Décisions
CA Pau, ch. soc., 7 décembre 2023, n° 21/03980
PAU
Arrêt
Autre
AC/SB
Numéro 23/4074
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 07/12/2023
Dossier : N° RG 21/03980 - N° Portalis DBVV-V-B7F-IB4I
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[L] [S]
C/
S.A. SOLOCAL
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Mai 2023, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame PACTEAU, Conseiller
Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [L] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A. SOLOCAL Représentée par ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX
RG numéro : 20/00086
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [S] (le salarié) a été embauché par la société anonyme (SA) Pages jaunes devenue Solocal (l'employeur), à compter du 14 août 2000, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de télévendeur.
La convention collective applicable est celle de la publicité.
L'employeur a relevé employer près de 3 000 salariés.
M. [L] [S] a été affecté à l'agence de [Localité 7].
Le 25 septembre 2019, il a été placé en arrêt de travail, prolongé jusqu'au 3 mars 2020.
Le 5 mars 2020, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte selon les termes suivants': «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé'».
Le 13 mars 2020, par courriel, le médecin du travail a relevé que': «'L'inaptitude à tous les postes de Mr [L] [S] exclut également toute possibilité de reclassement au sein du groupe ».
Le 18 mai 2020, M. [L] [S] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé le 4 juin 2020.
Le 8 juin 2020, il a été licencié «'pour impossibilité de reclassement consécutive à la déclaration d'inaptitude constatée par le médecin du travail et à la mention expresse selon laquelle tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'».
Le 7 octobre 2020, M. [L] [S] a saisi la juridiction prud'homale de Dax au fond.
Par jugement du 9 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Dax a notamment':
-dit et jugé que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
-dit et jugé que la convention de forfait annuel en jours de M. [S] est valable et que celui-ci ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires,
-débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
-débouté la société Solocal de ses demandes reconventionnelles,
-dit que les dépens restent à la charge de chaque partie.
Le 9 décembre 2021, M. [L] [S] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 28 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [L] [S], demande à la cour de':
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il déboute Solocal de ses demandes reconventionnelles,
-réparer les omissions de statuer,
-statuer à nouveau sur l'intégralité des demandes,
-débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions.
-fixer comme salaire de référence, pour le calcul des indemnités, la rémunération mensuelle brute de 6.873,99 €,
-prononcer la nullité du licenciement en lien avec une situation de harcèlement moral, ou subsidiairement, son absence de cause réelle et sérieuse, l'inaptitude résultant des manquements de Solocal qui ne prouve pas avoir respecté son obligation de sécurité en n'ayant pas prise toutes les mesures de protection de la santé alors qu'elle était informée par les alertes de la représentation du personnel de l'existence de risques psycho-sociaux et du comportement déviant de la directrice régionale,
-requalifier l'inaptitude d'origine non professionnelle en inaptitude d'origine professionnelle,
-prononcer la nullité des stipulations relatives au forfait en jours de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail de Solocal du 20 mars 2000,
-prononcer en conséquence l'inopposabilité de la convention individuelle de forfait-jours qui est privée d'effet,
-faire droit à la demande relative aux heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve et n'a pas à étayer sa demande, présentant des éléments contractuels et factuels et produisant des pièces, revêtant un minimum de précision, alors que l'intimée est défaillante dans l'administration du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires en l'absence de contrôle du temps de travail réel, en violation des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, L.3171-2, L.3171-3 et L.3171-4 du code du travail,
-écarter des débats la pièces 27 adverse, obtenue de manière déloyale en violation des dispositions du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),
-condamner en conséquence Solocal SA à verser :
* 3.965,75 € au titre des congés acquis pendant l'arrêt maladie, en écartant tout texte et jurisprudence contraires, sur le fondement de l'article 31 paragraphe 2 de de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne et de la Cour de cassation,
* 150.000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec une situation de harcèlement moral, sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème MACRON, ou à titre infiniment subsidiaire 103.109,85€ sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail,
* 20.621,97 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.062,20 € de congés payés afférents,
* 25.997,82 € au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L 1234-9 du code du travail, sur le fondement de l'article L 1226-14 du code du travail,
* 25.000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail,
* 10.000 € de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son
obligation de prévention du harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-4 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral et la violence au travail,
* 15.000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques psycho-sociaux, sur le fondement de l'article L 4121-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail,
* 1.053,63 € de rappel de salaire des retenues injustifiées prélevées de septembre 2019 à mai 2020, outre 105,37 € de congés payés,
* 88.832,65 € de rappel d'heures supplémentaires, outre 8.883,27 € de congés payés afférents, sur le fondement de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la CJUE et des article L 3171-2, L 3171-3 et L 3171-4 du code du travail,
* 34.324,18 € de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 3.432,41 € de congés afférents sur le fondement des articles L 3121-30 et L3121-38 du code du travail,
* 58.794,39 € d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L 8223-1 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,
* 7.500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et minimale de repos sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,
* 3.500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM sur le
fondement des dispositions combinées du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),
* 5.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343- 2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.
- condamner Solocal SA aux entiers dépens.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 17 mars 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Solocal demande à la cour de':
- dire et juger la société Solocal SA recevable et bien fondée en ses écritures,
Y faisant droit,
A titre liminaire :
- déclarer irrecevables les demandes nouvelles en cause d'appel de M. [S], visant :
- Écarter des débats la pièce 27 de la société Solocal,
- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 3.432,41 € de congés afférents à la demande de rappel de contrepartie obligatoire en repos,
- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 3.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM,
> A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [S] à verser à la Société Solocal la somme de 4.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [S] aux dépens.
> A titre subsidiaire :
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement nul à six mois de salaire, soit 41.243,91 €.
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 20.621,96 €.
- limiter le montant du rappel d'heures supplémentaires à 40.006,13 € et limiter les congés payés afférents à 4.000,61 €.
- limiter le montant de la contrepartie obligatoire en repos à 10.281,73 €.
- condamner M. [S] à rembourser à la société Solocal la somme de 7.620,07 € bruts, perçue à tort à titre de paiement de jours de repos.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur le salaire de référence
Monsieur [S] se prévaut d'un salaire de référence de 6 873,99 euros, correspondant au salaire des douze derniers mois précédents son arrêt de travail, lequel n'est pas contesté par l'employeur.
Au regard des justificatifs produits, il convient de retenir ledit montant.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
II- Sur le licenciement en lien avec des faits de harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite la nullité de son licenciement pour inaptitude au motif qu'il serait lié à une situation de harcèlement moral, caractérisée par un management déviant de la nouvelle directrice régionale, une charge de travail éprouvante, une pression constante aux résultats, un contexte général de souffrance au travail et une dégradation de son état de santé.
L'article L.1152-2 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
L'article L.1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions énoncées ci-dessus est nulle.
Ainsi, le licenciement prononcé pour inaptitude est nul lorsque cette inaptitude est la conséquence d'agissements de harcèlement moral.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
En l'espèce, le salarié produit notamment les éléments suivants':
l'avenant au contrat de travail du 7 janvier 2014,
ses bulletins de paie de juin 2017 à mai 2020,
la lettre de licenciement pour inaptitude du 8 juin 2020,
son dossier médical de la médecine du travail dans lequel est retranscrit le compte-rendu d'une visite occasionnelle du 24 septembre 2019 demandée par le salarié pour «'gros mal être au travail (') début en juillet 2019 du mal-être'»,
l'arrêt de travail initial du 25 septembre 2019, dont le motif médical n'est pas précisé, et le relevé d'indemnités journalières Améli afférent,
un certificat médical du 13 février 2020 du docteur [I], psychiatre du salarié, indiquant': «'état dépressif majeur (') le reliquat dépressif incompressible malgré un traitement bien conduit a pour conséquence une inaptitude à tout poste au sein de son entreprise'»,
l'avis d'inaptitude du 5 mars 2020 du docteur [J] indiquant que «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'»,
le compte rendu de consultation du docteur [A], médecin conseil, du 2 septembre 2020, soit postérieurement à son licenciement, faisant état de l'historique, de l'état de santé et du traitement actuel du salarié,
l'attestation de Madame [Z], collègue de travail, indiquant': «'(') depuis plus de deux ans nous subissons une pression de travail énorme. En 2018 il y a eu un PSE avec plusieurs centaines de suppressions de postes. A la suite, nous devions traiter plus de dossiers et étions en grande surcharge de travail (') nous étions déjà très angoissés par rapport à l'endettement de l'entreprise et avions peur à tout moment de perdre notre poste. Nous étions managés dans la peur, on nous répétait sans cesse que l'entreprise était «'au fond du gouffre'» et que nous devions redoubler d'énergie pour la sauver. Nous recevions une multitude de mails et coups de fils de pression ('). Ayant moins de salariés dans les locaux car licenciés lors du PSE, ou services délocalisés à l'étranger, la qualité du service s'est nettement dégradée. On nous donnait encore plus de tâches (administrative/après-vente). Toute la journée nous devions rendre compte de nos clients via whatsapp. On félicitait celui qui avait vendu le bon produit, on montrait du doigt ceux qui n'avaient pas encore vendu. L'entreprise nous donnait des objectifs inatteignables ('). En septembre 2019, une nouvelle directrice régionale est arrivée et lors de son 1er séminaire, elle nous annonçait que tout le fonctionnement devait changer, on ne pouvait plus travailler dans ces conditions, les résultats étaient «'trop mauvais'», que les managers avaient été trop gentils avec nous. Elle était là pour redresser la zone de [Localité 7] et qu'il fallait vraiment se mettre au travail car ce n'était «'apparemment'» pas le cas précédemment. Selon elle, les vacances étaient terminées ! Beaucoup de commerciaux ont craqué à ce séminaire, dont [L] [S]. La pression était déjà insupportable depuis 2 ans. Entre septembre et décembre 2019, il y a eu une multitude de licenciements, arrêts de travail etc' Aujourd'hui l'entreprise affiche un absentéisme record.'»,
l'attestation de Monsieur [R], collègue de travail, non datée et non signée': « J'atteste avoir assisté aux multiples pressions subies par Mr [S] [L] de la part de Mme [P] [G] dès son arrivée sur la région de [Localité 6] avec notamment une surveillance quotidienne des rendez-vous sur le mois de juillet 2019. Etant le manager direct de Mr [L] [S], les appels ou mails m'étaient destinés en me demandant de veiller à ce que Mr [S] arrive au nombre de rendez-vous hebdomadaires soit au minimum 14 rdv ! Ce qui pendant cette période estivale était extrêmement difficile. Alors Mme [G] me demandait de l'accompagner sur le terrain, bien entendu je m'exécute, malgré des journées à rallonge de 7h30 à 20h, il nous était difficile d'y parvenir et c'était très mal vécu par Mr [L] [S], qui à ce moment précis, me confiait son mal être depuis l'arrivée de Mme [G]. Cette situation s'est aggravée lors de la rentrée du mois de septembre 2019 en plein séminaire elle fustige l'ensemble des commerciaux de la zone de [Localité 6] avec un ton agressif et des mots du type «'Si vous n'êtes pas capable d'assumer ou de travailler sans relâche, je donnerai votre portefeuille client à des vendeurs plus performants qui viendront de [Localité 11]'», «'je ne veux plus jamais voir ça'», «'c'est la dernière fois que vous êtes à ce niveau'». Mme [G] est allée jusqu'à demander à 2 collaborateurs qui échangeaient discrètement de venir faire 30 pompes de façon moqueuse. Et enfin, elle impose une séance de phoning obligatoire en fin de journée (19-21h) à toute l'équipe commerciale pour s'assurer que le nombre de rendez-vous passe de 14 à 20 par semaine ! A ce moment-là, Mr [S] était au bord de la rupture ! Et il me le fait savoir. »,
l'attestation Madame [Y], collègue de travail': « J'ai travaillé avec [L] [S] de 2007 à fin 2019 chez Solocal (autrefois Pages Jaunes). [L] a toujours été un collègue agréable et jovial, professionnel. L'entreprise après de nombreux changements de direction a modifié sa manière de manager. Surtout depuis 2019. Dégradant l'ambiance et l'esprit d'équipe. Ce management très «'borderline'» a eu un effet dévastateur sur l'ensemble des collaborateurs. Exemple lors d'une plénière en septembre 2019 pendant laquelle la nouvelle directrice régionale se plaisait à ridiculiser, rabaisser les collaborateurs (un manager s'est vu demander de faire des pompes devant l'ensemble de la salle). Suite à cela le moral de [L] n'a cessé de se dégrader, ainsi que pour bon nombre de collaborateurs, y compris le mien. Le climat est devenu anxiogène et les conditions de travail extrêmement difficiles poussant [L] à s'arrêter.»,
