CA Paris, Pôle 5 - ch. 2, 8 décembre 2023, n° 22/05063
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
INSTITUT EUROPÉEN DES NORMES DE TÉLÉCOMMUNICATION (Association)
Défendeur :
TCT Mobile Europe (S.A.S.), TCL Communication Technology Holdings Limited, TCL Communication Limited
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme RENARD
Conseiller :
Mme LEHMANN
Conseiller :
Mme MARCADE
Avocats :
Me AMAR, Me GRAPPOTTE-BENETREAU, Me AZZAOUI, Me SCHERTENLEIB
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 30 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 7 mars 2022 par l'Institut Européen des Normes de Télécommunication,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022 par l'Institut Européen des Normes de Télécommunication, appelant et incidemment intimé,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 12 août 2022 par les sociétés TCT Mobile Europe, TCL Communication Technology Holdings Limited et TCL Communication Limited (les sociétés TCL), intimées et appelantes incidentes,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 mai 2023,
SUR CE, LA COUR
Il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Les sociétés TCT Mobiles Europe, TCL Communication Technology Holdings Limited et TCL Communication Limited, appartiennent au groupe TCL fondé en 1985 à Hong-Kong, à 1'origine en vue de fabriquer des téléviseurs.
Ces sociétés produisent aujourd'hui des produits électroniques et en particulier des téléphones mobiles commercialisés sous les marques TCL, BLACKBERRY et ALCATEL, les groupes TCL et Alcatel étant associés dans le cadre d'une entreprise jointe.
La société de droit néerlandais Koninklij Ke Philips NV (Philips NV) est une entreprise de technologie qui est à l'origine notamment d'innovations dans le domaine de la téléphonie mobile.
La société de droit néerlandais Philips International BV (Philips BV) est la filiale de la société Philips NV. Son objet est d'assister les sociétés du groupe Philips notamment en matière juridique.
L'Institut Européen des Normes de Télécommunications (ETSI) est un organisme de normalisation de droit français créé en 1988 à l'initiative de la Commission Européenne, sous la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Il a son siège à Sophia Antipolis en France.
L'ETSI regroupe environ 900 membres venant de plus de 60 pays parmi lesquels les plus importants fabricants de produits et fournisseurs de services dans le domaine des télécommunications, dont les sociétés du groupe TCL et les sociétés du groupe Philips.
Il est régi par ses statuts déposés en préfecture, par les résolutions adoptées par son assemblée générale et par les décisions prises par ses organes statutaires. Ces textes, dénommés « Directives ETSI », regroupent les statuts, le règlement intérieur et des annexes déterminant les droits et obligations de l'association et de ses membres dans les différents domaines de la vie de l'association, notamment en ce qui concerne l'élaboration des normes et leur mise en œuvre.
Il établit des normes communes envers ses membres afin de garantir l'interopérabilité des produits et services de télécommunication qu'ils conçoivent. En adhérant à l'ETSI chaque membre s'engage, vis-à-vis de lui et des autres membres, à se conformer aux Directives.
L'annexe 6 des « Directives ETSI » définit tout particulièrement les règles en vigueur en matière de droits de propriété intellectuelle, domaine dans lequel les organismes de normalisation tels que l'ETSI sont tenus à des obligations découlant du droit de la concurrence. Dans ce cadre, un brevet est dit "essentiel" lorsqu'il n'est pas possible pour des motifs techniques (et non commerciaux), de fabriquer, vendre, louer ou autrement disposer de, réparer, utiliser ou exploiter des équipements ou des méthodes conformes, à une norme sans porter atteinte à ce brevet.
Aux termes de l'article 6.1 de l'annexe 6 « Quand un DPI ESSENTIEL relatif à une NORME ou à une SPECIFICATION TECHNIQUE particulière est porté à la connaissance de l'ETS1, le Directeur-Général de l'ETSI doit immédiatement demander au titulaire de ce droit de prendre, dans un délai de trois mois, un engagement irrévocable par écrit qu'il est prêt à octroyer des licences irrévocables à des conditions justes, raisonnables et non-discriminatoires sur ce droit.
