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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 12 décembre 2023, n° 21/06351

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DP Logiciels (SAS), Krier (SAS), Entities (SAS)

Défendeur :

Immofacile (SAS), Adao (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Clément, Mme Jeorger-Le Gac

Avocats :

Me Chaudet, Me Vivier, Me Mary, Me Lhermitte, Me Baumann, Me Bois

CA Rennes n° 21/06351

11 décembre 2023

La société DP LOGICIELS est la société holding des sociétés ENTITIES, KRIER, H21, TISSOT, RODACOM, essentiellement spécialisées dans l'édition et la commercialisation de logiciels destinés aux professionnels de l'immobilier.

La société IMMOFACILE anciennement dénommée AC3 est un éditeur de logiciels destinés aux agents immobiliers, notaires et promoteurs. Elle a développé une solution 'Immo-facile' qu'elle commercialise soit directement, soit en marque blanche auprès de distributeurs.

Aux termes d'un accord cadre de distribution du 22 décembre 2011, la société IMMOFACILE a confié à la société DP LOGICIELS et à ses filiales la distribution de sa solution Immo-facile sous la marque ALIZE.NET.

La société IMMOFACILE aurait violé l'accord cadre, comprenant une clause de non-captation de clientèle, en contractant directement avec la société GUY HOCQUET IMMOBILIER.

Elle aurait aussi contracté directement avec plusieurs clients de la société KRIER.

Le 20 décembre 2016, la société KRIER a signé un protocole d'accord avec la société IMMOFACILE, permettant que son client STEPHANE PLAZA FRANCE contracte directement avec elle moyennant une indemnisation de 300.000 euros.

Les sociétés DP LOGICIELS et ENTITIES ont assigné les sociétés IMMOFACILE et GERCOP (société détenant des parts dans la holding de IMMOFACILE) et la société KRIER est intervenue volontairement à l'instance, pour demander l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 10 septembre 2021, le tribunal de commerce de Brest a:

- déclaré recevable l'ensemble des pièces transmises par les parties,

- dit que l'accord cadre du 22 décembre 2011 n'est pas opposable à la société GERCOP,

- dit que la société IMMOFACILE a violé les termes de l'accord cadre du 22 décembre 2011,

- dit que la société ENTITES a manqué à son obligation de moyens et a contribué à la perte de son client GUY HOCQUET et du chiffre d'affaires corrélatif,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné la société IMMOFACILE aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Appelantes de ce jugement, les sociétés DP LOGICIELS, KRIER et ENTITIES, par conclusions du 08 juillet 2022, ont demandé à la Cour de:

- infirmer le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de BREST en ce qu'il a :

o Dit que l'accord cadre en date du 22 décembre 2011 n'est pas opposable a la société GERCOP, dénommée désormais ADAO,

o Dit que la société ENTITIES a manqué a son obligation de moyens et a contribué à la perte de son client GUY HOQUET L'IMMOBILIER et du chiffre d'affaires corrélatif,

o Débouté les parties de l'ensemble de leurs autres demandes, fins et conclusions,

- juger que la société IMMOFACILE, à la demande de son ancienne Présidente et actuelle Directrice Générale, à la savoir la société ADAO, anciennement dénommée GERCOP, a fait preuve d'une particulière mauvaise foi et d'une déloyauté manifeste en violant les termes de l'accord-cadre de distribution en date du 22 décembre 2011 conclu avec le Groupe DP LOGICIELS, lequel s'appliquait à l'ensemble de ses filiales, et ce sans aucune distinction,

- recevoir, les sociétés DP LOGICIELS et ENTITIES en la totalité de leurs demandes,

- Débouter les sociétés IMMOFACILE et GERCOP de la totalité de leurs demandes,

- Confirmer le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de BREST en ce qu'il a :

o Reçu l'ensemble des pièces transmises par les parties,

o Dit que la société IMMOFACILE a violé les termes de l'accord-cadre du 22

décembre 2011,

o Condamné la société IMMOFACILE aux entiers dépens,

o Prononcé l'execution provisoire,

o Liquidé au titre des dépens les frais de Greffe à la somme de 148,23 Euros TTC,

- Condamner la société IMMOFACILE à payer à la société ENTITIES la somme de 800.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, et ce en réparation du préjudice financier qu'elle a subi du fait du non-respect des termes de l'accord cadre de distribution en date du 22 décembre 2011,

- Condamner la société IMMOFACILE à payer à la société DP LOGICIELS la somme de l00.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, et ce en réparation du préjudice financier qu'elle a subi du fait du non-respect des termes de l'accord cadre de distribution en date du 22 décembre 2011, la société DP LOGICIELS ayant dû secourir financièrement sa filiale,

- Condamner la société ADAO, anciennement dénommée GERCOP,à payer à la société DP LOGICIELS la somme de l0.000,00 Euros à titre de dommages et intérêts, et ce en réparation du préjudice que cette dernière lui a causé en déstabilisant financièrement deux des cinq sociétés de son Groupe,

- Condamner la société IMMOFACILE à payer à la société KRIER la somme de l50.000,00 Euros à titre de dommages et intérêts, et ce en réparation du préjudice que cette dernière lui a créé (i) en démarchant et en commercialisant la solution logicielle Immo-facile auprès de plusieurs de ses clients et (ii) en fournissant une solution logicielle moins complète qu'Immo-facile, mais aussi afin qu'elle cesse de s'adresser à la clientèle ALIZE.NET,

- Condamner solidairement les sociétés IMMOFACILE et ADAO, anciennement dénommée GERCOP, à payer à chacune des sociétés DP LOGICIELS et ENTITIES la somme de l0.000,00 euros a titre de dommages et intérêts, compte tenu de l'attitude dilatoire dont ont fait preuve les intimées en créant des incidents inutiles afin de retarder l'issue du procès,

- Juger que la société DP LOGICIELS n'a jamais violé les dispositions de l'accord-cadre de distribution en date du 22 décembre 2011 lors de l'acquisition de la société RODACOM,

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux professionnels spécialisés et dans deux quotidiens de la presse nationale, au choix des appelantes et aux frais solidaires de la société ADAO, anciennement dénommée GERCOP, et de la société IMMOFACILE, dans la limite de 3.000,00 Euros par publication,

- Ordonner l'affichage sans occultation aucune, du dispositif de la décision à intervenir en haut de la page d'accueil du site Internet httgs:ffwww.gercog.con1 de GERCOP, pendant trois mois consécutifs et sur un espace représentant au moins le quart de la page d'accueil, sous peine d'une astreinte d'un montant de 100,00 euros par jour de retard à exécuter la décision à intervenir et ce, dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui sera faite de ladite décision,

- Ordonner l'affichage, sans occultation aucune, du dispositif de la décision à intervenir en haut de la page d'accueil du site Internet https://wvvvv.ac3-groupe.com de la société IMMOFACILE, pendant trois mois consécutifs et sur un espace représentant au moins le quart de la page d'accueil, sous peine d'une astreinte d'un montant de 100,00 euros par jour de retard à exécuter la décision à intervenir et ce, dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui sera faite de ladite décision,

- Condamner solidairement la société IMMOFACILE et la société ADAO, anciennement dénommée GERCOP, à payer à chacune des sociétés ENTITIES et DP LOGICIELS la somme de 25.000,00 euros, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société IMMOFACILE à payer à la société KRIER la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Condamner la société IMMOFACILE et la société ADAO, anciennement dénommée GERCOP, aux entiers dépens.

Par conclusions du 11 avril 2022, les sociétés IMMOFACILE et ADAO ont demandé à la Cour de:

- DÉCLARER recevable et bien-fondé l'appel incident des sociétés IMMOFACILE et ADAO(anciennement GERCOP) ;

- INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Brest du 10 septembre 2021 en ce qu'il a :

- dit que la société IMMOFACILE avait violé les termes de l'accord-cadre du 22 décembre 2011 ,

- débouté les sociétés IMMOFACILE de leurs demandes reconventionnelles;

- condamné la société IMMOFACILE aux dépens ;

- CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce en ce qu'il a dit que la société ENTITIES avait manqué à son obligation de moyens et avait contribué à la perte de son client GUY HOQUET L'IMMOBILIER et du chiffre d'affaires corrélatif ;

Et, statuant à nouveau,

- DÉBOUTER les sociétés DP LOGICIELS, ENTITIES et KRIER de I’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- CONDAMNER la société DP LOGICIELS à verser à la société IMMOFACILE, en réparation du préjudice subi du fait des violations contractuelles de DP LOGICIELS, la somme de 250.000 euros.

- CONDAMNER in solidum les sociétés DP LOGICIELS, ENTITIES et KRIER à verser, en réparation du préjudice subi du fait de I’exercice abusif des voies de droit :

- à la société IMMOFACILE, la somme de 5.000 euros ;

- à la société ADAO (anciennement GERCOP), la somme de 5.000 euros ;

- CONDAMNER , in solidum les sociétés DP LOGICIELS, ENTITIES et KRIER à verser, en réparation du préjudice subi du fait de leurs manœuvres dilatoires :

- à la société IMMOFACILE, la somme de 20.000 euros ;

- à la société ADAO (anciennement GERCOP), la somme de 20.000 euros ;

- CONDAMNER in solidum les sociétés DP LOGICIELS, ENTITIES et KRIER à verser, en application de l'article 700 du Code de procédure civile

au titre des frais irrépétibles exposés en première instance :

o à la société IMMOFACILE, la somme de 35.000 euros ;

o à la société ADAO (anciennement GERCOP), la somme de 35.000 euros;

au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel :

o à la société IMMOFACILE, la somme de 5.000 euros ;

o à la société ADAO (anciennement GERCOP), la somme de 5.000 euros ;

- CONDAMNER les sociétés DP LOGICIELS et ENTITIES aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP GAUVAIN DEMIDOFF & LHERMITTE, avocat aux offres de droit.

MOTIFS DE LA DECISION:

Les demandes des sociétés DP LOGICIELS, KRIER et ENTITIES:

La demande d'indemnisation de la société IMMOFACILE:

La société ENTITIES fait grief à la société IMMOFACILE d'avoir violé l'accord cadre du 22 décembre 2011.

Cet accord a été signé d'une part par la société DP LOGICIEL 'agissant pour le compte de ses filiales KRIER SAS et H2I SAS', représentée par M. [D] [J] en qualité de président, la société mère, dénommée 'le Partenaire'.

La première formule laisserait à penser que seules les sociétés KRIER SAS et H2I SAS sont tenues par l'accord cadre, mais la seconde (la société mère est le Partenaire), ainsi que le corps du contrat, permettent de comprendre que le contrat est signé par la société DP LOGICIEL, en son nom et en qualité de représentante des sociétés KRIER et H2I, ce qui au demeurant, n'est pas contesté.

L'accord est signé d'autre part la société AC3 DISTRIBUTION (désormais dénommée IMMOFACILE) représentée par son dirigeant, M. [V] [C], dénommée 'Le Fournisseur'.

L'accord cadre prévoit donc que 'le Partenaire' a le droit, à titre non exclusif, de distribuer sous la marque blanche 'ALIZE.net' le logiciel de transaction immobilières créé par la société IMMOFACILE, que cette dernière pour sa part continuera de commercialiser sous le nom Immofacile.

Il oblige dans son article 5.2 'Obligations du Partenaire', 'le Partenaire et ses filiales' à 'mettre tous les moyens nécessaires à la distribution des logiciels précités pour permettre un développement optimal du présent partenariat'.

Il oblige dans son article 6.2 'Obligation du Fournisseur', le Fournisseur à s'interdire 'toute démarche commerciale auprès des utilisateurs des filiales du Partenaire dont il aurait eu connaissance dans le cadre du présent accord'.

Il contient un article 9 intitulé 'Base de données' rédigé comme suit 'le Partenaire et ses filiales sont seules propriétaires de leur clientèle et à ce titre, le Fournisseur s'interdit de commercialiser directement le produit auprès des clients des filiales du Partenaire mais est autorisé par celui-ci à diffuser les annonces des clients du Partenaire sur les portails immobiliers du Fournisseur'.

Les sociétés appelantes reprochent donc à la société IMMOFACILE d'avoir négocié en novembre - décembre 2016 puis signé au mois de mars 2017, avec la société GUY HOQUET IMMOBILIER, franchiseur à la tête d'un réseau très important d'agences immobilières, un contrat allant conduire à équiper tout le réseau des logiciels de transaction Immofacile, alors que la société GUY HOCQUET IMMOBILIER était un client de la société KRIER et de la société ENTITIES.

La société ENTITIES n'était pas une filiale de la société DP LOGICIEL lors de la signature de l'accord cadre. Elle a été acquise par la société DP IMMOBILIER au mois de novembre 2015.

Elle avait comme client la société GUY HOQUET IMMOBILIER siège à deux titres:

- le 30 novembre 2011, elle avait été chargée de la refonte des sites internet du groupe GUY HOCQUET IMMOBILIER et en assurait depuis l'évolution, les mises à jour et la maintenance,

- le 1er septembre 2015 avec effet au 26 juin précédent elle avait été chargée d'assurer toutes les prestations informatiques nécessaires au bon fonctionnement (maintenance corrective et évolutive) du logiciel de transaction immobilière dénommé 'STARTECH', propriété de la société GUY HOQUET IMMOBILIER, moyennant une rémunération très importante 110 euros par mois et par agence principale, conduisant à un montant annuel de rémunération plus de 400.000 euros.

Ce contrat, qui venait donc d'être conclu au moment du rachat de la société ENTITIES par la société DP LOGICIEL, était d'une durée de 36 mois, renouvelable ensuite par durées de 12 mois.

Pour sa part, la société KRIER avait depuis 2009 la société GUY HOCQUET IMMOBILIER comme cliente d'un logiciel de gestion locative - sans rapport donc avec les logiciels de transaction immobilière Immofacile- Alize.net.

La société IMMOFACILE avait enfin, elle-même comme client la société GUY HOCQUET IMMOBILIER et le démontre à plusieurs titres:

- elle justifie d'une part avoir fourni des solutions Immofacile à une dizaine de franchisés GUY HOCQUET IMMOBILIER,

- elle justifie d'autre part de relations de proximité certaines entre les deux sociétés: en 2015, lors de l'arrivée dans le réseau d'un nouveau franchisé possédant une solution Immofacile et dont les données doivent être transférées dans le réseau, le directeur du réseau informatique GUY HOCQUET IMMOBILIER siège s'adressera directement au dirigeant de la société IMMOFACILE par courriel (il possède donc son adresse mail), dans des termes laissant apparaître l'existence de relations habituelles, pour lui demander de l'aide pour effectuer ce transfert et l'en remercier.

Le réseau GUY HOCQUET IMMOBILIER est effectivement un réseau important d'agences immobilières.

La société IMMOFACILE savait que le logiciel de transaction 'STARTECH' est vieillissant et que la société GUY HOCQUET IMMOBILIER devra à terme renouveler son logiciel de transaction.

Elle a compris immédiatement que le contrat signé par la nouvelle filiale du groupe DP LOGICIEL était un obstacle à ce que soit cette filiale, soit une autre, cherche à convaincre la société GUY HOCQUET IMMOBILIER d'acquérir la solution Alize.net, la société ENTITIES ayant intérêt à ce que soit maintenu le logiciel STARTECH.

Au mois de janvier 2016, le dirigeant de la société IMMOFACILE a fait une offre au dirigeant de la société DP LOGICIELS, aux fins que la société ENTITES propose à la société GUY HOCQUET siège le passage à la solution Alize.net moyennant des compensations pour Entités (développement de modules complémentaires, sous-traitance de certains services).

Une réunion a eu lieu au mois de février 2016 et au mois de mars 2016, la société IMMOFACILE a transmis au dirigeant de la société DP LOGICIEL un article de presse spécialisée dans laquelle le dirigeant de la société GUY HOCQUET IMMOBILIER affirmait son intention de proposer à ses clients et franchisés des logiciels métiers très innovants et en avance par rapport aux concurrents.

