ADLC, 19 décembre 2023, n° 23-D-13
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de montres de luxe*
L’Autorité de la concurrence (commission permanente),
Vu les lettres enregistrées les 25 et 27 janvier 2017 sous les numéros 17/0105 F et 17/0109 F, par lesquelles l’Union de la Bijouterie Horlogerie et la société Pellegrin & Fils ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Rolex France dans le secteur de la distribution de montres de luxe ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 101 ; Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu la décision du 12 juin 2023 par laquelle le président de l’Autorité de la concurrence a désigné M. Jean-Yves Mano, membre, pour compléter le quorum et examiner les affaires enregistrées sous les numéros 17/0105 F et 17/0109 F lors de la commission permanente du 22 juin 2023 ;
Vu la décision du 30 avril 2018 par laquelle le rapporteur général adjoint a procédé à la jonction de l’instruction des affaires n° 17/0105 F et 17/0109 F ;
Vu les observations présentées par les sociétés Rolex France, Rolex Holding SA, Rolex SA, Fondation Hans Wilsdorf, Pellegrin & Fils, l’Union de la Bijouterie Horlogerie et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants des sociétés Rolex France, Rolex Holding SA, Rolex SA, Fondation Hans Wilsdorf, Pellegrin & Fils, de l’Union de la Bijouterie Horlogerie et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 22 juin 2023 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne la société Rolex France SAS, en tant qu’auteure, la société Rolex Holding SA et la fondation Hans Wilsdorf, en tant qu’entités mères, et la société Rolex SA en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure, pour avoir mis en œuvre une entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres Rolex par ses distributeurs agréés, pratique contraire aux articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.
Cette décision fait suite aux saisines, en janvier 2017, de l’Union de la Bijouterie Horlogerie et de la société Pellegrin & Fils, et à des opérations de visite et saisie réalisées le 17 janvier 2019.
En premier lieu, il était fait grief à Rolex France SAS d’avoir pris part à une entente généralisée avec ses distributeurs visant à interdire la vente via Internet.
En second lieu, il était fait grief à Rolex France SAS d’avoir mis en œuvre une entente généralisée avec ses distributeurs, pour fixer le prix de vente au détail des montres de la marque Rolex.
Au titre du premier grief notifié, l’Autorité a considéré que l’entente verticale visant à interdire la vente en ligne des montres de marque Rolex était caractérisée, en l’espèce, par les stipulations du contrat de distribution sélective liant Rolex France SAS à ses distributeurs et par l’acceptation par ses distributeurs agréés de ne pas vendre ces produits sur Internet.
L’Autorité a, en outre, estimé que cette interdiction constituait une restriction de concurrence par objet à la lumière du contexte économique et juridique dans lequel elle s’inscrivait. Elle a notamment relevé que l’ensemble des fabricants concurrents de Rolex dont les contrats de distribution sélective ont été analysés autorisaient la vente en ligne par leurs distributeurs agréés, et que l’objectif, invoqué par Rolex France SAS, consistant à lutter contre la contrefaçon et le commerce parallèle, pouvait être atteint par des moyens moins restrictifs de concurrence.
En conséquence, l’Autorité a infligé une sanction pécuniaire de 91 600 000 euros à Rolex France SAS, solidairement avec ses entités mères et Rolex SA.
Au titre du second grief notifié, l’Autorité a estimé que les éléments du dossier ne permettaient pas de démontrer que Rolex France SAS avait invité ses distributeurs à restreindre leur liberté tarifaire, ni que les distributeurs auraient, le cas échéant, acquiescé à cette invitation.
L’Autorité a conclu, en conséquence, que la pratique visée par le second grief notifié n’était pas établie et a prononcé un non-lieu de ce chef.
I. CONSTATATIONS
A. RAPPEL DE LA PROCEDURE
1. Par lettres enregistrées les 25 et 27 janvier 2017 sous les numéros 17/0105 F et 17/0109 F, l’Union de la Bijouterie Horlogerie (ci-après « l’UBH »)2 et la société Pellegrin & Fils3 ont saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre par la société Rolex France (ci-après « Rolex France ») dans le secteur de la distribution de montres de luxe.
