaissance de cause qu'elle acquis les parts sociales de la société SRD.
Surabondamment (p. 43 et s.), M. [T] indique que le projet MC Direct, qui a connu plusieurs phases de développement, n'a jamais été abandonné courant 2010 ; qu'il n'y a pas eu de dépréciation puisque ce produit n'étant pas abouti ni encore commercialisé ; qu'il existe une documentation technique relative à ce produit et les coûts salariaux liés à son développement sont justifiés ; que s'agissant de la V1 (p. 46-47), installée chez un client pilote, il n'y a pas eu de dépréciation des immobilisations au stade de développement du produit, et ce d'autant moins que la solution MC Direct était toujours en cours de développement, y compris dans sa V1, même après l'exercice comptable de référence (01/10/2009 ' 30/09/2010) ; que ce produit n'ayant pas été abandonné, les immobilisations y afférentes n'avaient pas à être dépréciées ; que la V3 n'a été mise en développement qu'à compter de juin 2010, de sorte qu'à la date de clôture de l'exercice comptable de référence, il était trop tôt pour mesurer ses apports et abandonner la V1, d'autant moins que cette dernière avait été retenue pour développer le projet Asicom.
Concernant le projet Asicom (pp. 49 et s.), M. [T] fait valoir qu'il s'agissait d'un projet sérieux, à finalité commerciale, basé sur la V1 de la solution MC Direct ; que c'est donc de manière justifiée que les dépenses correspondantes ont été immobilisées, sans être surévaluées ; qu'en outre, ce projet était connu du cessionnaire, comme en attestent un courriel du 9 novembre 2010 et l'audit de pré-acquisition ; que c'est donc à tort que la société Kopiright oppose les dispositions du PCG, et ce d'autant plus que les dépenses engagées pour ce projet ont été inscrites pour partie en immobilisations sur les conseils de l'expert-comptable, validés par le commissaire aux comptes. Surabondamment, c'est à tort que l'expert judiciaire a considéré qu'il n'y avait aucune documentation concernant ce projet, ainsi qu'en attestent les pièces annexées au dire du 15 février 2018 ; que divers salariés de la société SRD étaient impliqués dans ce projet ; que le conformité de la comptabilisation de l'immobilisation correspondante ne peut donc être contestée.
Réponse de la cour :
Aux termes l'article 5.26.1 de la convention de garantie du 11 février 2011, situé dans la partie 5 intitulée « déclarations et attestations du cédant relatives à la société » cédée SRD, et dans la sous-partie 5.26 relative aux comptes sociaux, M. [T], cédant, a déclaré que :
« Les comptes sociaux au 30 septembre 2010 qui figurent en Annexe A sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat. »
Et l'article 6.1.1 stipule que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en cas d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites au articles 4 et 5,
(...)
(iii) soit en cas de constatation de toute surestimation des actifs de la société, tels qu'ils seront comptabilisé dans les comptes de référence de la société dès lors que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour, quelle qu'en soit la cause. »
A titre liminaire, la cour entend apporter deux précisions :
- premièrement, il résulte des termes de l'article 6.1.1. précité que M. [T] s'est personnellement engagé à répondre de toute erreur comptable commise dans les comptes sociaux de référence (ceux arrêtés au 30 septembre 2010) et résultant d'une surestimation des actifs. L'intéressé ne peut donc, afin d'échapper à son obligation d'exécuter le contrat qu'il a librement souscrit, se retrancher derrière la circonstance qu'il n'a pas établi lui-même ces comptes de référence, mais un expert-comptable ;
- deuxièmement, pour les motifs développés dans la partie introductive de l'arrêt, la convention de garantie prévoit que M. [T], cédant, doit sa garantie même dans l'hypothèse où la société Kopiright, cessionnaire, aurait eu connaissance, avant la cession des parts de la société SRD, du fait ou événement susceptible de justifier la mise en oeuvre de la convention de garantie. Il importe dès lors peu que la société Kopiright ait été informée de certains éléments, soit par M. [T] personnellement, soit via l'audit de pré-acquisition qu'elle a diligentée ;
En application des principes gouvernant la charge de la preuve, il appartient à la société Kopiright, en sa qualité de demanderesse à la mise en oeuvre de la convention de garantie, de rapporter la preuve de ses allégations.
Concernant les règles comptables, le rapport d'expertise judiciaire (p. 10), non critiqué sur ce point, précise que l'inscription d'un logiciel en tant que « production immobilisée », dans la comptabilité d'une entité, est soumise à des règles édictées par le plan comptable général (PCG), qui prévoit en particulier ceci :
- Article 611-2 du PCG : Les logiciels destinés à un usage commercial sont comptabilisés en immobilisations, si les conditions suivantes sont simultanément réunies :
Le projet est considéré par l'entité comme ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale : l'entité manifeste sa volonté de produire le logiciel concerné et de s'en servir durablement pour les besoins de la clientèle et identifie des ressources humaines et techniques qui seront mises en oeuvre.
- Article 611-4 du PCG : Les logiciels créés par l'entité, destinés à un usage commercial, ainsi que ceux destinés aux besoins propres de l'entité sont inscrits en immobilisations, à leur coût de production. Le coût de production comprend les seuls coûts liés à la conception (codification), à la réalisation de tests et de jeux d'essais et à l'élaboration de la documentation technique destinée à l'utilisation interne ou externe.
Et s'agissant des règles de la dépréciation comptable, l'expert indique (p. 12) que, pour les éléments incorporels notamment, les articles 214 et suivants du PCG précisent qu'à chaque arrêté de comptes, l'entité doit effectuer un test de dépréciation s'il existe un indice de perte de valeur.
En l'occurrence, le rapport d'expertise judiciaire (v. p. 10) relève que les comptes de référence de la société SRD, clôturés le 30 septembre 2010, incluent à l'actif les « productions immobilisées » suivantes :
- concernant le projet MC Direct V1 : 271 951,40 euros, correspondant à des écritures de frais de développement et de salaires affectés à la production, s'étalant de 2006 à 2008 ;
- concernant le projet MC Direct V3 : 130 301,90 euros, correspondant à des salaires affectés à la production de l'année 2010, selon un tableau produit par M. [T] ;
- et concernant le projet Asicom : 123 184,70 euros, correspondant à des frais de développement «Megadyne» en 2009 pour 8 575 euros, des salaires de production immobilisée pour 27 645,95 euros en 2009 et pour 66 337,75 euros en 2010, et des frais de développement pour 9 600 et 11 025 euros ;
L'expert judiciaire n'a relevé aucun amortissement pour ces postes et justifie cet état de fait par la circonstance que les « postes » (autrement dit les projets) « n'étaient pas encore finalisés. »
S'agissant du logiciel MC Direct, la cour retient parmi les pièces versées aux débats, très nombreuses et techniques, d'abord, le rapport technique dressé le 21 novembre 2017 par M. [H], sapiteur en informatique que s'est adjoint l'expert judiciaire.
Selon les constatations de ce sapiteur, ce logiciel avait vocation à remplacer l'ancien, dénommé Direct 400, dont il reproduisait les fonctionnalités, tout en y ajoutant un canal web. Ce projet a connu plusieurs évolutions : une première version (V1) installée en avril 2009 chez un client « pilote » (Champagne Boizel) et une troisième version (V3) modifiant complètement la structure de données de ce logiciel. Et la V1 a fait l'objet de développements informatiques au cours de l'année 2010 et la V3, qui a donc donné lieu à une modification complète de la structure de données, a été développée « jusqu'en 2011 ».
Ensuite, plusieurs pièces versées aux débats établissent que, loin d'avoir été abandonné au début de l'année 2010 comme le soutiennent les appelantes, le projet MC Direct, dans sa V1, était toujours en cours d'exploitation à la date des comptes de référence (30/09/2010) et même de la cession du 11 février 2011, tandis que la V3 était encore en phase de recherches et développements en 2010 et au moins jusqu'au printemps 2011. En effet :
- la version 1 était toujours utilisée chez le client pilote en octobre 2010 et en juillet 2011 (cf. les courriels pièces n° 29 et 119 de M. [T]), de même qu'en décembre 2011 (cf. la facture, pièce n° 30 de M. [T]), l'expert judiciaire relevant d'ailleurs, à l'occasion d'une réunion du 21 septembre 2017, que le contrat avec ce client a été résilié en novembre 2012 ;
- la liste du personnel de la société SRD du mois de septembre 2010, produite par la société Kopiright elle-même (cf. sa pièce n° 62), démontre qu'à cette date, trois salariés étaient affectés au produit MC Direct, dont Mme [W], analyste programmeur, et M. [K], développeur recruté en septembre 2010 - ce que les appelantes ne contestent nullement- afin, selon les termes de son contrat de travail, de développer la solution MC Direct (cf. la pièce n° 28 de M. [T]) ;
- de novembre 2009 à février 2011, la société Norsys, cabinet de consultant, a effectué un travail de développement du logiciel MC Direct pour le compte de la société SRD (cf le relevé d'activité, pièce n° 57 de M. [T]) ;
- le projet Asicom, alors en cours de développement, ainsi qu'il sera précisé ci-après, nécessitait d'utiliser le logiciel MC Direct (cf. la pièce n° 113 de M. [T]) ;
- enfin, la lettre de licenciement de Mme [W] du 22 avril 2011, signée par Mme [G], nouvelle directrice générale de la société SRD (cf. pièce n° 31 de M. [T]), motive cette mesure par des insuffisances professionnelles caractérisées précisément à propos du projet MC Direct version 3. Cette lettre mentionne ainsi :
' au titre de l'insuffisance de maîtrise technologique :
« Nous [avons] par ailleurs constaté qu'il n'existait aucune sauvegarde du projet MC Direct version 3 depuis octobre 2009, ce qui est extrêmement grave. Malgré nos rappels à l'ordre à cet égard depuis le mois de février 2011, aucune sauvegarde n'a été faite jusqu'au 15 avril, ce qui aurait pu entraîner la perte du logiciel en développement. [...] » ;
' au titre de l'insuffisance au niveau de la gestion du projet :
« Il n'existe aucun plan de développement du logiciel MC Direct, alors que vous êtes la seule salariée cadre en charge de ce projet. [...] A titre d'exemple, nous avons demandé le 7 mars 2011, à l'occasion d'une réunion de présentation, l'état d'avancement du logiciel MC Direct par rapport aux fonctionnalités minimum pour pouvoir le commercialiser. Or, alors que ce projet est en développement depuis 4 ans (!), vous avez tout d'abord évalué le nombre de jours de travail restant avant la commercialisation du produit à 200 jours. [...]
Par ailleurs, nous n'avons aucune trace écrite de votre méthode de travail : [...] ni de plan de migration des clients Direct 400.
Compte tenu de ces carences, il n'est pas possible de déterminer si le logiciel sera exploitable et pourra répondre aux besoins de nos clients. » ;
' au titre de l'insuffisance de management :
« Aux termes de votre contrat de travail, vous êtes en charge d'encadrer les développeurs affectés au logiciel MC Direct. »
Et Mme [G] d'en conclure :
« Ces insuffisances caractérisées induisent un retard extrême dans le développement du logiciel MC Direct qui est un projet vital pour la société puisqu'il doit remplacer notre logiciel Direct 400. Il doit donc montrer un chemin de migration pour les clients de la société [...] »
La cour estime qu'il découle de l'ensemble de ces éléments qu'à la date des comptes de référence, il existait deux produits pouvant être valorisés à l'actif de la société SRD : la V1, toujours utilisée au cours de l'année 2011, et la V3, objet de recherches et développements en vue d'une commercialisation qu'envisageait encore la nouvelle direction de la société en avril 2011.
Ajoutés au refus persistant de la société Kopiright de produire l'audit de pré-acquisition qu'elle a fait réaliser le 21 octobre 2010 et qui fut l'occasion, pour elle, d'examiner la valorisation des productions immobilisées litigieuses - refus réitéré tout au long de la présente procédure et jusqu'à maintenant, puisque, dans leurs conclusions d'appel, les appelantes demandent à la cour d'écarter les développements du rapport d'expertise relatifs à cet audit -, ces mêmes éléments interrogent sur la bonne foi manifestée par la société Kopiright dans la mise en oeuvre de la convention de garantie de ce chef.
Quoi qu'il en soit, il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que la société Kopiright soutient que le logiciel MC Direct V1 aurait été abandonné au début de l'année 2010 ; le contraire est incontestablement démontré.
De surcroît et en toute hypothèse, la seule circonstance que, tel que l'a relevé le sapiteur, fassent défaut une documentation technique et une analyse fonctionnelle « conformes aux règles de l'art» ne signifie pas l'absence de toute documentation technique - M. [T] en verse d'ailleurs aux débats - mais, en outre, cela n'est en soi pas de nature à démontrer que la surévaluation du passif s'élèverait à la totalité de la production immobilisée à ce titre, comme le soutient pourtant la société Kopiright, mais sans produire de pièce probante à l'appui. Cette conclusion s'impose de plus fort qu'il est démontré qu'à la date des comptes de référence, ce logiciel, toujours utilisé, représentait une valeur certaine, d'ailleurs initialement admise par la société Kopiright elle-même, avant que celle-ci ne se ravise à l'occasion du présent litige.
Se trouvent ainsi corroborées les conclusions expertales relatives au projet MC Direct et selon lesquelles :
- « les sommes comptabilisées étaient conformes dans la mesure où à leur date de comptabilisation, le projet pouvait avoir des chances de réussite technique et commerciale, d'autant que c'était la volonté de la direction », l'expert ajoutant que « ce point a d'ailleurs été certifié par le commissaire aux comptes puisqu'aucune observation n'a été formulée. »
- il est normal qu'aucun amortissement n'ait été effectué, dès lors que, tel qu'établi ci-dessus, ce projet n'était « pas encore finalisé », autrement dit était toujours en cours, et que « la volonté de la direction était la commercialisation des progiciels lorsque les utilisations expérimentales seraient achevées », le constat de ce que le projet n'était pas commercialisable étant apparu seulement après la cession.
Concernant la V3, la cour estime, là encore, que les éléments mentionnés rapportent la preuve que cette version du logiciel MC Direct pouvait faire l'objet d'une valorisation comptable, peu important les non-conformités constatées par le sapiteur en informatique en termes de documentation technique, dès lors, d'une part, que la documentation n'était pas inexistante, au contraire, et, d'autre part, qu'il n'est pas établi qu'à la date des comptes de référence, cette situation rendait ce logiciel « inexploitable » et sa maintenance « impossible » - griefs non formulés par le sapiteur en informatique qui, au contraire, a déclaré, lors d'une réunion organisée sous l'égide de l'expert judiciaire le 21 septembre 2017, que le logiciel était « viable » et, dans son propre rapport, seulement noté que la maintenance était « extrêmement problématique ». De plus, tel qu'il a été précédemment relevé, en avril 2011, la nouvelle direction de la société SRD avait elle-même reconnu l'existence et l'importance de ce projet V3, dont elle espérait encore la commercialisation.
La société Kopiright ne peut, dès lors, soutenir que la production immobilisée à ce titre devrait être totalement dépréciée, et ce d'autant moins que le rapport dressé à sa demande le 1er juillet 2020 par le cabinet [L] (cf. pièce n° 118 des appelantes), concernant le seul projet MC Direct V3, n'aboutit lui-même pas à cette conclusion extrême.
En revanche, bien que n'étant pas le fruit de travaux effectués contradictoirement à l'égard des parties, ce rapport [L], lui-même soumis à la libre discussion contradictoire des parties et établi sur la base d'éléments versés aux débats et contradictoirement débattus (les comptes annuels de référence et l'état justificatif des coûts de développement produit par M. [T] lui-même), corrobore les constatations du sapiteur en informatique comme celles de l'expert judiciaire en ce qu'il relève :
- d'abord, que la somme de 130 301 euros immobilisée à ce titre correspond à des frais de développements concernant des coûts salariaux supportés par la société SRD au cours de l'exercice clos au 30 septembre 2010 - ce qu'a lui-même constaté l'expert judiciaire ;
- ensuite, qu'aucun justificatif ou détail de calcul des pourcentages d'affectation des salariés dédiés au développement de ce logiciel n'est produit - ce que le sapiteur a relevé, en déplorant l'absence de « plan de charges » -, de sorte que les coûts salariaux ne sont pas justifiés dans leur totalité, notamment pour ce qui est de l'affectation du temps consacré au développement de ce logiciel.