Cette offre n'aura aucune suite, les sociétés du groupe DP IMMOBILIER ne justifiant d'aucune démarche envers la société GUY HOCQUET IMMOBILIER siège pour lui présenter la solution Alize.net.

Sur ce point, le fait pour la société KRIER d'avoir proposé la solution Alize.net à un franchisé du réseau GUY HOCQUET ne peut se confondre avec des démarches visant à faire passer tout le réseau sous l'égide de la solution Alize.net.

La solutions Alize.net sera proposée à la société GUY HOCQUET IMMOBILIER par la société ENTITIES avec l'aide de la société KRIER au mois de novembre 2016, alors même, selon les pièces versées aux débats:

- qu'elle a reçu le 21 novembre 2016 une mise en demeure de GUY HOCQUET IMMOBILIER lui reprochant divers manquements contractuels dans l'exécution du contrat conclu en 2015 (prestation STARTECH),

- qu'elle signe un avenant réduisant la durée de ce contrat, qui se terminera le 31 juillet 2017 et ne sera pas renouvelé,

- que de la même façon, GUY HOCQUET IMMOBILIER met fin au 31 juillet 2017 au contrat de 2011 relatif au site internet.

Il est constant qu'au même moment, la société IMMOFACILE adressait ses devis à la société GUY HOCQUET IMMOBILIER siège.

L'article 6.2 du contrat obligeait donc dans son article 6.2 'Obligation du Fournisseur', le Fournisseur à s'interdire 'toute démarche commerciale auprès des utilisateurs des filiales du Partenaire dont il aurait eu connaissance dans le cadre du présent accord'.

Contrairement à qu'affirme la société IMMOFACILE, l'envoi de devis, même sans avoir au préalable démarché un client et suite à la demande de ce dernier, constitue bien une démarche commerciale.

Toutefois, l'examen des clauses parfois contradictoires entre elles du contrat comme les clauses 5.4 et 6.6 permettent de comprendre que 'l'utilisateur' est l'agence immobilière dans laquelle a été installé le logiciel Alize.net.

L'article 5.4 prévoit en effet que l'assistance niveau 1 des utilisateurs du produit est assurée par le Partenaire tandis que l'article 6.6 prévoit le contraire (assistance du Fournisseur)mais leur lecture permet toutefois de comprendre que l'utilisateur est l'agence, qui est la seule entité pouvant avoir besoin d'une assistance niveau 1.

L'utilisateur peut donc ne pas être le client, si ce dernier possède plusieurs agences.

Cet article est donc inapplicable aux faits de l'espèce, la société GUY HOCQUET IMMOBILIER siège n'étant pas un utilisateur.

L'article 9 du contrat est donc intitulé 'Base de données' puis rédigé comme suit 'le Partenaire et ses filiales sont seules propriétaires de leur clientèle et à ce titre, le Fournisseur s'interdit de commercialiser directement le produit auprès des clients des filiales du Partenaire mais est autorisé par celui-ci à diffuser les annonces des clients du Partenaire sur les portails immobiliers du Fournisseur'.

Il est effectivement peu compréhensible que cet article ne figure pas dans l'article 6 intitulé 'obligations du fournisseur' mais la Cour a déjà relevé plusieurs contradictions dans la rédaction du contrat.

La société IMMOFACILE demande à la Cour de l'interpréter mais ne fournit aucune proposition d'interprétation de cette clause, pourtant parfaitement claire.

En tout état de cause, même insérée dans un article intitulée Base de Données, la clause est sans ambiguïté, à défaut pour la société IMMOFACILE d'avoir précisé quel autre sens il y aurait lieu de lui donner.

La société ENTITIES est une filiale de la société DP LOGICIELS et si même elle n'était pas partie à l'accord cadre, elle peut se prévaloir à titre délictuel d'un manquement de la société IMMOFACILE vis à vis de la société KRIER, qui était signataire de l'accord et avait comme client la société IMMOFACILE.

Les courriers de novembre 2016 démontrent d'ailleurs que les sociétés KRIER et ENTITIES ont travaillé ensemble pour proposer - à cette date- le logiciel Alize.net à la société GUY HOCQUET IMMOBILIER siège.