L'engagement ci-dessus peut être pris à la condition que ceux qui demandent des licences acceptent de rendre la pareille ».
La société Philips NV est titulaire d'un portefeuille de brevets essentiels aux normes UMTS et LTE, déclarés comme tels auprès de L`ETSI.
Ayant constaté l'existence, selon elle, d'actes de contrefaçon de certains des brevets de son portefeuille de brevets essentiels commis par les sociétés du groupe TCL, elle a, par une lettre du 30 mars 2015, invité la société TCL Communication Technology Holdings Limited, « conformément à ses engagements envers l'ETSI », à rejoindre son programme de licence de brevets relatifs aux normes UMTS et LTE.
Les négociations engagées entre les parties n'ayant pas permis la conclusion d'un accord de licence, la société Philips NV a, par acte du 30 octobre 2018, assigné les sociétés TCL devant la High Court of Justice of England and Wales, en contrefaçon de la partie anglaise des brevets EP l 440 525 BI et EP l 623511 BI.
C'est dans ce contexte que, considérant que les sociétés Philips ne respectaient pas les engagements souscrits dans le cadre de leur adhésion à l'ETSI en refusant de négocier, y compris sous l'égide de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, le nombre de brevets du portefeuille compris dans la licence et le nombre de pays concernés par cette licence, ce qui selon elles ne correspond pas à des conditions FRAND, les sociétés TCL ont, par actes d'huissier de justice du 19 février 2019, fait assigner les sociétés Philips NV et Philips BV (les sociétés Philips), ainsi que I'ETSI, devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire.
A titre principal, les sociétés TCL sollicitaient du tribunal de juger que les déclarations faites par les sociétés Philips à l'ETSI constituent une promesse de concéder une licence FRAND à TCL pour l'ensemble de ses brevets déclarés essentiels pour les normes UMTS et LTE, de faire injonction aux sociétés Philips de concéder à TCL une licence FRAND pour tous ses brevets déclarés essentiels pour les normes UMTS et LTE et injonction à l'ETSI de concourir à la concession de cette licence FRAND et à titre subsidiaire en cas d'inexécution des sociétés Philips de conduire les négociations, de fixer les conditions d'une licence FRAND.
Les société Philips ont formé un incident devant le juge de la mise en état d'un incident aux fins de voir dessaisir le tribunal de grande instance de Paris au profit de la High Court of Justice. Des condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens étaient sollicitées à l'encontre des seules sociétés TCL.
L'ETSI concluait devant le juge de la mise en état en demandant à titre principal que la procédure soit avant toute autre décision renvoyée devant le tribunal pour qu'il soit statué sur sa demande de mise hors de cause et subsidiairement de débouter les sociétés Philips de leur exception d'incompétence et en tout état de cause condamner la partie qui succombe à lui verser la somme de 40 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par une ordonnance du 6 février 2020, le juge de la mise en état a rejeté les exceptions de procédure soulevées par les sociétés Philips, a dit que la fin de non-recevoir soulevée par l'ETSI serait examinée par le tribunal et a condamné les sociétés Philips à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à l'ETSI une somme de 20 000 euros et à chacune des sociétés TCL une somme de 15 000 euros.
Le 2 juin 2020, les sociétés Philips ont interjeté appel de cette ordonnance.
Par une transaction conclue à effet du 19 novembre 2020, les sociétés Philips d'une part, et les sociétés TCL d'autre part, ont conclu un accord de licence portant sur les brevets essentiels aux normes UMTS/LTE de la société Koninklijke Philips N.V. L'ETSI n'était pas partie à l'accord.
En suite de cette transaction, les sociétés TCL ont remis au greffe du tribunal et notifié le 12 janvier 2021 des conclusions de désistement d'instance et d'action à l'encontre des sociétés Philips qui ont quant à elles accepté ce désistement par conclusions notifiées le 20 septembre 2021.
