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Décisions

CA Colmar, ch. 1 A, 29 novembre 2023, n° 19/05400

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SAS SDE (Sté)

Défendeur :

CP International (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Walgenwitz

Conseillers :

Mme Rhode, M. Roublot

Avocats :

Me Bischoff - de Oliveira, Me Lelong, Me Heichelbech, Me Baujoin

TGI Stasbourg, 1re ch. civ., du 24 sept.…

24 septembre 2019

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La SAS SDE est une société spécialisée dans la création et la commercialisation de linge de maison qui existe depuis 1974.

Le 17 janvier 2012, elle a déposé à l'INPI un modèle de tissu dénommé "SUNNY" portant le N° 20120253 qui a été publié au BOPI, le 21 novembre 2014, sous le N° 951857. Ce modèle de tissu a été décliné sur des fonds de couleur vert, turquoise, orange, fuchsia, latte et taupe et a été utilisé notamment sur des sets de table, des galettes de chaise et des coussins.

La SAS CP INTERNATIONAL a été créée en 1960 et assure la distribution en FRANCE notamment de produits destinés à la décoration de la maison.

Faisant valoir que la SAS CP INTERNATIONAL importait et commercialisait des sets de table, galettes de chaise et coussins reproduisant le modèle de tissu qu'elle avait déposé, la SAS SDE a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG qui, par ordonnance en date du 3 octobre 2016, l'a autorisée à pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la défenderesse. Me [F], huissier de justice, a diligenté les opérations de saisie-contrefaçon le 25 octobre 2016.

Par assignation délivrée le 21 novembre 2016, la SAS SDE a fait citer la SAS CP INTERNATIONAL devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement rendu le 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :

ECARTE des débats le seul certificat d'identité portant la date du 26 octobre 2017 produit par la SAS SDE en violation du principe du contradictoire

DECLARE le dépôt de modèle de tissu dénommé "SUNNY" opéré par la SAS SDE sous le  N°20120253 opposable à la SAS CP INTERNATIONAL

DECLARE ledit dépôt valable,

DIT que le modèle de tissu dénommé "SUNNY" déposé par la SAS SDE constitue une œuvre protégeable

DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre de prétendues contrefaçons de modèle et de droit d'auteur,

DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formé au titre d'une prétendue concurrence déloyale,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de la SAS CP INTERNATIONAL,

ADMIS Me Florence BAUJOIN, avocat au Barreau de STRASBOURG, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNE la SAS SDE aux entiers dépens.

La SAS SDE a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 17 décembre 2019.

La SAS CP INTERNATIONAL s'est constituée intimée le 16 janvier 2020.

Par ordonnance du 19 avril 2021, le conseiller de la mise en état a :

Déclaré irrecevables les conclusions déposées par la SAS SDE le 16 novembre 2020,

Renvoyé la société CP INTERNATIONAL à mieux se pourvoir sur sa demande aux fins de voir déclarer les pièces 3 et 57 irrecevables,

Dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance en principal,

Rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, présentée par la société SDE.

Par arrêt du 23 août 2021, la Cour a :

Déclaré irrecevable la requête en déféré de la SAS SDE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Strasbourg sous le n° 300 426 046,

Dit que les dépens du déféré suivront ceux de l'instance en principal,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit tant de la SAS SDE que de la SAS CP International.

Par ordonnance du 10 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

DECLARE irrecevables les conclusions de Me D'AMBRA du 14 septembre 2021 compte tenu de leur tardiveté,

DIT que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance en principal,

CONDAMNE la SAS SDE à payer à la société CP INTERNATIONAL la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

REJETE la demande de la SAS SDE au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

RENVOYE à l'audience de mise en état du 28 janvier 2022.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 mars 2020, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS SDE demande à la cour de :

DECLARER la SAS SDE recevable en son appel et bien fondée ;

En conséquence :

- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance (aujourd'hui dénommé Tribunal Judiciaire) de Strasbourg en date du 24 septembre 2019 (N° RG 16/06281) en ce qu'il a :

- DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre de la contrefaçon de modèle et de droit d'auteur ;

- DEBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre de la concurrence déloyale ;

