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Décisions

Cass. com., 13 décembre 2023, n° 21-14.579

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Coricon

Avocat :

SCP Zribi et Texier

Versailles, du 8 déc. 2020

8 décembre 2020

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. [Z] et [Y] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés F4 Holding GMBH, Parter Capital Group GMBH et TB Management Und Holding UG.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 décembre 2020), le 4 avril 2011, la société Technicolor a cédé l'ensemble des titres de la société par actions simplifiée Thomson Broadcast (la SAS TB), présidée par M. [R], à la société de droit allemand F4 Holding (la société F4), elle-même filiale de la société d'investissement Parter Capital Group GMBH (la société Parter), ces deux dernières étant dirigées par M. [Y].

3. Le 3 septembre 2012, M. [R] a été révoqué de ses fonctions et remplacé par la société TB Management Und Holding UG (la société TB Management), dirigée par M. [Z] qui, le même jour, est également devenu le dirigeant de la société F4.

4. Le 1er octobre 2012, la SAS TB a été mise en redressement judiciaire, puis, le 20 décembre 2012, son plan de cession a été arrêté et sa mise en liquidation judiciaire prononcée, la société ML conseils étant désignée en qualité de liquidateur.

5. Le liquidateur de la SAS TB a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif les sociétés F4, Parter et TB Management, ainsi que MM. [Z] et [Y], en qualité de dirigeants, de droit pour les uns et de fait pour les autres.

Examen des moyens

Sur les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. M. [Z] fait grief à l'arrêt de dire qu'il a été le dirigeant de droit de la SAS TB, de dire que la société TN [lire TB] Management et lui-même ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS TB, et de le condamner, solidairement avec les sociétés F4, TN [lire TB] Management et Parter et M. [Y], à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif, alors « qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que, pour décider que la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [Z], en sa qualité de dirigeant de la société TB Management, elle-même dirigeante de la société TB SAS, pouvait être engagée, la cour d'appel a estimé qu'il était indifférent qu'il ne soit pas le représentant permanent de la personne morale dirigeante, eu égard aux dispositions de l'article L. 227-7 du code de commerce, applicables aux sociétés par actions simplifiées dirigées par des personnes morales, suivant lesquelles la personne morale dirigeant n'est pas tenue de désigner un représentant permanent, et aux stipulations des statuts de la société TB SAS ; qu'en statuant ainsi, alors même que L. 651-1 du code de commerce ne comporte aucune réserve relative à la forme sociale de la personne morale débitrice, ni aux prévisions de ses statuts, la cour d'appel a violé l'article L. 651-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une société par actions simplifiée (SAS) dirigée par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, dirigeant de droit, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS.

9. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. M. [Y] fait grief à l'arrêt de dire qu'il a, aux côtés des sociétés F4 et Parter, commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS TB et de le condamner, solidairement avec les sociétés F4, TN [lire TB] Management et Parter et M. [Z], à payer une certaine somme au titre de l'insuffisance d'actif, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que ce texte n'est pas applicable aux personnes physiques, représentants de personnes morales, reconnues dirigeantes de fait de la société débitrice ; qu'en jugeant le contraire pour retenir la responsabilité de M. [Y], la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 651-1 du code de commerce que la responsabilité pour insuffisance d'actif, encourue sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, est notamment applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective et aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales ; que, pour retenir la responsabilité personnelle de M. [Y], la cour d'appel s'est implicitement mais nécessairement fondée sur sa qualité de dirigeant de droit des sociétés F4 Holding et Parter Capital Group, personnes morales qu'elle a qualifiées de dirigeants de fait de la société débitrice ; qu'en en jugeant ainsi, cependant que M. [Y] ne pouvait avoir été désigné en qualité de "représentant permanent" des personnes morales dirigeants de fait de la société débitrice et ne pouvait donc endosser une responsabilité pour insuffisance d'actif, la cour d'appel a violé les articles L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce ;

3°/ qu'en toute hypothèse, dans ses écritures d'appel, M. [Y] a fait valoir qu'il était "intervenu dans le cadre des opérations d'acquisition de la société TB SAS en sa qualité d'associé et de dirigeant de la société Parter Capital Group et non pas à titre personnel", de sorte que les fautes imputées aux sociétés F4 Holding et à la société Parter, "à les supposer établies" ne lui étaient "pas imputables à titre personnel" ; qu'il a ajouté que le liquidateur n'invoquait, ni ne démontrait qu'il "aurait accompli des actes détachables de ses fonctions d'associé ou de dirigeant au sein de la société Parter Capital Group ou sein de la société F4 Holding" ; qu'en laissant sans réponse ces chefs de conclusions dont il résultait que la responsabilité de M. [Y], distincte de celle des sociétés qu'il dirigeait, ne pouvait être recherchée par le liquidateur, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en décidant que M. [Y] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'augmentation de l'insuffisance d'actifs de la SAS TB, sans donner aucun motif à sa décision sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. En premier lieu, contrairement à ce que postule la première branche du moyen, il résulte de la combinaison des articles L. 227-7, L. 651-1 et L. 651-2 du code de commerce que, lorsque la personne morale mise en liquidation judiciaire est une SAS dirigée de fait par une personne morale, la responsabilité pour insuffisance d'actif, prévue par le troisième texte précité, est encourue non seulement par cette personne morale, mais aussi par le représentant légal de cette dernière, en l'absence d'obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent de la personne morale dirigeant au sein d'une SAS.

12. En deuxième lieu, il résulte du principe énoncé au point 11 que, ayant retenu que les sociétés Parter et F4, dirigées par M. [Y], étaient les dirigeants de fait de la SAS TB, la cour d'appel en a exactement déduit que la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [Y] pouvait être recherchée par le liquidateur de la SAS TB.

13. En dernier lieu, lorsqu'une SAS débitrice est dirigée par une personne morale représentée légalement par une personne physique, la faute de gestion de nature à engager la responsabilité pour insuffisance d'actif de ce dirigeant peut être caractérisée indifféremment à l'égard de celui-ci ou à l'égard de son représentant légal.

14. Il en découle qu'en retenant que les sociétés Parter et F4, dirigées par M. [Y], avaient commis des fautes de gestion en qualité de dirigeants de fait de la SAS TB, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.