Par conclusions notifiées le 15 septembre 2021, l'ETSI maintenait des demandes de condamnation in solidum des sociétés TCL à lui verser la somme de 125 703,82 euros en application de l'article 18.2 des « Règles de procédure » de l'ETSI (Rules of Procedure) et à titre subsidiaire la différence entre le montant de sa demande principale et le montant effectivement alloué en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Parallèlement, les sociétés Philips se désistaient par conclusions notifiées le 21 janvier 2021 de leur appel de l'ordonnance du juge de la mise en état à l'égard des sociétés TCL qui acceptaient le désistement par conclusions du 29 janvier 2021.
La cour d'appel de Paris (Pôle 5 chambre 1), par arrêt du 23 mars 2021, a donné acte aux sociétés Philips de leur désistement d'appel et a dit que les sociétés Philips et TCL conserveront à leur charge les frais irrépétibles et les dépens qu'elles ont engagés. Elle a en revanche condamné les sociétés Philips à payer à l'ETSI les dépens qu'il a engagés et une somme de 20 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
Le jugement du tribunal judiciaire dont appel, du 30 novembre 2021, a :
- constaté le désistement des sociétés TCL de l'instance engagée contre les sociétés Philips,
- déclaré parfait ce désistement,
- constaté l'extinction de l'instance enregistrée sous le n°19/2085 et le dessaisissement de la juridiction des demandes dirigées par les sociétés TCL,
- déclaré par conséquent irrecevables les demandes des sociétés TCL dirigées contre les sociétés Philips postérieurement au désistement du 12 janvier 2021,
- laissé les dépens à la charge des sociétés TCL,
- condamné in solidum les sociétés TCL à payer à l'ETSI la somme de 20 000 euros par application combinée des dispositions des articles 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI et 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
L'ETSI a interjeté appel de ce jugement en n'intimant que les sociétés TCL et sollicite de la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné in solidum les sociétés TCL Communication Technology Holdings Limited, TCL Communication Limited et TCT Mobile Europe à payer à l'ETSI la somme de 20 000 euros par application combinée des dispositions de l'article 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI et 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau sur ces chefs,
- déclarer recevables les demandes de l'ETSI,
* A titre principal :
- condamner les sociétés TCL à payer solidairement à l'ETSI la somme de 105 703,82 euros, à parfaire (sic), en application de l'article 18.2 des Rules of Procedure,
* A titre subsidiaire :
- condamner les sociétés à payer solidairement à l'ETSI la différence entre le montant de sa demande principale et le montant effectivement alloué, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
* En tout état de cause :
- débouter les sociétés de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner les sociétés TCL à tous les dépens, dont le recouvrement sera conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Les sociétés TCL demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnées à payer à l'ETSI la somme de 20 000 euros par application combinée des dispositions de l'article 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI et 700 du code de procédure civile et,
Statuant à nouveau
- ordonner le remboursement par l'ETSI de la somme 20 000 euros aux sociétés TCL,
- faire droit à la fin de non-recevoir pour autorité de chose jugée relative aux demandes de remboursement des frais engagés par l'ETSI dans le cadre de l'incident de procédure et de l'appel de l'incident,
- déclarer l'ETSI responsable de l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard des sociétés TCL et dès lors écarter l'application de l'article 18.2 des Rules of Procedure, ce qui exclut toute demande de remboursement de l'ETSI sur ce fondement.
- débouter l'ETSI de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés à payer à l'ETSI la somme de 20 000 euros par application combinée des dispositions de l'article 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI et 700 du code de procédure civile,
- débouter l'ETSI de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause
- condamner l'ETSI à payer aux sociétés TCL la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'ETSI à tous les dépens dont le recouvrement sera poursuivi conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
A titre liminaire il est constaté que ne sont pas remis en cause les chefs du jugement qui constatent le désistement des sociétés TCL de l'instance engagée contre les sociétés Philips, déclare parfait ce désistement, constate l'extinction de l'instance enregistrée sous le n°19/2085 et le dessaisissement de la juridiction des demandes dirigées par les sociétés TCL, déclare irrecevables les demandes des sociétés TCL dirigées contre les sociétés Philips postérieurement au désistement du 12 janvier 2021. Ces chefs du jugement entrepris sont dès lors irrévocables.