Le cabinet [L] constate ainsi que les coûts salariaux pris en compte (130 301,90 euros) englobent à concurrence de la somme de 52 938 euros des coûts salariaux administratifs (deux secrétaires) et de direction (PDG), ainsi que des frais généraux, ce qui est contraire au PCG, de tels frais devant être comptabilisés en charges. M. [T] ne conteste nullement cette constatation technique claire, précise et argumentée, qui ressortait déjà du rapport technique du sapiteur en informatique.
La cour estime donc qu'à ce titre, la production immobilisée a été surévaluée dans les comptes de référence, et donc l'actif de la société SRD surestimé, et ce à hauteur de la somme de 52 938 euros, pour une cause ou une origine antérieure. Cela justifie la mise en oeuvre de la garantie prévue à l'article 6.1.1. précité et, partant, la condamnation de M. [T] à indemniser la société Kopiright pour ce montant.
Concernant, enfin, le projet Asicom, c'est sans produire la moindre pièce justificative à l'appui que la société Kopiright affirme que M. [T] savait que ce projet n'avait aucune chance sérieuse de réussite ni de rentabilité commerciale dès la date des comptes sociaux de référence (30/09/2010). En effet, les seules pièces dont elle se prévaut ont toutes été établies par M. [T] postérieurement à cette date, les 30 juin 2011 et 20 juillet 2011. Bien plus, les pièces produites par M. [T] démentent la thèse soutenue par la société Kopiright, puisque, après que la société SRD a signé le 1er juin 2010, un contrat de sous-traitance avec une société tierce concernant ce projet, il est établi qu'elle travaillait encore sur ce projet en septembre 2010 (cf. le planning des tâches présenté lors d'un comité de pilotage du 07/09/2010 et le compte rendu du comité de pilotage du 09/09/2010, pièces n° 121 et 114 de M. [T]), qu'en septembre 2010, un salarié, M. [C] consacrait 100 % de son temps de travail à ce projet, et qu'en mai 2011, la société travaillait encore sur ce projet avec un prospect, la société Okaïdi (pièce n° 111 de M. [T]). Ce n'est donc que plusieurs mois après l'établissement des comptes de référence, et même après la cession du 11 février 2011, que l'échec du projet a été envisagé par M. [T], puis constaté officiellement.
En outre, bien que l'expert judiciaire ait relevé une absence de documentation technique, M.[T] produit un cahier des charges techniques et fonctionnelles du projet Asicom (cf. sa pièce n° 124) établissant que ce projet n'était pas inexistant.
Eu égard à ces éléments, la société Kopiright ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que l'actif de la société SRD aurait été surestimé à ce titre ni, a fortiori, que cette surestimation représenterait la totalité de la production immobilisée.
En définitive, la cour considère donc, à l'inverse des premiers juges, que la garantie peut être activée de ce chef, mais uniquement à hauteur de la somme de 52 938 euros, au titre de la production immobilisée correspondant au logiciel MC Direct V3, le surplus des demandes devant être rejeté.
B.3. Sur le litige « [O] et [V] » (pp. 31 et s.) :
La société Kopirigh indique que :
- l'article 5.16.2 de la convention de garantie n'exonère pas M. [T] de ses obligations contractuelles, compte tenu de la rédaction des articles 6.1.2 et 6.1.3, jugées valables par la jurisprudence. En l'occurrence, le passif lié au litige [O] et [V], pourtant connu avant la cession, n'a pas été intégré dans les comptes de référence. Il doit donc être pris en charge au titre de la garantie de passif, comme tout autre passif nouveau ou supplémentaire dont l'origine est antérieure à la cession du 11 février 2011 ;
- ce litige, qui a pour origine la constatation, en 2010, de dysfonctionnements entravant l'utilisation d'un progiciel fourni à ce client, s'est soldé par la conclusion d'un protocole d'accord en application duquel la société SRD a dû verser la somme principale de 89 115,06 euros ;
- le fait que ce litige n'ait donné lieu à une assignation qu'au 7 décembre 2010 ne permet pas de conclure qu'il est né à cette date, alors que son antériorité ressort de l'assignation ;
- la transaction, qui met fin au litige, ne constitue pas le fait générateur d'un passif, celui-ci trouvant son origine dans le litige ;
- l'article 7.3 de la garantie autorisait la transaction ;
- M. [T] a participé aux négociations qui ont abouti à la transaction et validé le principe même d'une telle transaction.
L'indemnisation réclamée à ce titre est évaluée à 89 115,06 euros, montant versé par la société SRD à l'occasion de ce litige.
Les appelantes y ajoutent la somme de 48 809,32 euros au titre des frais supportés pour les besoins de ce litige, en précisant que :
- peu importe le sort réservé à ces frais par la transaction, qui ne lie que les parties signataires de cet acte ;
- sur le montant de ces frais, l'expert a fait une lecture erronée des pièces comptables produites, en déduisant à tort une somme de 17 135,05 euros, ce qui justifie que les conclusions expertales soient écartées sur ce point. Après retraitement de ces frais (de 137 949,38 euros) et déduction des remboursement obtenus, le solde restant dû par M. [T] s'élève à 48 809,32 euros, montant qu'il ne conteste pas, si l'on tient compte des écritures enregistrées sur le compte courant de M. [T] au titre des remboursement des frais de ce litige et aboutissant à un compte débiteur de 7 707,80 euros (v. infra les explications données sur ce point). En revanche, si l'on ne tient pas compte des écritures enregistrées sur le compte courant, il convient de réintégrer la somme de 21 450 euros.
En réponse (pp. 60 à 67), M. [T] s'oppose à cette demande en faisant valoir ces éléments :
- il ne peut être tenu de garantir les conséquences d'un litige qu'il a régulièrement déclaré et dont la société Kopiright était informée avant le 11 février 2011 - date de la convention de garantie - puisque, selon la jurisprudence, le cessionnaire ne peut exiger la garantie du cédant lorsqu'il a eu connaissance de la cause de l'augmentation du passif invoquée ;
- la société Kopiright ne peut revendiquer l'application des articles 6.1.2. et 6.1.3 de la convention, ces clauses, contraires à la jurisprudence, conférant au cessionnaire des droits totalement disproportionnés par rapport à ses obligations et ayant caractère manifestement léonin en ce qu'elles créent un déséquilibre absolu entre les parties, au préjudice du cédant. Or, le principe de loyauté contractuelle, qui impose des droits et obligations équilibrés entre les parties à un contrat, interdit ce type de clauses, qui sont réputées non écrites. En conséquence, la société Kopiright est irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée à se prévaloir des deux articles susvisés et, plus largement, du moyen selon lequel le cédant serait tenu de la garantir et l'indemniser même si elle a eu connaissance du fait préjudiciable ;
- la société Kopiright est également mal fondée à solliciter la réparation de son prétendu préjudice en application de l'article 6.1.1. (ii) de la convention, puisque la cause ou l'origine de ce préjudice n'est pas imputable à des faits antérieurs au 11 février 2011, mais à des faits postérieurs ;
- en acceptant de transiger, la nouvelle direction de la société SRD a fait le choix, postérieurement au 11 février 2011, de supporter la charge de l'indemnisation qu'elle a consenti à accorder au client [O] et [V] et, ainsi, contribué à son propre préjudice. Elle ne peut donc reporter les conséquences de ses choix sur lui-même, qui n'a joué aucun rôle actif dans les négociations ayant abouti à la transaction, à laquelle il n'a pas donné son accord ;
- en tout état de cause, la période de référence à retenir pour les faits reprochés est celle allant jusqu'au 30 septembre 2010, date de clôture de l'exercice. Or, ce n'est qu'en décembre 2010, lors de la délivrance de l'assignation, qu'il a eu « connaissance de l'abandon du produit » par la société [O] et [V]. Ce « litige » ne pouvait donc pas être provisionné dans les comptes clos au 30 septembre 2010 ;
- surabondamment et en tout état de cause, la société Kopiright doit être déchue du bénéfice de la garantie en application de l'article 7-1, alinéa 4, de la convention, sans pouvoir se retrancher derrière le 5e alinéa de cet article, puisqu'il a été privé du droit de pouvoir défendre ses intérêts et de contester les termes de la transaction ;
- au surplus, le montant du préjudice invoqué est contestable dès lors, d'une part, qu'aux termes de la transaction, chacune des parties s'est engagée à supporter les frais afférents au litige, tels les honoraires d'avocat, et, d'autre part, qu'il n'est pas justifié des frais que la société SRD aurait exposés.
Réponse de la cour :
En premier lieu, la logique commande d'examiner, dans un premier temps, le moyen tiré de la prétendue déchéance du bénéfice de la garantie soulevé par M. [T].
L'article 7.1 de la convention de garantie est rédigé en ces termes :
« La mise en oeuvre des garanties implique que le cédant, après en avoir reçu une information préalable, ait la faculté de faire valoir ses observations et de défendre ses intérêts.
L'exercice de ces droits aura lieu selon les modalités suivantes.
Le cessionnaire devra associer le cédant ou lui proposer de s'associer à toute vérification, décision, négociation, instance ou procédure pouvant avoir une incidence sur le montant de son éventuelle dette à son égard.
Toute réclamation, tout fait ou événement susceptible d'entraîner la mise en jeu des garanties sera porté à la connaissance du cédant par le cessionnaire au plus tard dans les vingt (20) jours suivant celui où il en aura lui-même pris connaissance. En outre, le cessionnaire informera le cédant dans le délai de vingt (20) jours suivant leur réception, de tout avis de vérification fiscale, douanière et sociale de la société et de toute assignation dont celui-ci n'aurait pas déjà connaissance.
Toutefois, le non-respect de ces délais n'aura pas pour effet d'entraîner la déchéance des droits du cessionnaire à dédommagement au titre des garanties conférées au titre du contrat que dans la mesure où il aura privé le cédant de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques. »
Il ressort de cette stipulation que le non-respect du délai d'information n'est pas sanctionné automatiquement par la déchéance de la garantie due au cessionnaire, puisqu'une condition supplémentaire est requise : la privation, pour le cédant, d'un droit ou d'un recours quelconques.
En l'espèce, M. [T] procède par voie d'affirmation, sans aucune démonstration à l'appui, lorsqu'il déclare que le non-respect du délai d'information sur le processus transactionnel engagé avec la société [O] et [V] l'aurait privé, en tant que cédant, « de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques ».
Au surplus, non seulement M. [T] a été personnellement destinataire de l'assignation délivrée par la société [O] et [V] le 7 décembre 2010 (cf. pièce n° 15 des appelantes), soit avant la signature de l'acte de cession du 11 février 2011, mais en outre, selon l'échange de courriels produit par les appelantes, il a été pleinement associé au processus transactionnel engagé avec ce client - il a ainsi expressément consenti à la proposition indemnitaire formulée, le 31 octobre 2011 (cf. la pièce n° 94 des appelantes).
Dans ces conditions, M. [T] n'établissant pas avoir été privé « de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconques », tel que l'exige le contrat, c'est en vain qu'il oppose à la société Kopiright la déchéance de la garantie sur le fondement de cette clause.
En deuxième lieu, l'article 5.16.2 de cette convention, figurant dans la partie 5.16 intitulée « qualité des produits et des prestations », stipule notamment que :
« Il n'existe aucune action en dommages et intérêts ou en non-conformité trouvant son origine dans la commercialisation ou la fabrication, le cas échéant, desdits produits ou la réalisation desdites prestations par la société à l'exception de celle du client [O]. »
Pour les motifs précédemment développés, les articles 6.1.2 et 6.1.3 - que, pour des motifs également explicités ci-dessus, M. [T] n'a pas utilement critiqués en arguant qu'il s'agirait de clauses léonines ou créant entre les parties un déséquilibre contraire à la loyauté contractuelle - n'excluent nullement la mise en oeuvre de la garantie lorsque le cessionnaire a été informé, avant la cession, du fait ou de l'événement susceptible d'avoir des conséquences sur le passif nouveau ou supplémentaire de la société cédée SRD.
Dès lors, il est indifférent que l'article 5.16.2 précité informe la société Kopiright de l'existence du litige né avec le client [O] et [V], une telle information ne le privant pas du droit de se prévaloir de la garantie.
En troisième lieu, s'agissant de la cause ou de l'origine du préjudice invoqué à ce titre, l'article 6.1.1 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(...)
(ii) soit en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire excédant celui qui figure dans les comptes de références de la société, dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour quelle qu'en soit la cause. »
Il ressort de l'assignation délivrée le 7 décembre 2010 que ce litige a pour origine des prestations informatiques accomplies par la société SRD pour le compte de la société cliente [O] et [V], en 2009 et au plus tard le 16 juin 2010, date à laquelle ce client l'a mise en demeure de proposer une solution de mise en conformité du logiciel installé, affecté de dysfonctionnements. Ces éléments sont, au demeurant, corroborés par le protocole d'accord transactionnel conclu avec ce client le 12 décembre 2011, que M. [T] produit lui-même (cf. p. 2 de cet accord, pièce n° 32 de l'intimé).
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le préjudice en lien avec ce litige trouve sa cause ou son origine non point dans l'acte transactionnel lui-même, qui se borne à constater l'accord des parties sur le montant de l'indemnité due à la société [O] et [V], mais dans les fautes commises par la société SRD non seulement avant le 11 février 2011, date de référence retenue par les sociétés appelantes conformément à ce que prévoit l'article 6.1.1, mais en tout état de cause avant le 30 septembre 2010, date choisie par M. [T] comme correspondant à celle la clôture de l'exercice des comptes sociaux de référence.
Il n'est pas contesté que le passif lié à ce litige n'a pas été intégré dans ces comptes de référence, de sorte qu'il s'agit bien d'un passif nouveau ou supplémentaire dont la cause ou l'origine est antérieure à la cession, au sens de l'article 6.1.1.
En quatrième lieu, cette transaction ayant pour objet de négocier le montant de l'indemnisation due à raison de manquements imputables au seul cédant et commis au cours de la période couverte par la garantie, M. [T] ne peut se soustraire à son obligation de garantie au prétexte qu'en acceptant de transiger avec ce client après la conclusion de la convention de garantie, la nouvelle direction de la société SRD aurait contribué à la réalisation de son propre préjudice. L'intimé est d'autant moins fondé à défendre une telle position que, tel qu'indiqué précédemment, il a exprimé son consentement exprès au montant de l'indemnisation accordée à la société [O] et [V] le 31 octobre 2011, conformément aux prévisions de l'article 7.1 précité, donc en sa seule qualité de cédant, de sorte qu'il importe peu qu'il ne fût alors plus le mandataire social de la société SRD.
En cinquième et dernier lieu, l'indemnisation due au titre de ce litige s'élève, au minimum, au coût de l'indemnité forfaitaire que la société SRD a dû payer à la société [O] et [V], qui correspond à la somme de 89 115,06 euros (cf. l'article 1.1 du protocole transactionnel), incluant le préjudice subi et les frais engagés à l'occasion de l'instance afférente à ce litige, « y compris les frais d'expertise. »
En outre, les appelantes se prévalent d'un préjudice complémentaire lié « aux frais du litige », évalués, à la somme totale de 48 809,32 euros (cf. le tableau récapitulatif p. 35-36 de leurs conclusions), à laquelle il conviendrait d'ajouter la somme de 21 450 euros si la cour ne tenait pas compte des « écritures d'opérations diverses » enregistrées sur le compte courant de M. [T] (v. p. 37, §1 desdites conclusions).
Contrairement à ce que prétend ce dernier, le fait que la transaction ait prévu le partage de certains frais ne signifie pas que la société SRD ait, à l'égard de M. [T], accepté de supporter définitivement la charge des frais engendrés par ce litige et, partant, renoncé à lui en demander remboursement, la transaction n'obligeant que les parties qui l'ont conclue, au nombre desquelles ne figure pas M. [T].
Du tableau récapitulatif établi par les appelantes, qui n'intègre pas les frais d'expertise partagés avec la société [O] et [V] au vu de l'accord transactionnel, doivent d'emblée être écartées les dépenses dont les appelantes ne justifient pas au moyen des pièces produites, soit les dépenses correspondant au coût des salaires des employés intervenus lors de l'expertise et au coût de préparation des rendez-vous d'expertise.