- CONDAMNE la SAS SDE aux entiers dépens.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A TITRE PRINCIPAL :

- DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur et du droit de dessin et modèle français n° 951857 dont la SAS SDE est titulaire portant sur des motifs de tissu originaux ;

- DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon générant un risque de confusion dans l'esprit d'un consommateur d'attention moyenne ;

En conséquence :

- ORDONNER à la société CP INTERNATIONAL la cessation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale sous astreinte de 500 Euros par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 433 920 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre du gain manqué ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 100 459 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant de la contrefaçon au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 50 000 € titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation résultant de la contrefaçon ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices résultant des faits distincts de concurrence déloyale ;

- ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir sur le site internet de la société CP INTERNATIONAL (http//www.cp-international.com/) pendant une durée d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- DIRE ET JUGER que la société CP INTERNATIONAL a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires à l'égard de la SAS SDE ;

En conséquence :

- ORDONNER à la société CP INTERNATIONAL la cessation des actes de concurrence déloyale sous astreinte de 500 Euros par jour de retard et par infraction à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 433 920 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel résultant des actes de concurrence déloyale ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation résultant des actes de concurrence déloyale ;

- ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir sur le site Internet de la société CP INTERNATIONAL (http//www.cp-international.com) pendant une durée d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- DEBOUTER la société CP INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL à verser à la SAS SDE la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société CP INTERNATIONAL aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières écritures déposées le 14 septembre 2021, auxquelles est joint un bordereau de communication de pièces qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, la SAS CP INTERNATIONAL demande à la cour de :

SUR L'APPEL PRINCIPAL DE LA SAS SDE

DECLARER la SAS SDE mal fondée en son appel ;

L'en DEBOUTER ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONFIMER le jugement en ce qu'il :

- ÉCARTE des débats le seul certificat d'identité portant la date du 26 octobre 2017 produit par la SAS SDE en violation du principe du contradictoire,

- DÉBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre de prétendues contrefaçons de modèle et de droit d'auteur,

- DÉBOUTE la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre d'une prétendue concurrence déloyale,

- ADMET Me Florence BAUJOIN, avocat au Barreau de STRASBOURG, au bénéfice des dispositions de l'art. 699 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNE la SAS SDE aux entiers dépens.

SUR L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIÉTÉ CP INTERNATIONAL

DECLARER la société CP INTERNATIONAL recevable et bien fondée en son appel incident ;

En conséquence :

INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance (aujourd'hui dénommé Tribunal Judiciaire) de Strasbourg du 24 septembre 2019 (RG n° 16/06281) en ce qu'il a :

- DÉCLARE le dépôt de modèle de tissu dénommé "SUNNY" opéré par la SAS SDE sous le N° 20120253 opposable à la SAS CP INTERNATIONAL,

- DÉCLARE ledit dépôt valable,

- DIT que le modèle de tissu dénommé 'SUNNY' déposé par la SAS SDE constitue une œuvre protégeable,

- DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'art. 700 du Code de Procédure Civile en faveur de la SAS CP INTERNATIONAL,

ET STATUANT A NOUVEAU :

Sur le dépôt français de dessin et modèle,

- DIRE ET JUGER que la reproduction du dessin et modèle français n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, ne permet pas de définir précisément toutes les caractéristiques dudit dessin et modèle ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER, que le dépôt de dessin et modèle français n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, n'est pas opposable ou, subsidiairement, que la SAS SDE est irrecevable à l'invoquer ou, à titre infiniment subsidiaire, que les pièces correspondantes n° 3 et 23 de la SAS SDE doivent être écartées des débats ;

- DIRE ET JUGER que dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012, publié sous le n° 951 857, n'est pas nouveau ou, à tout le moins, qu'il n'a pas de caractère propre ;

En conséquence,

PRONONCER la nullité du dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012 publié sous le n° 951 857 ;

ORDONNER la transmission de l'arrêt à intervenir à l'Institut [5] ([5]) aux fins d'inscription au Registre National des Dessins et Modèles, sur réquisition du greffier ou sur requête de l'une des parties ;

Sur les droits d'auteur,

- DIRE ET JUGER que les motifs invoqués par la SAS SDE ne sont pas protégeables au titre du droit d'auteur ;

En conséquence :

DEBOUTER la SAS SDE de son action en contrefaçon de dessin et modèle et de droits d'auteur ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE :

DEBOUTER la SAS SDE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la SAS SDE à payer à la société CP INTERNATIONAL la somme de 12.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la SAS SDE aux entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 janvier 2022 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 27 juin 2022, puis du 13 mars 2023 et enfin du 4 octobre 2023 à laquelle elle a été retenue.

