CA Paris, 1re ch. C, 26 juin 1992, n° 91/1449
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Banque Paribas (SA)
Défendeur :
The Gemtel Partnership (Sté), La Belle Créole (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ancel
Conseillers :
Mme Antoine, Mme Garban
Avoués :
Me Bollenot, SCP Teytaud, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Me Vaisse, Me Terrier, Me Leurent, Me Jeantet
Le litige trouve son origine dans les relations nouées à la fin de l'année 1982 entre la Société de droit californien The Gemtel Partnership - General Partnership (GEMTEL) et la Société française Banque Paribas pour la reprise, l'achèvement et l'exploitation d'un ensemble hôtelier dénommé « La Belle Créole » situé dans l'Ile de Saint-Martin (Guadeloupe).
À ces fins a été constituée le 28 décembre 1983, après de longues négociations, une société dénommée La Belle Créole (LBC), créée à l'initiative de GEMTEL, en qualité de promoteur-constructeur, et de Paribas, « ingénieur financier » sous la forme d'une société anonyme, qui a été par la suite autorisée à faire appel à l'épargne publique, l'ensemble de l'opération étant soumise à l'agrément de la Commission des Opérations de Bourse (COB), selon une notice publiée au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires du 9 juillet 1984, document définissant les structures juridiques et les modalités du projet, dans lequel LBC avait pour objet de recevoir la propriété de l'ensemble hôtelier et de l'exploiter, avec le concours financier de Paribas.
Les 11 et 12 octobre 1984 ont été conclues entre GEMTEL et LBC plusieurs conventions :
- un contrat de construction (« Power to complete, construct, équip and deliver hotel complex ») par lequel GEMTEL était chargé de l'achèvement des travaux de construction de l'ensemble hôtelier et de sa fourniture « clés en mains » dans un délai déterminé, moyennant un prix forfaitaire, les travaux devant commencer dès la délivrance par GEMTEL à LBC d'une garantie de bonne fin (« Performance bond ») au vu de laquelle LBC devait verser 15,9 millions de francs - ce qui fut réalisé le 16 octobre 1984 ;
- un contrat d'assistance financière et de gestion (« Financial and management assistance agreement ») par lequel GEMTEL contractait diverses obligations financières et d'assistance dans la gestion de l'hôtel, moyennant le versement d'honoraires sous la forme d'un intéressement dans les résultats ;
- un contrat d'option d'achat (« Purchase option ») accordant à GEMTEL d'acquérir des actions de la Société Immobilière et Touristique (SIT) Société française propriétaire du terrain ;
Le 2 avril 1985 était en outre signé un contrat d'assistance technique de Paribas en faveur de LBC ; conforme aux prévisions de la notice COB, et portant sur les aspects juridiques du fonctionnement de la Société LBC, une mission de conseil financier et l'assistance à la surveillance des contrats conclus par LBC, notamment avec GEMTEL.
Un litige est survenu entre GEMTEL et LBC à propos du délai d'achèvement de la construction et des paiements que GEMTEL estimait lui être dus, de sorte que, le 26 mai 1986, GEMTEL a engagé une procédure arbitrale contre LBC, conformément aux clauses compromissoires stipulées dans les contrats des 11-12 octobre 1984.
Après diverses péripéties - relatives, notamment, à la constitution du tribunal arbitral - l'instance arbitrale a été engagée et se trouve actuellement encore en cours, après diverses mesures d'instruction. Cette instance porte, essentiellement sur les conditions d'exécution et de résiliation du contrat de construction conclu les 11-12 octobre 1984 entre LBC et GEMTEL.
En effet, LBC ayant résilié le contrat de construction et confié l'achèvement des travaux à la Société française Nord-France (travaux réceptionnés le 21 juin 1988) GEMTEL, estimant avoir été indûment évincée d'une opération dans laquelle elle se considérait comme l'associée de Paribas - LBC étant, soit un 3e associé, soit un prêteur à statut particulier - a, par assignation du 12 janvier 1988 dirigée contre Paribas, demandé au tribunal de Commerce de Paris de dire qu'il existait entre GEMTEL et Paribas, avec la participation financière de LBC, une société de fait ayant pour objet la reprise, l'achèvement et l'exploitation de l'hôtel de Saint-Martin, et que, Paribas ayant méconnu ses obligations d'associé, il convenait de dissoudre la Société de fait et d'attribuer l'ensemble hôtelier à dire d'experts, Paribas devant être condamné à verser à un séquestre une provision de 100 millions de francs à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi par la Société de fait, outre une indemnité provisionnelle de 10 millions de francs à la Société GEMTEL.