Il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, et notamment pas des échanges de courriels préalables à la conclusion de la transaction, que des dépenses autres que les frais d'expertise, en particulier les honoraires d'avocat supportés par la société SRD, aient été partagées avec la société [O] et [V] et soient donc déjà pour partie incluses dans l'indemnité transactionnelle de 89 115,06 euros.
Au vu des pièces produites, ce litige, survenu avec une société ayant son siège à [Localité 5], a donné lieu à une expertise, un jugement rendu en référé et des négociations préalables à la transaction conduites par un avocat. Les frais liés à ces événements procéduraux, non utilement contestés par M. [T] et dont il est, en tout état de cause, justifié par les pièces communiquées par les appelantes, représentent les sommes suivantes :
- 57 339,14 euros au titre des frais d'avocat et de conseils externes ;
- 4 622 euros au titre des frais de déplacement aux rendez-vous ;
- et 594,18 euros au titre des frais de la procédure de référé, frais d'acte d'huissier inclus ;
soit un sous-total de : 65 555,32 euros.
Cependant, il y a lieu de déduire de ces frais les remboursements que les appelantes reconnaissent avoir perçus.
Au titre de ces remboursements, elles mentionnent en particulier des écritures enregistrées sur le compte courant de M. [T] qui, après « retraitement » aboutissent, selon elles, à rendre ce compte débiteur de la somme de 7 707,80 euros. Or, ainsi qu'il sera détaillé ci-après lors de l'examen de la demande en remboursement du solde créditeur du compte courant formée par M. [T], les « retraitements » comptables opérés par les appelantes ne sont pas justifiés. Il ne sera donc pas tenu compte des remboursements invoqués à ce titre.
Ainsi donc, les seuls remboursements qui seront pris en compte correspondent aux sommes suivantes :
- 5 829,66 euros perçus de la Cité des entreprises. Sur ce point, le chiffrage de 17 135,05 euros, évoqué en des termes très dubitatifs par l'expert judiciaire lui-même sur la seule base de précédentes écritures de la société Kopiright, doit être écarté à défaut d'être fondé sur la moindre pièce justificative et au regard des justificatifs produits par les appelantes (cf. p. 18-19 de l'expertise, et la pièce n° 116 des appelantes) ;
- 23 235,34 euros correspondant à des chèques émis par M. [T] ;
soit un sous-total de : 29 065 euros.
Les frais complémentaires restés à la charge des appelantes représentent ainsi un montant total de 36 490,32 euros (65 555,32 - 29 065).
Au total, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préjudice résultant de ce litige s'élève donc aux sommes 89 115,06 (montant de l'indemnité transactionnelle accordée à la société [O] et [V]) et 36 490, 32 (frais justifiés en lien avec ce litige), pour lesquels M. [T] doit sa garantie.
B.4. Sur la situation financière dégradée :
Les appelantes font valoir (pp. 37-38) que M. [T] a délibérément caché au cessionnaire que la société SRD subissait des pertes. Ainsi, sur la période intercalaire, du 1er octobre 2010 au 11 février 2011, la perte constatée s'est élevée à un minimum de 82 404 euros. Ceci a conduit à une dégradation de la valeur de l'actif de la société SRD d'un montant au moins équivalent. Alors que l'expert n'a fourni aucune analyse technique sur ce point, les premiers juges ont rejeté la demande faute d'élément probant. Or, le fait que l'expert judiciaire ait éludé cette partie de sa mission ne saurait être reproché à la société Kopiright. Si la cour s'estimait insuffisamment éclairée sur ce poste de préjudice, il lui appartiendrait d'ordonner une expertise.
En réponse, M. [T] objecte ceci (pp. 67 à 70) :
- la société Kopiright a été informée de la situation par la remise de documents avant la cession et par l'audit de pré-acquisition, ce qui a justifié la diminution du prix de cession de 212 000 euros. Ayant déjà bénéficié d'une réduction substantielle du prix, la société Kopiright ne peut être indemnisée une seconde fois, et ce d'autant moins que la situation financière prétendument dégradée de la société SRD n'est pas établie ;
- à la date de la convention de garantie, le « point mort », fixé à 94 000 euros, était non seulement atteint mais même dépassé ;
- la société Kopiright n'établit ni ne démontre qu'il aurait manqué aux obligations stipulées aux articles 5.28.1, 5.28.2 et 5.29 de la convention, dont l'impact aurait été significatif ou important ;
- le montant du préjudice allégué ne résulte d'aucune pièce probante, bancaire ou comptable, ni d'aucune démonstration ou explication de la part de la société Kopiright ;
- la diminution du chiffre d'affaires enregistrée s'explique par des raisons conjoncturelles, notamment par un prélèvement de 200 000 euros opéré par la société Kopiright dans la trésorerie de la société SRD afin de payer le solde du prix de cession. La société Kopiright a donc contribué au préjudice qu'elle prétend avoir subi ;
- la demande d'expertise complémentaire doit être rejetée.
Réponse de la cour :
Au préalable, l'on observe que les appelantes ne précisent pas sur quel fondement précis elles basent leur demande à ce titre.
En tout état de cause, à supposer même qu'il faille considérer que leur demande se fonde implicitement sur l'article 6.1.1. (i) - obligeant le cédant à indemniser le cessionnaire de tout préjudice subi en raison « d'inexactitudes ou omissions dans une ou plusieurs déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5 » - ou sur l'article 6.1.1. (ii) - déjà reproduit ci-dessus - de la convention de garantie, textes visés dans le jugement entrepris (p. 15), force est de constater qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites par les appelantes que la société SRD aurait subi une perte de valeur d'actif, de surcroît d'un montant de 82 404 euros, sur la période dite « intercalaire », comprise entre le 1er octobre 2010 et le 11 février 2011, et donc que la garantie lui serait due en application de ces clauses.
Nonobstant la circonstance que l'article 146 du code de procédure civile prévoit qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, de sorte que la cour n'aurait pas ordonné une expertise à cet égard, en tout état de cause, les appelantes n'ont pas saisi la cour d'une demande d'expertise sur ce point dans le dispositif de leurs dernières conclusions d'appel.
En conséquence, faute de preuve du préjudice allégué, la demande d'indemnisation formée à ce titre ne peut qu'être rejetée, ainsi que les premiers juges l'ont estimé.
B.5. Sur les droits de propriété intellectuelle :
Les sociétés appelantes soutiennent (pp. 38 à 40) que M. [T] a manqué à ses déclarations figurant dans la convention de garantie (5.13.5, 5.13.6, 5.13.10 et 5.29), puisque des tiers ont reproché à la société SRD d'avoir utilisé sans autorisation leurs logiciels ou machine de développement. Ainsi :
- la société Mapping : faute d'avoir trouvé un accord amiable, la société SRD a dû cesser d'utiliser les services de cette société et trouver une solution de « contournement temporaire » engendrant des frais financiers. Ce litige entre dans les prévisions de la garantie pour s'être concrétisé après la cession (le 22 mars 2022). Est demandée à ce titre une indemnisation de 25 000 euros HT, correspondant aux conséquences financières négatives de cette fausse déclaration ;
- concernant la société Servy : M. [T] ne prouve pas avoir conclu un accord avec cette société pour l'utilisation de son logiciel, au contraire. Est demandée à ce titre une indemnisation de 7 401,25 euros HT ;
- et concernant la société IBM : au moment de la conclusion de la garantie, la société SRD faisait de la machine de développement mise à sa disposition par IBM un usage interdit par le contrat. La société SRD a donc dû acheter un nouveau serveur avec les licences adéquates, pour un montant de 66 492,65 euros HT, conséquence directe du défaut de droits que M. [T] avait omis d'indiquer. L'indemnisation demandée à ce titre est évaluée à cette somme.
Le montant total de l'indemnisation réclamée, en application des articles 6 et 7 de la convention de garantie, s'élève donc à 66 492,65 euros.
M. [T] rétorque (pp. 71 à 79) que pour les clients hébergés chez la société SRD, un accord existait avec les trois sociétés partenaires en cause pour l'utilisation, par la société SRD, de leurs progiciels en contrepartie de l'apport d'affaires effectué par SRD pour les clients équipés. Jusqu'à la cession de février 2011, les relations ont fonctionné ainsi sans aucune difficulté, et ce n'est qu'après que ces relations se sont dégradées, en raison de l'attitude adoptée par la nouvelle direction. Et plus particulièrement :
- s'agissant de la société Servy : une autorisation sur l'utilisation des logiciels par la société SRD a existé et n'a cessé qu'en mai 2011, en raison du refus, par la nouvelle direction, d'un nouvel accord relatif à la facturation des clients hébergés. Dès lors, le préjudice allégué à ce titre ne résulte pas d'un manquement de sa part aux engagements souscrits dans la convention de garantie, le grief n'est pas fondé et le fait générateur de la garantie, postérieur à la date de la cession, n'entre pas dans le champ de la convention de garantie ;
- s'agissant de la société Mapping : avant la cession, cette société avait donné son accord sur la mise à disposition de son logiciel à la société SRD pour les clients hébergés, en contrepartie de l'apport de la solution aux clients, qui versaient une redevance au titre de la licence. Cependant, après la cession, la nouvelle direction a confié à ses équipes le développement d'une autre solution, ce qui a conduit à la remise en cause de l'accord antérieur, en mars 2012. En conséquence, le préjudice allégué à ce titre ne résulte pas d'un manquement du cédant aux déclarations stipulées dans la garantie. Au surplus, n'est produite aucune pièce explicitant le préjudice invoqué ;
- s'agissant de la société IBM : le contrat conclu avec cette société ne contient aucune clause restrictive d'utilisation, de sorte que la société SRD n'a pas utilisé la machine de développement en violation des dispositions contractuelles. En tout état de cause, l'acquisition, par la société SRD, d'un nouveau serveur n'est nullement justifiée par la prétendue impossibilité d'utiliser celui existant ; il s'agit d'un nouvel investissement (et non d'un passif nouveau) décidé par la nouvelle direction de la société SRD.
Réponse de la cour :
La convention de garantie litigieuse contient un paragraphe 5.13, intitulé « Droits de propriété intellectuelle », incluant les clauses suivantes :
- Article 5.13.5 : La société possède un droit exclusif, soit par la propriété directe, soit par le bénéfice d'une licence, sur tous les droits de propriété intellectuelle utilisés pour l'exploitation de son activité quel que soit le pays où ces activités sont exercées et ces droits sont dûment protégés et en vigueur. [...]
- Article 5.13.6 : Les logiciels et progiciels utilisés par la société sont sa propriété ou font l'objet de droits d'utilisation réguliers au bénéfice de la société.
- Article 5.13.10 : Les logiciels utilisés par la société le sont conformément aux licences qui lui ont été consenties.
En outre, l'article 5.29 de cette convention, déjà reproduit ci-dessus, stipule, en substance, que dans ses déclarations précédentes, le cédant n'a pas omis d'indiquer « un fait ou événement significatif (...) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation est les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Enfin, tel qu'indiqué précédemment, les articles 6.1.1. (i) et (ii) prévoient que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice résultant d'omissions ou d'inexactitudes, ainsi qu'en cas de survenance d'un passif nouveau ou supplémentaire ayant une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à la cession.
S'agissant, en premier lieu, de l'utilisation du logiciel de la société Mapping par la société SRD, il ressort d'un courriel du 28 décembre 2011, émanant de Mme [G], dirigeante de la société Kopiright (cf. pièce n° 67 des appelantes), que, dans les immobilisations mentionnées au bilan de la société SRD figuraient deux licences « en version illimitée » acquises en 1990 et qui, d'après ces informations, ne pourraient pas être utilisées « en production », mais seulement pour le développement. La lettre adressée par la société Mapping à la société SRD le 22 mars 2012 (pièce n° 18 des appelantes) indique que celle-ci utilise sans autorisation des licences Mapping qu'elle souhaiterait exploiter « en mode SaaS » pour ses clients, et lui envoie, afin de privilégier une solution amiable, une facture de 60 000 euros, ainsi qu'un contrat de licence autorisant l'usage souhaité par la société SRD.
Il ne ressort pas de ces pièces, ni d'aucune autre, qu'en pratique, avant la cession litigieuse du 11 février 2011, l'exploitation que la société SRD faisait de ces licences méconnaissait les termes du contrat conclu avec la société Mapping. Un courriel de la société Servy du 21 février 2011 (pièce n° 50 des appelantes) démontre au contraire que c'est seulement à partir de cette date, donc après la cession, que la société SRD a souhaité « disposer de nouvelles licences Mapping ». Ces éléments tendent à démontrer que les conditions d'utilisation du logiciel voulues par la société SRD ont évolué entre la période antérieure à la cession et la période postérieure.
En outre et en toute hypothèse, il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats que les appelantes auraient subi un préjudice égal au surcoût engendré par la mise en place d'une « solution de contournement temporaire » d'un montant de 24 000 euros. Quant aux honoraires d'avocat invoqués, d'un montant de 1 500 euros, rien ne permet de les relier au préjudice allégué à ce titre.
En second lieu, s'agissant de l'utilisation de licences appartenant à la société Servy, il ressort des termes de la lettre envoyée par celle-ci à la société SRD après la cession, le 16 mai 2011 (pièce n° 20 des appelantes), que c'est l'absence d'accord sur la régularisation des licences et l'abonnement, à cette date, qui est à l'origine de la fin du partenariat qui liait jusqu'alors ces sociétés et, partant, à l'origine de l'absence de droit d'utiliser les licences attribuées temporairement auparavant « dans le cadre de ce partenariat. » La société Servy en déduisait ainsi : « Ainsi, vous êtes maintenant dans une situation non autorisée et qu'il faut régulariser immédiatement. »
Cet élément démontrant l'existence d'un accord conclu entre les sociétés SRD et Servy jusqu'au 16 mai 2011, soit après la cession du 11 février 2011, les appelantes n'établissent donc pas qu'antérieurement à cette cession, la société SRD aurait utilisé les licences de la société Servy sans autorisation.
En troisième et dernier lieu, alors même qu'elles produisent le contrat conclu entre les sociétés IBM et SRD le 6 août 2009 (cf. leur pièce n° 53), les appelantes soutiennent que la société SRD aurait fait d'une « machine de développement » de la marque IBM une utilisation en violation flagrante des termes de ce contrat, mais sans préciser quelle clause précise aurait été méconnue par la société SRD. De surcroît, les appelantes ne rapportent pas la preuve de ce que cette société aurait commis la faute qu'elles articulent contre elle - soit l'utilisation de ces machines dans un environnement de production, pour héberger des applications de ses clients.
A titre surabondant, à supposer même qu'une faute pût être imputée à la société SRD avant la cession, dans l'utilisation de la machine IBM, il n'est, en toute hypothèse, nullement établi par les appelantes que l'achat d'un nouveau serveur avec des « licences adéquates », pour le prix de 66 492,65 euros serait la conséquence directe et certaine de cette prétendue faute.
En conclusion, aucune indemnisation ne peut être accordée sur ce point, à l'instar de ce qu'ont retenu les premiers juges.
B.6. Sur les factures impayées et les avances
Les appelantes font valoir qu'après la cession, le cessionnaire a appris que la société SRD avait consenti à des clients, avant la cession, des avances sur deux périodes distincts :
- avant le 30 septembre 2010 : 6 299,50 euros HT d'avances non comptabilisées. Les comptes n'étaient donc pas sincères, en violation de l'article 5.26 de la garantie, et l'actif a été surévalué, ce qui fait naître un préjudice indemnisable, notamment au titre de l'article 6.1.1 de la garantie. Il est demandé une confirmation du jugement sur ce point. Même à retenir la qualification comptable invoquée par M. [T], la garantie est due, puisque l'émission ultérieure d'avoirs a eu pour effet de réduire à due concurrence l'actif de la société SRD, tel qu'évalué dans les comptes arrêtés au 30 septembre 2010. L'expert a pris en compte cette somme et M. [T] n'apporte aucun élément pour invalider le chiffre retenu.