l'attestation de Monsieur [X], collègue de travail': «'Je travaille avec Mr [L] [S] depuis plus de 10 ans où nous avions la même mission commerciale. Tout se passait très bien au sein de Solocal ('). Mais après la plénière de [Localité 7], tout a basculé pour lui dans sa tête après les propos de notre nouvelle directrice [P] [G] où l'humain disparaissait totalement dans son discours, le mépris des commerciaux et de leurs responsables semblait être sa motivation (demande de faire des pompes aux responsables devant une salle pleine, incroyable). Donc à partir de là, [L] a craqué, je ne l'avais jamais vu dans cet état et quelques jours après il fut arrêté pour dépression.'»,
l'attestation de Monsieur [F] collègue de travail': « J'ai collaboré avec [L] [S] durant une quinzaine d'années. Même groupe, même poste de commercial grand compte. Outre un état d'esprit irréprochable, j'ai pu constater de grandes valeurs humaines et une implication sans faille sur le plan professionnel. Sur le plan commercial, c'est très appréciable d'avoir un conseiller comme [L] [S], surtout lorsque cela se traduit par de très bons résultats. Probablement une des raisons qui fait qu'il était très apprécié par sa hiérarchie. »,
l'attestation de Madame [E], collègue de travail, relevant les qualités humaines et professionnelles du salarié,
un email de signalement du 13 septembre 2019 de Monsieur [N], représentant du personnel, adressé aux ressources humaines suite au séminaire de Madame [G]': « Lundi dernier j'ai assisté à la première journée du kick-off de [Localité 7]. Suite à l'intervention de Mme [P] [G], je souhaite revenir sur les mots et les attitudes observées. Vous étiez présente durant sa prise de parole mais vous n'avez ni réagi ni stoppé certains propos tenus. Stigmatiser des salariés nominativement, en soulignant leurs mauvais classements sur des documents d'entreprise est interdit afin d'éviter les RPS. Pourtant certains responsables de vente ont été blâmés publiquement. Leur classement sur différents critères ou lignes de produits a été affiché à l'ensemble de l'assistance avec des commentaires menaçants ou désobligeants du type «'c'est la dernière fois que vous êtes à ce niveau, cela ne se reproduira pas car je ne le permettrai pas'» ou «'c'est vrai que sur [Localité 9] on vous a coupé internet'». D'autres ont directement été interpellés de façon moqueuse devant les salariés. D'autres ont été sommés, sous forme de «'punition'» de «'venir faire 30 pompes'» devant tous les collègues pour avoir échangé quelques mots entre eux à voix basse. Heureusement que le salarié ne s'est pas exécuté mais je l'ai senti très mal à l'aise. Malgré le sourire de façade, certains salariés mis en cause sont affectés. Je vous alerte sur le fait qu'un risque psychosocial n'est pas à proscrire pour ces salariés. Les autres salariés qui ont assisté à ce «'spectacle de maîtresse d'école'» sont choqués par ce type de comportement. (') Les commerciaux ont découvert en séance qu'à la suite de leur journée de formation, une séance de phoning obligatoire et non facultative était imposée par Mme [G] (') Mme [G] a ordonné aux commerciaux CCDS ou KA de rattraper le retard de productivité de la zone en augmentant leur cadence en nombre de visite hebdomadaire avec une vingtaine de rdv minimum par semaine et ce quelle que soit leur catégorie CCDS ou KA. Or, d'après les premiers retours des commerciaux testeurs, la mise en place de la nouvelle offre prend plus de temps en préparation, ce qui augmentera déjà leur charge de travail. Mme [G] est allée jusqu'à menacer les commerciaux de leur retirer des dossiers et les transmettre à d'autres collègues s'ils n'avaient pas renouvelé 80% de leur site jusqu'à vendredi 13 septembre (') Il a également été annoncé que les salariés reçus en entretien individuel par Mme [G] devraient arriver avec des solutions pour améliorer leur activité et leurs résultats, en précisant que ce n'était pas la peine de venir «'pleurnicher'» en expliquant pourquoi ils n'y arrivaient pas. Pour autant, aucune présentation des moyens qui seraient mis en œuvre pour aider les salariés en difficulté n'a été faite. Mme [G] a juste précisé qu'elle répondrait aux besoins exprimés par les salariés en difficulté en les faisant éventuellement accompagner en clientèle par des superperformers de [Localité 11] qui viendraient prêter main forte. Vous voudrez bien veiller à ce que cela ne se fasse pas en retirant des comptes clients à des commerciaux, ce qui impacterait négativement leur rémunération et réduirait leur possibilité d'atteindre leurs objectifs. De même qu'annoncer que toute personne qui n'est pas aux rendez-vous attendus sera considérée en faute professionnelle équivalente à la contestation de la stratégie de l'entreprise, ressemble plus à une dictature par la terreur (') Affirmer que dans le sud-ouest les salariés ne travaillent pas au mois de juillet sans avoir posé des congés est une accusation gratuite de la part de Mme [G] (') Ces discours choquent de nombreux salariés qui m'en ont fait part. (') Je vous demande de veillez à ce que ces dérives ne se reproduisent plus y compris dans les réunions d'équipe auxquelles elle participe. Garante de la santé des salariés, j'ai été interloqué que vous ne réagissiez pas face à ces paroles. Peut-être ne vous ont-elles pas choqué ' En tant que RH locale je vous demande de tout mettre en œuvre pour stopper une situation de souffrance au travail avant qu'elle ne se dégrade encore plus car plusieurs salariés présents ont été choqué et sont venus s'en plaindre auprès de moi (...)'»,
les procès verbaux des réunions du CSE de 2019 dans lesquels les élus relèvent notamment une baisse des effectifs liée à la mise en place d'un PSE en 2018, les lancements successifs de nouveaux produits et solutions engendrant une pression supplémentaire sur les salariés, l'exigence de performance continue auxquelles les commerciaux sont tenus, des alertes pour souffrance au travail'; Monsieur [N] alerte sur l'existence d'un absentéisme élevé à l'agence de [Localité 7] depuis septembre 2019 qui serait lié à des comportements managériaux,
le compte rendu de la mission d'enquête du Comité d'Hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) local sur les conditions de travail à l'agence télévente d'[Localité 8] du 11 janvier 2019, qui relève l'existence d'un malaise persistant et préconise notamment l'arrêt d'un management par la peur et la pression,
deux tracts intersyndicaux de novembre 2019 et septembre 2020 dénonçant la dégradation des conditions de travail, les dérives managériales et organisationnelles subies par les salariés du groupe et l'inaction de la direction,
un courrier de Solocal à ses actionnaires du 17 juillet 2020 relatif à la situation financière du groupe,
des articles de presse de novembre 2019, juin et août 2020 relatifs à la grève des salariés de Solocal à [Localité 5] et [Localité 10] pour détérioration de leurs conditions de travail et aux difficultés de trésorerie de Solocal,
une injonction préalable de la CARSAT du 27 juillet 2020 délivrée à l'agence bordelaise de Solocal en raison de risques psychosociaux, de l'intensité et de la complexité du travail et des rapports sociaux dégradés,
la fiche info greffe, le chiffre d'affaires et les résultats de Solocal en 2019, 2020 et 2021,
un tableau d'heures supplémentaires réalisées de juin 2017 à septembre 2019,
un tableau d'amortissement d'un prêt d'un montant de 130 000 euros échelonné sur 84 mois,
la copie du livret de famille (deux enfants à charge),
son nouveau contrat de travail du 21 septembre 2020 avec perte de salaire,
l'attestation d'inscription à Pôle emploi du 5 octobre 2020,
les attestations Pôle emploi des 3 février 2022 et du 26 novembre 2022,
des articles de doctrine relatifs au harcèlement moral,
Ces éléments, pris dans leur ensemble, établissent des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, caractérisé par un management déviant et une exigence absolue et continue de performance.
L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas été victime de harcèlement moral tel que décrit.
Il lui incombe donc, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il produit les éléments suivants':
le contrat de travail du salarié du 7 janvier 2014,
l'arrêt de travail de Monsieur [S] du 25 septembre 2019 et les arrêts de prolongation des 15 octobre 2019, 13 novembre 2019, 10 décembre 2019, 9 janvier et 4 février 2020,
l'avis d'inaptitude du 5 mars 2020,
un courrier du docteur [J] du 18 février 2020 suite à la visite de pré-reprise du salarié, informant l'employeur que son état de santé ne lui permettra pas de reprendre le travail et qu'il devra être déclaré inapte à son poste lors de la visite de reprise,
un courrier de la responsable des ressources humaines du 13 mars 2020 interrogeant le docteur [J] sur la possibilité d'un reclassement du salarié au sein du groupe, ainsi que le courrier de réponse du même jour précisant que l'inaptitude de Monsieur [S] à tous les postes «'exclut également toute possibilité de reclassement au sein du groupe'»,
un courrier de Solocal du 22 avril 2020 informant le salarié de l'impossibilité de procéder à son reclassement,
les entretiens professionnels 2015, 2016 et 2017 du salarié, dans lequel il indique dans la rubrique «'synthèse'» que':
pour l'année 2015': «'beaucoup de nouveaux process à digérer ce qui accroît forcément la charge de travail'»,
pour l'année 2016': «'RAS'»,
pour l'année'2017': «'Ravi des aides que met l'entreprise à notre service (BP, Genius Bar...) utile car la masse de travail est toujours de plus en plus importante'»,
les entretiens sur objectifs de 2016, 2017 et 2018. Le salarié indique dans l'entretien 2018': «'1er semestre très difficile effectivement avec la perte de mes 2 plus gros clients du 47, et la difficulté de développer les comptes'», «'dans un contexte difficile, j'ai essayé de faire au mieux avec les outils mis à ma disposition'», «'après une année extrêmement difficile (2018) je vais mettre tout en œuvre pour faire une belle année et dépasser les objectifs grâce à l'aide de mon responsable'»,
l'accord collectif sur la réduction du temps de travail du 20 mars 2000,
l'extrait du logiciel CRM et le tableau de décompte des rendez-vous professionnels du salarié en 2019,
un email de la responsable des ressources humaines du 18 septembre 2019 adressé à Monsieur [N] en réponse à son signalement du 13 septembre 2019 ': «'(') Je ne partage pas votre présentation de cette journée et je me dois de revenir sur certains éléments (...) Les résultats étant d'une telle gravité, la DVR a tenté de détendre l'atmosphère et, si la forme n'était peut-être pas par moment la plus adaptée selon le filtre de chacun, il n'y avait pas d'intention négative. Pour rappel, la région a généré du retard sur de nombreux indicateurs et notamment en ce qui concerne l'activité commerciale (') Il a bien été présenté un attendu de 16 visites pour un CCDS et de 12 pour un CCDKA par semaine au cours de la clôture du kickoff, à laquelle vous étiez par ailleurs absent. Toutefois, il est vrai que l'ambition de l'activité commerciale est de 20 rendez-vous par semaine pour les CCDS et 16 pour les CCDKA. Il a également été précisé au cours de la présentation du programme de formation qu'en cas d'empêchement, les commerciaux pouvaient naturellement partir à l'issue de la formation et ainsi ne pas réaliser l'opération de phoning. En tant que DVR, [P] est garante de la bonne gestion du portefeuille et du chiffre d'affaires de l'ensemble de sa région. Elle se doit ainsi d'alerter les managers et les vendeurs qui ont un retard important afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour y remédier dans les délais et ainsi répondre aux attentes de l'entreprise (...)'»,
une lettre de Solocal à la CARSAT du 21 septembre 2020, suite à l'injonction du 27 juillet 2020, l'informant que l'entreprise travaille sur l'intensité et la complexité du travail ainsi que sur les rapports sociaux dégradés dans le cadre de deux démarches': 1) l'instauration de groupes de travail afin de travailler sur l'absentéisme'; 2) une mission d'expertise menée par le cabinet ISAST relative aux conséquences du déploiement de la nouvelle offre sur les conditions de travail des populations commerciales et le service client, menée par le cabinet,
un courrier de la CARSAT du 11 janvier 2023 informant Solocal de la levée définitive de la majoration de taux accidents du travail applicable à son établissement de [Localité 7], au motif que les mesures de prévention demandées ont été accomplies,
le document unique d'évaluation des risques de 2017, identifiant la contrainte mentale comme danger général,
le bilan et KPI 2016 / 2017 ' plan global QVST relatif à une démarche de prévention des RPS menée via l'organisation de réunions, la formation des managers et des membres du CHSCT à la prévention des RPS ainsi qu'une optimisation des processus d'alerte et de recours,
le compte-rendu de la réunion de lancement des groupes de travail QVT du 2 octobre 2019 visant à élaborer un plan d'actions sur l'absentéisme,
la lettre de mission du cabinet d'expertise ISAST du 14 janvier 2020 et le rapport d'expertise du 1er mars 2021 relevant l'existence de relations managériales déviantes, une pression managériale, la disproportion des objectifs et du nombre de clients à traiter, la course à l'atteinte des objectifs. S'agissant des rapports sociaux, il est précisé que la nouvelle gamme créée des tensions susceptibles de dégrader les relations de travail,
une information du CSE sur le plan d'action absentéisme du 25 novembre 2020,
le plan d'action absentéisme et mapping mis à jour le 17 mai 2021, reprenant le planning de la mise en œuvre des mesures du plan absentéisme,
un email du directeur général de Solocal du 7 octobre 2019 informant les salariés du lancement d'un dispositif éthique en conformité avec la loi Sapin II, reposant sur un code de conduite, un dispositif d'alerte professionnelle permettant de remonter toute atteinte grave à l'intérêt des biens et des personnes, un plan de formation pour sensibiliser à la fraude et à la corruption,
le projet de réorganisation de Solocal présenté en 2018, qui s'est traduit par la suppression de 810 postes, 162 modifications de contrats et 109 créations de postes, ainsi que par la conclusions de trois accords collectifs,
les accords collectifs du 22 juin 2018 relatifs au congés de mobilité et au PSE,
une note d'information sur les orientations stratégiques 2018,
le compte de résultats consolidé aux 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020,
un extrait du rapport de l'expert du CSE sur la consultation annuelle 2021 relative à la politique sociale, indiquant que suite au «'plan Coriolis'», le nombre de salariés de Solocal est passé de 3 513 au 31 décembre 2018 à 2 337 au 31 décembre 2020,
un extrait du document communiqué par Solocal sur la consultation annuelle 2022 relatif aux orientations stratégiques, relevant un effectif de 2 273 salariés en 2022 et une stabilité pour les années 2023-2024,
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Madame [G] a mis en œuvre dès l'été 2019 des méthodes de management toxiques, caractérisées par des humiliations publiques, des propos agressifs et rabaissant, des menaces, du contrôle et une augmentation des cadences des rendez-vous client.