2. Par décision du 30 avril 2018, l’Autorité a procédé à la jonction des deux affaires4.
3. Sur autorisation du juge des libertés et de la détention de Paris5 du 14 janvier 2019, prise sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce, des opérations de visite et saisie ont été menées, le 17 janvier 2019, dans les locaux de la société Rolex France.
4. Le 15 février 2022, le rapporteur général de l’Autorité a adressé aux sociétés Rolex France, Rolex Holding SA, et à la Fondation Hans Wilsdorf une notification de griefs relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de montres de luxe6.
5. À la suite de la communication d’éléments nouveaux par les sociétés mises en cause postérieurement à l’envoi de la notification de griefs, le rapporteur général de l’Autorité a adressé le 25 mars 2022 une notification de griefs complémentaire aux sociétés Rolex France, Rolex Holding SA, Rolex SA, et à la Fondation Hans Wilsdorf7.
6. Le rapport a été notifié aux sociétés Rolex France, Rolex Holding SA, Rolex SA, et à la Fondation Hans Wilsdorf le 1er février 20238.
7. L’affaire a été examinée lors d’une séance de l’Autorité tenue le 22 juin 2023.
B. LE SECTEUR CONCERNE
1. LE SECTEUR DE L’HORLOGERIE DE LUXE
8. La présente procédure porte sur le secteur de la distribution des montres.
9. Les montres se différencient en fonction de plusieurs critères :
- le type de mouvement qui les anime (montres à quartz, montres mécaniques) ;
- la complexité et la qualité de ce mouvement ;
- la politique de marque suivie par le fabricant — qui détermine leur notoriété et leur positionnement dans la gamme des prix ;
- la politique de distribution adoptée par les fabricants.
10. Le secteur de la distribution des montres est traditionnellement considéré par les professionnels du secteur comme comprenant plusieurs segments en fonction de la marque des montres et des prix pratiqués.
11. Une étude d’une société de gestion d’actifs du 1er avril 2020, produite par Rolex France, opère ainsi une segmentation entre les montres selon que leur prix est inférieur ou supérieur à 3 000 euros9.
12. Une autre étude, publiée par le quotidien les Echos en septembre 2016, distingue quant à elle trois segments au sein de ce secteur :
- bas/moyen de gamme ;
- haut de gamme et ;
- haute horlogerie, lui-même subdivisé en trois sous-segments :
o les montres de luxe accessible (dont la valeur est comprise entre 1 000 et 5 000 francs suisses (ci-après « CHF »), soit entre 1 035 et 5 173 euros), incluant notamment les marques Ebel, Hermès, Longines, Montblanc et TAG Heuer ;
o les montres de luxe (dont la valeur est comprise entre 5 000 et 10 000 CHF, soit entre 5 173 et 10 346 euros), incluant notamment les marques Breitling, Cartier, Chopard, Omega et Rolex, et ;
o les montres prestige (d’une valeur supérieure à 10 000 CHF, soit supérieure à 10 346 euros) incluant notamment les marques Audemars Piguet, Breguet, Hublot, Patek Philippe, et Vacheron Constantin10.
13. Les montres commercialisées par Rolex France, dont les prix moyens publics conseillés s’échelonnent d’environ 3 000 euros à plus de 100 000 euros11.
2. LES ACTEURS DU SECTEUR DE L’HORLOGERIE DE LUXE
14. Les acteurs du secteur de l’industrie horlogère de luxe se répartissent en deux catégories :
- les grands groupes tels que Richemont (avec les marques Cartier, IWC, Jaeger-LeCoultre, Panerai Vacheron Constantin, A. Lange & Söhne, Piaget, Van Cleef & Arpels, Baume & Mercier, Montblanc) ; Swatch Group (avec les marques Breguet, Blancpain, Jaquet Droz, Omega, Longines, Tissot) ; LVMH (avec les marques Bvlgari, Hublot, TAG Heuer, Zenith, Chaumet) et, jusqu’en 2022, Kering (avec les marques Girard Perregaux, JeanRichard et Ulysse Nardin), et ;
- les indépendants, au sein desquels figurent Audemars, Chopard, Patek Philippe, Piguet, Rolex, Richard Mille.
