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Décisions

Cass. 2e civ., 4 mars 2021, n° 19-21.579

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Fort-de-France, du 14 nov. 2017

14 novembre 2017

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 14 novembre 2017), au cours de l'année 1977, une station d'épuration ainsi qu'un château d‘eau ont été construits sur une parcelle située lieudit [...] sur la commune du Diamant, cadastrée section [...] puis [...] et actuellement [...] .

 

2. La propriété de ce terrain était revendiquée par la SAEG, aux droits de laquelle vient la société Cofic, suivant acte de fusion-absorption du 3 décembre 1998.

 

3. Estimant être victime d'une voie de fait sur sa parcelle, la société Cofic a assigné le 16 octobre 2007, en réparation, la commune du Diamant devant un tribunal de grande instance. Celle-ci a attrait en intervention forcée devant cette juridiction, le 7 juillet 2009, le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique (le syndicat intercommunal), auquel elle prétendait avoir transféré les compétences d'assainissement sur le terrain de la société Cofic.

 

4. Par jugement du 20 avril 2010, le tribunal a dit que la prise de possession du terrain appartenant à la société Cofic est constitutive d'une voie de fait imputable à la commune du Diamant, a rejeté la demande tendant à voir constater que la compétence assainissement a été transférée au syndicat intercommunal, ainsi que le moyen tiré de la déchéance quadriennale opposé par la commune du Diamant à la demande d'indemnisation présentée par la société Cofic. Il a, avant dire droit, ordonné une expertise sur l'évaluation du préjudice.

 

5. Par jugement du 19 novembre 2013, le tribunal a condamné la commune du Diamant à payer à la société Cofic une certaine somme à titre d'indemnisation de la voie de fait commise sur la parcelle appartenant à celle-ci outre les intérêts.

 

6. Le 12 juin 2014, le syndicat intercommunal a interjeté appel du jugement du 19 novembre 2013.

 

7. Par ordonnance, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables l'appel du syndicat intercommunal et l'appel incident de la commune du Diamant et constaté le dessaisissement de la cour. Statuant sur déféré, la cour d'appel a, par arrêt du 22 novembre 2016, infirmé l'ordonnance et déclaré l'appel du syndicat intercommunal recevable.

 

8. Le 16 juillet 2015, la commune du Diamant a interjeté appel du jugement du 20 avril 2010. Le syndicat intercommunal a formé un appel incident par conclusions du 30 novembre 2015.

 

9. Par ordonnance du 17 novembre 2016, le conseiller de la mise en état a déclaré recevables l'appel principal de la commune du Diamant et l'appel incident du syndicat intercommunal.

 

10. Statuant sur déféré, la cour d'appel a, par arrêt du 14 novembre 2017, confirmé, en toutes ses dispositions, l'ordonnance.

 

Examen des moyens

 

Sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et sur le troisième moyen, pris en ses troisième et cinquième branches, ci-après annexés

 

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

 

Sur le premier moyen

 

Enoncé du moyen

 

12. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée et de refuser de l'annuler, alors :

 

« 1°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que la décision rendue par un magistrat qui avait, préalablement à celle-ci, porté une appréciation sur les faits en litige méconnaît ce droit que l'arrêt attaqué, pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance déférée, retient que la participation du conseiller de la mise en état à la formation collégiale ayant statué en déféré contre une autre ordonnance préalablement rendue entre les mêmes parties était connue de l'avocat de l'exposante qui s'était abstenu de soulever un incident tendant à la récusation comme l'aurait exigé l'article 342 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, tandis que la société ne contestait pas, en soi, l'exercice successif par le magistrat de ses pouvoirs juridictionnels s'agissant de deux instances distinctes qui auraient dû être tranchées indépendamment l'une de l'autre, mais faisait valoir qu'il résultait de la lecture combinée de l'arrêt du 22 novembre 2016, prononcé en cours de délibéré de l'ordonnance déférée, et de cette ordonnance que le conseiller de la mise en état avait porté une appréciation de nature à faire douter de son impartialité, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ; que la décision rendue par un magistrat qui avait, préalablement à celle-ci, porté une appréciation sur les faits en litige méconnaît ce droit ; qu'en l'espèce, il était relevé que la conseillère de la mise en état dont l'ordonnance du 15 décembre 2016, après débats du 17 novembre 2016, était déférée avait préalablement siégé le 23 septembre 2016 au sein de la formation collégiale qui avait quant à elle connu du déféré d'une autre ordonnance du conseiller de la mise en état dans l'autre instance d'appel concernant le jugement du 19 novembre 2013 ; qu'il était également relevé qu'étaient repris dans l'ordonnance déférée certains éléments de motivation de l'arrêt rendu dans l'autre instance ; qu'en considérant néanmoins que cette reprise de la motivation d'un arrêt rendu préalablement entre les mêmes parties ne démontrait en aucune façon la partialité soutenue par la requérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

 

Réponse de la Cour

 

13. Les débats ayant eu lieu devant une formation collégiale dont la composition était nécessairement connue à l'avance de la partie représentée par son avocat, celle-ci n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en sollicitant, en application de l'article 342 du code de procédure civile, la récusation du magistrat qui figurait déjà dans la composition de la cour statuant sur le déféré d'une ordonnance précédemment rendue, et qu'en s'abstenant de le faire, elle a ainsi renoncé à s'en prévaloir.