Ses propos tenus durant le séminaire de septembre 2019, non contestés et minimisés par Solocal, qui les assimile à un «'mode de communication maladroit'», ont choqué Monsieur [S], dont l'état de vulnérabilité était déjà présent du fait de pressions réelles de productivité, et ont fait l'objet d'un signalement d'un représentant du personnel, lequel a reçu pour seule réponse un courriel de l'employeur banalisant le comportement de l'intéressée.
La nomination de Madame [G] en qualité de directrice d'agence ainsi que l'absence de sanction prononcée à son égard en dépit de la connaissance par l'employeur de ses pratiques, identifiées comme déviantes, démontre une volonté sans équivoque de ce dernier de mettre en place et de faire perdurer un management harcelant au service d'une seule volonté de productivité.
En outre, si la fonction de Monsieur [S] implique nécessairement l'atteinte de résultats, celui-ci a été soumis à une charge de travail éprouvante, causée par la réorganisation de l'entreprise et une augmentation des tâches administratives, l'amenant à travailler régulièrement au delà des durées légales de travail (cf supra). Il est indifférent qu'il ait réalisé, entre janvier et août 2019, une moyenne de 10 rendez-vous hebdomadaires sur 12 attendus, ou qu'il n'ait jamais usé du dispositif d'alerte mis à sa disposition.
Les problématiques liées aux pratiques managériales de Madame [G] et à la surcharge de travail ont été signalées aux ressources humaines locales et nationales à plusieurs reprises. Cependant, l'employeur n'a pas réagi aux signalement et a laissé la situation perdurer, entraînant la dégradation de l'état de santé du salarié et son placement en arrêt de travail. Bien que le motif médical de cet arrêt ne soit pas précisé, il est constant que le salarié a consulté le médecin du travail la veille de son arrêt en raison d'un mal-être au travail apparu en juillet 2019, date correspondant à l'arrivée de Madame [G] dans l'entreprise, tel que cela ressort des attestations produites. Cette dernière a donc contribué à la dégradation de son état de santé, peu importe que le salarié ait travaillé à son contact pendant un mois et demi.
Si l'employeur se prévaut dans ses conclusions de différentes explications quant à la situation dénoncée par Monsieur [S], les pièces qu'il verse au débat sont insuffisantes à contester celles du salarié. Il ne démontre aucunement que les agissements caractérisés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Le harcèlement moral dénoncé par Monsieur [S] est donc caractérisé à son encontre.
Par conséquent, l'inaptitude du salarié étant en lien avec des faits de harcèlement moral, son licenciement est nul.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
III ' Sur les conséquences de la nullité du licenciement en lien avec des faits de harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite les sommes de 150 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul en lien avec une situation de harcèlement moral sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail et 25 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral au titre de l'article L.1152-1 du même code.
A- Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Selon les articles L.1152-3, L.1235-3-1 et L.1235-5 du code du travail, le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Le licenciement du salarié étant déclaré nul, il est bien fondée à solliciter une indemnisation d'au moins 6 mois de salaire, laquelle, au regard de son ancienneté (19 ans et 10 mois) et de la baisse de sa rémunération engendrée par son nouvel emploi, est fixée à la somme de 68 739,90 €.
B- Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait également faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Au regard des pièces du dossier décrites ci-dessus, du contexte dans lequel ce sont déroulés les faits de harcèlement subi et des conséquences sur la santé de Monsieur [S], l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 5 000 € de dommages et intérêts de ce chef.
IV- Sur l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite les sommes de':
-10 000 euros de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral et la violence au travail,
-15 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques psychosociaux sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail.
Il est constant que les développements de Monsieur [S] sur ces deux fondements renvoient à l'obligation de prévention des risques psycho-sociaux, qui est, au même titre que celle des risques d'atteintes physiques, une composante de l'obligation de sécurité.
Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail définissent les mesures et les principes généraux de prévention par lesquels l'employeur assure la sécurité et protège la santé physique et mentale des travailleurs, tandis que l'article L.1152-4 du même code impose à l'employeur une obligation spécifique de prévention des agissements du harcèlement moral.
> Sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail':
Il a été jugé, par ailleurs, que l'obligation de prévention du harcèlement moral et l'interdiction d'un tel harcèlement sont distinctes, de sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.
Il résulte des développements précédents que le harcèlement moral est caractérisé à l'encontre de Monsieur [S].
Si l'employeur soutient avoir mis en œuvre des mesures visant à prévenir le harcèlement moral, la cour constate que hormis une démarche de prévention des risques psychosociaux organisée en 2016/2017 ainsi que le document unique d'évaluation des risques de 2017 mentionnant la contrainte mentale comme risque psychosocial, la majorité des mesures prises par l'employeur furent mises en place à compter d'octobre 2019, soit trop tardivement pour garantir efficacement la protection de Monsieur [S], alors même que l'employeur était informé a minima depuis le début de l'année 2019 par le biais des réunions du CSE, des tracts syndicaux et d'articles de presse, des problématiques de souffrance au travail au sein du groupe.
Par ailleurs, plus particulièrement, bien qu'il ait été alerté à deux reprises, en septembre et décembre 2019, des dangers du management au sein de l'agence bordelaise, l'employeur ne justifie avoir pris aucune mesure pour prévenir les agissements de harcèlement moral subis par le salarié.
Au surplus, il est indifférent que Monsieur [S] n'ait pas alerté les représentants du personnel ou la direction sur les faits de harcèlement moral dont il a fait l'objet.
Ainsi, l'employeur avait connaissance des problématiques de souffrances au travail et n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont le salarié a été victime.
Le manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi caractérisé.
Il convient d'allouer au salarié la somme de 2 500 euros de ce chef.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
> Sur le fondement des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail':
La salariée soutient que l'employeur a également manqué à son obligation générale de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants du code du travail.
Or, l'obligation de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants de ce code est une obligation générale, dont découle l'obligation spécifique de prévention de harcèlement moral prévue à l'article L.1152-4 de ce code. Ces deux textes ont donc le même objet, le premier ayant un champ d'application plus large que le second. Le salarié ayant déjà été indemnisé sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail, sa demande sera rejetée, conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
V- Sur l'inaptitude
Monsieur [S] soutient que son inaptitude a une origine professionnelle.
L'employeur s'en défend, indiquant que l'inaptitude physique du salarié n'a pas d'origine professionnelle.
A- Sur l'origine de l'inaptitude
En application de l'article L.1226-10 du code du travail, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre la maladie professionnelle et l'inaptitude.
Les juges se déterminent au regard d'un faisceau d'indices et apprécient souverainement l'origine professionnelle de l'inaptitude et la connaissance, par l'employeur, de cette origine.
Il résulte des précédents développements qu'à compter du 25 septembre 2019, Monsieur [S] a été placé en arrêt de travail jusqu'à la date de son licenciement pour inaptitude.
Si le salarié ne produit aucune demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, il n'en demeure pas moins que les certificats médicaux et son dossier médical relèvent un mal-être au travail et un état dépressif majeur.
L'employeur était nécessairement au courant, pour avoir été informé en 2015 et 2017 par le salarié, de l'importance de sa charge de travail, puis alerté en septembre 2019 par un représentant du personnel, de l'impact psychologique sur les salariés, de l'arrivée de Madame [G].
Au regard de ces éléments, il convient de relever que l'inaptitude de Monsieur [S] a, au moins partiellement, pour origine un caractère professionnel.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
B- Sur les conséquences de l'origine professionnelle de l'inaptitude
Le salarié sollicite au titre de l'origine professionnelle de son inaptitude':
-une indemnité compensatrice de préavis d'une durée de trois mois, soit 20 621,97 euros outre 2 062,20 euros au titre des congés afférents,
-le reliquat de l'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail, soit 25 997,82 euros, somme tenant compte du montant déjà versée par l'employeur.
L'application des articles L.1226-10 à L.1226-16 du code du travail conduisent à octroyer au salarié une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du même code.
> Sur l'indemnité compensatrice de préavis
La convention collective de la publicité et entreprises assimilées du 1er avril 1955 visée dans les bulletins de salaire du salarié prévoit dans son article 68 que la durée du préavis d'un cadre est de 3 mois, ce dont se prévaut Monsieur [S].
L'employeur ne conteste pas le quantum demandé et rappelle que ce préavis n'est pas dû en présence d'une inaptitude d'origine non professionnelle.
Il sera donc fait droit à la demande du salarié à hauteur de 20 621,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et à 2 062,20 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
> Sur le reliquat de l'indemnité de licenciement
Il résulte des documents de fin de contrat que le salarié a perçu la somme de 53 053,06 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et sollicite la somme de 25997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement. Il considère donc que le double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail est de
79 050,88 euros.
Ainsi, il sera alloué au salarié la somme de 25 997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
VI ' Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
A- Sur les retenues injustifiées
Le salarié sollicite un rappel de salaire de 1 053,63 euros outre 105,37 euros de congés payés en raison de la retenue de l'avantage en nature véhicule de 117,07 euros effectuée pendant son arrêt maladie, durant neuf mois.
Il résulte des pièces produites par l'employeur qu'en 2017, le salarié a opté pour le bénéfice d'une voiture de fonction, dont le mode de calcul de cet avantage a été modifié en septembre 2019. Le taux forfaitaire de l'avantage a diminué de 9% à 6%, passant à 117,07 euros, et une participation au carburant de l'ordre de 6% a été mise en place.
D'après les bulletins de paie du salarié, celui-ci s'est vu retenir, à compter de septembre 2019, l'avantage en nature véhicule d'un montant de 117,07 euros et une participation au carburant du même montant, conformément à l'option qu'il a choisie, de sorte que l'employeur n'a procédé à aucune retenue injustifiée.
La demande du salarié sera rejetée et le jugement déféré confirmé sur ce point.
B- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés acquis pendant la maladie
Le salarié sollicite la somme de 3 965,75 euros d'indemnité au titre des congés payés acquis pendant son arrêt maladie, correspondant à 2,5 semaines.
L'employeur soutient que cette demande est infondée, les absences pour maladie non professionnelle ne constituant pas du temps de travail effectif au sens du code du travail.
Aux termes de l'article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.
Selon les articles L.3141-1 et L.3141-3 du code du travail, l'acquisition des droits à congés payés est subordonnée à l'exécution d'un travail effectif.
Toutefois, il a été récemment jugé, par ailleurs, que les dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail doivent être écartées en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du même code.
En l'espèce, Monsieur [S] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 25 septembre 2019 jusqu'à son licenciement, de sorte qu'il a acquis, durant cette période, des droits à congés payés.
Il convient donc de lui attribuer la somme de 3 965,75 euros à ce titre.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
C - Sur la convention de forfait
> Sur la validité de la convention de forfait
Les articles L. 3121-43, L.3121-55 et L.3121-63 du code du travail subordonnent la validité d'une convention de forfait en jours à plusieurs conditions. Ainsi, elle doit :
être prévue par un accord collectif,
faire l'objet d'un accord exprès du salarié et d'une convention individuelle établie par écrit,
être conclue par certains types de salariés, notamment les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.
L'article L.3121-64 du même code dispose que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours doit prévoir :
les catégories de cadres intéressés,
la période de référence du forfait,
le nombre de jours compris dans le forfait,
les conditions de prise en compte des absences, des arrivées et départs en cours de période,
les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait,
les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,
les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise,
les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Enfin, l'article L.3121-59 du code du travail prévoit que l'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles relatives aux congés payés.
Pour apprécier la validité d'une convention de forfait-jours, il convient de vérifier si l'ensemble des conditions énoncées ci-dessus sont remplies, et notamment si le contenu des dispositions de l'accord collectif est de nature à garantir de manière effective le respect des durées raisonnables de travail et de repos ainsi que le suivi de la charge de travail.
A titre liminaire et contrairement à ce que soutient le salarié, ni l'absence de révision de l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail du 20 mars 2000, ni le renvoi par cet accord à l'article L.212-3 ancien du code du travail, pas plus que sa prétendue non-conformité aux articles L.3121-18 et L.3120-20 du même code relatifs aux durées maximales de travail, sont de nature à entraîner la nullité de la convention de forfait.
En l'espèce, à la date de son licenciement, le salarié occupait le poste de conseiller communication digitale key account, statut cadre, conformément à son contrat de travail du 7 janvier 2014.
L'article 4 de ce contrat renvoi à l'accord du 20 mars 2000 et prévoit que le salarié est soumis à un forfait de 210 jours travaillés par an. Ce contrat a été signé par le salarié, attestant ainsi de son consentement au forfait.