15. Selon un rapport annuel publié le 8 mars 2021 par la banque d’affaires Morgan Stanley et Luxeconsult sur l’industrie horlogère suisse intitulé « King Rolex » (sur la base de leurs propres estimations de chiffres d’affaires et de volumes vendus12), Rolex figurait en première position du classement des cinquante premières marques de montres de luxe au niveau mondial en 2020. Son chiffre d’affaires s’élèverait à 4,42 milliards d’euros en 2020, suivi d’Omega (1,75 milliard), Cartier (1,63 milliard), Patek Philippe (1,16 milliard), Longines (1,14 milliard) et Audemars Piguet (1,12 milliard).
16. Selon ce même rapport, s’agissant des ventes en volume en 2020, c’est la marque Longines qui arrive en tête avec 1,5 million de montres, suivie par Rolex (810 000), Omega (500 000), Cartier horlogerie (490 000), Patek Philippe (53 000) et Audemars Piguet (40 000).
3. LES MODALITES DE DISTRIBUTION DES MONTRES DE LUXE
a) L’évolution des stratégies de distribution
17. La distribution des montres de luxe a considérablement évolué en raison, d’une part, des changements intervenus au cours de la seconde moitié du XXème siècle dans la production (passage d’une dimension artisanale à une dimension industrielle), d’autre part de la concentration du secteur.
18. Il est possible de distinguer trois phases :
- la première phase est celle de la distribution exclusive, qui a commencé lors de la naissance et la diffusion mondiale des grandes marques du luxe, et a duré jusqu’au début des années 1970. Les produits de luxe n’étaient alors disponibles que dans les magasins monomarque de l’enseigne ou auprès de quelques distributeurs fortement spécialisés, qui travaillent sur la base d’un contrat d’exclusivité territoriale couvrant des zones très larges ;
- la deuxième phase a débuté à l’occasion du processus de démocratisation du luxe et d’intensification des échanges commerciaux et financiers mondiaux et s’étend jusqu’à la seconde moitié des années 1990. Elle se caractérise par l’expansion des réseaux de distribution et par la rapidité de la croissance internationale de plusieurs marques importantes ;
- la troisième phase se caractérise par l’augmentation du pouvoir des fabricants et la rationalisation des canaux de distribution. De nombreuses maisons horlogères, comme Rolex, Omega, Cartier, Baume et Mercier, Jacques Droz ou Patek Philippe, ont ainsi diminué drastiquement le nombre de leurs revendeurs indépendants et, pour certains, développé en parallèle les ventes directes via des boutiques en propre. Certains groupes horlogers ont également fait le choix de distribuer exclusivement en propre13.
19. Ainsi, dans le secteur de l’horlogerie de luxe, trois stratégies de distribution coexistent à ce jour :
- La distribution exclusive en propre. Certains fabricants comme Van Cleef & Arpels, ont ainsi fait le choix de ne distribuer leurs produits que dans des boutiques en propre14. Audemars Piguet a également fait le choix d’internaliser quasiment toute sa distribution à travers des reprises de boutiques externes ou d’ouvertures à venir15.
- La distribution exclusivement ou quasi-exclusivement via un réseau de revendeurs indépendants. Parmi les plus connus figurent Rolex qui s’appuie, à ce jour, exclusivement sur des revendeurs indépendants16, et Patek Philippe qui, à l’exception de ses trois salons gérés en propre à Paris, Londres et Genève, exerce également via des revendeurs indépendants17. D’autres, comme Tag Heuer, Jaeger LeCoultre ou Piaget, assurent les trois quarts des ventes via des détaillants multimarques ou des boutiques externes.
- Enfin, certains acteurs comme Cartier18, ont privilégié une troisième stratégie de distribution visant à équilibrer le recours à ces deux méthodes de distribution, en renforçant la distribution en propre pour toucher directement leur clientèle tout en recomposant leur réseau de distributeurs indépendants pour se focaliser sur les meilleurs partenaires.
b) L’essor de la distribution en ligne des montres de luxe
20. Selon Francéclat, comité professionnel de développement économique au service des secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table, les ventes de montres sur Internet ont nettement progressé en valeur entre 2010 et 2019, passant de 3,1 % à 10,5 % du total des ventes, ce qui résulte du développement de sites spécialisés mais aussi des efforts de nombreuses enseignes et d’un nombre croissant de marques pour se doter de sites marchands. En 2020, la vente à distance a ainsi augmenté de 27 % (bijouterie et horlogerie confondues) « stimulée par les phases de confinement (…) gagnant trois ans de croissance d’un coup »19.