L'appel ne porte que sur le chef du jugement qui a condamné in solidum les sociétés TCL à payer à l'ETSI la somme de 20 000 euros par application combinée des dispositions des articles 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI et 700 du code de procédure civile.
L'ETSI demande à titre principal la condamnation des sociétés TCL à lui payer la somme de 105 703,82 euros en application de l'article 18.2 des Rules of Procedure. Il ne forme en revanche aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés TCL demandent quant à elles à titre principal l'infirmation du jugement de ce chef au regard de la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée lors de la procédure d'incident et à défaut que soient écartées les dispositions de l'article 18.2 des « Règles de procédures » de l'ETSI et ce dernier débouté de toutes ses demandes.
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
L'article 1355 du code civil dispose que :
« L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. ».
Le tribunal a rejeté dans la motivation de son jugement cette fin de non-recevoir, omettant toutefois de le spécifier expressément à son dispositif.
L'ETSI devant le juge de la mise en état saisi de l'incident soulevé par les société Philips s'est opposé aux demandes formées par ces sociétés et au dispositif de ses conclusions a sollicité la condamnation de la partie succombante à lui verser la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sans former aucune demande sur le fondement de l'article18.2 des « Règles de procédures » de L'ETSI.
De même, au dispositif de ses écritures devant la cour d'appel elle a demandé la condamnation des sociétés Philips qui s'étaient désistées de leurs recours à lui verser la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant venir s'ajouter à celle prononcée en première instance.
L'ordonnance du 6 février 2020 du juge de la mise en état et l'arrêt du 23 mars 2021 de la cour d'appel ont tous deux condamné in solidum les société Philips à verser à l'ETSI une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit 40 000 euros au total pour les frais irrépétibles liés à l'incident soulevé par ces sociétés.
En revanche, ils n'ont pas eu à se prononcer ni sur les frais irrépétibles de la procédure au fond, ni sur l'application de l'article18.2 des « Règles de procédures » de l'ETSI.
Dès lors, la fin-de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée doit être rejetée.
Sur l'application de l'article18.2 des « Règles de procédures »
Les « Règles de procédures » (Rules of Procedure) de l'ETSI constituent son règlement intérieur et font partie intégrante des « Directives ETSI », au même titre que les statuts de l'association.
L'article 18.2 de ces « Règles de procédures » est intitulé « différends entre un membre (ou membres » et l'Institut » et dispose :
« En cas de réclamation ou de litige d'un membre (ou de membres) contre l'Institut, ce ou ces membres doivent, avant d'engager toute procédure judiciaire et dans la mesure permise par la loi, épuiser tous les recours disponibles à cette même époque, conformément aux directives de l'ETSI.
Si le membre a engagé une procédure judiciaire contre l'Institut et que l'Institut engage raisonnablement des frais pour se défendre de manière appropriée contre une telle action (ci-après « les Frais »), et à moins qu'il ne soit donné raison au membre au détriment de l'Institut, le membre remboursera à l'Institut tous ces Frais.
Aux fins du présent article, on entend par « Frais » tous les frais raisonnables de l'Institut liés à la réclamation ou à l'action intentés par ce membre, y compris, mais sans que cela soit limitatif : i) les honoraires et frais d'avocats de l'Institut, ii) les frais d'enquête / de « discoveries », y compris les frais d'expertise, et iii) les frais internes de l'Institut.
Pour lever tout doute, aucun membre ne peut utiliser sa démission et / ou son expulsion de l'Institut pour éviter d'avoir à rembourser les Frais.
Toute réclamation ou litige entre un membre (ou des membres) et l'Institut est régi par le droit français, à l'exclusion des dispositions relatives aux conflits de lois. ».
