CA Lyon, 3e ch. A, 7 décembre 2023, n° 23/04495
LYON
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Mat Plast (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Jullien, Mme Le Gall
Avocats :
Me Aguiraud, Me Nouvellet, Me Robert, Me Dassonville
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte du 9 mai 2023, la Sarl Mat Plast a saisi le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse afin de bénéficier d'une procédure de redressement judiciaire. Elle estime être en cessation des paiements en raison d'un litige l'opposant judiciairement à la société EPSI.
Par jugement sur requête du 17 mai 2023, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire formulée par la société Mat Plast et mis les dépens à la charge de ladite société.
La société Mat Plast a interjeté appel par acte du 31 mai 2023.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 juin 2023 fondées sur les articles L. 631-1, L. 631-4 et R. 631-1 du code de commerce, la société Mat Plast demande à la cour de :
- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- constater son état de cessation des paiements,
en conséquence,
- prononcer l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son encontre,
- fixer provisoirement la date de cessation des paiements au 5 mai 2023,
- nommer tel juge-commissaire, tel mandataire judiciaire et tel administrateur qu'il plaira à la cour de désigner,
- ordonner l'emploi des dépens aux frais privilégiés comme frais de justice.
Le ministère public, par avis du 22 août 2023 communiqué contradictoirement aux parties le 29 août 2023, a estimé que la motivation du jugement est parfaitement fondée en droit, que la confirmation s'impose et que le dirigeant de la société a tout loisir de solliciter une sauvegarde de justice.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 octobre 2023, les débats étant fixés au 2 novembre 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société appelante se prévaut d'actions en justice engagées en matière d'actes de concurrence déloyale commis par une autre société et portant atteinte à la convention de distribution exclusive conclue avec une société Shini et elle explique qu'aux termes de plusieurs décisions, si la cour d'appel de Lyon lui a donné raison en infirmant le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse ayant rejeté ses prétentions, cet arrêt a été cassé et la cour d'appel de Paris a été saisie sur renvoi ; elle a donc dû restituer une somme de 215.254 euros à son adversaire et elle a effectué une demande de redressement judiciaire.
Elle indique que le tribunal de commerce a rejeté sa demande de procédure collective en estimant que cette dette n'était pas exigible, commettant une erreur d'appréciation puisque les sommes dues sont revêtues de l'exécution provisoire alors qu'il n'importe pas qu'une instance soit toujours pendante.
Elle fait également valoir que le ministère public a retenu à tort que selon une jurisprudence se rapportant à un arrêt non signifié ; il n'y a pas besoin de signification de l'arrêt de cassation pour que la dette soit exigible. La saisine de la cour de renvoi n'est pas un recours et il n'est pas nécessaire de signifier l'arrêt de cassation pour rendre la dette exigible. Elle souligne que la dette correspond à 90 % du passif échu. Elle affirme qu'il existe des possibilités de redressement. Elle fait valoir un passif de 390.147 euros ; son commercial a démissionné. La société EPSI a réclamé 215.254,76 euros.
Sur ce,
Selon l'article L 631-1 alinéa 1 du code de commerce, dans sa version applicable à la cause, 'Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements'.
Les pièces de l'appelante révèlent les décisions et éléments suivants :
- l'ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon du 17 avril 2018 liquidant l'astreinte à la charge d'EPSI à 120.000 euros et l'arrêt du 13 décembre 2018 de la présente cour confirmant le jugement sur ce point,
- le jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 6 septembre 2019 condamne la société Mat Plast à restituer à la société EPSI la somme de 119.500,76 euros et à payer 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le jugement du juge de l'exécution du 19 novembre 2020 fixant des délais de paiement pour le remboursement de ces sommes,
- l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 octobre 2021 infirme le jugement du 6 septembre 2019 et, y ajoutant, condamnant la société EPSI à payer la somme de 73.254 euros en réparation d'un préjudice concurrentiel outre 9.500 euros de frais de procédure,
- le paiement par la société EPSI des causes de l'arrêt et remboursement des sommes reçues en application du jugement,
- l'arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2023 cassant l'arrêt de la cour d'appel de Lyon en toutes ses dispositions et mettant à la charge de la société Mat plast la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Il appartient à la société Mat Plast de démontrer qu'elle est en état de cessation des paiements, soit qu'elle ne peut faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Dans sa demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, la société Mat Plast a fait valoir qu'elle devrait restituer la somme de 215.254 euros et qu'elle était dans l'incapacité d'honorer cette dette.
Le tribunal de commerce a considéré que la dette litigieuse devait être sortie du passif exigible.
S'agissant du passif exigible, la dette doit être liquide, les dettes litigieuses en sont exclues et la dette doit être certaine. Tel n'est notamment pas le cas d'une créance fixée par un jugement même revêtu de l'exécution provisoire dès lors qu'il est frappé d'appel puisqu'il y a alors dette litigieuse dénuée de caractère certain.
En l'espèce, si la condamnation à remboursement de sommes versées dans le cadre d'une liquidation d'astreinte est revêtue de l' exécution provisoire et s'il se déduit de la cassation qu les sommes versées en exécution de l'arrêt cassé sont restituables, il doit en être fait abstraction dans l'appréciation de l'état de cessation des paiements. C'est en conséquence à juste titre que le tribunal de commerce a écarté la somme de 215.254 euros du montant du passif exigible.
Dans ses conclusions, l'appelante indique que cette dette représentait 90% du passif échu. Elle ne donne pas le détail précis d'autres dettes actuellement exigibles permettant à la cour d'apprécier la réalité et l'étendue de ce passif exigible. L'appelante fait en effet uniquement état d'un passif à échoir de 117.737 euros et évoque sans plus de détail un passif de la société de 390.147 euros. Le fait que des salariés quittent l'entreprise ne caractérise pas par ailleurs l'état de cessation des paiements.
S'agissant de l'actif disponible, la société Mat Plast n'en donne aucune connaissance précise dans ses conclusions, ne faisant état que d'un découvert bancaire.
S'agissant enfin des pièces comptables versées aux débats, la mention de charges exceptionnelles de 225.365 euros dans le compte de résultat au 31 décembre 2022 pose question dans ce contexte sans qu'une explication en ressorte.
Il découle de ce qui précède que l'état de cessation des paiements n'est pas avéré par les productions de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.
La société Mat Plast qui succombe sur ses prétentions supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré.
Condamne la Sarl Mat Plast aux dépens d'appel.