En réplique à l'appel incident formé à cet égard par M. [T], les appelantes font valoir que les 2 500 euros de condamnation complémentaire prononcée par le tribunal correspondent au litige né avec Le Nouvel Observateur, au titre duquel M. [T] avait reconnu, en première instance, qu'il était bien couvert par la garantie. Celui-ci ne remet pas en cause cet accord dans ses conclusions d'appel. Il convient donc de confirmer la condamnation prononcée à hauteur de 8 799,49 euros (6 299,49 + 2 500) et débouter l'intimé de sa demande incidente.
- et entre les 1er octobre 2010 et 31 janvier 2011 : 20 413,62 euros HT d'avances ont été consenties. L'expert n'a pas retenu cette prétention, mais n'a pas rempli sa mission : il aurait dû analyser toute la demande de la société Kopiright, même s'agissant d'avoirs ou factures non inscrites au bilan arrêté au 30 septembre 2010. L'existence de ces avances rendent erronées les déclarations visées aux articles 5.28 et 5.29 de la convention de garantie, relatifs à la gestion de l'entreprise entre le 1er octobre 2010 et la date de la cession, également couverte par la garantie.
La société SRD ayant subi un passif nouveau non comptabilisé et un passif supplémentaire excédant celui figurant dans ses comptes de référence, le cédant est tenu contractuellement d'indemniser le cessionnaire, en vertu de ses engagements de garantie. Ce poste de préjudice est évalué à la somme de 26 753,07 euros HT, et non 6 299,50 euros HT comme l'a retenu le tribunal.
M. [T] (pp. 80 et 81) demande l'infirmation du jugement en ce qu'il le condamne à payer à 6 299,49 euros, mais sa confirmation en ce qu'il rejette la demande indemnitaire complémentaire portant sur la somme de 20 413,62 euros. A l'appui, il fait valoir ces éléments :
- d'abord, les sommes invoquées ne correspondent pas à des « avances », mais à des « créances » que la société SRD détenait sur les clients facturés au titre d'une prestation réalisée mais ayant fait l'objet d'un avoir pour une raison déterminée. Ces créances ont été comptabilisées dans les comptes sociaux de référence, mais pas dans la rubrique « avances » ;
- de plus, les « créances » relatives à la période comprise entre le 1er octobre et le 31 janvier 2011 (20 413,62 euros HT) n'avaient pas à faire l'objet d'une information particulière à l'égard du cessionnaire, faute de manquement ayant un impact significatif ou important au sens des articles 5.28 et 5.29 de la convention de garantie. Tout au contraire, au vu du montant de chacun des factures et avoirs en cause, les montants en jeu n'ont rien de significatif ou d'important ;
- en outre, certains avoirs ont été émis postérieurement à la période de référence (par exemple la facture 19466 d'un montant de 457,35 euros).
Réponse de la cour :
L'article 5.26.1 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Les comptes sociaux au 30 septembre 2010 qui figurent en Annexe A sont réguliers, sincères et donnent une image fidèle du patrimoine de la société et de son résultat. »
L'article 5.28, relatif à la « gestion sociale depuis le 1er octobre 2010 » contient notamment les clauses suivantes :
- article 5.28.1. : Depuis le 1er octobre 2010, le cédant garantie et certifie que la société a géré son patrimoine et ses activités à l'image d'un commerçant diligent et avisé, de manière normale et courante, qu'aucune décision de gestion exceptionnelle n'a fondamentalement modifié les éléments des comptes de référence.
- article 5.28.2 : Aucun événement ou circonstance s'écartant du cours normal des affaires et susceptible d'affecter défavorablement et significativement le patrimoine et les activités de la société, quel qu'en soit le caractère, n'est intervenu.
Tel qu'indiqué ci-dessus, l'article 5.29, relatif aux « autres faits », prévoit, en substance, qu'aucune des déclarations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer « un fait ou événement significatif [...] dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Et l'article 6.1.1 stipule que le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait, notamment dans l'hypothèse prévue dans son alinéa (iii), lequel est ainsi rédigé :
« soit en cas de constatation de toute surestimation des actifs de la société, tels qu'ils seront comptabilisé dans les comptes de référence de la société dès lors que cette surestimation aurait une cause ou une origine imputable à des faits antérieurs à ce jour, quelle qu'en soit la cause. »
D'abord, concernant l'origine de ces avoirs, la cour estime qu'elle se trouve non dans la date de leur émission, mais dans la date de la facture ayant justifié cet avoir, dès lors que, sans facturation préalable, l'avoir n'aurait pas eu lieu d'être.
Or, au vu des pièces produites, toutes les factures invoquées par les appelantes dans leur tableau produit en pièce n° 27 bis sont antérieures au 11 février 2011, s'étalant sur la période comprise entre le 30 juin 2009 (date de la plus ancienne facture) jusqu'au 27 janvier 2011 (date de la plus récente), la majorité des factures ayant été émise au cours du mois d'octobre 2010.
Ensuite, M. [T] opposant les termes des articles 5.28 et 5.29, dont les appelantes ne contestent pas l'applicabilité à ce chef de demande (v. leurs conclusions p. 43), la cour se trouve, une fois encore, tenue d'interpréter le contrat. Et elle estime que l'article 6.1.1. (iii) doit s'interpréter indépendamment de l'article 5.29 et que l'intention des parties était que toute surestimation des actifs de la société cédé devait être indemnisée au titre de la garantie.
A ce titre, peu importe la qualification des sommes ici en cause - avoirs ou créances - dès lors qu'il s'agit de montants à déduire de ceux figurant sur des factures émises par la société SRD et qu'il ne résulte pas des comptes sociaux de référence du 30 septembre 2010 qu'il en a été tenu compte dans l'évaluation des actifs mentionnés dans ces comptes.
Enfin, s'agissant du montant des avoirs non comptabilisés, l'expert judiciaire, prenant uniquement en compte ceux consentis à deux clients [Goodson (première facture) et Finelinea], a abouti à la somme de 6 299,49 euros. Cependant, après examen des pièces produites par les appelantes, la cour estime qu'il est justifié d'un montant cumulé d'avoirs consentis par la société SRD, après l'émission d'une facture pendant la période intercalaire, à concurrence de la somme totale de 6 430,15 euros, déduction faite des avoirs dont il n'est pas justifié à l'égard de certains clients [[Z], [J], [S] (seconde facture du 26/10/2010), Nouvel observateur 24,58 euros, Forco, Trois Suisses Chine et [X]].
La garantie peut donc être mise en oeuvre de ce chef, à concurrence de la somme de 6 430,15 euros, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.
B.7. Sur le litige avec le Nouvel Observateur
Le jugement entrepris a condamné M. [T] au paiement de la somme totale de 8 799,49 euros (cf. le dispositif du jugement, p. 27), incluant celle de 2 500 euros au titre d'un litige survenu avec le client « Nouvel observateur ». Les motifs exposés à ce titre indiquent que, dans ses écritures, M. [T] acceptait de prendre en charge le montant d'une franchise de 2 500 euros.
Les sociétés appelantes ne forment aucune critique contre le jugement entrepris sur ce point et soutiennent, au contraire, que la société Kopiright est fondée à mobiliser la garantie notamment pour le montant de 2 500 euros au titre de ce litige (cf. p. 46 de leurs conclusions) et que M. [T] ne remet pas cela en cause dans ses écritures (cf. p. 54 desdites conclusions).
De fait, la cour observe que si M. [T] demande, dans le dispositif de ses conclusions (p. 109), l'infirmation du jugement en ce qu'il le condamne à payer à la somme de 8 799,49 euros, qui englobe celle de 2 500 euros présentement en cause, il n'articule cependant aucune critique précise contre les motifs retenus par les premiers juges.
Dans ces conditions, outre le fait que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la cour est tenue d'interpréter les conclusions de M. [T] qui, à cet égard, demeurent obscures. Elle en déduit qu'en l'absence de critiques articulées par ce dernier sur l'application de la garantie à ce litige particulier, il reconnaît implicitement mais nécessairement que cette garantie est due à concurrence de la somme de 2 500 euros, comme l'ont retenu les premiers juges - étant précisé qu'il n'a pas été tenu compte de cette somme dans le poste précédent (n° B.6 « Sur les factures impayées et les avances »).
B.8. Sur l'encours « [A] »
Les appelantes exposent (p. 43) que :
- sur l'exercice 2012, la société SRD a dû effectuer des prestations au profit du client « [A] » pour un montant de 1 990 euros, sur la base d'un devis du 9 novembre 2009 portant sur des prestations payées mais non entièrement effectuées ;
- cela est à l'origine d'un passif nouveau non comptabilisé et supplémentaire excédant celui figurant dans les comptes de référence de la société, qui est garanti à l'article 6.1.1 de la convention ;
- en outre, M. [T] n'a pas mentionné l'existence de cette situation dans la convention de garantie au titre « d'autres faits significatifs » qui auraient dû être portés à la connaissance du cessionnaire, en vertu de l'article 5.29 ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ces faits ont bien une origine antérieure à la cession et sont donc bien couverts par la garantie ;
- est donc demandée une indemnisation de 3 160 euros, correspondant au coût de la main d'oeuvre utilisée pour réaliser ces prestations.
M. [T] (pp. 81 à 83) demande le rejet de cette demande, en faisant notamment valoir ces éléments :
- hormis le fait que le « crédit développement » en cause s'élève à 1 990 euros, et non 3 160 euros, il n'est pas démontré que cette somme résulterait de prestations facturées sur l'exercice 2009 et réalisées à l'occasion de l'exercice 2012 ;
- en outre, les articles 5.28 et 5.29 de la convention ne peuvent s'appliquer, dès lors que cela ne constitue pas un événement ou une circonstance visée par ces stipulations, pas plus que l'article 6.1.1 (ii), dès lors qu'il n'est pas établi que le « crédit de développement » en cause (de 1 990 euros et non 3 160) serait le fait de nouvelles prestations, alors qu'il est plus que probable que cela corresponde à des prestations budgétées au cours de l'exercice 2010/2011.
Réponse de la cour :
Il ne ressort d'aucune des pièces produites par les appelantes (cf. leurs pièces 31, 32 et 33) que la société [A] aurait, avant l'acte de cession, effectué un paiement de 1 990 euros au titre d'un devis du 9 novembre 2009, ce devis ne comportant aucune signature et le paiement allégué n'étant pas établi.
Au surplus, à supposer même que ce devis eût été accepté, il n'est pas davantage démontré que, tel qu'il est soutenu par les appelantes, les prestations correspondantes n'auraient pas été effectuées avant la cession ni qu'en 2012, donc après la cession, la société SRD aurait dû réaliser ces prestations.
Enfin, toujours à titre surabondant, aucun élément ne démontre l'existence d'un préjudice égal à 3 160 euros, aucune explication n'étant au demeurant fournie par les appelantes quant à cette évaluation.
C'est dès lors à raison que les premiers juges ont écarté ce chef de demande.
B.9. Sur le litige concernant M. [C]
Les sociétés appelantes font valoir que plusieurs informations relatives à M. [C], salarié embauché en contrat à durée déterminée jusqu'au 2 février 2012, n'ont pas été portées à la connaissance du cessionnaire, et ce en violation des engagements figurant aux articles 5.29 et « 5.32.1 » de la convention de garantie. Ainsi :
- le litige survenu avec ce salarié a abouti à une transaction conclue en mars 2012 ;
- de plus, la société SRD a dû honorer une facture de 13 500 euros au titre d'un contrat en lien avec le travail accompli par M. [C], alors que M. [T] n'a jamais mentionné l'existence de ce contrat, ainsi que des frais y afférents.
En raison des inexactitudes ou omissions dans les déclarations mentionnées dans la convention et du passif nouveau non comptabilisé occasionné, est demandée, en application de l'article 6.1.1 de la convention de garantie, la somme totale de 21 228 euros HT, se décomposant comme suit :
- 2 728 euros HT, au titre du montant de la transaction signée avec M. [C], (2 328 euros) et des frais d'avocat générés par cette situation (400 euros) ;
- 5 000 euros HT au titre des frais reversés à l'Ecole centrale de [Localité 4],
- 13 500 euros au titre de la facture.
Les premiers juges, qui ont rejeté cette demande, auraient dû s'attacher à la date de la cause ou de l'origine du passif, conformément aux termes de l'article 6.1.1 de la convention, l'origine de ce préjudice étant indiscutablement antérieure au 11 février 2011.
En réponse, M. [T] (pp. 84 à 87) s'oppose à ces demandes, en faisant valoir ceci :
- avant la cession, le cessionnaire était parfaitement informé de la situation du salarié en cause, du contrat de recherche signé avec l'école à laquelle il appartenait et du contrat signé avec une société tierce pour l'accompagnement du projet Asicom, tous éléments à l'origine des sommes réclamées par la société Kopiritght. Dès lors, il ne s'agit pas d'un « passif nouveau » au sens de la convention de garantie ;
- s'agissant de la situation de M. [C], le fait générateur de la transaction est postérieur à la convention et exclusivement imputable à la nouvelle direction, cet acte, régularisé après la convention de garantie, portant sur les sommes restant dues à l'issue de son contrat de travail, après le 2 février 2012. En outre, la société Kopiright ne peut ignorer que les congés payés étaient dus à M. [C], qui a effectué une partie de sa mission sous le régime de la nouvelle direction de la société SRD ;
- quant à la facture de la société tierce, elle est postérieure à la convention de garantie et concerne l'accompagnement de la société SRD dans le projet Asicom, dont le cessionnaire n'ignorait rien avant la convention ;
- selon la jurisprudence, dans le cas où le cessionnaire a eu connaissance de la cause de l'augmentation du passif invoqué, il ne peut exiger du cédant qu'il le garantisse et l'indemnise du préjudice prétendument subi, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de la situation de M. [C] ;
- de plus, le fait préjudiciable trouvant sa cause et son origine après la signature de l'acte de cession et de la convention de garantie, il n'entre pas dans le champ de cette dernière.
Réponse de la cour :
En premier lieu, il convient de rappeler que, pour les motifs explicités précédemment, il résulte des termes de la convention de garantie que le cédant est tenu d'exécuter cette garantie à l'égard du cessionnaire lors même que ce dernier aurait été informé, avant la cession des parts de la société SRD, du fait ou de l'événement justifiant la demande de mise en oeuvre de la garantie.
En conséquence, il n'importe que, préalablement à la cession, M. [T] ait informé la société Kopiright de la nature et du contenu du contrat de travail à durée déterminée conclu avec M. [C], salarié de la société SRD, ainsi que de l'existence des contrats conclus avec l'Ecole centrale de [Localité 4], à laquelle appartenait ce salarié, et avec la société Open Technoloqies.
En second lieu, la cour observe que, parmi les clauses invoquées par les appelants, aucun article 5.32.1 n'est inséré dans la convention de garantie. En revanche, y est stipulé, dans le paragraphe 5 contenant l'ensemble des déclarations du cédant, l'article 5.29, relatif aux « autres faits » déclarés par ce dernier, déjà évoqué ci-dessus, et libellé en ces termes :
« Aucune des déclarations et attestations faites ci-dessus par le cédant n'omet d'indiquer un fait ou un événement significatif, qu'il ait été réalisé ou qu'il soit potentiel, quel[le] que soit sa nature (e.g. : économique, juridique, financier, etc.) dont la révélation serait importante pour l'information bonne et loyale du cessionnaire sur la situation et les perspectives de la société et/ou rendrait trompeuse ou erronée tout ou partie de ces déclarations. »
Quant à l'article 6.1.1, situé dans le paragraphe 6 relatif à l'étendue et aux limites des garanties et intitulé « Faits et opérations garanties », il prévoit que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en raison d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5.
(ii) soit en cas de survenance de tout passif nouveau non comptabilisé ou de tout passif supplémentaire excédant celui qui figure dans les comptes de référence de la société, dès lors que ce passif nouveau ou excédentaire aurait une cause ou une origine imputables à des faits antérieurs à ce jour quelle qu'en soit la cause. »
Tenue d'interpréter le contrat sur ce point, la cour estime qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations contractuelles que la garantie est due par le cédant en particulier dans ces deux hypothèses alternatives :
- soit en cas d'inexactitude des déclarations relativement à un fait ou événement « significatif », ou en cas de non-déclaration d'un fait ou événement identiquement qualifié ;
- soit en cas de survenance d'un passif nouveau ou supplémentaire non mentionné par les comptes de référence - en l'espèce, ceux arrêtés au 30 septembre 2010 -, à la condition que sa cause ou son origine soit antérieure au 11 février 2011.