Pour autant, la question se pose de savoir dans quelle mesure cet article 9 est applicable:

- à un client qui est certes un client des filiales du Partenaire mais aussi un client du Fournisseur, hypothèse non envisagée par la disposition susvisée,

- à une hypothèse dans laquelle les filiales du Partenaire ne remplissent pas leur obligation de moyen prévue par l'article 5.2 du contrat de 'mettre tous les moyens nécessaires à la distribution des logiciels précités pour permettre un développement optimal du présent partenariat', alors même qu'elles ont été avisées, à juste titre, par la société IMMOFACILE de l'urgence qu'il y avait à la proposer à leur client.

Compte tenu de l'offre présentée en janvier 2016 par la société IMMOFACILE à la société DP LOGICIELS, il peut être constaté par la Cour que la société IMMOFACILE envisageait à cette époque qu'il appartenait au 'Partenaire' de proposer la solution Alize.net à la société GUY HOCQUET et ceci, bien qu'elle entretienne des relations commerciales avec cette dernière.

D'autre part, si elle estimait que la société Partenaire ne remplissait pas son obligation de moyens, alors même qu'elle en avait signalé l'urgence, il lui appartenait d'utiliser les dispositions de l'article 11 du contrat cadre et de la mettre en demeure de s'exécuter et à défaut, de résilier l'accord.

Elle ne pouvait pas, en revanche, sans cette formalité, contracter elle-même avec la société GUY HOCQUET IMMOBILIER.

Elle a donc commis une faute, dont les conséquences doivent toutefois s'apprécier à la lumière de celle commise par le groupe DP LOGICIELS.

En effet, il est incontestable que le groupe DP LOGICIELS a attendu pour proposer la solution Alize.net que la société ENTITIES soit prise en défaut dans l'exécution du contrat de juin 2015 et qu'il apparaisse que ce contrat allait être résilié sauf à ce que des conséquences plus graves en soient tirées au préjudice de la société ENTITIES.

En agissant ainsi, la société DP LOGICIEL n'exécutait pas son obligation de moyen.

Elle ne peut soutenir que la société GUY HOCQUET IMMOBILIER n'entendait pas changer de logiciel de transaction alors même que la société IMMOFACILE avait attiré son attention sur les déclarations de son dirigeant, qui indiquait clairement être à la recherche de solutions innovantes sur cette question.

Ensuite, elle se révélait en très mauvaise posture pour négocier avec son client et le convaincre qu'elle devait lui confier, via la société ENTITIES, tout le remodelage de son ergonomie de logiciel de transaction.

En d'autres termes, la chance qu'elle puisse obtenir le marché était minime et en tout cas ne dépassait pas 5 %.

Pour ces motifs, la société IMMOFACILE est condamnée à lui payer la somme de 40.000 euros de dommages et intérêts (800.000 x 0,05).

Les demandes de la société DP LOGICIELS:

La demande formée contre la société IMMOFACILE

S'agissant de la demande de la société DP LOGICIELS, qui aurait dû 'soutenir financièrement sa filiale' et réclame à ce titre la somme de 100.000 euros, ce préjudice n'est justifié par aucune pièce ni explicité par aucune démonstration précise.

La Cour relève notamment, à l'examen de la pièce numéro 72 de la société ENTITIES, que si son chiffre d'affaires a effectivement baissé de près de moitié entre 2016 et 2018, son résultat est resté identique en valeur, démontrant une augmentation certaine de sa rentabilité.

Au surplus, l'absence de tout état comptable et la seule référence à une fiche Infogreffe apparaît très insuffisante pour justifier d'un préjudice économique.

La demande est rejetée.

La demande formée contre la société GERCOP:

La société GERCOP (désormais dénommée ADAO) est devenue associée majoritaire de la société IMMOFACILE en 2008, en est devenue l'associée unique en 2015, puis en 2016, la société IMMOFACILE est devenue la filiale d'une société AC3 détenue à 60 % par la société GERCOP.

En 2017, la société GERCOP était le président de la SAS IMMOFACILE, le directeur général étant M. [C].