Par jugement du 13 janvier 1989, le tribunal de Commerce de Paris a constaté qu'il existait entre GEMTEL et Paribas, avec la participation de LBC, une société créée de fait, dit n'y avoir lieu à nomination d'un mandataire ad hoc pour surveiller l'exécution des conventions pendant la durée des procédures et de gérer la société de fait, et sursis à statuer sur les autres demandes dans l'attente de la décision du tribunal arbitral chargé de trancher le litige entre GEMTEL et LBC quant à la désignation d'experts, la responsabilité des parties dans l'exécution des contrats, la demande de dissolution de la société de fait, l'établissement des comptes entre les parties et l'évaluation des préjudices.
Pour se déterminer ainsi, et spécialement pour retenir l'existence d'une société de fait, le tribunal de Commerce s'est fondé, pour l'essentiel, sur les éléments suivants :
- l'analyse et l'interprétation des conventions et de la notice COB, ce dernier document étant considéré comme n'ayant pas « fixé définitivement les structures du projet, ni les intentions profondes ou inavouées de toutes les parties » ;
- les indices et présomptions déduites des circonstances et des données de la cause, en estimant :
* que l'enjeu fiscal était primordial dès l'origine, et que les mécanismes mis en place ont permis à Paribas et GEMTEL, grâce aux régimes fiscaux privilégiés accordés aux investisseurs dans les DOM-TOM, de grossir artificiellement leurs rémunérations respectives, intégrées dans les charges d'exploitation, réalisant ainsi une « exploitation en commun d'un gisement d'avantages fiscaux », en évitant les contraintes d'une prise de participation dans la société d'exploitation ;
* que GEMTEL a toujours eu pour partenaires des dirigeants de Paribas, à travers leurs fonctions d'administrateurs de LBC ;
* que le projet à évolué dans le même sens, depuis son ébauche (plan de montage adressé par Paribas à GEMTEL le 8 juillet 1983) jusqu'à une lettre de Paribas à GEMTEL du 10 avril 1984, organisant un partage des avantages entre les deux parties : (à l'origine prévues pour être intégrées dans une société en commandite), les stipulations inhabituelles du contrat de construction conclu par la suite venant confirmer cette analyse ;
- les critères de la Société de fait, tirés de l'article 1832 du Code Civil :
* apports en industrie et en nature de la part de Paribas (la structure de la SIT, propriétaire du terrain) et de GEMTEL (la levée de « l'hypothèque BIALAC », du nom d'un promoteur américain, proche de GEMTEL, qui avait contesté les droits acquis par la SIT) ;
* participation aux résultats sous la forme d'un intéressement aux résultats d'exploitation, ainsi qu'aux pertes, par le même mécanisme, avec véritable participation aux risques de l'entreprise, organisée par un système de garantie et contre-garantie ;
* intention de s'associer, déduite de l'intention de partager le pouvoir, de l'organisation égalitaire du partage de ce pouvoir, et de la pérennité d'une volonté de collaboration active sur un pied d'égalité pendant 90 ans au plus ;
Ainsi les premiers juges ont conclu leur analyse en retenant qu'il existait entre Paribas et GEMTEL, « avec la participation de LBC », une société de fait d'un type original ayant un objet évolutif (d'abord profiter des avantages fiscaux, puis exploiter les droits sociaux de la SIT, achetables à un prix symbolique prédéterminé), une structure assimilable à une société en commandite, GEMTEL et Paribas étant les commandites chargés de la gestion de LBC, commanditaire, et une durée, de 30 ans au moins.
Paribas a fait appel de ce jugement pour en obtenir l'infirmation en demandant à la Cour de juger que la requalification des relations juridiques entre Paribas et GEMTEL à laquelle s'est livré le tribunal procède d'une dénaturation des conventions telles qu'elles ressortent de la définition du projet visée par la COB, une telle requalification étant de nature à introduire un risque grave d'insécurité juridique dans les relations d'affaire internationales, alors que, de plus, aucun des critères de la société de fait ne peut être retenu en l'espèce.