En premier lieu, s'agissant des frais liés à la transaction conclue par la société SRD avec M. [C] (correspondant à l'indemnité consentie à ce salarié et aux frais d'avocats exposés par la société SRD), il ressort des propres conclusions des appelantes que ce litige a pour origine « des contestations élevées par le salarié sur l'exécution de son contrat de travail », qui a pris fin automatiquement le 2 février 2012 - ce que confirme d'ailleurs la lecture de la transaction du 30 mars 2012 versée aux débats (cf. pièce n° 35 des appelantes).
A supposer même que, tel que le soutiennent les appelantes, le contentieux ayant justifié la conclusion de cet accord transactionnel soit lié au fait que l'employeur, la société SRD, fût redevable de congés payés envers ce salarié, il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats, et notamment pas de cette transaction, que la dette de congés payés aurait, fut-ce pour partie, une cause ou une origine antérieure au 11 février 2011, alors que le contrat de travail, certes conclu avant cette date, il a été exécuté pendant près d'une année après cette même date. La garantie de M. [T] ne peut donc être mise en oeuvre sur le fondement de l'article 6.1.1. (ii) précité.
Par ailleurs, la cause ou l'origine de la transaction demeurant inconnue, c'est en vain que les appelantes imputent à M. [T] un manquement relevant de l'article 6.1.1 (i) précité (soit une inexactitude ou omission dans ses déclarations préalables à la cession). Cette conclusion s'impose de plus fort qu'aux termes de l'article 5.29, le fait ou l'événement inexactement déclaré ou non déclaré par le cédant doit être « significatif », ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant de frais représentant 2 328 euros (montant de l'indemnité transactionnelle) et 400 euros (frais d'avocat), au regard du chiffre d'affaires réalisés de la société SRD au moment de la cession (1 109 046 euros pour l'exercice clos au 30 septembre 2010).
En second lieu, s'agissant des autres dépenses alléguées par les appelantes, il ressort des propres conclusions de M. [T] que celui-ci reconnaît :
- d'une part, que la somme de 5 000 euros correspond à la dernière échéance due par la société SRD en exécution du contrat de recherche conclu le 4 février 2009 entre la société SRD et l'Ecole centrale de [Localité 4] (cf. pièce n° 34 des appelantes), auprès de laquelle M. [C] était détaché ;
- d'autre part, que la facture de 13 500 euros émise par la société Open Technologies le 26 juin 2011, à laquelle la société SRD a dû faire appel après le départ d'un salarié en avril 2010, afin d'être accompagnée dans le projet Asicom, et que le contrat de sous-traitance conclu entre ces sociétés date du 1er juin 2010 (cf. la pièce n° 122 de M. [T]).
Dès lors que ces deux dettes sont liées à l'exécution de contrats conclus antérieurement à la cession litigieuse du 11 février 2011, la cour estime qu'elles ont une cause ou origine antérieure à cette date et qu'il s'agit d'un passif nouveau antérieur entrant dans le champ de la garantie prévue par l'article 6.1.1 (ii) précité.
Dès lors qu'il n'est pas contesté que ce passif nouveau n'a pas été comptabilisé dans les comptes sociaux de référence, M. [T] doit sa garantie à concurrence de la somme de totale de 18 500 euros (5 000 + 13 500), contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges.
B.10. Sur le contrôle fiscal
Les sociétés appelantes font valoir que ;
- un passif nouveau, au sens de la garantie, est né d'un redressement fiscal de 19 235 euros, en raison de la perception indue de crédits d'impôt recherche pour les années 2007 à 2009. Or, cette situation est contraire à l'article 5.21.2 de la convention de garantie, qui précise que la société n'a pas bénéficié d'avantages fiscaux de façon indue. Est donc demandée une indemnisation en application de l'article 6.1.1 (iv) de la garantie ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société SRD n'a pas accepté le montant du redressement fiscal à 10 000 euros, mais l'indemnisation obtenue de l'assureur de l'expert-comptable responsable de ce redressement. Elle a donc supporté la différence (9 235 euros), qui constitue un passif nouveau que M. [T] doit prendre en charge ;
- il importe peu que le redressement fiscal soit imputable à une faute de l'expert-comptable, M. [T] étant seul responsable et garant de la gestion antérieure à la cession, selon la garantie qu'il a souscrite. M. [T] n'est pas exonéré par l'indemnisation reçue de l'assureur de l'expert-comptable, qui est venue diminuer le préjudice subi, sans toutefois le supprimer ;
- est, en outre, demandée la prise en charge les honoraires supportés par la société SRD pour la gestion de ce contentieux fiscal, soit 7 125 euros HT, conformément aux stipulations de l'article 6.3.5 de la garantie ;
- au total, est demandée la somme de 16 360 euros (19 235 ' 10 000 + 7 125) à ce titre, par voie de réformation du jugement entrepris.
M. [T] (pp. 87 à 89) rétorque que cette demande ne peut prospérer, pour plusieurs raisons :
- il « semblerait » que la « non-conformité » comptable à l'origine du redressement relève de la seule responsabilité du cabinet d'expertise comptable auquel avait été confié l'établissement des déclarations litigieuses. Ce fait n'entre donc pas dans le champ de la convention de garantie ;
- de plus, la société Kopiright est irrecevable à solliciter une indemnisation à ce titre, dès lors que cette non-conformité ne peut s'analyser en une diminution de l'actif mais en une dette sociale de la société SRD, dont seule cette dernière pourrait être autorisée à réclamer le paiement, le cas échéant dans le cadre d'une garantie de passif, inexistante en l'espèce. Il appartient donc à la société SRD, le cas échéant, de se tourner vers le cabinet d'expertise comptable pour obtenir réparation du préjudice qu'elle peut avoir subi ;
- en toute hypothèse, la demande n'est pas fondée, dès lors que le cabinet d'expertise comptable a pris en charge le montant du redressement à concurrence de la somme forfaitaire de 10 000 euros, que la société SRD a acceptée. Soit elle estimait que c'était insuffisant à l'indemniser, et alors elle aurait dû engager une action contre l'expert comptable, ce qu'elle n'a pas fait ; soit elle estimait être suffisamment indemnisée, ce qui expliquerait l'absence d'action exercée contre celui-là dans les délais légaux. Dans les deux cas, lui, M. [T], n'est pas responsable d'un quelconque manquement au titre du redressement fiscal en cause, et les sociétés appelantes ne sont ni recevables ni fondées à lui demander la prise en charge d'une somme quelconque à ce titre, en exécution de la convention de garantie.
Réponse de la cour :
La convention de garantie souscrite par M. [T] contient les déclarations de ce dernier concernant la situation fiscale de la société cédée SRD (paragraphe 5.21), et en particulier celle-ci, contenue à l'article 5.21.2 :
« La société n'a pas bénéficié d'avantages fiscaux ou sociaux de manière indue et la cession des actions n'a pas pour effet d'entraîner la perte d'avantages fiscaux ou sociaux dont elle bénéficié ou aurait bénéficié. »
L'article 6.1.1, relatif à l'étendue et aux limites des garanties, prévoit que :
« Le cédant s'engage à indemniser le cessionnaire de tout préjudice qu'il subirait :
(i) soit en raison d'inexactitudes ou d'omissions dans une ou plusieurs des déclarations et attestations faites aux articles 4 et 5.
(...)
(iv) soit en cas de redressement fiscal ou rappel d'impôts au titre d'exercices postérieurs aux comptes de référence de la société et fondés sur des erreurs comptables antérieures à la date de ces comptes. »
Et l'article 6.3.5, inclus dans le paragraphe 6.3 intitulé « Mode de calcul de la réduction de prix dans le cas où les préjudices résultent d'opérations traduites dans les comptes », stipule que :
« Elles [sous-entendu «les sommes garanties»] comprendront, le cas échéant, les honoraires et frais de conseils chargés de la défense des intérêts de la société et/ou du cessionnaire, les frais de procédure et les honoraires d'experts.»
Il résulte de la « réponse aux observations du contribuable » établie par la Direction générale des finances publiques le 15 octobre 2012, que la société SRD a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre du « crédit impôt recherche » (CIR) déclaré par la société SRD au titre des années 2007, 2008 et 2009, donc avant la cession. Le rappel d'impôt dû en conséquence s'élève aux sommes respectives de 3 585, 9 957 et 5 693 euros, soit un redressement fiscal s'élevant, au total, à 19 235 euros (cf. la pièce n° 38 des appelantes).
Ce redressement fiscal, fondé sur des erreurs comptables antérieures à la date des comptes de référence (soit ceux arrêtés 30 septembre 2010), relève incontestablement de la garantie souscrite par M. [T].
En effet, aux termes des clauses précitées, ce dernier s'étant porté garant de l'exactitude des comptes sociaux de référence à l'égard de la société Kopiright, il ne saurait s'exonérer de son obligation de garantie aux motifs que ce redressement fiscal aurait pour origine une erreur commise par le cabinet d'expertise comptable de la société SRD, ou encore que seule la société SRD pourrait réclamer une indemnisation à ce titre. Il est donc tenu de répondre des éventuelles erreurs commises par l'expert-comptable de la société SRD, à charge pour lui d'exercer, le cas échéant, un recours en garantie contre ce professionnel du chiffre.
Selon une lettre adressée à la société SRD le 15 janvier 2014 (cf. pièce n° 78 des appelantes), l'assureur de cet expert-comptable a accepté d'indemniser le préjudice subi au titre de ce redressement fiscal, mais seulement dans la limite de 10 000 euros, estimant que la faute de son assuré était seulement à l'origine d'une perte de chance, pour la société SRD, de se mettre en conformité et d'obtenir ainsi le CIR.
Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sans fournir le moindre fondement juridique à l'appui de leur décision, l'acceptation de cette indemnisation partielle ne prive pas la société SRD de son droit de réclamer à M. [T] le complément d'indemnisation résultant de ce redressement fiscal, la convention de garantie obligeant M. [T] en cas de manquement commis sur ce point, dans la seule limite du plafond de garantie fixé à la somme totale de 450 000 euros.
Au surplus, même en interprétant les motifs du jugement comme signifiant que la société SRD aurait, ce faisant, renoncé à réclamer à M. [T] davantage que 10 000 euros, force est de rappeler que la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d'actes dépourvus d'équivoque, inexistants en l'espèce.
Par conséquent, au préjudice correspondant au montant du redressement fiscal que M. [T] est tenu d'indemniser, s'ajoute, conformément à l'article 6.3.5 précité, le montant des honoraires d'avocat en lien avec ce redressement, au cours duquel la société SRD a présenté une défense, ces honoraires représentant la somme de 7 125 euros HT (cf. la pièce n° 79 des appelantes).
Au total, M. [T] est donc débiteur, à ce titre, de la somme de 16 360 euros [(19 235 + 7 125) - 10 000].
B.11 Sur la détermination de la somme due par M. [T] en exécution de la convention de garantie d'actif net
En définitive, la mise en oeuvre de la garantie souscrite par M. [T] à l'égard de la société Kopiright est justifiée à concurrence des sommes suivantes :
' 52 938 euros au titre de la production immobilisée,
' 89 115,06 + 36 490,32 euros au titre du litige avec le client [O] et [V],
' 6 430,15 euros au titre des factures impayées et avoirs,
' 2 500 euros au titre du litige avec le client Nouvel Observateur,
' 18 500 euros au titre de la situation en lien avec M. [C],
' 16 360 euros au titre du contrôle fiscal,
soit la somme totale de 222 333,53 euros.
Tel qu'il a déjà été explicité précédemment, il n'y a pas lieu de répondre au simple argument soulevé par M. [T] (v. p. 21 de ses conclusions), selon lequel la garantie d'actif net nécessite de « compenser les bonnes et les mauvaises nouvelles » et, partant, de tenir compte du chiffre d'affaires généré par un nouveau client acquis en décembre 2010.
Par ailleurs, la société Kopiright déduit de sa demande de condamnation de M. [T] la somme de 85 000 euros qu'elle a déjà perçue en exécution de la garantie à première demande souscrite en lien avec la convention de garantie d'actif net. A l'inverse, M. [T] demande la condamnation de la société Kopiright à lui rembourser cette somme. C'est donc à ce stade qu'il convient d'examiner cette prétention, afin de déterminer le montant de la condamnation susceptible d'être prononcée contre M. [T].
B.11.a) Sur la demande de M. [T] tendant à restitution de la somme de 85 000 euros :
M. [T] (v. p. 91 et s.) demande la confirmation du jugement qui a condamné la société Kopiright à lui restituer la somme de 85 000 euros. A l'appui, il fait valoir ces éléments :
- c'est en raison de l'attitude déloyale de la société Kopiright et du caractère totalement infondé de ses demandes que les premiers juges ont estimé que la mise en oeuvre de la garantie à première demande était abusive. En effet, c'est sur la base de prétendus griefs de pure opportunité que cette société s'est autorisée à actionner cette garantie, à ses risques et périls : elle a mis en oeuvre une stratégie pensée de longue date dans le seul but d'obtenir par tous moyens une nouvelle réduction du prix de cession ;
- c'est encore de manière fallacieuse que la société Kopiright affirme que les passifs liés au litige [O] et [V] et au redressement fiscal étaient exigibles à la date à laquelle elle a actionné la garantie à première demande. En effet, au vu de la rédaction de l'article 7.5 de la convention de garantie d'actif net, ces passifs n'étaient pas exigibles à la date à laquelle la garantie à première demande a été actionnée.
La société Kopiright (pp. 46-47) estime avoir activé à bon droit la garantie à première demande le 26 mars 2012, dès lors qu'à cette date était exigible, au sens de l'article 7.4 de la convention, le passif dû en conséquence de la transaction conclue dans le litige [O] et [V] (transaction de 89 115,06 euros, outre les frais d'avocat) et du redressement fiscal (19 235 euros). En tous les cas, compte tenu des demandes formulées au titre de la garantie souscrite par M. [T], il n'y a pas lieu à remboursement.
Réponse de la cour :
La garantie à première demande, émise accessoirement à un contrat dit « de base », est l'engagement par lequel un garant s'oblige envers un donneur d'ordre à verser à un bénéficiaire une somme d'argent sur simple demande ou suivant certaines modalités convenues.
Selon la jurisprudence rendue sur le fondement de l'ancien article 1134 du code civil, applicable en la cause eu égard à la date de conclusion du contrat en cause, le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que ce dernier en a reçu indûment le paiement, soit par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, soit par celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opération préventive à l'exécution de la garantie par le garant (Com. 7 juin 1994, n° 93-11340, publié ; Com. 15 juin 1999, 94-13615, publié).
La Cour de cassation a également précisé que si, après la mise en oeuvre d'une garantie à première demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun (Com. 31 mai 2016, n° 13-25.509, publié).
Il résulte de ces principes que le recours en restitution du donneur d'ordre, après exécution de la garantie à première demande, est une action en remboursement ouverte indépendamment de tout abus dans l'appel de la garantie, dès lors que le bénéficiaire a encaissé le montant de la garantie bien qu'il ne fût titulaire d'aucune créance contre le donneur d'ordre, ou que sa créance fût inférieure au montant de la garantie dont il a demandé un paiement total. A fortiori ce recours en restitution est-il ouvert au donneur d'ordre en cas d'appel abusif d'une garantie à premier demande. Est constitutif d'un abus le fait d'appeler la garantie à première demande en l'absence totale et certaine de droit détenu au titre du contrat de base. A l'inverse, cet appel n'est pas abusif lorsque son bénéficiaire peut, de bonne foi, se prétendre créancier du donneur d'ordre, même si la preuve de l'inexécution n'est pas encore rapportée et n'est que redoutée.
En l'espèce, par un acte du 11 février 2011 (cf. pièce n° 2 de M. [T]), la banque Société générale s'est engagée en faveur de M. [T] à verser à la société Kopiright, à première demande et sans pouvoir opposer aucune exception tenant à la convention de base (i.e. la convention de garantie d'actif net du 11 février 2011), toutes les sommes que cette société pourrait réclamer en considération de la convention de garantie d'actif net, et ce dans la limite de la somme forfaitaire maximale de 85 000 euros.