21. Même si les ventes en ligne de montres d’une valeur supérieure à 1 000 euros20 croissent à un rythme inférieur, ce canal est en progression constante. Selon une agence de marketing suisse, les ventes de montres de luxe en ligne ont été multipliées par quatre en 201921 et si la moyenne de ventes effectives (400 pour un million de visites sur des sites internet marchands d’horlogerie) est largement inférieure au taux de transformation des magasins physiques (40 000 ventes pour un million de visites), elle ne cesse toutefois de progresser22. Pour les marques horlogères, la vente sur Internet constitue un levier de croissance potentiel important23. Beaucoup de marques ont ainsi lancé leur site de vente en ligne comme, notamment, Breitling, Omega (Swatch Group), Tag Heuer (LVMH), Ulysse Nardin (Kering) et quasiment toutes les marques du groupe Richemont (Cartier, Montblanc, IWC, Jaeger-LeCoultre, Panerai,…)24.
22. Cet essor est confirmé par une étude réalisée sur l’industrie horlogère suisse en 202025, selon laquelle la pandémie du coronavirus a accéléré la transition vers le commerce électronique et les canaux de vente sur les réseaux sociaux.
C. LES ENTITES CONCERNEES
1. LES SAISISSANTES
a) L’Union de la Bijouterie Horlogerie
23. L’Union de la Bijouterie Horlogerie (ci-après « l’UBH) est une organisation professionnelle représentative d’entreprises du commerce de la bijouterie et de l’horlogerie créée en 2013.
24. Elle a notamment pour objet de représenter et de défendre les intérêts généraux et communs aux entreprises et organisations professionnelles adhérentes. Elle a également pour mission de traiter les relations entre les adhérents de l’UBH et les fabricants de montres de luxe. Son siège est situé à Paris.26
b) La société Pellegrin & Fils
25. La société Pellegrin & Fils est une entreprise familiale fondée en 1840, spécialisée dans la vente au détail de bijouterie et d’horlogerie27.
26. Il s’agit d’une société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Marseille sous le numéro 322 826 538, dont le siège social est situé à Marseille28.
27. La société Pellegrin & Fils a distribué les produits de marque Rolex de 1999 jusqu’à la résiliation de son contrat de distribution par la société Rolex France en 201329.
2. LE GROUPE ROLEX
28. Le groupe Rolex, créé à Londres en 1905, conçoit, fabrique, et commercialise des montres de luxe et des composants de montres (bracelets, cadrans, boitiers, etc.) sous les marques Rolex et Tudor.
29. La société Rolex France est une société par actions simplifiée immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 542 073 366, dont le siège social est situé à Paris. Cette société est l’unique importateur en France des montres Rolex et Tudor et de leurs pièces de rechange. Elle revend les montres aux détaillants horlogers-bijoutiers auxquels elle a accordé le droit de distribuer ses produits en signant avec eux le « Contrat de distribution sélective Rolex » (voir ci-après paragraphe 50).
30. Le capital de Rolex France est intégralement détenu par la société Rolex Holding SA, une société anonyme dont le siège social est situé à Genève. Rolex Holding SA est intégralement détenue par la Fondation Wilsdorf, société fiduciaire familiale privée de droit suisse.
31. Rolex France est une société « sœur » de Rolex SA, sise à Genève, qui est l’unique fournisseur de montres Rolex et qui détient les sites de production de Rolex localisés en Suisse.
32. Vingt-six filiales implantées dans le monde entier, dont huit dans l’Union européenne, redistribuent auprès des détaillants les montres Rolex et Tudor, ainsi que les fournitures et les pièces détachées de ces marques.
33. L’organigramme du groupe est reproduit ci-après30 :
34. Les données relatives aux résultats financiers du groupe Rolex au niveau mondial ne sont pas publiques. Le chiffre d’affaires consolidé du groupe était estimé à 4,6 milliards d’euros en 201531, 4,7 milliards d’euros en 201932, 4,4 milliards d’euros en 2020 et 8 milliards d’euros en 202133.
35. Rolex France a réalisé un chiffre d’affaires en France de 253,4 millions d’euros au cours de l’exercice clos au 31 décembre 202234, 221,3 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 202135, 175,6 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 2020 contre 230,4 millions d’euros au cours de l’exercice clos le 31 décembre 201936.