En outre, l'article 7.1 de l'accord du 20 mars 2000 prévoit que :
peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours les cadres disposant, en raison de la nature de leur activité et de leur mission, d'une grande latitude dans l'organisation de leur travail et la gestion de leur temps. Pour eux, l'accord prévoit un forfait de 210 jours de travail par an avec une amplitude horaire comprise entre 7h30 et 20h30, sauf période exceptionnelle (projet stratégique d'envergure, travaux urgents),
les réunions ne peuvent être programmées en dehors de la plage horaire 8h30/17h30,
les salariés doivent respecter 11 heures consécutives de repos entre deux séquences de travail et bénéficient, sauf exceptions, de deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche,
le suivi des jours travaillés s'opère via une déclaration manuelle de suivi des jours ou demi-journées travaillés, validée mensuellement par la hiérarchie et transmise à la direction des ressources humaines. Ce décompte est repris sur les bulletins de paie du salarié,
les salariés au forfait jours disposent d'un droit d'alerte leur permettant de saisir la hiérarchie en cas de difficulté liée aux horaires de travail.
La cour estime que ces dispositions sont conformes aux exigences légales précitées.
Par conséquent, la convention de forfait en jours est valide.
> Sur l'opposabilité de la convention de forfait
Une convention de forfait est inopposable au salarié dès lors que l'employeur ne l'a pas exécutée conformément à ses sources.
Selon les articles L.3121-64 et L.3121-65 du code du travail, à défaut pour l'accord collectif de prévoir les modalités selon lesquelles l'employeur : 1) assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié et 2) communique périodiquement avec le salarié sur sa charge de travail, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise, une convention individuelle de forfait peut être valablement conclue dès lors que l'employeur':
1° établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
En outre, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés conformément à l'article L.4121-1 du même code. Il lui incombe de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations, légales ou conventionnelles, destinées à protéger la santé et la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.
Est ainsi inopposable la convention de forfait en cas de non respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié, de la non-application des modalités de contrôle des jours travaillés prescrites par l'accord collectif, ou de l'absence d'organisation d'un entretien portant sur la charge et l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et la rémunération du salarié.
En l'espèce, l'accord collectif du 20 mars 2000 prévoit :
un droit d'alerte permettant au salarié de saisir en cas de difficulté son responsable hiérarchique et le directeur des ressources humaines, qui examinent de manière objective la situation, conjointement et avec le salarié,
une déclaration mensuelle de suivi des jours et demi-journées travaillés, réalisée via un logiciel de décompte, validée mensuellement par la hiérarchie. Cette dernière s'attache conjointement, avec le salarié, au travers des récapitulatifs trimestriels, à examiner sa charge de travail et le cas échéant à la régulariser.
S'agissant du suivi des jours travaillés, la cour constate que l'employeur ne produit pas le décompte de son «'logiciel GTA'» faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées.Toutefois, il apparaît que ce décompte est retranscrit sur les bulletins de paie du salarié, démontrant ainsi qu'un suivi des jours travaillés est effectivement réalisé.
En revanche, l'accord collectif n'envisage pas les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail.
De même, l'employeur ne prévoit pas les modalités selon lesquelles il s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, ni l'organisation d'un entretien annuel pour évoquer la charge et l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
L'employeur, qui soutient que ces modalités sont évoquées lors des entretiens professionnels, produit uniquement les entretiens de 2015, 2016 et 2017, dont il apparaît que la grille d'évaluation utilisée ne prévoit pas de temps spécifique dédié à l'évaluation de la charge de travail. En effet, cette grille traite uniquement de l'historique et des besoins en formation, des compétences et du projet professionnel du salarié. C'est seulement dans la partie finale «'synthèse de l'entretien'» ou «'synthèse collaborateur'», et entre parenthèses, que la charge de travail et la compatibilité de celle-ci avec la vie personnelle et familiale du salarié sont susceptibles d'être abordées.
Ainsi, l'employeur n'a pas respecté les dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité du salarié. La convention de forfait est donc privée d'effet, entraînant l'application des règles de droit commun relatives au temps de travail et aux heures supplémentaires.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
D - Sur les heures supplémentaires
Monsieur [S] sollicite la somme de 88 832,65 euros au titre des heures supplémentaires, outre 8 883,27 euros au titre de congés payés afférents.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles';
En l'espèce, le salarié soutient avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées. Pour en justifier, il produit'les éléments suivants :
ses bulletins de paie de juin 2017 à mai 2020,
un tableau des heures supplémentaires réalisées en 2017, 2018 et 2019, contenant les horaires de travail de chaque jour (heure d'entrée et sortie, temps de pause),
les attestations de Monsieur [R] et de Madame [Z].
En défense, l'employeur qui conteste la réalisation d'heures supplémentaires, produit':
un extrait du CRM de Solocal listant les rendez-vous professionnels du salarié réalisés en 2019,
un tableau des heures supplémentaires du salarié et de la contrepartie en repos à déduire.
L'employeur relève également que le salarié sollicite le paiement d'heures supplémentaires réalisées certains dimanche, sur des jours fériés et des jours de congés, tel que cela ressort des bulletins de paie.
Au demeurant, les pièces de l'employeur ne permettent pas de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ni de contredire les pièces qu'il produit et dont il apparaît qu'il a travaillé à plusieurs reprises au delà de 35 heures par semaine.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande du salarié et lui accorder la somme de 57 606,48 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 5 760,64 € au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
E - Sur la déduction des jours de repos du montant des heures supplémentaires
L'employeur sollicite la condamnation de Monsieur [S] au remboursement de la somme de 7 620,07 euros perçue à tord à titre de paiement de jours de repos.
Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié est soumis est privée d'effet, ce dernier doit rembourser à l'employeur la somme correspondant aux jours de réduction du temps de travail (RTT) dont il a bénéficié en application de ladite convention, et qui présentent alors un caractère indu.
En l'espèce, il résulte de ce qui a été énoncé précédemment que la convention de forfait en jours de Monsieur [S] est privée d'effet, de sorte que les jours de RTT qui lui ont été accordés par Solocal en application de ladite convention sont devenus indus. C'est donc à juste titre que l'employeur en réclame le remboursement.
Si l'employeur soutient que le salarié a bénéficié de 37,5 jours de RTT de 2017 à 2019, il ressort des bulletins de paie qu'il a réellement bénéficié de 20 jours de RTT (4,5 jours en 2017, 10,5 jours en 2018, 5 jours en 2019), équivalent à 4 064 euros (20 x 203,20 euros).
Le salarié sera donc condamné à verser à l'employeur la somme de 4 064 euros en remboursement des jours de RTT accordés.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
F - Sur le rappel de repos compensateur
Le salarié sollicite la somme de 34 324,18 euros au titre de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 3 432,41 euros de congés payés afférents.
L'employeur soutient que le salarié ne fournit pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures prétendument accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures et qu'il doit être débouté de sa demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.
> Sur la recevabilité de la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il résulte des conclusions du salarié produites devant le conseil de prud'hommes de Dax que la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos n'a pas été formulée en première instance, de sorte qu'il s'agit d'une prétention nouvelle.
Toutefois, la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos doit être considérée comme l'accessoire de la demande de contrepartie obligatoire en repos.
Par conséquent, la demande du salarié est recevable.
> Sur le quantum de la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos
En application des articles L.3121-30, D.3121-23 et D.3121-24 du code du travail, les heures effectuées par le salarié au delà du contingent légal de 220 heures par année ouvrent droit à un repos compensateur ainsi que les congés payés afférents.
En l'espèce, si le salarié apporte des éléments permettant de justifier qu'il a réalisé des heures supplémentaires hors contingent annuel, l'employeur ne produit quant à lui aucun élément de nature à justifier les heures réellement effectuées par le salarié.
Par conséquent, il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 15 506,55 euros au titre du repos compensateur, outre celle de 1 550,65 euros au titre des congés payés afférents.
G - Sur la violation des durées maximales de travail et minimales de repos
Il résulte des articles L.3121-18, L.3121-20, L.3131-1 et L.3132-2 du code du travail que la durée de travail effectif quotidienne ne peut excéder 10 heures, que les salariés bénéficient d'une durée minimale de repos de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives.
La charge de la preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'employeur.
En l'espèce, le salarié soutient que l'employeur a méconnu les exigences relatives aux durées maximales de travail, aux motifs qu'il ne produit pas l'état déclaratif mensuel et trimestriel prévu par l'accord du 20 mars 2000 et ne réalise pas de contrôle effectif et régulier de la charge de travail.
Comme vu précédemment, des durées de travail dépassant à plusieurs reprises les durées maximales sont avérées, sans que l'employeur ne soit en mesure de rapporter la preuve ni de la réalité des durées de travail sur la période critiquée, ni de la prise effective du repos hebdomadaire par le salarié.
Il sera donc alloué au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
H - Sur le travail dissimulé
Le salarié sollicite 58 794,39 euros d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé. L'employeur s'y oppose, soutenant que le travail dissimulé n'est pas caractérisé.
L'article L.8221-1 du code du travail interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
L'article L.8221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, le salarié n'apporte aucun élément permettant de caractériser le caractère intentionnel de la dissimulation par Solocal.
Par ailleurs, le fait que sa convention de forfait ait été reconnue inopposable, en raison du non respect par l'employeur des dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité du salarié, résultant de la non mise en place d'entretiens réguliers, n'est pas de nature à caractériser son intention de dissimuler une partie des heures de travail réalisées par le salarié.
Il convient donc de débouter Monsieur [S] de sa demande de ce chef.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
I - Sur le rejet de la pièce 27 de l'employeur et la violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD)
Le salarié sollicite 3 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur du RGPD ainsi que le rejet de la pièce 27 adverse.
L'employeur fait valoir que la demande de rejet de sa pièce 27 est irrecevable en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code ajoute que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Or, il résulte des conclusions du salarié produites devant le conseil des prud'hommes de Dax que les demandes relatives à la violation du RGPD et au rejet de la pièce 27 adverse n'ont pas été soumises aux juges prud'homaux, de sorte qu'il s'agit de prétentions nouvelles.
En outre, ces demandes n'ont pas pour objet d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions de l'employeur, ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les demandes du salarié sont donc irrecevables.
VII ' Sur les autres demandes
A - Sur les intérêts et leur capitalisation
Les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la présente décision qui les a fixées et les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur,
Il convient par ailleurs d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du même code.
B - Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'employeur qui succombe en appel n'est pas fondé à obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera sur ce même fondement au salarié la somme de 2 000 €, outre les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à disposition au greffe ;
déclare irrecevables les demandes de Monsieur [S] relatives au rejet de la pièce adverse 27 et à la violation du RGPD,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de ses demandes relatives à la violation de l'obligation de prévention des risques psychosociaux, au travail dissimulé, au rappel de salaire au titre des retenues injustifiées et les congés y afférents.
Statuant a nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant':
fixe le salaire de référence de Monsieur [S] à la somme de 6 873,99 euros,
dit que le licenciement de Monsieur [S] est nul,
dit que l'inaptitude de Monsieur [S] est d'origine professionnelle,
dit que la convention individuelle de forfait-jours de Monsieur [S] est inopposable,
condamne Solocal à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes':
68 739,90 euros au titre de l'indemnité pour nullité du licenciement,
20 621,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 062,19 euros de congés payés afférents,
25 997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,
5 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 500 € au titre du manquement de Solocal à son obligation de prévention du harcèlement moral,
3 965,75 euros au titre des rappels de congés payés acquis pendant l'arrêt maladie,
57 606,48 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 5 760,64 € au titre des congés payés afférents,
15 506,55 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 1 550,65 euros au titre des congés payés afférents,
2 000 euros au titre de la violation des durées maximales de travail et minimales de repos,
condamne Monsieur [S] à payer à Solocal la somme de 4 064 euros au titre du remboursement des jours de réduction de temps de travail indus,
condamne Solocal à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [S], dans la limite de six mois d'indemnités,
dit que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,
condamne Solocal aux entiers dépens et à payer à Monsieur [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Numéro 23/4074
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 07/12/2023
Dossier : N° RG 21/03980 - N° Portalis DBVV-V-B7F-IB4I
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[L] [S]
C/
S.A. SOLOCAL
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 07 Décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 03 Mai 2023, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame PACTEAU, Conseiller
Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [L] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
INTIMEE :
S.A. SOLOCAL Représentée par ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître WATRELOT de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX
RG numéro : 20/00086
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [S] (le salarié) a été embauché par la société anonyme (SA) Pages jaunes devenue Solocal (l'employeur), à compter du 14 août 2000, suivant contrat à durée indéterminée en qualité de télévendeur.
La convention collective applicable est celle de la publicité.
L'employeur a relevé employer près de 3 000 salariés.
M. [L] [S] a été affecté à l'agence de [Localité 7].
Le 25 septembre 2019, il a été placé en arrêt de travail, prolongé jusqu'au 3 mars 2020.
Le 5 mars 2020, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte selon les termes suivants': «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à son état de santé'».
Le 13 mars 2020, par courriel, le médecin du travail a relevé que': «'L'inaptitude à tous les postes de Mr [L] [S] exclut également toute possibilité de reclassement au sein du groupe ».