La demande de M. [T] est une demande de « restitution » de cette somme de 85 000 euros, fondée sur le fait que la société Kopiright aurait abusivement mis en oeuvre la garantie à première demande. Il s'en déduit que M. [T] agit en vertu du recours ouvert au donneur d'ordre contre le bénéficiaire de la garantie à première demande.
Tel qu'il a été énoncé ci-dessus, ce recours n'étant pas subordonné à l'existence d'un abus dans l'appel de la garantie à première demande et supposant simplement que le donneur d'ordre n'ait aucune dette à l'égard du bénéficiaire, les développements de M. [T] relatifs à l'existence d'un abus commis par la société Kopiright dans l'appel de cette garantie sont inopérants. Il suffit, en effet, de constater que, pour l'ensemble des motifs ci-dessus explicités, il a été démontré qu'en application de la convention de garantie d'actif net - contrat de base de la garantie à première demande -, M. [T] est débiteur, envers la société Kopiright, d'une somme qui excède largement la somme de 85 000 euros perçue par cette dernière en exécution de la garantie à première demande. Pour ces seuls motifs, la demande de remboursement de cette somme formée par M. [T] n'est pas fondée.
En tout état de cause, même en se plaçant, tel que le font les parties, au 26 mars 2012 - la date à laquelle elles s'accordent à dire que la société Kopiright a mis en oeuvre la garantie à première demande - pour apprécier l'existence, ou non, d'un abus dans le recours à cette garantie, la cour relève qu'à cette date, avait déjà été signée la transaction du 12 décembre 2011 mettant un terme au litige survenu avec le client [O] et [V] et prévoyant le versement, par la société SRD, d'une indemnité de 89 115,06 euros, en accord avec M. [T], qui avait été associé aux négociations préalables à cette transaction et accepté cette indemnisation. Ces seules constatations suffisent à écarter la commission, par la société Kopiright de tout abus lorsqu'elle a demandé l'exécution de la garantie à première demande pour son montant maximal de 85 000 euros, même à supposer que cette dette ne fût pas encore exigible au sens de la convention de garantie d'actif net - contrat de base à la garantie à première demande. Cela justifie de plus fort e rejet de la demande de remboursement formée par M. [T].
Le jugement, qui a condamné la société Kopiright au paiement de la somme de 85 000 euros, doit donc être infirmé de ce chef.
B.11.b) Sur la demande d'intérêts formée par la société Kopiright.
Tel qu'indiqué précédemment, le total des postes de préjudice justifiant la mise en oeuvre de la garantie due par M. [T] s'élève à 222 333,53 euros. Pour les motifs qui viennent d'être explicités ci-dessus, doit être déduite de cette somme celle de 85 000 euros perçue par la société Kopiright en exécution de la garantie à première demande. M. [T] doit être condamné à exécuter sa garantie à concurrence du solde restant dû, soit la somme de 137 333,53 euros (222 333,53 - 85 000).
Dans le dispositif de ses écritures (p. 61), la société Kopiright demande que cette condamnation soit assortie des intérêts « au taux de 5% à compter du 26 mars 2021, date de la mise en oeuvre de la garantie à première demande » par elle-même.
De son côté M. [T] demande, dans le dispositif de ses propres conclusions (p. 109), l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'en application de l'article 9.2 de la convention, la somme due par lui porterait intérêt au taux de 5% à défaut de paiement dans les 30 jours de la notification de son exigibilité - c'est effectivement ce que prévoit l'un des chefs de dispositif du jugement entrepris (p. 27).
L'article 9.2 de la convention de garantie du 11 février 2011, que le tribunal a appliqué dans son raisonnement (v. p. 20 du jugement), stipule que :
« Toute somme due par le cédant en exécution des garanties consenties aux termes des articles 5 et 6 portera des intérêts au taux de cinq pour cent (5 %) l'an si elle n'est pas payée trente jours (30) jours après que le cessionnaire aura notifié au cédant qu'elle est devenue exigible en application des stipulations du présent contrat. »
Ce sont les articles 7.4 et 7.5 de cette convention qui fixent très précisément les conditions dans lesquelles les sommes dues par le cédant en exécution de sa garantie deviennent exigibles.
Il résulte de la combinaison de ces clauses que l'application des intérêts prévus par l'article 9.2 suppose à la fois que le cessionnaire, bénéficiaire de la garantie, ait respecté la procédure de notification préalable pour chaque créance justifiant la mise en oeuvre de la garantie et que soit déterminée, pour chacune de ces créances, la date à laquelle celle-ci est devenue exigible au sens du contrat.
Or, même en passant outre l'erreur matérielle qui affecte le chef de dispositif des conclusions des appelantes (la garantie à première demande ayant été mise en oeuvre le 26 mars 2012, comme en conviennent les parties, et non en 2021), la cour constate qu'à l'appui de sa demande d'intérêts contractuels, la société Kopiright ne développe, dans les motifs de ses écritures, pas la moindre argumentation, puisqu'elle se borne à demander que la somme due par M. [T] soit « augmentée des intérêts prévus à la convention de garantie » (cf. ses conclusions, p. 46).
En conséquence, la société Kopiright ne rapportant aucunement la preuve de ce que les conditions de mise en oeuvre de l'article 9.2 seraient réunies en l'espèce pour chacune des créances dont elle dispose contre M. [T], et la cour ne pouvant se substituer à elle pour élaborer un raisonnement juridique propre à asseoir sa prétention sur ce point, sera rejetée la demande tendant à ce que la condamnation prononcée contre M. [T] soit assortie d'un taux d'intérêt de 5 % à compter du 26 mars 2021, voire du 26 mars 2012.
C- Sur les demandes reconventionnelles formées par M. [T]
C.1. Sur l'obligation à paiement de la société Kopiright
La société Kopiright demande (p. 47) qu'à supposer même que les demandes reconventionnelles de M. [T] soient fondées (ce qui est contesté), soit infirmé le jugement en ce qu'il l'a condamnée « in solidum » avec la société SRD à ce titre. Elle soutient, en effet, que le remboursement du compte courant d'associé ne peut être réclamé qu'à la société SRD et que le mandataire social d'une société ne peut réclamer le paiement de sa rémunération ou d'une prime contractuelle de retraite qu'à la société, et non à ses associés.
En réponse, M. [T] fait valoir (p. 91, avant le point 11.1) que :
- compte tenu des termes du protocole de cession relatifs notamment à sa rémunération mensuelle et à sa prime de départ en retraite, il a sollicité la condamnation « conjointe et solidaire » des sociétés Kopiright et SRD, ou bien l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme globale de 69 496,17 euros correspondant aux sommes lui restant dues au titre de son solde de compte courant d'associé (10 957,70 euros), de sa prime de départ en retraite (56 000 euros) et du solde de la rémunération (2 538,47 euros) ;
- ces sommes lui sont incontestablement dues, notamment la prime de départ en retraite à propos de laquelle Mme [G], présidente de la Société SRD, indiquait expressément et sans équivoque, dans une lettre du novembre 2011, qu'elle ne remettait pas en cause son principe, mais souhaitait en différer le paiement d'un an - délai expiré le 4 novembre 2012, sans qu'un paiement soit intervenu.
Réponse de la cour :
Dans l'hypothèse où la cour accueillerait, ci-après, tout ou partie des demandes de M. [T], elle déterminera, pour chacune d'elles, si la société Kopiright est tenue à paiement, en plus de la société SRD.
C.2 Sur le solde du compte courant d'associé
M. [T] (pp. 92 à 94) demande la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui payer la somme de 10 957,70 euros au titre du solde créditeur de son compte courant, en faisant valoir que :
- aucune erreur de comptabilité n'a été commise. Celle-ci a été validée par un expert-comptable et certifiée par un commissaire aux comptes, sans qu'aucune critique ait été formulée jusqu'à aujourd'hui. Il n'est pas intervenu dans l'établissement de ces écritures comptables ;
- ce n'est pas par « erreur » qu'apparaît sur son compte courant la somme de 17 135,05 euros au débit et celle de 34 174,39 euros au crédit ;
- ces écritures comptables ne sont pas le fruit de son fait unilatéral. Au moment où les travaux du bilan comptable ont été réalisés (à compter de novembre 2011), il avait quitté la société SRD ;
- subsidiairement, la demande en paiement formée à ce titre par la société SRD est irrecevable, car prescrite.
Les sociétés appelantes demandent (pp. 48 à 50) la condamnation de M. [T] au paiement de la somme de 7 707 euros, estimant qu'en réalité, après « retraitements » des écritures comptables indûment portées sur ce compte courant (v. le détail pp. 48-49 de leurs conclusions), le solde de ce compte est débiteur de 7 707 euros, et non créditeur de 10 957,70 euros. En effet, les frais supportés au titre du litige [O] et [V] aurait dû rester à la charge de M. [T], la clause de la transaction relative à la conservation des frais par chacune des parties ne pouvant lui bénéficier. C'est dès lors à tort que M. [T] s'est fait rembourser des honoraires qui étaient à sa charge, comme le démontre l'analyse des écritures comptables qui sont le fait de M. [T], lequel avait gardé la main sur la comptabilité jusqu'à la fin de son mandat social. Les erreurs commises dans les écritures comptables doivent être « retraitées » dans le compte courant.
Elles ajoutent qu'à supposer que la demande de remboursement du compte courant soit irrecevable, comme prescrite, la demande de M. [T] doit être rejetée, celui-ci n'étant pas créancier de la société SRD au titre de son compte courant.
Réponse de la cour :
Il ressort de leurs conclusions respectives que les parties forment des « demandes croisées » concernant le solde du compte courant ouvert par M. [T] dans les livres de la société SRD.
Au préalable, il convient de relever que si, M. [T] soutient, dans les motifs de ses conclusions, que cette demande de la société SRD est irrecevable, car prescrite, le dispositif desdites écritures, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, ne contient aucun chef demandant l'irrecevabilité de cette demande.
La cour n'ayant donc pas été régulièrement saisie de cette fin de non-recevoir, elle n'a pas à statuer sur ce point.
Sur le fond, alors que les sociétés appelantes avaient déjà soulevé une argumentation similaire devant l'expert judiciaire, celui-ci n'a retrouvé trace d'aucune des prétendues instructions données par M. [T], selon ces sociétés, et c'est toujours sans produire la moindre pièce à l'appui de leurs assertions que ces sociétés affirment qu'après la cession des parts de la société SRD, M. [T] aurait gardé la maîtrise de la comptabilité jusqu'à la fin de son mandat social et indûment porté diverses écritures comptables sur son compte courant. Et tel qu'exposé ci-dessus à propos du litige [O] et [V], il a été tenu compte de la décision arrêtée par la cour sur chef de demande dans l'évaluation des conséquences financières liées à ce litige.
Dès lors, c'est exactement que les premiers juges ont tenu compte du montant du compte courant tel qu'il figure dans les comptes sociaux arrêtés au 30 septembre 2011, dûment examinés par l'expert judiciaire, desquels il résulte que ce compte est créditeur de la somme de 10 957,70 euros.
Il en résulte, d'un côté, que la société SRD doit être déboutée de sa demande en remboursement du compte courant, celui-ci n'étant pas débiteur contrairement à ce qu'elle prétend.
De l'autre, s'agissant de la demande formée par M. [T], il convient de relever que, dans le dispositif de ses conclusions (p. 108), celui-ci demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD au paiement de cette somme.
Cependant, ainsi que le soutiennent à bon droit les appelantes, seule la société dans les comptes de laquelle a été ouvert un compte courant d'associé est débitrice de la créance de remboursement née du solde créditeur de ce compte, dès lors que ce dernier s'analyse en un prêt consenti par l'associé à la société.
Par conséquent, à l'inverse de ce qu'ont estimé les premiers juges, seule la société SRD, au sein de laquelle le compte courant de M. [T] a été ouvert, peut être condamnée au paiement de la somme de 10 957,70 euros, au titre du solde créditeur de ce compte, à l'exclusion de la société Kopiright, qui n'est que l'associé de la société SRD.
Enfin, dans le dispositif de ses conclusions d'appel (p. 110), M. [T] demande uniquement à l'égard de la société Kopiright que la condamnation prononcée à ce titre soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011. Aucune condamnation n'étant toutefois prononcée contre cette société de ce chef, cette demande d'intérêts ne peut qu'être rejetée.
C.3 Sur la rémunération de M. [T] de mois d'octobre 2011
M. [T] (pp. 94-95) :
- soutient que la demande de remboursement d'un trop-perçu de salaire formée par la société SRD est irrecevable, pour être prescrite en ce qu'elle a été formée pour la première fois par des conclusions du 18 mars 2015, et en tout cas mal fondée ;
- et il demande la confirmation du jugement qui a condamné « in solidum » les sociétés appelantes à lui payer la somme de 2 538,47 euros à titre de solde restant dû sur sa rémunération d'octobre 2011. Il fait valoir qu'aucune confusion n'est opérée entre les montants net et brut de sa rémunération. Compte tenu de sa rémunération brute, contractuellement convenue dans le protocole de cession, et de sa prime de 13e mois, payable par moitié en octobre, et déduction faite de la somme de 9 000 euros que lui a déjà payée la société SRD, il lui reste dû un solde de rémunération.
La société SRD :
- demande la condamnation de M. [T] au paiement d'un trop-perçu de 1 201,01 euros à ce titre, en soutenant (pp. 50-51) que l'intéressé opère une confusion entre les montants brut et net de sa rémunération. Sa rémunération mensuelle brute étant de 7 692,31 euros, le montant net de celle-ci et de la moitié de son indemnité de 13e mois s'élevait à 7 798,99 euros en octobre 2011. Or, à cette date, M. [T] a reçu une avance sur salaire de 9 000 euros, ce qu'il reconnaît, et il s'agit d'un montant net. Le trop-perçu s'élève donc à 1 201,01 euros ;
- et si sa demande de reversement du trop-perçu de salaire est irrecevable comme prescrite, M. [T] doit être débouté de sa demande à ce titre, puisqu'il a été rempli de ses droits par le versement d'un montant supérieur à celui qui lui était dû.
Réponse de la cour :
Là encore, les parties forment des « demandes croisées » qui seront successivement examinées.
A titre liminaire, la cour relève, là encore, que, dans le dispositif de ces conclusions d'appel, M. [T] ne demande pas que la demande formée à ce titre par la société SRD soit déclarée irrecevable, pour cause de prescription. La cour n'est donc pas saisie de cette fin de non-recevoir, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.
Sur le fond, il importe d'observer qu'est uniquement en cause la rémunération du mois d'octobre 2011.
A la lecture de leurs conclusions respectives, les parties coïncident sur les points suivants :
- en octobre 2011, la rémunération mensuelle brute due à M. [T] s'élevait à 7 692,31 euros ;
- la prime de 13e mois due à M. [T] était payable en deux mois, dont une moitié à verser en octobre, donc en particulier en octobre 2011 ;
- et en octobre 2011, la société SRD à payer à M. [T] la somme de 9 000 euros.
La société SRD verse aux débats le bulletin de paie de M. [T] du mois d'octobre 2011, qui inclut le paiement de son salaire mensuel et de sa prime de 13e mois, mais manifestement pas pour les bons montants bruts, puisqu'il y est indiqué un salaire brut de 6 712,24 euros seulement, et une prime brute de 13e mois calculée sur cette base erronée, soit 3 356,12 euros (cf. pièce n° 61 des appelantes). Or, cette société reconnaît devoir une rémunération brute représentant la somme de :
7 692,31(salaire brut) + 3 846,16 (prime de 13e mois brute) = 11 538,47 euros bruts.
La somme de 9 000 euros effectivement perçue par M. [T] était nécessairement un montant net de tous impôts et cotisations obligatoires.
Cependant, bien qu'il lui incombe, en sa qualité de demandeur au paiement d'un complément de rémunération, de rapporter la preuve qu'il resterait créancier d'un solde à ce titre, M. [T] ne précise pas le montant net correspondant à la rémunération brute de 11 538,47 euros qui lui était due, ni ne fournit d'élément permettant de calculer ce montant net. Dans ces conditions, puisqu'il échoue à démontrer qu'un complément de rémunération lui serait dû, sa demande en paiement à ce titre sera rejetée.