 

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

 

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

 

Enoncé du moyen

 

15. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel principal de la commune du Diamant à l'encontre du jugement du 20 avril 2010, alors « que l'appel d'un jugement mixte est irrecevable s'il est interjeté après l'appel du jugement statuant sur le fond ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse interprétation les articles 544 et 545 du code de procédure civile. »

 

Réponse de la Cour

 

16. La cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article 545 du code de procédure civile, interprété comme imposant de former appel le même jour du jugement avant dire droit et du jugement sur le fond, n'était pas applicable au jugement du 20 avril 2010, ce texte concernant les jugements « autres » que ceux visés par l'article 544 du même code.

 

17. Elle en a exactement déduit, après avoir constaté que le jugement n'avait été signifié, que le délai d'appel n'avait pas commencé à courir et que l'appel de la commune du Diamant était recevable.

 

18. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

 

Mais sur le troisième moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

 

Enoncé du moyen

 

19. La société Cofic fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevable l'appel incident du syndicat intercommunal, alors :

 

« 2°/ qu'une partie n'a pas intérêt à agir contre un arrêt qui ne lui fait aucun grief ; qu'en retenant que le SICSM avait intérêt à discuter les prétentions de la SARL COFIC, même dirigées à l'encontre de la seule commune du Diamant, puisqu'il serait susceptible d'en supporter les conséquences en vertu des dispositions du code général des collectivités territoriales tandis qu'elle constatait que le jugement entrepris n'avait prononcé aucune condamnation contre le syndicat et l'avait même mis hors de cause, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 546 du code de procédure civile ;

 

4°/ que l'intérêt à agir s'entend d'un intérêt direct et personnel ; qu'un syndicat intercommunal prétendument bénéficiaire d'un transfert de compétence n'a pas vocation à veiller de façon abstraite au respect de la loi indépendamment de son intérêt propre ; qu'en justifiant l'intérêt du SICSM à faire appel d'un jugement ne lui faisant pas grief par le motif selon lequel il aurait intérêt à faire assurer le respect des dispositions légales relatives à l'organisation des collectivités publiques par la détermination, en cas de condamnation, de l'exact débiteur de celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 31 et 546 du code de procédure civile.

 

Réponse de la Cour

 

Vu l'article 546 du code de procédure civile :

 

20. Aux termes de ce texte, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé.

 

21. L'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance.

 

22. Pour déclarer recevable l'appel incident du syndicat intercommunal, l'arrêt retient que ce dernier, à qui la commune du Diamant a transféré la compétence qu'elle détenait en matière d'assainissement par une délibération du 3 octobre 2003, a un intérêt à discuter les prétentions de la société Cofic, même dirigées à l'encontre de la seule commune du Diamant, puisqu'elle est susceptible d'en supporter les conséquences en vertu des dispositions légales susvisées, mais aussi, comme l'a relevé le conseiller de la mise en état, à faire assurer le respect de ces mêmes dispositions légales relatives à l'organisation des collectivités territoriales par la détermination, en cas de condamnation, de l'exact débiteur de celle-ci ; elle a corrélativement intérêt à interjeter appel du jugement qui a condamné la commune du Diamant et l'a mis hors de cause.

 

23. En statuant ainsi, alors que le jugement entrepris n'avait prononcé aucune condamnation à l'encontre du syndicat intercommunal et que ce dernier, qui n'était pas comparant en première instance, n'avait formulé aucune demande devant le tribunal, ce dont il résultait que le syndicat intercommunal n'avait aucun intérêt à interjeter appel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

 

Portée et conséquences de la cassation

 

24. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

 

25. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

 

26. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 20, 21 et 23 que le syndicat intercommunal ne justifie d'aucun intérêt à interjeter appel incident du jugement du 20 avril 2010. Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de déclarer irrecevable l'appel incident formé par le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique contre le jugement du 20 avril 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel incident du syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique, l'arrêt rendu le 14 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

 

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

 

INFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 17 novembre 2016 ;

 

DÉCLARE IRRECEVABLE l'appel incident formé par le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique contre le jugement du 20 avril 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Fort-de-France.

 

Condamne la commune du Diamant et la communauté d'agglomération de l'espace sud de la Martinique, venant aux droits du syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique, aux dépens ;

 

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.