MOTIFS :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Or, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "dire et juger" en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte que la cour n'y répondra qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans son dispositif mais dans ses motifs.

Sur la contrefaçon :

Sur la protection au titre des dessins et modèles :

Selon les termes de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle, peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence du produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

- Sur l'opposabilité du dépôt :

Aux termes de l'article L. 512-2 du code de la propriété intellectuelle, la demande d'enregistrement est présentée dans les formes et conditions prévues par le présent livre. Elle comporte, à peine d'irrecevabilité, l'identification du déposant et une reproduction des dessins ou modèles dont la protection est demandée.

En l'espèce, le 17 janvier 2012, la SAS SDE a déposé auprès de l'INPI un modèle de tissu sous le n° 20120253 publié le 21 novembre 2014 sous le n° 951857.

La SAS SDE produit le modèle déposé et la notice complète du dépôt (annexes 3 et 23). Ainsi que l'a relevé le premier juge, la reproduction du modèle sur la notice est d'une qualité convenable et le modèle est accessible à tous via la base de données dessins et modèles sur le site internet de l'INPI.

Il résulte de ces reproductions que le modèle dont la protection est demandée, est composé d'un fond vert et de seize lignes verticales dans la partie gauche du modèle, légèrement décalées par rapport à l'axe central selon une alternance de taille et de couleur de gauche à droite : violet, vert, orange, noir, gris, vert, violet, gris foncé, bleu, noir, gris, orange, noir, vert, bleu et violet.

Le modèle est en conséquence lisible et, de ce fait, opposable aux tiers.

- Sur le caractère protégeable du modèle revendiqué :

Aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, la protection d'un dessin ou modèle n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère propre.

Selon l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué, et des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.

L'article L. 511-4 du même code dispose qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.

L'exigence de caractère propre va au-delà de la nouveauté qui est simplement subordonnée à l'absence de dessins ou modèles identiques ou dont les caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. Les dessins et modèles doivent en outre produire sur l'observateur averti une impression globale différente de celle que produisent sur un tel observateur les dessins ou modèles antérieurement divulgués. Ils ne doivent pas susciter une impression de déjà-vu (TUE, 6 juin. 2013, aff. T-68/11).

En l'espèce, la SAS CP INTERNATIONAL soutient que le modèle déposé n'est pas nouveau ou à défaut qu'il ne présente pas de caractère propre. Elle produit des copies de modèles publiés entre 1997 et 2010.

Aucun de ces modèles n'est identique au modèle déposé par la SAS SDE et il ne peut être soutenu que les modèles présentés ne diffèrent du modèle litigieux que par des détails insignifiants.

Ainsi, sur les 9 modèles présentés, les 6 derniers modèles sont constitués d'une succession de rayures sans qu'aucun fond ne puisse être identifié. Le troisième modèle décline des teintes de beige et le premier semble gris et comporter des rayures verticales sur toute sa longueur. Le second modèle, qui est sans doute le plus proche, présente un fond noir avec une succession de cinq rayures verticales juxtaposées alternant deux couleurs.

Le modèle déposé par la SAS SDE suscite une impression visuelle d'ensemble différente de celle des modèles déposés antérieurement pour un observateur averti. En effet, il se différencie essentiellement en raison d'un fond de couleur uni et des contrastes de couleur entre le fond et les lignes verticales.

La SAS CP INTERNATIONAL produit également de nombreux autres modèles sans démontrer leur antériorité.