Le 18 mai 2020, M. [L] [S] a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé le 4 juin 2020.
Le 8 juin 2020, il a été licencié «'pour impossibilité de reclassement consécutive à la déclaration d'inaptitude constatée par le médecin du travail et à la mention expresse selon laquelle tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'».
Le 7 octobre 2020, M. [L] [S] a saisi la juridiction prud'homale de Dax au fond.
Par jugement du 9 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Dax a notamment':
-dit et jugé que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,
-dit et jugé que la convention de forfait annuel en jours de M. [S] est valable et que celui-ci ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires,
-débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
-débouté la société Solocal de ses demandes reconventionnelles,
-dit que les dépens restent à la charge de chaque partie.
Le 9 décembre 2021, M. [L] [S] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 28 novembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [L] [S], demande à la cour de':
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il déboute Solocal de ses demandes reconventionnelles,
-réparer les omissions de statuer,
-statuer à nouveau sur l'intégralité des demandes,
-débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions.
-fixer comme salaire de référence, pour le calcul des indemnités, la rémunération mensuelle brute de 6.873,99 €,
-prononcer la nullité du licenciement en lien avec une situation de harcèlement moral, ou subsidiairement, son absence de cause réelle et sérieuse, l'inaptitude résultant des manquements de Solocal qui ne prouve pas avoir respecté son obligation de sécurité en n'ayant pas prise toutes les mesures de protection de la santé alors qu'elle était informée par les alertes de la représentation du personnel de l'existence de risques psycho-sociaux et du comportement déviant de la directrice régionale,
-requalifier l'inaptitude d'origine non professionnelle en inaptitude d'origine professionnelle,
-prononcer la nullité des stipulations relatives au forfait en jours de l'accord d'aménagement et de réduction du temps de travail de Solocal du 20 mars 2000,
-prononcer en conséquence l'inopposabilité de la convention individuelle de forfait-jours qui est privée d'effet,
-faire droit à la demande relative aux heures supplémentaires, repos compensateur et travail dissimulé, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve et n'a pas à étayer sa demande, présentant des éléments contractuels et factuels et produisant des pièces, revêtant un minimum de précision, alors que l'intimée est défaillante dans l'administration du mécanisme probatoire propre aux heures supplémentaires en l'absence de contrôle du temps de travail réel, en violation des articles 31 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, L.3171-2, L.3171-3 et L.3171-4 du code du travail,
-écarter des débats la pièces 27 adverse, obtenue de manière déloyale en violation des dispositions du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),
-condamner en conséquence Solocal SA à verser :
* 3.965,75 € au titre des congés acquis pendant l'arrêt maladie, en écartant tout texte et jurisprudence contraires, sur le fondement de l'article 31 paragraphe 2 de de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne et de la Cour de cassation,
* 150.000 € de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec une situation de harcèlement moral, sur le fondement de l'article L 1235-3-1 du code du travail, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème MACRON, ou à titre infiniment subsidiaire 103.109,85€ sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail,
* 20.621,97 € d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.062,20 € de congés payés afférents,
* 25.997,82 € au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L 1234-9 du code du travail, sur le fondement de l'article L 1226-14 du code du travail,
* 25.000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail,
* 10.000 € de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son
obligation de prévention du harcèlement moral sur le fondement de l'article L 1152-4 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral et la violence au travail,
* 15.000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques psycho-sociaux, sur le fondement de l'article L 4121-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail,
* 1.053,63 € de rappel de salaire des retenues injustifiées prélevées de septembre 2019 à mai 2020, outre 105,37 € de congés payés,
* 88.832,65 € de rappel d'heures supplémentaires, outre 8.883,27 € de congés payés afférents, sur le fondement de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la CJUE et des article L 3171-2, L 3171-3 et L 3171-4 du code du travail,
* 34.324,18 € de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 3.432,41 € de congés afférents sur le fondement des articles L 3121-30 et L3121-38 du code du travail,
* 58.794,39 € d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L 8223-1 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,
* 7.500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et minimale de repos sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE,
* 3.500 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM sur le
fondement des dispositions combinées du code du travail et du Règlement général sur la protection des données (RGPD),
* 5.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343- 2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts.
- condamner Solocal SA aux entiers dépens.
Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 17 mars 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Solocal demande à la cour de':
- dire et juger la société Solocal SA recevable et bien fondée en ses écritures,
Y faisant droit,
A titre liminaire :
- déclarer irrecevables les demandes nouvelles en cause d'appel de M. [S], visant :
- Écarter des débats la pièce 27 de la société Solocal,
- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 3.432,41 € de congés afférents à la demande de rappel de contrepartie obligatoire en repos,
- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 3.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par l'utilisation, à des fins de surveillance de l'activité du salarié, du logiciel CRM,
> A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner M. [S] à verser à la Société Solocal la somme de 4.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner M. [S] aux dépens.
> A titre subsidiaire :
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement nul à six mois de salaire, soit 41.243,91 €.
- limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 20.621,96 €.
- limiter le montant du rappel d'heures supplémentaires à 40.006,13 € et limiter les congés payés afférents à 4.000,61 €.
- limiter le montant de la contrepartie obligatoire en repos à 10.281,73 €.
- condamner M. [S] à rembourser à la société Solocal la somme de 7.620,07 € bruts, perçue à tort à titre de paiement de jours de repos.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I- Sur le salaire de référence
Monsieur [S] se prévaut d'un salaire de référence de 6 873,99 euros, correspondant au salaire des douze derniers mois précédents son arrêt de travail, lequel n'est pas contesté par l'employeur.
Au regard des justificatifs produits, il convient de retenir ledit montant.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
II- Sur le licenciement en lien avec des faits de harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite la nullité de son licenciement pour inaptitude au motif qu'il serait lié à une situation de harcèlement moral, caractérisée par un management déviant de la nouvelle directrice régionale, une charge de travail éprouvante, une pression constante aux résultats, un contexte général de souffrance au travail et une dégradation de son état de santé.
L'article L.1152-2 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
L'article L.1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions énoncées ci-dessus est nulle.
Ainsi, le licenciement prononcé pour inaptitude est nul lorsque cette inaptitude est la conséquence d'agissements de harcèlement moral.
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile.
En l'espèce, le salarié produit notamment les éléments suivants':
l'avenant au contrat de travail du 7 janvier 2014,
ses bulletins de paie de juin 2017 à mai 2020,
la lettre de licenciement pour inaptitude du 8 juin 2020,
son dossier médical de la médecine du travail dans lequel est retranscrit le compte-rendu d'une visite occasionnelle du 24 septembre 2019 demandée par le salarié pour «'gros mal être au travail (') début en juillet 2019 du mal-être'»,
l'arrêt de travail initial du 25 septembre 2019, dont le motif médical n'est pas précisé, et le relevé d'indemnités journalières Améli afférent,
un certificat médical du 13 février 2020 du docteur [I], psychiatre du salarié, indiquant': «'état dépressif majeur (') le reliquat dépressif incompressible malgré un traitement bien conduit a pour conséquence une inaptitude à tout poste au sein de son entreprise'»,
l'avis d'inaptitude du 5 mars 2020 du docteur [J] indiquant que «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'»,
le compte rendu de consultation du docteur [A], médecin conseil, du 2 septembre 2020, soit postérieurement à son licenciement, faisant état de l'historique, de l'état de santé et du traitement actuel du salarié,
l'attestation de Madame [Z], collègue de travail, indiquant': «'(') depuis plus de deux ans nous subissons une pression de travail énorme. En 2018 il y a eu un PSE avec plusieurs centaines de suppressions de postes. A la suite, nous devions traiter plus de dossiers et étions en grande surcharge de travail (') nous étions déjà très angoissés par rapport à l'endettement de l'entreprise et avions peur à tout moment de perdre notre poste. Nous étions managés dans la peur, on nous répétait sans cesse que l'entreprise était «'au fond du gouffre'» et que nous devions redoubler d'énergie pour la sauver. Nous recevions une multitude de mails et coups de fils de pression ('). Ayant moins de salariés dans les locaux car licenciés lors du PSE, ou services délocalisés à l'étranger, la qualité du service s'est nettement dégradée. On nous donnait encore plus de tâches (administrative/après-vente). Toute la journée nous devions rendre compte de nos clients via whatsapp. On félicitait celui qui avait vendu le bon produit, on montrait du doigt ceux qui n'avaient pas encore vendu. L'entreprise nous donnait des objectifs inatteignables ('). En septembre 2019, une nouvelle directrice régionale est arrivée et lors de son 1er séminaire, elle nous annonçait que tout le fonctionnement devait changer, on ne pouvait plus travailler dans ces conditions, les résultats étaient «'trop mauvais'», que les managers avaient été trop gentils avec nous. Elle était là pour redresser la zone de [Localité 7] et qu'il fallait vraiment se mettre au travail car ce n'était «'apparemment'» pas le cas précédemment. Selon elle, les vacances étaient terminées ! Beaucoup de commerciaux ont craqué à ce séminaire, dont [L] [S]. La pression était déjà insupportable depuis 2 ans. Entre septembre et décembre 2019, il y a eu une multitude de licenciements, arrêts de travail etc' Aujourd'hui l'entreprise affiche un absentéisme record.'»,
l'attestation de Monsieur [R], collègue de travail, non datée et non signée': « J'atteste avoir assisté aux multiples pressions subies par Mr [S] [L] de la part de Mme [P] [G] dès son arrivée sur la région de [Localité 6] avec notamment une surveillance quotidienne des rendez-vous sur le mois de juillet 2019. Etant le manager direct de Mr [L] [S], les appels ou mails m'étaient destinés en me demandant de veiller à ce que Mr [S] arrive au nombre de rendez-vous hebdomadaires soit au minimum 14 rdv ! Ce qui pendant cette période estivale était extrêmement difficile. Alors Mme [G] me demandait de l'accompagner sur le terrain, bien entendu je m'exécute, malgré des journées à rallonge de 7h30 à 20h, il nous était difficile d'y parvenir et c'était très mal vécu par Mr [L] [S], qui à ce moment précis, me confiait son mal être depuis l'arrivée de Mme [G]. Cette situation s'est aggravée lors de la rentrée du mois de septembre 2019 en plein séminaire elle fustige l'ensemble des commerciaux de la zone de [Localité 6] avec un ton agressif et des mots du type «'Si vous n'êtes pas capable d'assumer ou de travailler sans relâche, je donnerai votre portefeuille client à des vendeurs plus performants qui viendront de [Localité 11]'», «'je ne veux plus jamais voir ça'», «'c'est la dernière fois que vous êtes à ce niveau'». Mme [G] est allée jusqu'à demander à 2 collaborateurs qui échangeaient discrètement de venir faire 30 pompes de façon moqueuse. Et enfin, elle impose une séance de phoning obligatoire en fin de journée (19-21h) à toute l'équipe commerciale pour s'assurer que le nombre de rendez-vous passe de 14 à 20 par semaine ! A ce moment-là, Mr [S] était au bord de la rupture ! Et il me le fait savoir. »,
l'attestation Madame [Y], collègue de travail': « J'ai travaillé avec [L] [S] de 2007 à fin 2019 chez Solocal (autrefois Pages Jaunes). [L] a toujours été un collègue agréable et jovial, professionnel. L'entreprise après de nombreux changements de direction a modifié sa manière de manager. Surtout depuis 2019. Dégradant l'ambiance et l'esprit d'équipe. Ce management très «'borderline'» a eu un effet dévastateur sur l'ensemble des collaborateurs. Exemple lors d'une plénière en septembre 2019 pendant laquelle la nouvelle directrice régionale se plaisait à ridiculiser, rabaisser les collaborateurs (un manager s'est vu demander de faire des pompes devant l'ensemble de la salle). Suite à cela le moral de [L] n'a cessé de se dégrader, ainsi que pour bon nombre de collaborateurs, y compris le mien. Le climat est devenu anxiogène et les conditions de travail extrêmement difficiles poussant [L] à s'arrêter.»,
l'attestation de Monsieur [X], collègue de travail': «'Je travaille avec Mr [L] [S] depuis plus de 10 ans où nous avions la même mission commerciale. Tout se passait très bien au sein de Solocal ('). Mais après la plénière de [Localité 7], tout a basculé pour lui dans sa tête après les propos de notre nouvelle directrice [P] [G] où l'humain disparaissait totalement dans son discours, le mépris des commerciaux et de leurs responsables semblait être sa motivation (demande de faire des pompes aux responsables devant une salle pleine, incroyable). Donc à partir de là, [L] a craqué, je ne l'avais jamais vu dans cet état et quelques jours après il fut arrêté pour dépression.'»,
