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Décisions

Cass. com., 13 septembre 2023, n° 21-21.693

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Bedouet

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP L. Poulet-Odent

Saint-Denis de La Réunion, du 26 mai 202…

26 mai 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint Denis, 26 mai 2021), par un jugement du 9 mai 2017, la société [B] construction dont M. [B] était associé et cogérant, a été mise en liquidation judiciaire, la société [P] étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Le liquidateur a assigné M. [B] pour lui voir étendre la liquidation judiciaire de la société [B] construction.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux branches

Enoncé du moyen

3. La société [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'extension à l'égard de M. [B] de la procédure de liquidation ouverte à l'égard de la société [B] construction, alors :

« 1°/ que la procédure collective d'un débiteur peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de son patrimoine avec celui du débiteur ; que la confusion de patrimoine peut être caractérisée par l'existence d'une relation financière anormale entre le tiers et le débiteur ; que, notamment, l'accroissement du solde débiteur du compte courant d'associé est un élément permettant de déduire l'existence de relations financières anormales entre la société débitrice et l'associé, caractérisant la confusion de leurs patrimoines ; que la cour d'appel, pour rejeter la demande de la société [P] tendant à l'extension à l'égard de M. [B] de la procédure de liquidation ouverte à l'égard de la société [B] construction, a retenu que les retraits d'espèces et virements bancaires effectués au profit de M. [B] au cours de l'année 2016 ne permettaient pas d'établir une confusion de patrimoine parce qu'ils avaient été inscrits à son compte courant d'associé, pour porter le solde débiteur à la somme de 88 135,51 euros, de sorte que la société [B] Construction restait créancière de l'associé débiteur ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'inscription au compte courant d'associé de M. [B] d'une somme prélevée sans justification sur les comptes de la société débitrice, faisant croître le solde négatif de ce compte courant, n'était pas de nature à exclure l'anormalité des virements et retraits opérés et, partant, l'existence d'une confusion des patrimoines, mais, au contraire, constituait un élément permettant de l'établir, la cour d'appel a statué par un motif impropre à établir l'absence de relations financières anormales caractérisant une confusion des patrimoines, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la procédure collective d'un débiteur peut être étendue à une autre personne en cas de confusion de son patrimoine avec celui du débiteur ; que la confusion de patrimoine peut être caractérisée par l'existence d'une relation financière anormale entre le tiers et le débiteur que l'anormalité des relations financières se déduit de l'absence de toute contrepartie ; que, notamment, l'octroi d'une indemnité de gérance non autorisée ou ne correspondant à aucun travail effectif constitue un élément susceptible de caractériser l'existence d'une relation financière anormale et, partant, la confusion des patrimoines ; que la cour d'appel, pour rejeter la demande de la société [P] tendant à l'extension à l'égard de M. [B] de la procédure de liquidation ouverte à l'égard de la société [B] construction, s'est bornée à retenir que les retraits d'espèces et virements bancaires effectués au profit de M. [B] au cours de l'année 2016 ne permettaient pas d'établir une confusion de patrimoine parce qu'ils avaient été inscrits à son compte courant d'associé, pour en porter le solde débiteur à la somme de 88 135,51 euros, de sorte que la société [B] construction restait créancière de l'associé débiteur ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une contrepartie aux virements et retraits en espèce effectués au profit de M. [B], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 621-2 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-1 dudit code :

4. Selon ces textes, une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'un débiteur peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leurs patrimoines avec celui du débiteur.

5. Pour rejeter la demande de la société [P] tendant à l'extension à M. [B] de la liquidation judiciaire de la société [B] construction, l'arrêt retient que les retraits d'espèces et les virements bancaires réalisés au profit de M. [B] au cours de l'année 2016 ont été inscrits à son compte courant d'associé, lequel était débiteur au 26 décembre 2016, à hauteur de 88 135,51 euros, que si l'existence d'un compte courant débiteur est pénalement sanctionnée, la société reste créancière de l'associé débiteur et que dès lors une telle situation ne permet pas d'établir une confusion de patrimoine.

6. En se déterminant ainsi, alors que l'inscription au compte courant d'associé de M. [B] des virements et retraits d'espèces qu'il avait opérés à son profit sur les comptes de la société n'était, en l'absence de toute caractérisation d'une contrepartie les justifiant, pas de nature à en exclure l'anormalité, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des motifs impropres à établir l'absence de relations financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée.