CA Rennes, 1re ch., 29 mars 2016, n° 15/01651
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Samba - Société des Amis du Musée des Beaux-Arts (Association)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beuzit
Conseillers :
M. Janin, Mme Jeorger-Le Gac
FAITS ET PROCÉDURE :
M. Laurent O., photographe de profession, a exposé quatre oeuvres photographiques originales lors d'une manifestation intitulée 'Grand Format', organisée du 10 décembre 2010 au 7 janvier 2011 par l'association Société des Amis du Musée des Beaux-Arts de Nantes (l'association Samba), qui a accueilli plus de mille cinq cents visiteurs.
Faisant valoir qu'il s'était vu refuser une légitime rétribution des droits moraux et patrimoniaux attachés à son œuvre, et en outre, que l'exposition de celle-ci avait été faite dans de mauvaises conditions, M. O. a sollicité la condamnation de l'association Samba à la rémunération de son droit de présentation publique et de sa participation à deux soirées organisées par l'association, ainsi, en outre, que la réparation de son préjudice moral, et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 13 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Rennes a :
- débouté M. O. de ses demandes,
- condamné celui-ci, avec exécution provisoire et sous astreinte de 50 € par jour de retard passé un délai de quinze jours courant à compter de la signification du jugement, à mettre fin à la publication de tout ou partie du catalogue de l'exposition intitulée 'Grand Format', propriété intellectuelle de l'association Samba, qu'il a cru pouvoir mettre en ligne sur son propre site internet,
- condamné M. O. à payer à l'association Samba une somme de 1 € à titre de rémunération de ses droits d'auteur ainsi contrefaits,
- condamné M. O. à payer à l'association Samba une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné M. O. aux entiers dépens.
M. O. a interjeté appel de ce jugement le 26 février 2015.
Par conclusions du 28 octobre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, il demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- de débouter l'association Samba de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de la condamner à lui payer la somme de 2 598 € au titre de son droit de représentation, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision,
- de la condamner à lui payer la somme de 1 000 € en réparation des dommages subis,
- de la condamner à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens.
Par conclusions du 16 novembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, l'association Samba demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M. O. au paiement d'une somme de 1 € à titre de rémunération de ses droits d'auteur contrefaits,
- de condamner à ce titre, M. O. à lui payer la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts,
- de condamner M. O. à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais d'appel,
- de le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du même code,
- d'ordonner 'l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution'.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 19 janvier 2016 .
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR :
- Sur la rémunération du droit de représentation des oeuvres de M. O. :
M. O. détient, en sa qualité d'auteur des quatre photographies exposées, les droits patrimoniaux qui s'y attachent, dont celui de représentation par présentation publique prévu à l'article L. 122-2 du code de la propriété intellectuelle, c'est-à-dire au premier chef, le droit d'autoriser ou d'interdire leur exposition au public.
L'auteur peut, selon les articles L. 122-7 et L. 122-7-1 du code de la propriété intellectuelle, céder, à titre gratuit ou onéreux, le droit de représentation et il est libre de mettre ses oeuvres gratuitement à la disposition du public.
Ainsi, en droit, la rémunération de l'exposant que M. O. voudrait obligatoire au titre des droits d'auteur n'est, en l'état, que facultative et sa mise en oeuvre ne peut résulter, dans son principe comme dans ses modalités, que de la convention.
Or en l'occurrence, M. O. ne démontre pas l'existence d'une convention de représentation conclue avec l'association Samba, prévoyant la rémunération de l'exposition de quatre photographies durant les quatre semaines de l'exposition 'Grand Format' organisée du 10 décembre 2010 au 7 janvier 2011.