l'attestation de Monsieur [F] collègue de travail': « J'ai collaboré avec [L] [S] durant une quinzaine d'années. Même groupe, même poste de commercial grand compte. Outre un état d'esprit irréprochable, j'ai pu constater de grandes valeurs humaines et une implication sans faille sur le plan professionnel. Sur le plan commercial, c'est très appréciable d'avoir un conseiller comme [L] [S], surtout lorsque cela se traduit par de très bons résultats. Probablement une des raisons qui fait qu'il était très apprécié par sa hiérarchie. »,
l'attestation de Madame [E], collègue de travail, relevant les qualités humaines et professionnelles du salarié,
un email de signalement du 13 septembre 2019 de Monsieur [N], représentant du personnel, adressé aux ressources humaines suite au séminaire de Madame [G]': « Lundi dernier j'ai assisté à la première journée du kick-off de [Localité 7]. Suite à l'intervention de Mme [P] [G], je souhaite revenir sur les mots et les attitudes observées. Vous étiez présente durant sa prise de parole mais vous n'avez ni réagi ni stoppé certains propos tenus. Stigmatiser des salariés nominativement, en soulignant leurs mauvais classements sur des documents d'entreprise est interdit afin d'éviter les RPS. Pourtant certains responsables de vente ont été blâmés publiquement. Leur classement sur différents critères ou lignes de produits a été affiché à l'ensemble de l'assistance avec des commentaires menaçants ou désobligeants du type «'c'est la dernière fois que vous êtes à ce niveau, cela ne se reproduira pas car je ne le permettrai pas'» ou «'c'est vrai que sur [Localité 9] on vous a coupé internet'». D'autres ont directement été interpellés de façon moqueuse devant les salariés. D'autres ont été sommés, sous forme de «'punition'» de «'venir faire 30 pompes'» devant tous les collègues pour avoir échangé quelques mots entre eux à voix basse. Heureusement que le salarié ne s'est pas exécuté mais je l'ai senti très mal à l'aise. Malgré le sourire de façade, certains salariés mis en cause sont affectés. Je vous alerte sur le fait qu'un risque psychosocial n'est pas à proscrire pour ces salariés. Les autres salariés qui ont assisté à ce «'spectacle de maîtresse d'école'» sont choqués par ce type de comportement. (') Les commerciaux ont découvert en séance qu'à la suite de leur journée de formation, une séance de phoning obligatoire et non facultative était imposée par Mme [G] (') Mme [G] a ordonné aux commerciaux CCDS ou KA de rattraper le retard de productivité de la zone en augmentant leur cadence en nombre de visite hebdomadaire avec une vingtaine de rdv minimum par semaine et ce quelle que soit leur catégorie CCDS ou KA. Or, d'après les premiers retours des commerciaux testeurs, la mise en place de la nouvelle offre prend plus de temps en préparation, ce qui augmentera déjà leur charge de travail. Mme [G] est allée jusqu'à menacer les commerciaux de leur retirer des dossiers et les transmettre à d'autres collègues s'ils n'avaient pas renouvelé 80% de leur site jusqu'à vendredi 13 septembre (') Il a également été annoncé que les salariés reçus en entretien individuel par Mme [G] devraient arriver avec des solutions pour améliorer leur activité et leurs résultats, en précisant que ce n'était pas la peine de venir «'pleurnicher'» en expliquant pourquoi ils n'y arrivaient pas. Pour autant, aucune présentation des moyens qui seraient mis en œuvre pour aider les salariés en difficulté n'a été faite. Mme [G] a juste précisé qu'elle répondrait aux besoins exprimés par les salariés en difficulté en les faisant éventuellement accompagner en clientèle par des superperformers de [Localité 11] qui viendraient prêter main forte. Vous voudrez bien veiller à ce que cela ne se fasse pas en retirant des comptes clients à des commerciaux, ce qui impacterait négativement leur rémunération et réduirait leur possibilité d'atteindre leurs objectifs. De même qu'annoncer que toute personne qui n'est pas aux rendez-vous attendus sera considérée en faute professionnelle équivalente à la contestation de la stratégie de l'entreprise, ressemble plus à une dictature par la terreur (') Affirmer que dans le sud-ouest les salariés ne travaillent pas au mois de juillet sans avoir posé des congés est une accusation gratuite de la part de Mme [G] (') Ces discours choquent de nombreux salariés qui m'en ont fait part. (') Je vous demande de veillez à ce que ces dérives ne se reproduisent plus y compris dans les réunions d'équipe auxquelles elle participe. Garante de la santé des salariés, j'ai été interloqué que vous ne réagissiez pas face à ces paroles. Peut-être ne vous ont-elles pas choqué ' En tant que RH locale je vous demande de tout mettre en œuvre pour stopper une situation de souffrance au travail avant qu'elle ne se dégrade encore plus car plusieurs salariés présents ont été choqué et sont venus s'en plaindre auprès de moi (...)'»,
les procès verbaux des réunions du CSE de 2019 dans lesquels les élus relèvent notamment une baisse des effectifs liée à la mise en place d'un PSE en 2018, les lancements successifs de nouveaux produits et solutions engendrant une pression supplémentaire sur les salariés, l'exigence de performance continue auxquelles les commerciaux sont tenus, des alertes pour souffrance au travail'; Monsieur [N] alerte sur l'existence d'un absentéisme élevé à l'agence de [Localité 7] depuis septembre 2019 qui serait lié à des comportements managériaux,
le compte rendu de la mission d'enquête du Comité d'Hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) local sur les conditions de travail à l'agence télévente d'[Localité 8] du 11 janvier 2019, qui relève l'existence d'un malaise persistant et préconise notamment l'arrêt d'un management par la peur et la pression,
deux tracts intersyndicaux de novembre 2019 et septembre 2020 dénonçant la dégradation des conditions de travail, les dérives managériales et organisationnelles subies par les salariés du groupe et l'inaction de la direction,
un courrier de Solocal à ses actionnaires du 17 juillet 2020 relatif à la situation financière du groupe,
des articles de presse de novembre 2019, juin et août 2020 relatifs à la grève des salariés de Solocal à [Localité 5] et [Localité 10] pour détérioration de leurs conditions de travail et aux difficultés de trésorerie de Solocal,
une injonction préalable de la CARSAT du 27 juillet 2020 délivrée à l'agence bordelaise de Solocal en raison de risques psychosociaux, de l'intensité et de la complexité du travail et des rapports sociaux dégradés,
la fiche info greffe, le chiffre d'affaires et les résultats de Solocal en 2019, 2020 et 2021,
un tableau d'heures supplémentaires réalisées de juin 2017 à septembre 2019,
un tableau d'amortissement d'un prêt d'un montant de 130 000 euros échelonné sur 84 mois,
la copie du livret de famille (deux enfants à charge),
son nouveau contrat de travail du 21 septembre 2020 avec perte de salaire,
l'attestation d'inscription à Pôle emploi du 5 octobre 2020,
les attestations Pôle emploi des 3 février 2022 et du 26 novembre 2022,
des articles de doctrine relatifs au harcèlement moral,
Ces éléments, pris dans leur ensemble, établissent des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral, caractérisé par un management déviant et une exigence absolue et continue de performance.
L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas été victime de harcèlement moral tel que décrit.
Il lui incombe donc, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il produit les éléments suivants':
le contrat de travail du salarié du 7 janvier 2014,
l'arrêt de travail de Monsieur [S] du 25 septembre 2019 et les arrêts de prolongation des 15 octobre 2019, 13 novembre 2019, 10 décembre 2019, 9 janvier et 4 février 2020,
l'avis d'inaptitude du 5 mars 2020,
un courrier du docteur [J] du 18 février 2020 suite à la visite de pré-reprise du salarié, informant l'employeur que son état de santé ne lui permettra pas de reprendre le travail et qu'il devra être déclaré inapte à son poste lors de la visite de reprise,
un courrier de la responsable des ressources humaines du 13 mars 2020 interrogeant le docteur [J] sur la possibilité d'un reclassement du salarié au sein du groupe, ainsi que le courrier de réponse du même jour précisant que l'inaptitude de Monsieur [S] à tous les postes «'exclut également toute possibilité de reclassement au sein du groupe'»,
un courrier de Solocal du 22 avril 2020 informant le salarié de l'impossibilité de procéder à son reclassement,
les entretiens professionnels 2015, 2016 et 2017 du salarié, dans lequel il indique dans la rubrique «'synthèse'» que':
pour l'année 2015': «'beaucoup de nouveaux process à digérer ce qui accroît forcément la charge de travail'»,
pour l'année 2016': «'RAS'»,
pour l'année'2017': «'Ravi des aides que met l'entreprise à notre service (BP, Genius Bar...) utile car la masse de travail est toujours de plus en plus importante'»,
les entretiens sur objectifs de 2016, 2017 et 2018. Le salarié indique dans l'entretien 2018': «'1er semestre très difficile effectivement avec la perte de mes 2 plus gros clients du 47, et la difficulté de développer les comptes'», «'dans un contexte difficile, j'ai essayé de faire au mieux avec les outils mis à ma disposition'», «'après une année extrêmement difficile (2018) je vais mettre tout en œuvre pour faire une belle année et dépasser les objectifs grâce à l'aide de mon responsable'»,
l'accord collectif sur la réduction du temps de travail du 20 mars 2000,
l'extrait du logiciel CRM et le tableau de décompte des rendez-vous professionnels du salarié en 2019,
un email de la responsable des ressources humaines du 18 septembre 2019 adressé à Monsieur [N] en réponse à son signalement du 13 septembre 2019 ': «'(') Je ne partage pas votre présentation de cette journée et je me dois de revenir sur certains éléments (...) Les résultats étant d'une telle gravité, la DVR a tenté de détendre l'atmosphère et, si la forme n'était peut-être pas par moment la plus adaptée selon le filtre de chacun, il n'y avait pas d'intention négative. Pour rappel, la région a généré du retard sur de nombreux indicateurs et notamment en ce qui concerne l'activité commerciale (') Il a bien été présenté un attendu de 16 visites pour un CCDS et de 12 pour un CCDKA par semaine au cours de la clôture du kickoff, à laquelle vous étiez par ailleurs absent. Toutefois, il est vrai que l'ambition de l'activité commerciale est de 20 rendez-vous par semaine pour les CCDS et 16 pour les CCDKA. Il a également été précisé au cours de la présentation du programme de formation qu'en cas d'empêchement, les commerciaux pouvaient naturellement partir à l'issue de la formation et ainsi ne pas réaliser l'opération de phoning. En tant que DVR, [P] est garante de la bonne gestion du portefeuille et du chiffre d'affaires de l'ensemble de sa région. Elle se doit ainsi d'alerter les managers et les vendeurs qui ont un retard important afin qu'ils prennent les dispositions nécessaires pour y remédier dans les délais et ainsi répondre aux attentes de l'entreprise (...)'»,
une lettre de Solocal à la CARSAT du 21 septembre 2020, suite à l'injonction du 27 juillet 2020, l'informant que l'entreprise travaille sur l'intensité et la complexité du travail ainsi que sur les rapports sociaux dégradés dans le cadre de deux démarches': 1) l'instauration de groupes de travail afin de travailler sur l'absentéisme'; 2) une mission d'expertise menée par le cabinet ISAST relative aux conséquences du déploiement de la nouvelle offre sur les conditions de travail des populations commerciales et le service client, menée par le cabinet,
un courrier de la CARSAT du 11 janvier 2023 informant Solocal de la levée définitive de la majoration de taux accidents du travail applicable à son établissement de [Localité 7], au motif que les mesures de prévention demandées ont été accomplies,
le document unique d'évaluation des risques de 2017, identifiant la contrainte mentale comme danger général,
le bilan et KPI 2016 / 2017 ' plan global QVST relatif à une démarche de prévention des RPS menée via l'organisation de réunions, la formation des managers et des membres du CHSCT à la prévention des RPS ainsi qu'une optimisation des processus d'alerte et de recours,
le compte-rendu de la réunion de lancement des groupes de travail QVT du 2 octobre 2019 visant à élaborer un plan d'actions sur l'absentéisme,
la lettre de mission du cabinet d'expertise ISAST du 14 janvier 2020 et le rapport d'expertise du 1er mars 2021 relevant l'existence de relations managériales déviantes, une pression managériale, la disproportion des objectifs et du nombre de clients à traiter, la course à l'atteinte des objectifs. S'agissant des rapports sociaux, il est précisé que la nouvelle gamme créée des tensions susceptibles de dégrader les relations de travail,
une information du CSE sur le plan d'action absentéisme du 25 novembre 2020,
le plan d'action absentéisme et mapping mis à jour le 17 mai 2021, reprenant le planning de la mise en œuvre des mesures du plan absentéisme,
un email du directeur général de Solocal du 7 octobre 2019 informant les salariés du lancement d'un dispositif éthique en conformité avec la loi Sapin II, reposant sur un code de conduite, un dispositif d'alerte professionnelle permettant de remonter toute atteinte grave à l'intérêt des biens et des personnes, un plan de formation pour sensibiliser à la fraude et à la corruption,
le projet de réorganisation de Solocal présenté en 2018, qui s'est traduit par la suppression de 810 postes, 162 modifications de contrats et 109 créations de postes, ainsi que par la conclusions de trois accords collectifs,
les accords collectifs du 22 juin 2018 relatifs au congés de mobilité et au PSE,
une note d'information sur les orientations stratégiques 2018,
le compte de résultats consolidé aux 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020,
un extrait du rapport de l'expert du CSE sur la consultation annuelle 2021 relative à la politique sociale, indiquant que suite au «'plan Coriolis'», le nombre de salariés de Solocal est passé de 3 513 au 31 décembre 2018 à 2 337 au 31 décembre 2020,
un extrait du document communiqué par Solocal sur la consultation annuelle 2022 relatif aux orientations stratégiques, relevant un effectif de 2 273 salariés en 2022 et une stabilité pour les années 2023-2024,
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Madame [G] a mis en œuvre dès l'été 2019 des méthodes de management toxiques, caractérisées par des humiliations publiques, des propos agressifs et rabaissant, des menaces, du contrôle et une augmentation des cadences des rendez-vous client.