Enfin, elle produit une attestation établie par M. [P] [U], gérant de la société YUYAO JADE SHINE IMPORT & EXPORT CO. LTD (Chine) aux termes de laquelle ce dernier atteste que la société CP INTERNATIONAL France est un de ses clients et précise : « Notre principale gamme de produits concerne les galettes de chaises et les coussins de siège. Ma société a été créée en 2009 et je produis depuis 2009 des modèles de coussins de couleur unie avec des bandes de couleur sur le côté tels que le montrent les éléments joints, et je soussigné que ces modèles sont fabriqués soit par le client, soit par nos designers internes et portent différents nombres de bandes en fonction des modèles ».

Les modèles produits par M. [P] [U] reprennent les caractéristiques principales du modèle déposé par la SAS SDE. Ainsi, ils sont composés d'un fond de couleur uni, vert le cas échéant, et comportent des lignes verticales sur un côté du modèle, légèrement décalées par rapport à l'axe central selon une alternance de taille et de couleur.

Ce modèle produit la même impression globale sur l'observateur averti qui retrouve un fond uni en couleur, vert en l'espèce, ainsi qu'un contraste entre ce fond et les lignes verticales.

La société YUYAO JADE SHINE IMPORT & EXPORT CO. LTD fabrique et commercialise ce type de produits depuis 2009 soit antérieurement au dépôt du modèle litigieux par la SAS SDE.

La SAS SDE, spécialisée dans la création et la commercialisation de linge de maison a pu raisonnablement avoir accès à ces modèles, l'Asie en général et la Chine en particulier étant connues pour leurs industries textiles.

Dès lors, le modèle litigieux ne présente pas de caractère propre et il y a lieu de prononcer la nullité du dépôt français de dessin et modèle n° 2012 0253 du 17 janvier 2012 publié sous le n° 951 857 et de dire que la décision sera transmise à l'initiative de la partie la plus diligente au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, aux fins d'inscription au registre national des dessins et modèles.

Sur la protection au titre du droit d'auteur :

Aux termes de l'article L. 111-1 du code de propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Pour être protégée, l'œuvre doit être originale. L'originalité est l'expression de la personnalité de l'auteur.

En matière d'arts appliqués, pour qu'une œuvre soit originale et traduise la personnalité de son auteur, il faut qu'elle soit singulière.

En l'espèce, la SAS CP INTERNATIONAL produit une attestation établie par M. [P] [U], gérant de la société YUYAO JADE SHINE IMPORT & EXPORT CO. LTD (Chine), aux termes de laquelle ce dernier atteste que la société CP INTERNATIONAL France est un de ses clients et précise : « Notre principale gamme de produits concerne les galettes de chaises et les coussins de siège. Ma société a été créée en 2009 et je produits depuis 2009 des modèles de coussins de couleur unie avec des bandes de couleur sur le côté tels que le montrent les éléments joints, et je soussigné que ces modèles sont fabriqués soit par le client, soit par nos designers internes et portent différents nombres de bandes en fonction des modèles ».

Les photographies accompagnant l'attestation de M. [P] [U] démontrent que ses créations et celles de la SAS SDE présentent les mêmes caractéristiques. Ainsi, elles sont composées d'un fond de couleur uni et comportent des lignes verticales sur un côté du modèle, légèrement décalées par rapport à l'axe central, selon une alternance de taille et de couleur. Le même contraste entre le fond de couleur uni et les lignes verticales est retrouvé.

En conséquence, l'œuvre dont se prévaut la SAS SDE n'est pas singulière et ne témoigne d'aucun apport créatif particulier.

A défaut d'originalité, l'œuvre de la SAS SDE ne constitue pas une œuvre protégeable au titre des droits d'auteur.

Au regard des motifs adoptés par la cour, la SAS SDE doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon.

Sur la concurrence déloyale (à titre principal et subsidiaire) :

Fondée sur les dispositions générales des articles 1240 et 1241 du Code civil, l'action en concurrence déloyale est une action en responsabilité civile dont l'objet est de réparer le préjudice causé à un agent économique par la faute qu'un tiers a commise dans l'exercice de son activité économique (Cass. com., 29 mars 2011, n° 10-12.046).