Depuis 2021, la société GERCOP ne détient plus de participation dans la société IMMOFACILE.

Il en résulte immédiatement que, à titre personnel, la société GERCOP n'est pas tenue par les dispositions de l'accord cadre, qui lui est inopposable.

Cet accord ne lui est opposable qu'en sa qualité de représentante de la société IMMOFACILE, ce dont il résulte que, pour qu'une demande indemnitaire puisse prospérer contre elle ès-nom, il est nécessaire aux sociétés appelantes de démontrer l'existence d'une faute détachable de ses fonctions de dirigeantes qui lui soit imputable.

La société DP LOGICIELS reproche à la société GERCOP d'avoir cherché à la déstabiliser, au motif que la société GERCOP lui ayant présenté une offre d'achat de certaines filiales, cette offre a été refusée.

Elle invoque des difficultés avec un client commun Stéphane PLAZA IMMOBILIER, mais ces difficultés s'étant conclues par une transaction entre les deux parties, il n'apparaît pas que le grief puisse être maintenu.

Elle invoque aussi l'embauche d'un commercial tenu par une clause de non-concurrence.

La société GERCOP nie avoir employé ce commercial sur le territoire visé par la clause et la société DP LOGICIELS entend soutenir le contraire au moyen du profil LinkedIn de ce commercial.

Des courriers ont été échangés entre les deux parties sur ce sujet.

La société DP LOGICIELS a introduit une action en 2017 contre ce commercial devant le conseil des Prud'hommes pour violation de la clause de non-concurrence.

La Cour statue en 2023 sans que la moindre information ne lui ait été donnée sur la suite apportée à cette procédure, qui aurait pu permettre de déterminer si notamment la clause avait été reconnue valide (ce que contestait l'ancien commercial selon le courrier de la société GERCOP).

En tout état de cause, le seul profil LinkedIn de l'ancien salarié est très insuffisant pour asseoir une demande indemnitaire, tant la preuve de la faute que l'existence d'un préjudice n'étant pas démontrés.

La demande est rejetée.

La demande de la société KRIER:

Malgré le présent litige, le contrat cadre se poursuit entre les parties.

Le 29 janvier 2021, la société KRIER, trois années après l'introduction de l'instance, est intervenue volontairement à la procédure.

La société KRIER fait grief à la société IMMOFACILE d'avoir proposé la solution IMMOFACILE à cinq de ses clients (sur 192) qui détenaient depuis plusieurs années la solution Alize.net, les conduisant à résilier leurs contrats avec elle.

Elle invoque la violation des articles 6.2 et 9 du contrat.

Le passage du logiciel Alize.net à la solution Immofacile est justifié pour deux d'entre eux et conduit à des explications embarrassées de la société IMMOFACILE, même s'il est indéniable que n'a pas été suffisamment envisagé dans l'accord cadre la question des agences immobilières qui changent de réseau et souhaitent alors changer de logiciels.

La violation par la société IMMOFACILE de l'accord cadre est avérée mais pour autant, cette violation n'est pas suffisante à démontrer la volonté systématique de la société IMMOFACILE de violer l'accord cadre.

De la même façon, il n'est pas justifié que la solution Alize.net soit une version 'bas de gamme' de la solution Immofacile, en violation de l'article 6.1 de l'accord.

Sur ce point, seul est démontré qu'un client de la société KRIER s'est plaint de trouver chez des concurrents des modules plus développés sur certains points par IMMOFACILE, laquelle répond sur ce grief qu'il lui arrive de développer des modules 'à la demande' chez certains clients.

La démonstration du caractère systématique de la fourniture d'un logiciel moins développé n'est pas apportée, alors même que celle-ci aurait été aisée par le simple achat d'un logiciel Immofacile et sa comparaison point par point avec le logiciel Alize.net.

Le seul grief démontré est insuffisant à justifier une demande d'indemnisation de 150.000 euros.

A l'examen des factures (IROISE) versées aux débats, un abonnement mensuel rapporte environ 350 euros TTC par mois et par poste à la société KRIER.