Ses propos tenus durant le séminaire de septembre 2019, non contestés et minimisés par Solocal, qui les assimile à un «'mode de communication maladroit'», ont choqué Monsieur [S], dont l'état de vulnérabilité était déjà présent du fait de pressions réelles de productivité, et ont fait l'objet d'un signalement d'un représentant du personnel, lequel a reçu pour seule réponse un courriel de l'employeur banalisant le comportement de l'intéressée.
La nomination de Madame [G] en qualité de directrice d'agence ainsi que l'absence de sanction prononcée à son égard en dépit de la connaissance par l'employeur de ses pratiques, identifiées comme déviantes, démontre une volonté sans équivoque de ce dernier de mettre en place et de faire perdurer un management harcelant au service d'une seule volonté de productivité.
En outre, si la fonction de Monsieur [S] implique nécessairement l'atteinte de résultats, celui-ci a été soumis à une charge de travail éprouvante, causée par la réorganisation de l'entreprise et une augmentation des tâches administratives, l'amenant à travailler régulièrement au delà des durées légales de travail (cf supra). Il est indifférent qu'il ait réalisé, entre janvier et août 2019, une moyenne de 10 rendez-vous hebdomadaires sur 12 attendus, ou qu'il n'ait jamais usé du dispositif d'alerte mis à sa disposition.
Les problématiques liées aux pratiques managériales de Madame [G] et à la surcharge de travail ont été signalées aux ressources humaines locales et nationales à plusieurs reprises. Cependant, l'employeur n'a pas réagi aux signalement et a laissé la situation perdurer, entraînant la dégradation de l'état de santé du salarié et son placement en arrêt de travail. Bien que le motif médical de cet arrêt ne soit pas précisé, il est constant que le salarié a consulté le médecin du travail la veille de son arrêt en raison d'un mal-être au travail apparu en juillet 2019, date correspondant à l'arrivée de Madame [G] dans l'entreprise, tel que cela ressort des attestations produites. Cette dernière a donc contribué à la dégradation de son état de santé, peu importe que le salarié ait travaillé à son contact pendant un mois et demi.
Si l'employeur se prévaut dans ses conclusions de différentes explications quant à la situation dénoncée par Monsieur [S], les pièces qu'il verse au débat sont insuffisantes à contester celles du salarié. Il ne démontre aucunement que les agissements caractérisés sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Le harcèlement moral dénoncé par Monsieur [S] est donc caractérisé à son encontre.
Par conséquent, l'inaptitude du salarié étant en lien avec des faits de harcèlement moral, son licenciement est nul.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
III ' Sur les conséquences de la nullité du licenciement en lien avec des faits de harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite les sommes de 150 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul en lien avec une situation de harcèlement moral sur le fondement de l'article L.1235-3-1 du code du travail et 25 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral au titre de l'article L.1152-1 du même code.
A- Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Selon les articles L.1152-3, L.1235-3-1 et L.1235-5 du code du travail, le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Le licenciement du salarié étant déclaré nul, il est bien fondée à solliciter une indemnisation d'au moins 6 mois de salaire, laquelle, au regard de son ancienneté (19 ans et 10 mois) et de la baisse de sa rémunération engendrée par son nouvel emploi, est fixée à la somme de 68 739,90 €.
B- Sur les dommages et intérêts pour harcèlement moral
L'octroi de dommages-intérêts pour licenciement nul en lien avec des faits de harcèlement moral ne saurait également faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Au regard des pièces du dossier décrites ci-dessus, du contexte dans lequel ce sont déroulés les faits de harcèlement subi et des conséquences sur la santé de Monsieur [S], l'employeur sera condamné à lui verser la somme de 5 000 € de dommages et intérêts de ce chef.
IV- Sur l'obligation de sécurité et de prévention du harcèlement moral
Monsieur [S] sollicite les sommes de':
-10 000 euros de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral et la violence au travail,
-15 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention des risques psychosociaux sur le fondement de l'article L.4121-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail.
Il est constant que les développements de Monsieur [S] sur ces deux fondements renvoient à l'obligation de prévention des risques psycho-sociaux, qui est, au même titre que celle des risques d'atteintes physiques, une composante de l'obligation de sécurité.
Les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail définissent les mesures et les principes généraux de prévention par lesquels l'employeur assure la sécurité et protège la santé physique et mentale des travailleurs, tandis que l'article L.1152-4 du même code impose à l'employeur une obligation spécifique de prévention des agissements du harcèlement moral.
> Sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail':
Il a été jugé, par ailleurs, que l'obligation de prévention du harcèlement moral et l'interdiction d'un tel harcèlement sont distinctes, de sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques.
Il résulte des développements précédents que le harcèlement moral est caractérisé à l'encontre de Monsieur [S].
Si l'employeur soutient avoir mis en œuvre des mesures visant à prévenir le harcèlement moral, la cour constate que hormis une démarche de prévention des risques psychosociaux organisée en 2016/2017 ainsi que le document unique d'évaluation des risques de 2017 mentionnant la contrainte mentale comme risque psychosocial, la majorité des mesures prises par l'employeur furent mises en place à compter d'octobre 2019, soit trop tardivement pour garantir efficacement la protection de Monsieur [S], alors même que l'employeur était informé a minima depuis le début de l'année 2019 par le biais des réunions du CSE, des tracts syndicaux et d'articles de presse, des problématiques de souffrance au travail au sein du groupe.
Par ailleurs, plus particulièrement, bien qu'il ait été alerté à deux reprises, en septembre et décembre 2019, des dangers du management au sein de l'agence bordelaise, l'employeur ne justifie avoir pris aucune mesure pour prévenir les agissements de harcèlement moral subis par le salarié.
Au surplus, il est indifférent que Monsieur [S] n'ait pas alerté les représentants du personnel ou la direction sur les faits de harcèlement moral dont il a fait l'objet.
Ainsi, l'employeur avait connaissance des problématiques de souffrances au travail et n'a pas pris les mesures nécessaires pour faire cesser les agissements de harcèlement moral dont le salarié a été victime.
Le manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi caractérisé.
Il convient d'allouer au salarié la somme de 2 500 euros de ce chef.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
> Sur le fondement des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail':
La salariée soutient que l'employeur a également manqué à son obligation générale de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants du code du travail.
Or, l'obligation de sécurité consacrée aux articles L.4121-1 et suivants de ce code est une obligation générale, dont découle l'obligation spécifique de prévention de harcèlement moral prévue à l'article L.1152-4 de ce code. Ces deux textes ont donc le même objet, le premier ayant un champ d'application plus large que le second. Le salarié ayant déjà été indemnisé sur le fondement de l'article L.1152-1 du code du travail, sa demande sera rejetée, conformément au principe de la réparation intégrale du préjudice.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
V- Sur l'inaptitude
Monsieur [S] soutient que son inaptitude a une origine professionnelle.
L'employeur s'en défend, indiquant que l'inaptitude physique du salarié n'a pas d'origine professionnelle.
A- Sur l'origine de l'inaptitude
En application de l'article L.1226-10 du code du travail, les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée et invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Cette application n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre la maladie professionnelle et l'inaptitude.
Les juges se déterminent au regard d'un faisceau d'indices et apprécient souverainement l'origine professionnelle de l'inaptitude et la connaissance, par l'employeur, de cette origine.
Il résulte des précédents développements qu'à compter du 25 septembre 2019, Monsieur [S] a été placé en arrêt de travail jusqu'à la date de son licenciement pour inaptitude.
Si le salarié ne produit aucune demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, il n'en demeure pas moins que les certificats médicaux et son dossier médical relèvent un mal-être au travail et un état dépressif majeur.
L'employeur était nécessairement au courant, pour avoir été informé en 2015 et 2017 par le salarié, de l'importance de sa charge de travail, puis alerté en septembre 2019 par un représentant du personnel, de l'impact psychologique sur les salariés, de l'arrivée de Madame [G].
Au regard de ces éléments, il convient de relever que l'inaptitude de Monsieur [S] a, au moins partiellement, pour origine un caractère professionnel.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
B- Sur les conséquences de l'origine professionnelle de l'inaptitude
Le salarié sollicite au titre de l'origine professionnelle de son inaptitude':
-une indemnité compensatrice de préavis d'une durée de trois mois, soit 20 621,97 euros outre 2 062,20 euros au titre des congés afférents,
-le reliquat de l'indemnité de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail, soit 25 997,82 euros, somme tenant compte du montant déjà versée par l'employeur.
L'application des articles L.1226-10 à L.1226-16 du code du travail conduisent à octroyer au salarié une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité légale de licenciement égale au double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du même code.
> Sur l'indemnité compensatrice de préavis
La convention collective de la publicité et entreprises assimilées du 1er avril 1955 visée dans les bulletins de salaire du salarié prévoit dans son article 68 que la durée du préavis d'un cadre est de 3 mois, ce dont se prévaut Monsieur [S].
L'employeur ne conteste pas le quantum demandé et rappelle que ce préavis n'est pas dû en présence d'une inaptitude d'origine non professionnelle.
Il sera donc fait droit à la demande du salarié à hauteur de 20 621,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et à 2 062,20 euros au titre des congés payés y afférents.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
> Sur le reliquat de l'indemnité de licenciement
Il résulte des documents de fin de contrat que le salarié a perçu la somme de 53 053,06 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, et sollicite la somme de 25997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement. Il considère donc que le double de l'indemnité de l'article L.1234-9 du code du travail est de
79 050,88 euros.
Ainsi, il sera alloué au salarié la somme de 25 997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité de licenciement.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
VI ' Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
A- Sur les retenues injustifiées
Le salarié sollicite un rappel de salaire de 1 053,63 euros outre 105,37 euros de congés payés en raison de la retenue de l'avantage en nature véhicule de 117,07 euros effectuée pendant son arrêt maladie, durant neuf mois.
Il résulte des pièces produites par l'employeur qu'en 2017, le salarié a opté pour le bénéfice d'une voiture de fonction, dont le mode de calcul de cet avantage a été modifié en septembre 2019. Le taux forfaitaire de l'avantage a diminué de 9% à 6%, passant à 117,07 euros, et une participation au carburant de l'ordre de 6% a été mise en place.
D'après les bulletins de paie du salarié, celui-ci s'est vu retenir, à compter de septembre 2019, l'avantage en nature véhicule d'un montant de 117,07 euros et une participation au carburant du même montant, conformément à l'option qu'il a choisie, de sorte que l'employeur n'a procédé à aucune retenue injustifiée.
La demande du salarié sera rejetée et le jugement déféré confirmé sur ce point.
B- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés acquis pendant la maladie
Le salarié sollicite la somme de 3 965,75 euros d'indemnité au titre des congés payés acquis pendant son arrêt maladie, correspondant à 2,5 semaines.
L'employeur soutient que cette demande est infondée, les absences pour maladie non professionnelle ne constituant pas du temps de travail effectif au sens du code du travail.
Aux termes de l'article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés.
Selon les articles L.3141-1 et L.3141-3 du code du travail, l'acquisition des droits à congés payés est subordonnée à l'exécution d'un travail effectif.
Toutefois, il a été récemment jugé, par ailleurs, que les dispositions de l'article L.3141-3 du code du travail doivent être écartées en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période en application des dispositions des articles L.3141-3 et L.3141-9 du même code.
En l'espèce, Monsieur [S] a été en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 25 septembre 2019 jusqu'à son licenciement, de sorte qu'il a acquis, durant cette période, des droits à congés payés.
Il convient donc de lui attribuer la somme de 3 965,75 euros à ce titre.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
C - Sur la convention de forfait
> Sur la validité de la convention de forfait
Les articles L. 3121-43, L.3121-55 et L.3121-63 du code du travail subordonnent la validité d'une convention de forfait en jours à plusieurs conditions. Ainsi, elle doit :
être prévue par un accord collectif,
faire l'objet d'un accord exprès du salarié et d'une convention individuelle établie par écrit,
être conclue par certains types de salariés, notamment les cadres disposant d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés.
L'article L.3121-64 du même code dispose que l'accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours doit prévoir :
les catégories de cadres intéressés,
la période de référence du forfait,
le nombre de jours compris dans le forfait,
les conditions de prise en compte des absences, des arrivées et départs en cours de période,
les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d'heures ou de jours compris dans le forfait,
les modalités selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié,
les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise,
les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Enfin, l'article L.3121-59 du code du travail prévoit que l'accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l'année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise et avec celles relatives aux congés payés.
Pour apprécier la validité d'une convention de forfait-jours, il convient de vérifier si l'ensemble des conditions énoncées ci-dessus sont remplies, et notamment si le contenu des dispositions de l'accord collectif est de nature à garantir de manière effective le respect des durées raisonnables de travail et de repos ainsi que le suivi de la charge de travail.
A titre liminaire et contrairement à ce que soutient le salarié, ni l'absence de révision de l'accord collectif d'aménagement et de réduction du temps de travail du 20 mars 2000, ni le renvoi par cet accord à l'article L.212-3 ancien du code du travail, pas plus que sa prétendue non-conformité aux articles L.3121-18 et L.3120-20 du même code relatifs aux durées maximales de travail, sont de nature à entraîner la nullité de la convention de forfait.