Le jugement qui, pour prononcer une condamnation au profit de M. [T], a déduit une somme nette d'un montant brut de rémunération, ne peut donc qu'être infirmé de ce chef.
Réciproquement, alors qu'elle est demanderesse au remboursement prétendu d'un trop-perçu de rémunération par M. [T], la société SRD ne produit aucun élément permettant d'établir que le versement de la somme nette de 9 000 euros aurait excédé la valeur nette correspondant à la somme de 11 538,47 euros bruts due à M. [T] a titre de sa rémunération totale d'octobre 2011. Par conséquent, cette société doit être déboutée de sa demande à ce titre.
C.4 Sur la prime de départ en retraite
M. [T] (pp. 95 à 98) demande la condamnation solidaire des sociétés appelantes à lui payer la somme de 56 000 euros au titre d'une prime de retraite. Il soutient que :
- cette prime a été contractuellement convenue par le protocole de cession de la société SRD, de sorte qu'il est bien créancier de la société Kopiright à ce titre. Cette prime trouvant sa cause dans le protocole de cession de la société SRD, il ne s'agit donc pas d'une convention réglementée soumise à la procédure de contrôle de l'article L. 227-10 du code de commerce ;
- en outre, l'article L. 227-10 est inapplicable en l'espèce, et ce pour plusieurs raisons :
' ce texte s'applique uniquement dans les SAS, cependant qu'à la date où la prétendue « convention » a été conclue, la société SRD n'avait pas encore été transformée en SAS ;
' l'article L. 227-10 précité ne vise que les conventions courantes, à l'exclusion de celles qui auraient été conclues ou autorisées au cours d'exercices antérieurs dont l'exécution se poursuivrait après transformation du statut de la société en cause. Aucun texte n'impose une quelconque communication au commissaire au compte dans ce cas ;
' même en se plaçant à la date de la réalisation de l'opération, la « convention » en cause n'est pas une convention réglementée au sens de l'article L. 227-10, dès lors que, selon les statuts de la société SRD mis à jour lors de l'assemblée générale du 10 février 2011, les avantages particuliers relèvent d'une décision prise par la collectivité des associés, ce qui est précisément le cas en l'espèce. En effet, de l'aveu même de la société SRD, la décision portant sur la prime de départ en retraite résulte non d'une convention intervenue directement entre la société et son président, mais d'une décision collective des associés (une assemblée générale des actionnaires du 10 février 2011). Dans ce cas, il résulte de la jurisprudence qu'une telle décision ne relève pas des conventions réglementées visées par le texte précité (Com. 4 nov. 2014, n° 13-24889, publié) ;
' l'exercice comptable de la société SRD se clôture au 30 septembre de chaque année, de sorte que les conventions soumises au contrôle de l'article L. 227-10 font l'objet d'un rapport qui aurait dû être présenté à l'assemblée générale dans les six mois qui suivent cet exercice, soit en l'occurrence en janvier ou février 2012 (et non 2011). Or, à cette date, il n'était plus président de la société SRD, ayant cessé ses fonctions le 31 octobre 2011. Il ne peut donc lui être reproché aucun manquement au titre d'un mandat qu'il n'exerçait plus ;
' enfin, la mauvaise foi et la déloyauté de la société SRD sont d'autant plus manifestes que, dans une lettre du 4 novembre 2011, Mme [G] a reconnu le principe de la prime de départ en retraite. Par application du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, la société SRD est donc mal fondée à remettre en cause le principe de la prime de départ en retraite convenue à son profit par le protocole de cession de la société SRD.
Les sociétés appelantes (pp. 51 à 52) font valoir que :
- cette demande doit être rejetée, M. [T] n'ayant pas respecté les obligations lui incombant au titre de la procédure des conventions réglementées. En effet, une telle prime, à caractère exceptionnel, doit nécessairement être soumise à la procédure de contrôle prévue par les dispositions de l'article L. 227-10 du code de commerce. Or, M. [T] n'a pas soumis la convention prévoyant sa prime de retraite, votée par une assemblée générale du 10 février 2011, à la procédure de contrôle prévue par l'article 19 des statuts de la société SRD, qui impose que les conventions réglementées soient portées à la connaissance du commissaire aux comptes dans un certain délai ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le texte précité n'était pas applicable, aux motifs que la société SRD n'était pas une SAS à la date du protocole de cession, alors qu'il convenait de se placer à la date de la réalisation effective de la cession pour apprécier la légalité de l'engagement au regard de la réglementation relative aux conventions réglementées. Selon l'article 5 du protocole de cession, la société SRD devait être transformée en SAS au plus tard à la date du « Closing », l'octroi d'une prime de retraite devant précisément être voté à l'occasion de la nomination de M. [T] en qualité de président de la SAS. Indépendamment des stipulations du protocole de cession, c'est bien dans le cadre de la SAS SRD (transformation en SAS votée le 10 février 2011) que la prime de retraite a été votée au bénéfice de l'intéressé.
- Réponse de la cour :
En premier lieu, l'article 5.2 du protocole de cession est rédigé comme suit :
« Le cédant, agissant tant en son nom personnel qu'au nom et pour le compte des actionnaires minoritaires et des administrateurs pour lesquels il se porte fort conformément aux dispositions de l'article 1120 du code civil, s'engage à faire usage de ses pouvoirs et droits de vote à l'effet de décider, dans les termes de textes des résolutions devant être préalablement agréés par le cessionnaire :
[...]
(ii) de nommer à compter de la même date [i.e. la date dite de closing, visée au (i)] le cédant en qualité de président, aux conditions suivantes :
[...]
b) prime de retraite : cinquante-six mille euros (56 000 EUR) brut en cas de départ à la retraite du cédant postérieurement à sa nomination (sauf révocation pour faute grave ou lourde [...] ou cessation des fonctions avant le délai prévu à l'article 7.1 du protocole.»
A supposer même qu'il faille interpréter les conclusions de M. [T] comme signifiant que l'obligation à paiement de la société Kopiright aurait pour origine une violation de ses engagements pris dans le protocole de cession, la cour relève qu'il ressort de la lecture du procès-verbal de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société SRD du 10 février 2011 (cf. pièce n° 60 des appelantes), que la prime de retraite due à M. [T] a été votée exactement dans les mêmes termes que ce que prévoyait cet article 5 du protocole.
Dès lors, aucun manquement à ses obligations, telles qu'elles résultent du protocole, ne peut être imputé à la société Kopiright. Et celle-ci n'étant pas l'employeur débiteur de cette prime, elle ne peut être condamnée à la payer au profit de M. [T].
En second lieu, même en se plaçant à la date de la réalisation de la cession, soit au 11 février 2011, comme le demandent les appelantes, l'article L. 227-10 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, dispose que :
« Le commissaire aux comptes ou, s'il n'en a pas été désigné, le président de la société présente aux associés un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son président, l'un de ses dirigeants, l'un de ses actionnaires disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3.
Les associés statuent sur ce rapport.
Les conventions non approuvées, produisent néanmoins leurs effets, à charge pour la personne intéressée et éventuellement pour le président et les autres dirigeants d'en supporter les conséquences dommageables pour la société. »
Il en résulte que, à l'inverse de ce qui est prévu concernant les sociétés anonymes, la procédure de contrôle des conventions réglementées applicable dans les sociétés par actions simplifiée (SAS) - ce qu'est devenue la société SRD le 11 février 2011 -, prévoit uniquement un contrôle a posteriori de la convention en cause : celle-ci doit faire l'objet d'un rapport spécial du commissaire aux comptes (ou du président, en l'absence de commissaire aux comptes), et ce rapport doit ensuite être présenté aux associés ou actionnaires, qui vont autoriser ou non la convention, au vu de ce rapport.
Il a été jugé que, lorsque les statuts d'une SAS prévoient que la rémunération du président de la société par actions simplifiée doit être fixée par une décision collective des associés prise à la majorité simple, la procédure de contrôle des conventions conclues entre ce dernier et la société n'est pas applicable (Com. 4 nov. 2014, n° 13-24889, publié).
En l'occurrence, est en cause une prime de retraite, dont Mme [G], alors devenue présidente de la société SRD, a expressément indiqué, dans une lettre du 4 novembre 2011, ne pas remettre en cause le principe, souhaitant uniquement en différer le paiement (cf. la pièce n° 3 de l'intimé).
Deux analyses sont envisageables concernant cette prime.
Soit elle peut être regardée comme un complément de rémunération servi au président, M. [T] - ce qui a manifestement été l'analyse retenue par l'assemblée générale du 10 février 2011, puisque la quatrième résolution, concernant en particulier le vote sur l'octroi de sur cette prime, s'intitule « Fixation de la rémunération des dirigeants » -, auquel cas la règle jurisprudentielle ci-dessus énoncée est applicable.
Or, l'article 16.1.3 des statuts de la société SRD, dont se prévalent elles-mêmes les appelantes, stipule que « Le président peut percevoir une rémunération au titre de ses fonctions dont les modalités sont fixées soit par la décision de nomination soit par décision ordinaire de la collectivité des associés » et les associés ont approuvé l'octroi de cette prime à l'unanimité, lors de la première assemblée générale du 11 février 2011. La procédure de contrôle des conventions réglementées n'était donc pas applicable, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes.
Soit, à l'inverse, cette prime de retraite ne s'apparente pas à un complément de rémunération, auquel cas la convention qui la prévoit relève de la procédure de contrôle prévue par l'article L. 227-10 précité.
Or, même si cette procédure n'a pas été respectée en l'espèce, la convention dont s'agit n'est pas pour autant frappée de nullité, dès lors que le troisième alinéa de ce texte prévoit au contraire, dans ce cas de figure, que la convention produit néanmoins ses effets.
Dès lors, la société SRD, employeur de M. [T], doit exécuter cette convention, sans pouvoir s'y soustraire au prétexte que M. [T] aurait méconnu ses obligations légales et statutaires en ne soumettant pas la convention à la procédure de contrôle.
En conclusion, quelle que soit l'analyse juridique retenue à propos de cette prime de retraite, la société SRD, employeur de M. [T], en est seule débitrice, de sorte qu'elle seule donc être condamnée au paiement de la somme de 56 000 euros réclamée à ce titre. Le jugement entrepris, qui a condamné solidairement les sociétés appelantes de ce chef, sera donc infirmé.
Sur ce point encore, il sera rappelé que, dans le dispositif de ses conclusions d'appel, M. [T] demande que cette somme soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011, mais uniquement à l'égard de la société Kopiright, pourtant non condamnée de ce chef. Cette demande d'intérêts ne peut dès lors être accueillie.
C.5. Sur les demandes de M. [T] relatives aux contrats d'aides conclus avec l'organisme Oséo
C.5.a) Sur les demandes principales de « complément financier » de 65 880,90 euros au titre des deux premiers contrats, et de déduction de la somme de 29 248,70 euros de toute condamnation prononcée contre M. [T] au titre du troisième contrat :
M. [T] fait valoir (p. 98 à 104., point 11.5) ces éléments :
- à titre liminaire, sa demande est recevable
. En effet, si l'article 4.4 du protocole de cession fixe une date de paiement au titre du complément de prix, il ne prévoit cependant nullement qu'il s'agirait d'une échéance au terme de laquelle le cédant ne pourrait plus faire valoir ses droits. De plus, le fait générateur du complément de prix est postérieur à la date fixée dans cette clause. Enfin, la société Kopiright est d'autant moins fondée à invoquer une forclusion qu'elle a caché les informations qui auraient pu lui permettre de formaliser plus tôt une demande au titre d'un complément de prix ;
- sur le fond, et à titre principal, sa demande est fondée sur les dispositions de l'article 3.3 du protocole de cession. Sont rappelées les conditions de versement des avances remboursables, obtenues dans le cadre du projet Asicom, au titre de deux contrats (A0808007 N et A0808007 N CR). Nonobstant les prorogations de délais, ce projet a été « déclaré en constat d'échec ». Il en résulte que tout ou partie des avances remboursables, versées par Oséo, ont été transformées en subventions. Un troisième contrat (A0808007 N LM), conclu en 2009, octroyait une aide complémentaire qui a eu la même issue que les deux précédentes à raison du constat d'échec du programme Asicom. Les avances remboursables se sont également transformées en subventions non remboursables, à la suite de l'abandon de créances correspondant par Oséo. Cette « transformation » constitue, comme celles relatives aux deux autres contrats, une plus-value (de 29 248,70 euros) au profit du cessionnaire, dont il est fondé à demander qu'elle vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui ;
- en tant que de besoin, il fait sommation à la société SRD - qui n'a pas publié ses comptes annuels - de produire aux débats l'intégralité de ses comptes annuels, le détail de ses comptes, ainsi que sa liasse fiscale pour les quatre derniers exercices, ces pièces faisant nécessairement apparaître, sur un exercice ou sur un autre, ce qu'il est advenu des avances remboursables et donc leur transformation en subventions non remboursables ;
- l'organisme Oséo (devenu BPI France) a donné satisfaction à la société SRD, qui a bénéficié d'abandons de créances et donc d'une augmentation de son actif à concurrence de la somme de 146 328,64 euros. Ces abandons de créances ne lui ont pas bénéficié à lui, M. [T], que ce soit directement ou indirectement, « ce qui justifie d'ailleurs sa demande de complément de prix et, à tout le moins, la prise en compte de cette augmentation de l'actif de la société SRD » (p. 103, § 8) ;
- en conséquence, il est demandé la condamnation de la société Kopiright au paiement de la somme de 65 880,90 euros au titre du complément financier résultant de la transformation des deux avances remboursables versées concernant les deux premiers contrats, en vertu de l'article 3,3 du protocole de cession, et qu'il soit dit que la somme correspondant à la plus-value générée au titre du troisième contrat vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui.
Les sociétés appelantes s'opposent à ces demandes (p. 54 à 59), en faisant notamment valoir que :
- après l'échec du projet Asicom, les avances accordées par Oséo n'ont pas été transformées en subventions. Sur les trois contrats d'aides conclus avec Oséo, le 3e n'est pas visé par l'article 3.3 du protocole de cession. Pour chacun de ces contrats , un constat d'échec a été prononcé le 4 octobre 2013, de sorte qu'a été abandonnée la partie des avances remboursables subordonnée à la réussite du projet, en application des dispositions contractuelles. La société SRD a bien remboursé la partie du prêt qui, selon les contrats, était remboursable sans condition ;
- à l'époque des négociations avec la société Kopiright, M. [T] avait indiqué qu'au titre des deux premiers contrats, il pensait obtenir à la place un contrat de subvention, ce pourquoi il a souhaité intégrer, dans le protocole de cession, une clause de complément de prix. Cependant, Oséo n'ayant pas accepté de modifier les avances accordées en subventions, les contrats sont restés en l'état. C'est donc à tort qu'il est prétendu que, le projet ayant fait l'objet d'un constat d'échec, ces avances auraient été transformées en subventions non remboursables. Ce constat d'échec a seulement entraîné un abandon de créance de la part d'Oséo, conformément aux stipulations des contrats. Même si, fiscalement, les abandons de créances sont traités comme des subventions, ils ne sont juridiquement pas assimilables aux subventions. Les conditions de versement du complément de prix n'étant pas remplies, la demande de M. [T] doit être rejetée ;
- en tout état de cause, M. [T] est forclos pour agir, l'article 4.4 du protocole stipulant qu'aucun complément de prix n'est dû après le 15 mars 2013, alors que les décisions d'Oséo (devenu BPI) de procéder à des abandons de créance datent du 4 octobre 2013.
Réponse de la cour :
L'article 3.3 du protocole de cession du 8 décembre 2010, situé dans le paragraphe intitulé « Prix de cession », est rédigé en ces termes :
« Le Prix pourra, le cas échéant, faire l'objet d'un complément financier (le « Complément ») selon les modalités suivantes.