GEMTEL ayant formé un incident tendant à la communication de pièces concernant l'activité sociale de LBC, le magistrat de la mise en état a, par ordonnance du 14 juin 1990, dit n'y avoir lieu à communication de nouvelles pièces et a ordonné la mise en cause, par GEMTEL, de la Société LBC, impliquée dans le débat sans y avoir encore été appelée.
GEMTEL a donc fait assigner LBC en intervention forcée, aux fins de confirmation du jugement.
LBC a conclu à l'irrecevabilité de l'intervention forcée, à la fois par application de l'article 555 du Nouveau Code de Procédure Civile, à défaut d'évolution du litige, et en raison de l'incompétence de la juridiction étatique résultant de la clause compromissoire soumettant à l'arbitrage tous différends nés entre LBC et GEMTEL des conventions des 11-12 octobre 1984.
À titre subsidiaire sur le fond, LBC a conclu à l'infirmation aux motifs essentiels que les relations contractuelles avaient été clairement définies par la convention d'octobre 1984, que toute requalification de ces contrats résulterait d'une dénaturation et qu'elle se heurtait aux conditions exigées pour la reconnaissance d'une société de fait, non réunies en l'espèce.
Sur ces différents points, GEMTEL a répondu en fondant la recevabilité de l'appel en cause de LBC sur l'évolution du litige résultant du jugement et sur la compétence de la seul juridiction de l'État pour déclarer le jugement du tribunal de Commerce, confirmé, commun à LBC - procédure incompatible avec une compétence arbitrale, alors que, de plus, le présent litige est d'une nature différente de celui qui est soumis aux arbitres.
GEMTEL demande, en conséquence, la confirmation du jugement sur la reconnaissance d'une société de fait, en soulignant que la relation contractuelle organisée entre Paribas et GEMTEL sur le fondement, d'abord d'un échange de télex en 1983, prévoyant la création d'une société en commandite, puis de la lettre-accord du 10 avril 1984 devait être, compte tenu de sa nature et de son contenu, qualifiée et sanctionnée comme ayant pour objet la reprise en commun de l'achèvement de l'ensemble hôtelier, pour l'exploiter pendant au moins 30 ans sous le contrôle et dans l'intérêt commun des deux partenaires.
Par voie d'appel incident, GEMTEL demande le prononcé de la dissolution de la société de fait en raison des fraudes et fautes de Paribas tendant à spolier GEMTEL et à l'évincer de l'affaire, les comptes devant être établis par expert, avec allocation, au profit de GEMTEL, d'une indemnité provisionnelle de 813.437 dollars.
LBC a conclu de nouveau, toujours à titre subsidiaire pour, d'une part, rejeter toute participation de sa part en qualité de commanditaire dans une société de fait constituée entre Paribas et GEMTEL, en raison de l'effet des contrats de 11-12 octobre 1984, qui ne comportent aucune simulation et, d'autre part, refuser toute liquidation de la société de fait avant la décision des arbitres sur l'exécution et la résiliation du contrat de construction, cette liquidation ne pouvant en tout état de cause, comprendre l'attribution de l'ensemble hôtelier, qui demeure sa propriété exclusive.
Paribas et LBC ont demandé l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et Paribas a en outre conclu à la condamnation de GEMTEL à des dommages-intérêts pour procédure abusive.