La revendication par M. O., au travers de diverses contestations relatives aux conditions dans lesquelles ses oeuvres ont été exposées, du droit à la rémunération de la mise de celles-ci à disposition du public n'apparaît en effet, ainsi que l'a relevé le tribunal, que dans le courrier qu'il a adressé à M. F., responsable de l'association Samba, le 21 février 2011, ainsi postérieurement à la clôture de l'exposition, courrier auquel M. F. a répondu pour rappeler que l'association fonctionnait sur le bénévolat de ses membres, que l'exposition ne générait aucune recette, mais que l'association prenait en charge l'organisation et l'accueil du public, en salariant un personnel pour assurer une présence permanente, ainsi que l'édition d'un catalogue, l'assurance des oeuvres et des personnes, et qu'il était de sa pratique, comme il est habituel, de ne pas rémunérer les artistes en tant qu'exposants, que ces conditions étaient claires, chacun étant libre de participer ou non à l'exposition de ses oeuvres.
Les quatre autres artistes, ayant exposé leurs oeuvres à cette occasion, ont, au contraire, manifesté leur satisfaction quant aux conditions de leur participation et à l'intérêt qu'elle a pu présenter pour eux en termes de visibilité, aucune rémunération n'ayant été évoquée par ailleurs, et ce, conformément à l'usage selon l'un d'eux ; il ressort en revanche de leurs attestations, que chacun des artistes exposés s'est vu remettre, par l'association Samba, cinquante exemplaires du catalogue couleurs de l'exposition dont il a pu faire usage pour la promotion de ses oeuvres.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. O. de sa demande de rémunération au titre de ses droits patrimoniaux d'auteur.
- Sur le préjudice moral invoqué par M. O. :
M. O. sollicite d'autre part, la condamnation de l'association Samba à lui verser une somme de 1 000 € en réparation du préjudice moral qu'elle lui a, selon lui, causé en ignorant ses droits et en le plaçant en situation d'infériorité intolérable, ainsi que le montre le fait que l'association a fait abusivement procéder à une mesure d'exécution des condamnations financières prononcées par le jugement déféré, qui n'étaient pas revêtues de l'exécution provisoire.
Si ce dernier point est avéré, ce qui a conduit le juge de l'exécution à prononcer, par jugement du 7 septembre 2015, la nullité d'une saisie-attribution effectuée le 14 avril 2015 à la requête de l'association Samba, il doit être constaté que ce même juge a rejeté la demande indemnitaire formée par M. O. sur ce fondement, en rappelant que ce dernier restait, en tout état de cause, redevable d'une obligation de paiement, même dépourvue de caractère immédiatement exécutoire.
Quant aux autres allégations de M. O., elles ne sont étayées d'aucun fait susceptible de caractériser une faute commise par l'association Samba à son préjudice.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. O..
- Sur la contrefaçon du catalogue de l'association Samba :
Il est constant, et non contesté par celui-ci, que M. O. a mis en ligne, sur son site internet, le catalogue de l'exposition, sans avoir requis ni obtenu l'autorisation de l'association Samba, qui détient sur cet ouvrage, conçu et édité par elle pour les besoins de la manifestation qu'elle a organisée, des droits d'auteur.
Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.
Ainsi que l'a dit le tribunal, il convient de faire cesser la contrefaçon et de prévenir toute réitération de celle-ci, par les mesures édictées à juste titre par le jugement.
Et selon l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle , il doit être pris en considération, pour fixer les dommages-intérêts, les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits.
Comme l'ont jugé également les premiers juges, l'association Samba ne prétend pas avoir eu l'intention de commercialiser le catalogue, et il n'est pas démontré que M. O. ait tiré de quelconques bénéfices économiques de sa mise en ligne sur son site internet, de sorte que les dommages-intérêts alloués à titre symbolique sont de nature à réparer le préjudice moral causé.
Le jugement sera donc encore confirmé en ses dispositions sur la contrefaçon.
- Sur l'exécution provisoire :
La cour rend ici non un jugement mais un arrêt qui est, conformément aux articles 504 et 579 du code de procédure civile, exécutoire ; il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire sollicitée par l'association Samba.
- Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et aux frais non compris en ceux-ci seront confirmées.
S'agissant de l'instance d'appel, il convient de condamner M. O. à payer à l'association Samba la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec faculté de recouvrement direct comme prévu par l'article 699 du même code.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Après rapport fait à l'audience ;
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant, condamne M. Laurent O. à payer à l'association Société des Amis du Musée des Beaux-Arts de Nantes une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne M. Laurent O. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.