Cass. com., 4 octobre 2023, n° 21-25.009
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Barbot
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Gadiou et Chevallier
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à la société Organa SPV, venant aux droits de la société Intesa Sanpaolo, venant elle-même aux droits de la société Unione di Banche Italiane, de sa reprise d'instance.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 septembre 2021), par des actes notariés des 23 novembre 2005 et 11 août 2008, la société Unione di Banche Italiane (la société UBI) a consenti à la SCI Jalk (la SCI), gérée par M. [T], deux prêts.
3. Par un acte notarié distinct du 23 novembre 2005, la société UBI a consenti à M. et Mme [T] un prêt, prorogé par un acte notarié du 11 août 2008 prévoyant, en outre, que la SCI affecterait, en garantie de ce prêt, ses droits sur un immeuble.
4. Le 26 décembre 2018, afin d'obtenir le paiement des créances détenues à l'égard de la SCI au titre des prêts de 2005 et 2008 et de celle détenue à l'égard de M. et Mme [T] au titre du prêt de 2005, la société UBI a délivré à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur son immeuble, avant de l'assigner à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution.
5. Le 26 octobre 2020, pendant l'instance d'appel relative au jugement d'orientation validant la saisie et ordonnant la vente de l'immeuble de la SCI, cette dernière a été mise en redressement judiciaire.
6. La société GM, nommée en qualité de mandataire judiciaire, est intervenue volontairement à l'instance et a demandé que soit ordonnée la suspension de la saisie immobilière en cours, en raison de l'ouverture du redressement judiciaire. La société Intesa Sanpaolo (la société Intesa), venant aux droits de la société UBI, s'est opposée à cette demande et a demandé qu'il soit dit que l'affectation hypothécaire consentie par la SCI au titre du prêt souscrit par M. et Mme [T] le 23 novembre 2005 n'était pas soumise à l'arrêt des poursuites individuelles et, en conséquence, que soit validée la procédure de saisie immobilière pour la seule créance détenue à l'égard de M. et Mme [T], au titre de laquelle la poursuite demeurait possible.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. La société Organa SPV fait grief à l'arrêt d'ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière en raison de la procédure collective de la SCI, alors « que le bénéficiaire d'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'autrui n'a pas la qualité de créancier du constituant de cette sûreté, de sorte lorsque le constituant de cette sûreté fait l'objet d'un redressement judiciaire, les articles L. 622 21 du code de commerce et L. 631 14 du code de commerce ne font pas obstacle à la poursuite des procédures d'exécution entreprises à son encontre par le bénéficiaire de la sûreté en vue de la réalisation de cette dernière ; qu'en se fondant sur le redressement judiciaire de la SCI Jalk prononcé par jugement du 26 octobre 2020 pour ordonner la suspension de la procédure de saisie immobilière engagée par la société Intesa Sanpaolo SPA pour la vente des biens et droits immobiliers grevés d'une hypothèque consentie par la SCI Jalk pour garantir la dette de M. et Mme [T] à l'égard de la société Intesa Sanpaolo SPA, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 622-21, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, et L. 622-23 du code de commerce, et l'article 2464 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 23 mars 2006 :
8. Une sûreté réelle, consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le bénéficiaire d'une telle sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur, et, n'ayant pas acquis la qualité de créancier, il n'est pas soumis à l'arrêt ou l'interdiction des voies d'exécution qui, en application du premier des textes susvisés, résultent de l'ouverture de la procédure collective du constituant. Par conséquent, il peut poursuivre ou engager une procédure de saisie immobilière contre le constituant, après avoir mis en cause l'administrateur et le mandataire judiciaires.
9. L'arrêt, après avoir relevé que le redressement judiciaire de la SCI a été prononcé le 26 octobre 2020, en déduit que la procédure de saisie doit être suspendue.
10. En statuant ainsi, alors que, du chef de la créance détenue à l'égard de M. et Mme [T], la société Intesa, venant aux droits de la société UBI, n'avait pas la qualité de créancier de la SCI mise en redressement judiciaire, de sorte qu'elle n'était pas soumise à la règle de l'arrêt des voies d'exécution résultant de l'ouverture de cette procédure collective, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.