LA COUR
Sur l'appel en intervention forcée de LBC :
Considérant que l'intervention de LBC aux débats devant la Cour a été rendue nécessaire par la teneur de la décision du tribunal de commerce qui a jugé de l'existence d'une société créée de fait dans les rapports de Paribas et GEMTEL « avec la participation de LBC », les premiers juges introduisant ainsi dans le litige qui opposait Paribas et GEMTEL un élément nouveau, résultant de leur décision et qui modifiait les données juridiques du débat, en incluant LBC dans les relations entre Paribas et GEMTEL, telles que requalifiées par le tribunal ;
Considérant que LBC se trouvant dès lors impliqué dans le litige, sa présence aux débats devant la Cour était indispensable, afin que soient respectés le principe de la contradiction et les droits de la défense ;
Considérant que LBC fonde sa défense, à juste titre, sur l'incompétence de la juridiction étatique en raison de la convention d'arbitrage stipulée dans les contrats qui la lient à GEMTEL ;
Considérant, en effet, qu'il résulte des clauses compromissoires stipulées dans le contrat de construction et le contrat d'assistance financière et de gestion des 11-12 octobre 1984 que le contentieux des relations contractuelles entre GEMTEL et LBC est soumis à l'arbitrage pour tous litiges nés de l'interprétation et de l'exécution des contrats « ou de tout contrat connexe » (clause 20 du contrat de construction), de sorte que la juridiction de l'État est incompétente pour en connaître ;
Considérant que dès lors, dans la mesure où le présent litige tend à faire juger de la qualification du lien contractuel créé entre Paribas et GEMTEL, mais aussi entre ces deux Sociétés et LBC, sous la forme d'une société créée de fait, la juridiction de l'État n'a pas compétence pour en connaître le litige ressortissant, sur ce point, du seul pouvoir juridictionnel confié au tribunal arbitral ;
Considérant qu'ainsi il y a lieu à la fois de déclarer recevable l'appel en intervention forcée de LBC et de constater l'incompétence de la Cour pour statuer dans les rapports entre GEMTEL et LBC ;
Sur l'existence d'une société créée de fait :
Considérant que GEMTEL et Paribas sont entrés en relations en 1982 pour rechercher et mettre au point les structures juridiques convenant à la réalisation du projet d'achèvement et d'exploitation de l'ensemble hôtelier dénommé « La Belle Créole », GEMTEL devant assurer la fonction de constructeur-promoteur, et Paribas celle de financier ;
Considérant que diverses correspondances par lettre ou télex, durant l'année 1983, témoignent de l'évolution des négociations, GEMTEL ayant tout d'abord proposé la création d'une société en commandite, - projet qui n'a pas été finalement adopté, puisque la société La Belle Créole a été constituée, à l'initiative de Paribas, le 28 décembre 1983, sous la forme d'une société anonyme ayant pour objet social la construction et l'équipement de l'ensemble hôtelier en vue de son exploitation ;
Considérant qu'une lettre adressée par Paribas à GEMTEL, le 10 avril 1984, définit les lignes principales du projet, en précisant les fonctions de chacune des parties :
- GEMTEL est responsable de la construction et de la livraison de l'hôtel équipé « clés en mains », de la fourniture d'une garantie de bonne fin en faveur de LBC, et de contre-garanties au profit des banques garantissant les prêts consentis à LBC, ainsi que de la gestion de l'hôtel pendant trente ans ;
- Paribas assure une fonction de « conseiller financier » de l'opération, pour la préparation et la réalisation du financement, notamment en obtenant le visa de la Commission des Opérations de Bourse pour l'augmentation du capital de LBC par appel public à l'épargne ;
Considérant que ce document prévoit également le type de rémunération que chacun des intervenants devra recevoir pour ses prestations : GEMTEL, sous la forme d'un pourcentage sur le bénéfice net 17 %) avec une option d'achat des actions de la SIT, propriétaire du terrain, au nominal ; Paribas, par versements trimestriels, remboursement de frais et un pourcentage (3 % du bénéfice net) avec également une option d'achat à LBC de 3 % des actions de SIT transférées à LBC ;
Considérant que la notice soumise par Paribas à la COB afin d'obtention de son visa - délivré le 19 juin 1984, avec publication le 9 juillet - précise davantage le schéma de l'ensemble du projet :
- LBC sera titulaire de la part de la SIT (propriétaire du terrain) d'un bail à construction d'une durée de 30 ans, et sera dotée des fonds nécessaires au rachat des titres SIT, au financement des travaux et de l'ouverture de l'hôtel par l'augmentation de capital assurée par un appel public à l'épargne organisé par Paribas, et des emprunts ;
