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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 19 janvier 2011, n° 10/06473

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Axel Schoenert Architectes Associés (SARL)

Défendeur :

Autodesk INC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Gaber

Avoués :

Scp Lagourgue - Olivier, Scp Gerigny-Freneaux

Avocats :

Me Chriqui, Me Horn

TGI Paris, du 11 févr. 2010, n° 09/17112

11 février 2010

Vu l'appel relevé par la s.a.r.l. Axel Shoenert architectes associés du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 4ème section, n° de RG : 09/17112), rendu le 11 février 2010 ;

Vu les dernières conclusions de l'appelante (26 août 2010) ;

Vu les dernières conclusions (9 novembre 2010) de la société de droit américain Autodesk, intimée ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 15 novembre 2010 ;

SUR QUOI,

Considérant que la société Autodesk, qui édite et commercialise des logiciels de conception et d'animation destinés à la réalisation de projets d'architecture et d'urbanisme, étonnée du faible nombre de licences d'utilisation de ses logiciels enregistrées par la société Axel Schoenert architetes associés eu égard à son activité, a fait procéder dans les locaux de cette société à une saisie contrefaçon le 30 septembre 2009 puis, compte tenu des éléments découverts, l'a assignée sur le fondement de la contrefaçon ; que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant constaté que la défenderesse ne contestait pas les droits de propriété intellectuelle de la demanderesse mais se bornait à discuter l'étendue de la contrefaçon, a condamné la société Axel Schoenert architectes associés à payer des dommages-intérêts à la société Autodesk, lui a accordé des délais et a rejeté les demandes de publication et d'affichage de la décision ;

Considérant que l'appelante, qui ne remet pas en cause devant la cour les droits de propriété intellectuelle invoqués, persiste à soutenir que la contrefaçon porte, non pas sur 10 logiciels, mais seulement sur 6 logiciels, que la société Autodesk ne rapporte pas la preuve de son préjudice et que le tribunal a fait de celui-ci une évaluation « parfaitement ahurissante » ; qu'elle fait valoir enfin qu'une mesure de publication de la décision serait inutilement pénalisante ;

1. Sur la contrefaçon :

Considérant qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon du 30 septembre 2009 et des fiches annexées que le recensement des logiciels installés sans autorisation ou licence sur les ordinateurs de la société Axel Schoenert architectes associés a permis d'identifier :

7 copies du logiciel « autocad » version 2007,

1 copie du logiciel 3DS MAX version 9,

1 copie du logiciel 3 DS MAX version 8,

1 copie du logiciel 3 DS MAX version 2008,

Considérant que l'appelante soutient contre la vérité que le procès-verbal ne mentionne pas les précisions nécessaires pour l'identification des ordinateurs examinés ; que chacun de ces matériels fait en effet l'objet d'une fiche annexée au procès-verbal qui indique le nom du constructeur, la désignation du modèle, le département de la société dans lequel il est utilisé et le nom qui lui est attribué ;

Considérant, par ailleurs, que le tribunal a exactement retenu que le fait d'installer trois versions du logiciel 3 DS MAX sur le même ordinateur constituait trois actes de contrefaçon correspondant à trois reproductions de ce logiciel ;

Considérant qu'il en résulte que c'est par des motifs exacts, complets et pertinents que la cour fait siens, que le tribunal a jugé que les actes de contrefaçon commis par la société Axel Schoenert architectes associés portent non pas seulement sur six logiciels, mais sur dix logicielss ;

2. Sur le préjudice :

Considérant que l'article L.331-1-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle dispose : « Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction [...] peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » ;

Considérant que l'appelante ne discute pas le prix qu'elle aurait dû payer à la société Autodesk pour acquérir le droit d'utiliser les dix logiciels contrefaits, qui s'élève à 46.000 euros, somme qui constitue le montant minimum des dommages et intérêts susceptibles d'être alloués à la société Autodesk en vertu des dispositions précédemment rappelées dont elle demande expressément l'application ;

Considérant que la société Axel Schoenert architectes associés se flatte vainement d'avoir payé 12.548,80 euros à la société Autodesk aussitôt la contrefaçon découverte ;

Considérant, en revanche, que la société Autodesk met pertinemment en exergue les circonstances particulières de l'espèce qui sont de nature à aggraver sensiblement son préjudice, telles que la désactivation volontaire des protections de cinq sur dix des logiciels contrefaits par des opérations de piratage et l'absence de réponse à l'invitation qui lui avait été faite de régulariser éventuellement sa situation ; qu'elle souligne également l'atteinte, au moins potentielle, portée à son image par l'utilisation de versions piratées de ses logiciels, susceptibles d'être affectées par des virus ou des dysfonctionnements que les mises à jour régulières des versions licites ont pour objet d'éviter, et par la mise en œuvre de ces produits sans les notices d'utilisation appropriées ;

Qu'elle fait également valoir à juste titre que l'utilisation de logiciels dans de telles conditions conduit nécessairement à une dépréciation des originaux et constitue la négation des investissements humains et financiers considérables que leur mise au point a nécessité ;

Considérant, enfin, que l'intimée est fondée à évoquer l'avantage concurrentiel indu que la société Axel Schoenert architectes associés s'est procurée par son comportement, qui, par un effet d'entraînement des autres acteurs du secteur, ne peut qu'aggraver le risque d'une extension de la contrefaçon de ses produits ;

Considérant, au vu de l'ensemble de ces éléments, qu'il apparaît que le tribunal a sous-évalué le préjudice subi par la société Autodesk ; que le montant des dommages et intérêts alloués à celle-ci sera porté, par voie de réformation du jugement, à 90.000 euros ;

Considérant qu'il y a lieu d'accueillir en outre , dans les conditions et les modalités fixées au dispositif, les mesures de publication de la décision sollicitées par la société Autodesk ;

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, SAUF sur le montant des dommages et intérêts alloués à la société Autodesk et en ce qu'il a rejeté les demandes de publication et d'affichage,

LE RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ces seuls chefs,

CONDAMNE la société Axel Schoenert architectes associés à payer à la société Autodesk 90.000 euros de dommages et intérêts payables par mensualités de 5.000 euros selon les mêmes modalités de paiement que celles fixées par le tribunal,

CONDAMNE la société Axel Schoenert architectes associés à prendre à sa charge les frais de publication de l'arrêt dans deux supports, journaux ou revues généralistes ou professionnels, papier ou en ligne, au choix de la société Autodesk, dans la limite de 5.000 euros par publication,

DIT n'y avoir lieu à plus ample mesure de publication ou d'affichage,

CONDAMNE la société Axel Schoenert architectes associés aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Autodesk 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.