C'est à juste titre que l'ETSI considère que cette clause le liant à ses membres doit recevoir application et que n'entre pas dans son application la notion d'équité existant dans l'appréciation de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement entrepris ne pouvait comme il l'a fait effectuer une application combinée de cette clause de nature contractuelle et de l'article 700 du code de procédure civile pour fixer sur le fondement de l'équité la condamnation des société TCL à payer la somme de 20 000 euros et doit être infirmé de ce chef.
C'est également pertinemment que l'ETSI reconnaît que si l'application de l'article 18-2 pose le principe du remboursement intégral des frais engagés par l'ETSI, c'est à la condition de justifier du caractère raisonnable et approprié des frais engagés par l'Institut pour se défendre contre une telle action.
L'ETSI demande à ce titre la somme de 105 703,82 euros décomposée comme suit :
- 155 000 euros « d'honoraires des conseils de l'ETSI »,
- 10 703, 82 euros « correspondant aux coûts liés au temps passé par les juristes de l'ETSI pour étudier les conclusions et pièces adverses et effectuer des déplacements nécessaires ».
- diminuée de 60 000 euros correspondant aux sommes déjà allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 20 000 euros par le juge de la mise en état, 20 000 euros par la cour d'appel et 20 000 euros par le jugement entrepris.
Soit 165 703,82 - 60 000 = 105 703,82 euros.
Pour en justifier l'ETSI produit :
- une attestation datée du 3 mai 2021 de Me [L] [B] indiquant avoir facturé pour l'instance, incluant l'incident, la somme de 142 000 euros HT pour la période comprise entre l'acte introductif d'instance et le 31 décembre 2021 et précisant qu'il reste à facturer la somme de 13 000 euros,
- une attestation de Mme [Z], salariée de l'ETSI, indiquant que deux salariés du service juridiques ont été mobilisés, l'un durant 60 heures et l'autre 42 heures représentant un coût total pour un cout total pour ETSI de 10 703,82 euros,
- les conclusions de l'ETSI devant le juge de la mise en état du 2 décembre 2019, de 9 pages, par lesquelles il sollicite le rejet de l'incident,
- les conclusions de l'ETSI devant le juge de la cour d'appel du 2 février 2021 visant à la condamnation des sociétés Philips sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour constate cependant qu'il n'était pas demandé par les parties en présence de condamnation à l'encontre de l'ETSI si ce n'est qu'il lui soit fait injonction de concourir à la concession de licences demandée à l'encontre des sociétés Philips, qu'il n'est pas justifié de conclusions prises au fond par l'ETSI et que les écritures prises dans le cadre de la mise en état ne peuvent justifier de l'engagement de frais raisonnables à hauteur de 165 703, 82 euros.
Elle retient en conséquence qu'il n'est aucunement justifié de frais raisonnables et appropriés au sens de l'article 18.2 des « Règles de procédures » de l'ETSI, alors qu'il est constant que l'Institut a déjà été remboursé d'une somme de 40 000 euros au titre des frais irrépétibles relatifs à l'incident.
L'ETSI doit dès lors être débouté de sa demande de ce chef.
Sur les frais et dépens
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a laissé à la charge des sociétés TCL, qui se sont désistées de leur action les dépens de première instance, les dépens de première instance.
L'ETSI qui succombe en son appel est en revanche condamné aux dépens d'appel.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile que ce soit au titre de la procédure de première instance ou au titre de celle d'appel.
L'infirmation du jugement relativement à la condamnation prononcée à l'encontre des société TCL à hauteur de 20 000 euros met à néant cette condamnation et il n'y a pas lieu de prononcer, comme demandé, de condamnation à remboursement de ladite somme.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a laissé les dépens à la charge des sociétés TCT Mobile Europe, TCL Communication Technology Holdings Limited et TCL Communication Limited,
Y substituant et y ajoutant,
Déboute l'Institut Européen des Normes de Télécommunication de ses demandes fondées sur les dispositions des articles 18.2 des Règles de procédure de l'ETSI,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a engagés en première instance et en appel et dit qu'il n'y a lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Condamne l'Institut Européen des Normes de Télécommunication aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.