- GEMTEL réalisera la construction pour un prix forfaitaire, avec garantie de bonne fin et d'achèvement portant sur le coût global de la construction (86 619 000 F), et contrôlera l'exploitation de l'hôtel, confiée au groupe Hilton, mission qui sera rémunérée par un pourcentage de 17 % du bénéfice après impôts - après ouverture de l'hôtel - avec en outre la faculté d'acquérir au nominal 17 % des titres SIT détenus par LBC, à partir de la 10e année d'exploitation ;
- Paribas assurera le « suivi administratif et financier » de l'opération, à titre d'ingénieur financier, en négociant avec les administrateurs, en préparant les contrats et en organisant l'augmentation de capital de LBC, puis, en période d'exploitation, se verra confier une mission générale d'assistance, toutes interventions pour lesquelles Paribas recevra, d'une part, des honoraires pour le montage et le placement du produit financier, d'autre part, un honoraire de 100 000 francs par trimestre pour l'assistance, avec un intéressement de 3 % du bénéfice après impôts pendant la durée du bail à construction, enfin une option d'achat de 3 % des titres SIT à compter de la 10e année d'activité ;
Considérant que la réalisation de ce schéma d'ensemble s'est concrétisée par la signature des contrats des 11-12 octobre 1984 entre GEMTEL et LBC (contrat de construction, contrat d'assistance financière de GEMTEL à LBC) contrat d'option d'achat en faveur de HEMTEL portant sur les actions SIT, ainsi que par la délivrtance de la garantie de bonne fin par GEMTEL (« performance bond ») puis, plus tard, par la conclusion le 2 avril 1985 du contrat d'assistance technique de Paribas en faveur de LBC ;
Considérant que cet ensemble contractuel définit la nature des relations juridiques entre les contractants, la mission de chacun et sa rémunération, selon des stipulations claires et précises, sans que la recherche d'intentions dissimulées ou de buts occultes puisse autoriser une requalification en société créée de fait - et cela, même si le bénéfice d'avantages fiscaux substantiels n'a pas été étranger au montage du projet ;
Considérant, tout d'abord, que l'allégation d'une telle société créée de fait, qui associerait Paribas et GEMTEL « avec la participation de LBC » sans que la nature de cette participation soit autrement précisée - se heurte à l'existence de la Société LBC, société de droit, constituée pour la réalisation de l'objet social qui est présenté comme étant celui de la société créée de fait : la construction et l'exploitation de l'ensemble hôtelier ; que dans de telles conditions, le recours à la notion de société créée de fait ne se justifie pas pour rendre compte de la situation juridique des parties ;
Considérant, ensuite, que dans les termes des contrats précités, ni Paribas ni GEMTEL ne participent effectivement à la responsabilité de l'exploitation, et qu'il n'est nullement établi qu'en fait, ces deux sociétés y aient participé, en collaborant à la recherche de bénéfices à partager et en assumant les risques de l'entreprise ;
Considérant, enfin, que les rémunérations contractuellement prévues au profit de Paribas et GEMTEL correspondent aux services et prestations fournies, qui ne sont pas assimilables à des apports ;
Considérant que s'il est possible de procéder à la requalification des relations établies entre les contractants pour constater l'existence entre eux d'une société créée de fait, c'est à la condition que soient réunis les éléments constitutifs du contrat de société, globalement appréciés ;
Considérant que les contrats conclus entre les parties, non plus que leurs modalités d'exécution ne caractérisent de la part de Paribas et GEMTEL une volonté de collaboration en commun, sur un pied d'égalité, pour l'exploitation de l'ensemble hôtelier, avec apports réciproques, partage des bénéfices de l'entreprise commune et engagement d'en supporter les pertes ;
Considérant que dans ces conditions, l'existence d'une société créée de fait n'est pas établie ;
Considérant que dans les circonstances de la cause, l'action intentée par GEMTEL n'a pas de caractère abusif, et que la demande de dommages-intérêts formée de ce chef doit en conséquence être écartée ;
Par ces motifs :
DÉCLARE recevable l'appel en intervention forcée de la Société La Belle Créole ;
Dit la juridiction de l'État incompétente pour statuer sur les relations contractuelles entre GEMTEL et La Belle Créole, et renvoie les parties à mieux se pourvoir de ce chef ;
Infirme le jugement ;
Déboute la Société GEMTEL de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts ;
Condamne la Société GEMTEL à verser à Paribas une indemnité de 50 000 frs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Met les dépens à la charge de la Société GEMTEL et admet les avoués de la cause, chacun en ce qui le concerne, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.