Pour le cas où les avances remboursables versées à ce jour par OSEO et faisant l'objet des conventions A0808007 N laquelle a fait l'objet d'un avenant N°1 du 04/10/2010 et A0808007 N CR laquelle a fait l'objet d'un avenant N°1 du 06/10/2010 (les « Avances Remboursables ») étaient transformées en subventions non remboursables par la Société, le cessionnaire s'engage à verser à chaque cédant au prorata de la quote-part de capital social de la Cible qu'il aura cédé, un complément financier égal au montant desdites avances qui auront été transformées, net d'impôt sur les sociétés qui sera dû par la Cible de ce fait et de tous autres frais, droits d'enregistrement et/ou pénalités dus à ce titre afin que la transformation en subvention soit neutre financièrement pour le groupe constitué de la Cible et du Cessionnaire et ne se traduise pas par un appauvrissement pour l'un et/ou pour l'autre, sous réserve (i) que le Cédant puisse en justifier par des documents émanant d'OSEO et attestant de manière définitive que les sommes considérées ne sont plus dues et (ii) que cela n'affecte pas ou ne soit pas susceptible d'affecter de manière connexe et négative (autrement que par le fait même de la transformation en subvention) la valeur (étant précisé que le paiement du Complément ne pourra être considéré comme affectant la valeur de la Cible), l'activité ou les perspectives notamment contractuelles de la Cible ou du Cessionnaire.
En cas de désaccord éventuel sur le montant du Complément, ce désaccord sera réglé par un expert désigné par Monsieur le Président de la Compagnie Régional des Commissaires aux Comptes dont relève la Cible, à la requête de la partie la plus diligente, ledit expert agissant en qualité de mandataire commun des Parties. »
Quant à l'article 4.4 du protocole, situé dans le paragraphe « modalités de paiement », il stipule que :
« Le Complément, s'il est dû, sera payé en une fois et en totalité le 15 mars 2013. »
En premier lieu, la cour estime, à l'inverse des premiers juges, qu'il ne résulte pas de la rédaction de cet article 4.4 que l'intention des parties fût de limiter dans le temps, jusqu'au 15 mars 2013, toute demande en paiement du complément de prix, et ce pour tous les événements, y compris ceux qui surviendraient postérieurement à l'acte de cession, à peine de forclusion de cette demande.
En second lieu, les parties divergent, une fois encore, sur l'interprétation du contrat, en l'occurrence sur le sens de l'article 3.3. L'interprétation de cette clause doit s'effectuer à la lumière du contexte ayant présidé à sa rédaction, tel qu'il ressort des pièces versées aux débats.
Au vu de ces pièces, il est acquis qu'avant sa cession à la société Kopiright, la société SRD a bénéficié de trois aides financières à l'innovation versées par l'organisme Oséo, dans le cadre du programme dit « Asicom », en exécution de trois contrats :
- deux contrats du 20 janvier 2009 (A0808007 N et A0808007 N CR) ont prévu, chacun, le versement d'une aide de 152 000 euros, payable en plusieurs tranches au vu de justificatifs d'avancement du projet, chaque contrat spécifiant sans aucune ambiguïté que, sur cette somme-là, 82 000 euros seraient remboursables en tout état de cause, c'est-à-dire même en cas d'échec du programme (cf. l'article 4.3 du premier contrat et l'article 3.3. du deuxième) ;
- et un troisième contrat du 2 février 2009 (A0808007 N LM), portant sur une aide de 76 000 euros, prévoyait un dispositif similaire : sur cette somme-ci, 41 000 euros étaient remboursables en tout état de cause, soit y compris en cas d'échec du projet (cf. l'article 3.4) ;
Dans un courriel du 9 novembre 2010, donc au moment des négociations préalables à la conclusion du protocole de cession contenant l'article 3.3 litigieux, M. [T] a indiqué à Mme [G], de la société Kopiright, que le projet Asicom se terminait en juin 2011 et que « si celui-ci n'était pas commercialisé en tant que tel, donc pas de CA généré, nous n'avons pas à rembourser les avances remboursables, 'clause du contrat.' De plus, je me fais fort d'avoir l'information officiel[le] de transformer l'avance remboursable en subvention pour partie, concernant la région, selon l'information qui m'a été communiquée » (cf. pièce n° 72 des appelantes). Dans un courriel ultérieur du 30 juin 2011, il évoquait encore le financement du projet Asicom en ces termes : « Oséo va étudier notre dossier au regard des avances remboursables reçues par rapport à ce qui avait été accordé et notre demande de transformer ce qui peut l'être en subvention. De plus, étant donné que le projet restera en l'état d'un prototype et ne pourra donc être commercialisé, on établira alors un constat d'échec, pour ne rembourser alors que le 'RFM'. » (cf. pièce n° 71 des appelantes).
Il ressort de ces écrits que l'intention de M. [T] était de parvenir à obtenir de l'organisme Oséo qu'en définitive, et contrairement à ce que stipulaient les trois contrats en cause, la société SDR ne soit pas obligée de rembourser la partie des aides normalement remboursable « en tout état de cause », en faisant en sorte que ces aides deviennent des subventions non remboursables.
L'article 3.3 précité signifie dès lors que c'est seulement dans l'hypothèse où M. [T], cédant, serait parvenu à obtenir la transformation des aides remboursables en subventions non remboursables que la société Kopiritght serait tenue de lui verser un complément de prix.
Or, il ressort des lettres de constat d'échec établies le 4 octobre 2013 par l'organisme BPI, venant aux droits d'Oséo, que M. [T] n'a pas atteint cet objectif, puisque, en application des clauses des contrats précités, cet organisme a demandé à la société SDR de lui payer la part des aides remboursables en tout état de cause, soit 68 575,39 euros au titre des deux premiers contrats et 34 287,70 euros au titre du troisième (cf. pièces n° 73, 74 et 75 des appelantes), ce que la société SRD a d'ailleurs fait (cf. pièce n° 76 des appelantes), sans que cela soit contesté par M. [T].
Par conséquent, outre la circonstance que le troisième contrat d'aide n'est pas visé par l'article 3.3 précité, il s'avère, en tout état de cause, que la « transformation des avances remboursables en subventions non remboursables », qui conditionnait l'application de cette clause, ne s'est pas opérée. En conséquence, doit être rejetée la demande de M. [T] tendant au versement d'un complément de prix, en application de cette clause.
Enfin, concernant le troisième contrat (A0808007 N LM), non expressément visé par l'article 3.3. du protocole, la cour observe que les « abandons de créance » mentionnés par l'organisme BPI dans ses lettres de constat d'échec du projet Asicom (cf. les pièces n° 73, 74 et 75 précitées), correspondent en réalité à la partie des aides remboursables par la société SRD en cas d'échec du projet, selon les stipulations mêmes des contrats en cause, en ce inclus le troisième. Ces abandons de créances ne sauraient, dès lors, s'analyser en des « aides qui constituent comptablement un produit exceptionnel et donc une augmentation de l'actif », caractérisant une « plus-value » de 29 248,70 euros, comme le soutient à tort M. [T].
Par conséquent, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [T] tendant au paiement de la somme de 65 880,90 euros au titre d'un complément de prix, à la production sous astreinte des comptes annuels et de la liasse fiscale de la société SRD et à ce qu'il soit dit que la somme de 29 248,70 euros, correspondant à la plus-value, inexistante, générée par la « transformation d'une avance remboursable complémentaire » au titre du troisième contrat (N LM), vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui.
C.5.b) Sur la demande subsidiaire de déduction de la somme de 146 328,64 euros de toute condamnation prononcée contre M. [T]
M. [T] soutient (p. 104) que les abandons de créances consentis par l'organisme BPI constituent, au profit du cessionnaire, une plus-value devant venir en déduction de toute condamnation prononcée à contre lui au titre de la garantie. Il réfute l'application de l'article 6.3.12 de la convention de garantie, invoqué par les appelantes pour s'opposer à sa demande, au motif que la date du fait générateur est contestable et que le délai fixé par la convention ne s'applique pas aux avances remboursables.
Les sociétés appelantes (p. 59) rétorquent que la déduction demandée est expressément exclue par l'article 6.3.12 de la convention de garantie. En outre, le mécanisme de compensation prévu par cette clause suppose que les accroissements d'actif et les diminutions de passif aient une cause ou une origine antérieure au 30 septembre 2010, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le fait générateur du non-remboursement partiel des avances étant le constat d'échec du 4 octobre 2013.
Réponse de la cour :
D'une part, l'article 6.3.12 de la convention de garantie du 11 février 2011 stipule que :
« Les accroissements de passif et les diminutions d'actif devront être compensés avec les accroissements d'actif et les diminutions de passif éventuels ayant un impact immédiat sur la trésorerie de la société (compte 511 à 533 du plan comptable général) à l'exception de ceux consécutifs à toute modification (e.g. transformation en subvention) des avances remboursables relatives aux contrats figurant en Annexe 5.27, de façon à ne retenir que le solde net, sous la condition que les accroissements de passif et les diminutions d'actif aient une cause ou une origine antérieure au 30 septembre 2010. [...] »
Les « plus-values » qui, selon les propres affirmations de M. [T], auraient été engendrées par les abandons de créances consentis par l'organisme Oséo, devenu BPI, sont intervenus le 4 octobre 2013. Leur cause ou origine est donc postérieure au 30 septembre 2010. Dès lors, la demande de M. [T] tendant à ce que le montant total de ces abandons de créance soit déduit de toute condamnation prononcée à son égard ne peut prospérer.
En tout état de cause, tel qu'il a été exposé précédemment concernant l'examen de la demande principale de déduction formée concernant le troisième contrat, les « abandons de créances » consentis par l'organisme BPI en octobre 2013 résultent de la simple application des trois contrats d'aides conclus entre l'organisme Oséo et la société SRD, ces contrats dispensant celle-ci de l'obligation de rembourser une partie des aides reçues en cas d'échec du projet Asicom - échec dûment constaté le 4 octobre 2013. Ces abandons de créances ne sauraient donc s'analyser en des plus-values en faveur de la société Kopiright, cessionnaire.
Le jugement, qui a rejeté ce chef de demande, sera donc confirmé sur ce point.
C.6. Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
M. [T] demande (p. 105) la confirmation du jugement en ce qu'il a admis le principe d'une indemnisation de son préjudice moral, mais son infirmation en ce qu'il a limité le quantum de cette indemnisation à 20 000 euros. Il réclame la somme de 80 000 euros.
Les sociétés appelantes font valoir (pp. 52-53) que la motivation du jugement ne justifie pas l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral au profit de M. [T]. En effet, la longueur de la procédure ne leur est pas imputable. Il ne saurait leur être reproché d'avoir contesté la régularité des opérations d'expertise, ni de s'être d'abord opposées à la production de l'audit de pré-acquisition, initialement refusée par le jugement du 3 décembre 2013, ni d'avoir voulu faire réduire la valeur de la société SRD, alors qu'il s'agissait simplement de faire usage de la garantie contractuelle souscrite par M. [T], sans abus. M. [T] ne caractérise ni ne justifie du préjudice qu'il allègue.
Réponse de la cour :
La circonstance que les sociétés appelantes triomphent pour partie en leurs demandes, et plus encore en appel, suffit à démontrer qu'elles n'ont commis d'abus ni dans leur droit d'ester en justice ni dans la mise en oeuvre de la garantie à première demande. M. [T] n'établit donc pas la mauvaise foi ou la déloyauté qu'il impute aux sociétés Kopiright et SRD.
Au surplus, à supposer que M. [T] reprenne implicitement à son compte les motifs du jugement entrepris, la cour estime que c'est à tort que les premiers juges ont imputé la longueur de la procédure à faute de la seule société Kopiright dans les motifs du jugement (p. 26) mais, implicitement, des deux sociétés appelantes dans le dispositif de leur jugement qui condamne ces deux sociétés de ce chef (p. 29). En effet, la durée de la procédure a pour origine la complexité des appréciations comptables nécessaires à la compréhension du litige, laquelle a justifié l'organisation d'une expertise et le recours à un sapiteur, et au cours de l'exécution cette mesure, les sociétés appelantes se sont défendues sans qu'il soit établi que cette défense aurait dégénéré en abus, au vu des dires qu'elles ont communiqués en cours d'expertise.
La demande indemnitaire de M. [T] sera par conséquent rejetée, par voie de réformation du jugement entrepris.
D- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chacune d'elles succombant partiellement dans ses prétentions, les parties conserveront la charge de leurs dépens, à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié entre elles.
Les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Le jugement entrepris, qui a condamné solidairement les sociétés Kopiright et SRD aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure, sera donc infirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Confirme le jugement enrepris en ce qu'il :
' déboute la société Kopiright de sa demande de sursis à statuer sur les demandes formées par M. [T] ;
' déclare M. [T] recevable en toutes ses pièces ;
' constate que M. [T] a manqué partiellement à ses obligations contractuelles au titre de la garantie d'actif net octroyée ;
' déboute M. [T] de sa demande de condamnation de la société Kopiright à lui payer la somme de 65 880,90 euros, à titre de complément financier ;
' déboute M. [T] de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société SRD de produire l'intégralité de ses comptes annuels et la liasse fiscale pour les exercices clos des années 2011 à 2014 ;
' déboute M. [T] de sa demande tendant à dire que la somme de 29 248,70 vienne en déduction de toute condamnation prononcée contre lui ;
' déboute M. [T] de sa demande subsidiaire tenant à voir déduire la somme de 146 328,64 euros de toute condamnation prononcée contre lui ;
' déboute la société SRD de sa demande subsidiaire de compensation entre la somme au paiement de laquelle elle serait condamnée et les sommes dues par M. [T] au titre de sa condamnation prononcée par un jugement correctionnel du 25 septembre 2020 ;
' déboute la société Kopiright de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée contre M. [T] ;
- L'infirme sur le surplus de ses dispositions soumises à la cour ;
Et statuant à nouveau :
- REJETTE la demande de la société Kopiright tendant à la mise en oeuvre de la garantie d'actif conclu avec M. [T] concernant les postes de préjudice suivants :
' la perte de clients ;
' la production immobilisée au titre de la solution MC Direct V1 et du projet Asicom ;
' la situation financière dégradée ;
' les droits de propriété intellectuelle ;
' l'encours [A] ;
- DIT qu'en exécution de la convention de garantie d'actif net conclue entre M. [T] et la société Kopiright, M. [T] doit sa garantie à la société Kopiright à concurrence des sommes suivantes :
' 52 938 euros au titre de la production immobilisée concernant le projet MC Direct V3 ;
' 89 115,06 (montant de l'indemnité transactionnelle allouée) et 36 490,32 euros (frais liés à cette transaction) au titre du litige survenu avec le client [O] et [V] ;
' 6 430,15 euros au titre des factures non payées et avoirs ;
' 2 500 euros au titre du litige survenu avec le client Le Nouvel Observateur ;
' 18 500 euros au titre de la situation liée au salarié M. [C] ;
' 16 360 euros au titre du contrôle fiscal ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant à la restitution de la somme de 85 000 euros perçue par la société Kopiright en exécution de la garantie à première demande ;
- CONDAMNE M. [T] à payer à la société Kopiright la somme totale de 137 333,53 euros en exécution de la convention de garantie, déduction faite de la somme de 85 000 euros déjà perçue en exécution de la garantie à première demande ;
- REJETTE la demande de la société Kopiright tendant à ce que la condamnation prononcée contre M. [T] en exécution de la convention de garantie d'actif net soit assortie des intérêts au taux de 5 % à compter du 26 mars « 2021 », voire du 26 mars 2012 ;
- REJETTE la demande en remboursement d'un solde débiteur du compte courant de M. [T] formée par la société SRD ;
- CONDAMNE la société SRD à payer à M. [T] la somme de 10 957,70 euros, au titre du solde créditeur de son compte courant ;
- REJETTE les demandes de M. [T] tendant à la condamnation de la société Kopiright au paiement du solde créditeur de son compte courant et, en conséquence, à ce que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant au paiement d'un complément de rémunération au titre du mois d'octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de la société SRD tendant à la restitution d'un trop-perçu au titre de la rémunération due à M. [T] au titre du mois d'octobre 2011 ;
- CONDAMNE la société SRD à payer à M. [T] la somme de 56 000 euros à titre de prime de retraite ;
- REJETTE les demandes de M. [T] tendant à la condamnation de la société Kopiright à lui payer une prime de retraite et, en conséquence, à ce que cette condamnation soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2011 ;
- REJETTE la demande de M. [T] tendant à la condamnation des sociétés Kopiright et SRD au paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel, à l'exception des honoraires de l'expert judiciaire qui seront partagés par moitié entre, d'un côté, les sociétés Kopiright et SRD, de l'autre, M. [T] ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot