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Décisions

Cass. 3e civ., 10 octobre 2019, n° 18-16.063

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

Me Le Prado, SCP Alain Bénabent, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Didier et Pinet, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 14 nov. 2017

14 novembre 2017

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 novembre 2017), que, par acte rédigé par MM. G... et H..., avocats, la société Pharmapack a acquis de Mme P... un fonds de commerce exploité dans un local qui avait été donné à bail commercial par M. E... ; qu'ayant appris que celui-ci n'était pas propriétaire du bien mais seulement emphytéote, suivant un bail du 18 juin 1928 devant s'achever le 29 septembre 2028, la société Pharmapack a assigné M. E..., Mme P..., MM. G... et H... en réparation de son préjudice au motif qu'elle n'était en réalité que sous-locataire d'un emphytéote ; que Mme P... a appelé en garantie la SNC D... K... , ayant pour associées Mme F... D... et Mme K..., laquelle lui avait cédé son fonds de commerce et a demandé la garantie de M. E... ; que M. E... a appelé en garantie la société civile professionnelle B...-U..., anciennement la société civile professionnelle B...-A..., dont était membre le notaire ayant rédigé le bail commercial consenti le 2 mai 1984 à Mme F... ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la SCP B...-U..., ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Pharmapack :

Vu les articles L. 145-3 et L. 145-32 du code de commerce, ensemble l'article 1626 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société Pharmapack dirigées contre Mme P..., l'arrêt retient que la société est toujours dans les lieux et qu'il n'est pas démontré qu'à l'issue du bail emphytéotique en cours elle subira une éviction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cession d'un droit au bail qui, au lieu de conférer au cessionnaire les droits attachés à un bail commercial, ne lui donne que le bénéfice d'un sous-bail consenti par un emphytéote, sans droit au maintien dans les lieux ni droit au renouvellement ou indemnité d'éviction à l'expiration du bail emphytéotique, ce qui affecte la nature et l'étendue du droit cédé, ouvre droit à la garantie d'éviction du cédant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le second moyen du pourvoi principal de la société Pharmapack :

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société Pharmapack en réparation de son préjudice matériel, l'arrêt retient qu'elle exploite toujours son fonds de commerce dans les lieux et que sa situation par rapport à la propriété des murs lors d'une éventuelle cession est incertaine, de sorte que le caractère certain du préjudice invoqué fait défaut ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'acquisition d'un fonds de commerce comportant un droit au bail qui ne confère pas de droit au renouvellement au-delà de l'expiration du bail emphythéotique dont le bailleur tient ses droits cause un préjudice matériel actuel et certain au cessionnaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme P... :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation sur le premier moyen du pourvoi principal entraîne l'annulation par voie de conséquence du chef de dispositif rejetant la demande en garantie de Mme P... contre Mmes F... et K..., MM. H... et G... et M. E... ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Pharmapack de ses demandes contre Mme P..., déboute Mme P... de sa demande contre Mmes K... et F... D... , MM. H..., G... et E... et rejette la demande d'indemnisation du préjudice matériel de la société Pharmapack, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.