Lorsque son action en contrefaçon a été rejetée, le demandeur n'est pas tenu d'avancer, au soutien de son action en concurrence déloyale, d'autres faits qui seraient matériellement distincts de ceux qu'il a présentés au juge de la contrefaçon (Cass. com., 10 févr. 2009, n° 07-21.912). Il doit néanmoins démontrer en quoi ces faits sont constitutifs d'une faute au sens des articles susvisés.

En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a rappelé le principe constant de la liberté du commerce et de l'industrie, a indiqué que le tissu de la SAS CP INTERNATIONAL ne constituait pas une copie servile du tissu de la SAS SDE, susceptible de générer un réel risque de confusion et a ajouté que :

- le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant, par leur composition, d'une gamme de produits concurrents ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale et il est courant, dans le secteur en cause, de décliner un même motif sur des objets différents ;

- la pratique de prix inférieurs n'est pas en soi fautive ;

- si les produits commercialisés par la SAS CP INTERNATIONAL présentent indéniablement une parenté avec ceux de la SAS SDE, il existe nombre d'autres produits du même type sur le marché, celui-ci répondant à des phénomènes de mode et les motifs 'bayadère' étant particulièrement 'tendance', ces dernières années ;

- les produits vendus par la SAS CP INTERNATIONAL le sont sous sa marque ;

- il n'est aucunement établi que le tissu de la SAS SDE bénéficie d'une renommée telle que le consommateur serait inévitablement conduit à faire un lien entre celui-ci et le motif incriminé ;

- il n'est pas d'avantage démontré que la SAS CP INTERNATIONAL s'est placée dans le sillage de la SAS SDE pour profiter, sans bourse délier, du succès généré par ses efforts de création.

La cour ajoutera qu'une entreprise peut, en principe, proposer à sa clientèle une gamme de produits semblables à ceux qu'offrent ses concurrents (Cass. Com., 8 juin 2017, n° 15-20.966) et qu'en l'absence de confusion dans l'esprit du public sur l'origine du produit, une différence de prix ou de qualité entre les produits n'est pas fautive en tant que telle (Cass. Com., 27 janvier 2009).

Or, en l'espèce, ainsi que le démontrent les pièces produites par la SAS CP INTERNATIONAL, le type de motif exploité par la SAS SDE est utilisé par de nombreux concurrents (pièces 3, 4, 5, 6 et 23) de sorte qu'il ne permet pas immédiatement d'identifier cette dernière. En outre, la SAS CP INTERNATIONAL, qui n'exploite pas des copies serviles, appose sa marque sur ses produits. Au surplus, les deux types de produits présentent des différences significatives, notamment dans le positionnement des lignes verticales (à proximité du bord pour les produits de la SAS CP INTERNATIONAL, plus centrés pour la SAS SDE). Il en résulte qu'aucun risque de confusion ne peut naître dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit.

Dès lors, en l'absence de faute de la SAS CP INTERNATIONAL, la SAS SDE sera déboutée de ses demandes au titre de la concurrence déloyale.

Sur les demandes accessoires :

Eu égard à l'issue du litige, la décision du premier juge sera confirmée quant à la condamnation de la SAS SDE aux dépens de première instance.

La SAS SDE sera en outre condamnée aux dépens de la procédure d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS CP INTERNATIONAL la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de ses demandes présentées au titre des dépens et frais irrépétibles.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Strasbourg le 24 septembre 2019 en ce qu'il a :

- Débouté la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre de prétendues contrefaçons de modèle et de droit d'auteur ;

- Débouté la SAS SDE de toutes les demandes qu'elle a formées au titre d'une prétendue concurrence déloyale ;

- Condamné la SAS SDE aux entiers dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la nullité du dépôt français de dessin et modèle n° 20120253 du 17 janvier 2012 publié sous le n° 951857,

Dit que la décision sera transmise à l'initiative de la partie la plus diligente, au Directeur Général de l'Institut [5], aux fins d'inscription au Registre National des Dessins et Modèles,

Condamne la SAS SDE aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SAS SDE à payer à la SAS CP INTERNATIONAL la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS SDE de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.