Cette donnée conduit la Cour à condamner la société IMMOFACILE à payer à la société KRIER une somme de 15.000 euros de dommages et intérêts, indemnisant les seuls transferts réellement démontrés.

Sur la demande indemnitaire relative à la conduite du procès:

Les sociétés GERCOP et IMMOFACILE ont été assignées en justice et pouvaient sans faute développer tous les moyens nécessaires à leur défense.

A l'examen du jugement déféré, il n'apparaît pas qu'il ait dû être statué sur des incidents de procédure et tel n'a pas été non plus le cas durant la procédure d'appel.

La demande, infondée, est rejetée.

Sur les demandes de publication et d'affichage:

Les fautes relevées par la Cour, qui sont pour certaines imputables aux appelantes, ne justifient pas que soit ordonnées des publications et affichages ayant pour seul objet de mettre en exergue les fautes des intimées.

D'autre part, à l'évidence ces fautes ne sont pas suffisantes pour que les parties aient jugé indispensable d'interrompre leur partenariat et l'exécution du contrat-cadre.

La demande est rejetée.

Sur les demandes des sociétés GERCOP et IMMOFACILE:

Sur l'achat de RODACOM par la société DP LOGICIELS:

L'article 5.1 du contrat cadre est rédigé comme suit: 'Le Partenaire s'engage à ne pas développer et ne pas commercialiser par les sociétés de son groupe, directement ou indirectement, d'autres solutions de transaction immobilière en ligne sans en informer préalablement par écrit le Fournisseur. Dans ce cas le Fournisseur sera libre de dénoncer de plein droit le contrat. A défaut d'information préalable, le Fournisseur pourra dénoncer sans préavis le contrat et pourra demander réparation du préjudice subi'.

La société IMMOFACILE reproche à la société DP LOGICIELS de l'avoir informée avec deux mois de retard de l'acquisition de la société RODACOM, qui propose des solutions de transactions immobilières.

Toutefois, elle ne demande pas à être indemnisée pour les conséquences de ce retard mais pour les conséquences que cette acquisition aura ou a eu sur l'exécution du contrat cadre par la société DP LOGICIELS et ses filiales.

L'achat de la société RODACOM n'était pas interdit à la société DP LOGICIELS par la clause précitée du contrat cadre.

Ainsi que l'a pertinemment relevé le premier juge, la seule conséquence que pouvait en tirer la société IMMOFACILE était la dénonciation de l'accord ou - ce qu'elle ne fait pas - une demande d'indemnisation pour les seules conséquences du retard pris dans la notification de l'achat.

En aucun cas la société IMMOFACILE ne peut être indemnisée des conséquences du fait que désormais la société DP LOGICIELS et ses filiales puissent proposer un logiciel concurrent du sien.

Sa demande indemnitaire est rejetée.

La demande indemnitaire pour exercice abusif des voies de droit:

La Cour ayant fait droit partiellement aux prétentions de la société ENTITIES et de la société KRIER, aucun usage abusif des voies de droit ne peut être reproché aux appelantes.

La demande indemnitaire y afférent est rejetée.

La demande indemnitaire pour attitude dilatoire des appelantes:

Ainsi qu'il a été rappelé plus haut à l'examen de la demande similaire des appelantes, chaque partie peut librement utiliser les moyens de droit nécessaires à sa défense et ni le premier juge ni la Cour n'ont été saisis d'incidents de procédure.

La Cour relève enfin que si la procédure a été longue en première instance (mais la société KRIER est intervenue volontaire après trois années!), elle a été d'une longueur habituelle devant la Cour compte tenu de l'encombrement du rôle.

Le grief n'est pas fondé et la demande indemnitaire rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

La société IMMOFACILE, qui succombe sur certains points, est condamnée aux dépens d'appel.

Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes d'indemnisation.

Statuant à nouveau:

Condamne la société IMMOFACILE à payer à la société ENTITIES la somme de 40.000 euros de dommages et intérêts.

Condamne la société IMMOFACILE à payer à la société KRIER la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts.

Rejette le surplus des demandes.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Condamne la société IMMOFACILE aux dépens d'appel.

Rejette les prétentions formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.