En l'espèce, à la date de son licenciement, le salarié occupait le poste de conseiller communication digitale key account, statut cadre, conformément à son contrat de travail du 7 janvier 2014.
L'article 4 de ce contrat renvoi à l'accord du 20 mars 2000 et prévoit que le salarié est soumis à un forfait de 210 jours travaillés par an. Ce contrat a été signé par le salarié, attestant ainsi de son consentement au forfait.
En outre, l'article 7.1 de l'accord du 20 mars 2000 prévoit que :
peuvent notamment conclure une convention de forfait en jours les cadres disposant, en raison de la nature de leur activité et de leur mission, d'une grande latitude dans l'organisation de leur travail et la gestion de leur temps. Pour eux, l'accord prévoit un forfait de 210 jours de travail par an avec une amplitude horaire comprise entre 7h30 et 20h30, sauf période exceptionnelle (projet stratégique d'envergure, travaux urgents),
les réunions ne peuvent être programmées en dehors de la plage horaire 8h30/17h30,
les salariés doivent respecter 11 heures consécutives de repos entre deux séquences de travail et bénéficient, sauf exceptions, de deux jours de repos consécutifs, dont le dimanche,
le suivi des jours travaillés s'opère via une déclaration manuelle de suivi des jours ou demi-journées travaillés, validée mensuellement par la hiérarchie et transmise à la direction des ressources humaines. Ce décompte est repris sur les bulletins de paie du salarié,
les salariés au forfait jours disposent d'un droit d'alerte leur permettant de saisir la hiérarchie en cas de difficulté liée aux horaires de travail.
La cour estime que ces dispositions sont conformes aux exigences légales précitées.
Par conséquent, la convention de forfait en jours est valide.
> Sur l'opposabilité de la convention de forfait
Une convention de forfait est inopposable au salarié dès lors que l'employeur ne l'a pas exécutée conformément à ses sources.
Selon les articles L.3121-64 et L.3121-65 du code du travail, à défaut pour l'accord collectif de prévoir les modalités selon lesquelles l'employeur : 1) assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié et 2) communique périodiquement avec le salarié sur sa charge de travail, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise, une convention individuelle de forfait peut être valablement conclue dès lors que l'employeur':
1° établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
2° s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
3° organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
En outre, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés conformément à l'article L.4121-1 du même code. Il lui incombe de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations, légales ou conventionnelles, destinées à protéger la santé et la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.
Est ainsi inopposable la convention de forfait en cas de non respect par l'employeur des clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié, de la non-application des modalités de contrôle des jours travaillés prescrites par l'accord collectif, ou de l'absence d'organisation d'un entretien portant sur la charge et l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et la rémunération du salarié.
En l'espèce, l'accord collectif du 20 mars 2000 prévoit :
un droit d'alerte permettant au salarié de saisir en cas de difficulté son responsable hiérarchique et le directeur des ressources humaines, qui examinent de manière objective la situation, conjointement et avec le salarié,
une déclaration mensuelle de suivi des jours et demi-journées travaillés, réalisée via un logiciel de décompte, validée mensuellement par la hiérarchie. Cette dernière s'attache conjointement, avec le salarié, au travers des récapitulatifs trimestriels, à examiner sa charge de travail et le cas échéant à la régulariser.
S'agissant du suivi des jours travaillés, la cour constate que l'employeur ne produit pas le décompte de son «'logiciel GTA'» faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées.Toutefois, il apparaît que ce décompte est retranscrit sur les bulletins de paie du salarié, démontrant ainsi qu'un suivi des jours travaillés est effectivement réalisé.
En revanche, l'accord collectif n'envisage pas les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération ainsi que sur l'organisation du travail.
De même, l'employeur ne prévoit pas les modalités selon lesquelles il s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires, ni l'organisation d'un entretien annuel pour évoquer la charge et l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
L'employeur, qui soutient que ces modalités sont évoquées lors des entretiens professionnels, produit uniquement les entretiens de 2015, 2016 et 2017, dont il apparaît que la grille d'évaluation utilisée ne prévoit pas de temps spécifique dédié à l'évaluation de la charge de travail. En effet, cette grille traite uniquement de l'historique et des besoins en formation, des compétences et du projet professionnel du salarié. C'est seulement dans la partie finale «'synthèse de l'entretien'» ou «'synthèse collaborateur'», et entre parenthèses, que la charge de travail et la compatibilité de celle-ci avec la vie personnelle et familiale du salarié sont susceptibles d'être abordées.
Ainsi, l'employeur n'a pas respecté les dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité du salarié. La convention de forfait est donc privée d'effet, entraînant l'application des règles de droit commun relatives au temps de travail et aux heures supplémentaires.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
D - Sur les heures supplémentaires
Monsieur [S] sollicite la somme de 88 832,65 euros au titre des heures supplémentaires, outre 8 883,27 euros au titre de congés payés afférents.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles';
En l'espèce, le salarié soutient avoir réalisé des heures supplémentaires non rémunérées. Pour en justifier, il produit'les éléments suivants :
ses bulletins de paie de juin 2017 à mai 2020,
un tableau des heures supplémentaires réalisées en 2017, 2018 et 2019, contenant les horaires de travail de chaque jour (heure d'entrée et sortie, temps de pause),
les attestations de Monsieur [R] et de Madame [Z].
En défense, l'employeur qui conteste la réalisation d'heures supplémentaires, produit':
un extrait du CRM de Solocal listant les rendez-vous professionnels du salarié réalisés en 2019,
un tableau des heures supplémentaires du salarié et de la contrepartie en repos à déduire.
L'employeur relève également que le salarié sollicite le paiement d'heures supplémentaires réalisées certains dimanche, sur des jours fériés et des jours de congés, tel que cela ressort des bulletins de paie.
Au demeurant, les pièces de l'employeur ne permettent pas de justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ni de contredire les pièces qu'il produit et dont il apparaît qu'il a travaillé à plusieurs reprises au delà de 35 heures par semaine.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande du salarié et lui accorder la somme de 57 606,48 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 5 760,64 € au titre des congés payés afférents.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
E - Sur la déduction des jours de repos du montant des heures supplémentaires
L'employeur sollicite la condamnation de Monsieur [S] au remboursement de la somme de 7 620,07 euros perçue à tord à titre de paiement de jours de repos.
Lorsque la convention de forfait à laquelle le salarié est soumis est privée d'effet, ce dernier doit rembourser à l'employeur la somme correspondant aux jours de réduction du temps de travail (RTT) dont il a bénéficié en application de ladite convention, et qui présentent alors un caractère indu.
En l'espèce, il résulte de ce qui a été énoncé précédemment que la convention de forfait en jours de Monsieur [S] est privée d'effet, de sorte que les jours de RTT qui lui ont été accordés par Solocal en application de ladite convention sont devenus indus. C'est donc à juste titre que l'employeur en réclame le remboursement.
Si l'employeur soutient que le salarié a bénéficié de 37,5 jours de RTT de 2017 à 2019, il ressort des bulletins de paie qu'il a réellement bénéficié de 20 jours de RTT (4,5 jours en 2017, 10,5 jours en 2018, 5 jours en 2019), équivalent à 4 064 euros (20 x 203,20 euros).
Le salarié sera donc condamné à verser à l'employeur la somme de 4 064 euros en remboursement des jours de RTT accordés.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
F - Sur le rappel de repos compensateur
Le salarié sollicite la somme de 34 324,18 euros au titre de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 3 432,41 euros de congés payés afférents.
L'employeur soutient que le salarié ne fournit pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures prétendument accomplies au-delà du contingent annuel de 220 heures et qu'il doit être débouté de sa demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.
> Sur la recevabilité de la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il résulte des conclusions du salarié produites devant le conseil de prud'hommes de Dax que la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos n'a pas été formulée en première instance, de sorte qu'il s'agit d'une prétention nouvelle.
Toutefois, la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos doit être considérée comme l'accessoire de la demande de contrepartie obligatoire en repos.
Par conséquent, la demande du salarié est recevable.
> Sur le quantum de la demande de congés payés afférents à la contrepartie obligatoire en repos
En application des articles L.3121-30, D.3121-23 et D.3121-24 du code du travail, les heures effectuées par le salarié au delà du contingent légal de 220 heures par année ouvrent droit à un repos compensateur ainsi que les congés payés afférents.
En l'espèce, si le salarié apporte des éléments permettant de justifier qu'il a réalisé des heures supplémentaires hors contingent annuel, l'employeur ne produit quant à lui aucun élément de nature à justifier les heures réellement effectuées par le salarié.
Par conséquent, il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 15 506,55 euros au titre du repos compensateur, outre celle de 1 550,65 euros au titre des congés payés afférents.
G - Sur la violation des durées maximales de travail et minimales de repos
Il résulte des articles L.3121-18, L.3121-20, L.3131-1 et L.3132-2 du code du travail que la durée de travail effectif quotidienne ne peut excéder 10 heures, que les salariés bénéficient d'une durée minimale de repos de 11 heures consécutives et d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives.
La charge de la preuve du respect des durées maximales de travail incombe à l'employeur.
En l'espèce, le salarié soutient que l'employeur a méconnu les exigences relatives aux durées maximales de travail, aux motifs qu'il ne produit pas l'état déclaratif mensuel et trimestriel prévu par l'accord du 20 mars 2000 et ne réalise pas de contrôle effectif et régulier de la charge de travail.
Comme vu précédemment, des durées de travail dépassant à plusieurs reprises les durées maximales sont avérées, sans que l'employeur ne soit en mesure de rapporter la preuve ni de la réalité des durées de travail sur la période critiquée, ni de la prise effective du repos hebdomadaire par le salarié.
Il sera donc alloué au salarié la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
H - Sur le travail dissimulé
Le salarié sollicite 58 794,39 euros d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé. L'employeur s'y oppose, soutenant que le travail dissimulé n'est pas caractérisé.
L'article L.8221-1 du code du travail interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
L'article L.8221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, le salarié n'apporte aucun élément permettant de caractériser le caractère intentionnel de la dissimulation par Solocal.
Par ailleurs, le fait que sa convention de forfait ait été reconnue inopposable, en raison du non respect par l'employeur des dispositions relatives à la protection de la santé et de la sécurité du salarié, résultant de la non mise en place d'entretiens réguliers, n'est pas de nature à caractériser son intention de dissimuler une partie des heures de travail réalisées par le salarié.
Il convient donc de débouter Monsieur [S] de sa demande de ce chef.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
I - Sur le rejet de la pièce 27 de l'employeur et la violation du Règlement général sur la protection des données (RGPD)
Le salarié sollicite 3 500 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation par l'employeur du RGPD ainsi que le rejet de la pièce 27 adverse.
L'employeur fait valoir que la demande de rejet de sa pièce 27 est irrecevable en ce qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel.
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelle prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code ajoute que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Or, il résulte des conclusions du salarié produites devant le conseil des prud'hommes de Dax que les demandes relatives à la violation du RGPD et au rejet de la pièce 27 adverse n'ont pas été soumises aux juges prud'homaux, de sorte qu'il s'agit de prétentions nouvelles.
En outre, ces demandes n'ont pas pour objet d'opposer compensation, de faire écarter les prétentions de l'employeur, ou de faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les demandes du salarié sont donc irrecevables.
VII ' Sur les autres demandes
A - Sur les intérêts et leur capitalisation
Les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la présente décision qui les a fixées et les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur,
Il convient par ailleurs d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du même code.
B - Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'employeur qui succombe en appel n'est pas fondé à obtenir l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais versera sur ce même fondement au salarié la somme de 2 000 €, outre les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à disposition au greffe ;
déclare irrecevables les demandes de Monsieur [S] relatives au rejet de la pièce adverse 27 et à la violation du RGPD,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de ses demandes relatives à la violation de l'obligation de prévention des risques psychosociaux, au travail dissimulé, au rappel de salaire au titre des retenues injustifiées et les congés y afférents.
Statuant a nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant':
fixe le salaire de référence de Monsieur [S] à la somme de 6 873,99 euros,
dit que le licenciement de Monsieur [S] est nul,
dit que l'inaptitude de Monsieur [S] est d'origine professionnelle,
dit que la convention individuelle de forfait-jours de Monsieur [S] est inopposable,
condamne Solocal à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes':
68 739,90 euros au titre de l'indemnité pour nullité du licenciement,
20 621,97 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2 062,19 euros de congés payés afférents,
25 997,82 euros au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement pour inaptitude professionnelle,
5 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 500 € au titre du manquement de Solocal à son obligation de prévention du harcèlement moral,
3 965,75 euros au titre des rappels de congés payés acquis pendant l'arrêt maladie,
57 606,48 € au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 5 760,64 € au titre des congés payés afférents,
15 506,55 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos et 1 550,65 euros au titre des congés payés afférents,
2 000 euros au titre de la violation des durées maximales de travail et minimales de repos,
condamne Monsieur [S] à payer à Solocal la somme de 4 064 euros au titre du remboursement des jours de réduction de temps de travail indus,
condamne Solocal à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Monsieur [S], dans la limite de six mois d'indemnités,
dit que les sommes dues au titre des créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,
condamne Solocal aux entiers dépens et à payer à Monsieur [S] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,