36. Son chiffre d’affaires a quasiment doublé entre 2010 et 2022, passant de 131,5 millions d’euros en 2010 à 253,4 millions d’euros en 202237.
37. Chaque année, de 2010 à 2020, la vente de montres de marque Rolex en France représentait au moins 90 % du chiffre d’affaires total de Rolex France38.
38. Selon les estimations publiées le 7 mars 2022, dans le cinquième rapport annuel sur l’industrie horlogère suisse intitulé « The Magnificent Seven » (fondé sur les chiffres d’exportations 2021), la part de marché du groupe Rolex serait d’environ 29 % en 2021, loin devant ses principaux concurrents (Omega : 7,5 % ; Cartier Watches : 6,9 % ; Longines : 5,6 % ; Patek Philippe : 4,8 % et Audemars Piguet)39.
39. Selon la même étude, la part de marché de Rolex serait en constante progression : 29 % en 202140, 25 % en 202041, 23,4 % en 201942 et 22,2 % en 201843.
40. Un des contributeurs au rapport annuel précité, relève que « Sans surprise Rolex reste le leader absolu des marques horlogères suisses en prenant 29 % des parts de marché de l’industrie horlogère suisse avec un chiffre d’affaires estimé à CHF 8 milliards en 2021 (…). Rolex réalise non seulement le meilleur exercice de son histoire depuis la création de la marque en 1905, mais surtout elle le fait après une année 2020 qui avait vu une réduction de sa production de presque 20 % (…) Rolex détient autant de parts de marché que les cinq concurrents suivants additionnés. Le chiffre d’affaires de Rolex est supérieur de CHF 1 milliard à celui du Swatch Group qui résulte de 17 marques. Si l’on ajoute les ventes de la marque sœur – Tudor – avec CHF 510 millions, Rolex réalise CHF 8,5 milliards de ventes, soit 20 % de plus que le Swatch Group (…).» 44
41. La gamme de montres Rolex comprenait 127 références en 2020, dont 90 références dites « classiques » et 37 références dites « professionnelles »45.
42. En 1991, le réseau de distribution de Rolex en France était composé de 155 revendeurs agréés et 5 revendeurs non agréés46. Au 28 octobre 2021, Rolex France comptait 66 revendeurs agréés (59 points de vente multimarques et sept points de vente monomarque)47.
À ce jour, Rolex France compte 53 revendeurs agréés (45 points de vente multimarques et huit points de vente monomarque).
D. NOTORIETE ET ATTRACTIVITE DE LA MARQUE ROLEX
43. La marque Rolex est une référence très recherchée des consommateurs finaux et des distributeurs de montres de luxe.
44. Selon un article paru en 2020, Rolex est décrite comme « la marque la plus connue au monde » : « Tout le monde connaît Rolex, ou du moins croit la connaître. La manufacture suisse jadis créée par Hans Wilsdorf est la plus célèbre marque de luxe de la planète, selon le classement dévoilé chaque année par le Reputation Institute de Boston. Au point de supplanter de grands noms tels que Lego, Disney, Ferrari, Netflix et Microsoft »48. Un autre article de presse de 2021 indique « dans les montres de luxe, il y a Rolex et le reste du monde ! »49.
45. M. X..., directeur général de Rolex France, a confirmé, lors de son audition par les services d’instruction, qu’« en termes de notoriété, il n’est pas possible de contester que Rolex est une marque notoire et en terme de réputation, Rolex est généralement placée par des cabinets d’études de Réputation en 1ère ou 2ème position tous secteurs confondus au niveau national et mondial (sans distinction) ». Il a fourni, à cette occasion, une étude de notoriété, qui place Rolex en deuxième position après Lego dans son classement des 100 marques les plus réputées au monde en 202150.
46. Le groupe Rolex entretient cette image à travers une politique de rareté créant la désirabilité. Les modèles les plus demandés ne sont accessibles qu’après inscription sur une liste d’attente et les revendeurs ne disposent pas de stock. Un article d’août 2016 relève en particulier que le modèle « Daytona » est « réservé[e] des mois, des années en avance, tant les quantités livrées sont faibles » et qu’on peut le revendre le jour même de l’achat avec un bénéfice immédiat de 25 % voire 30 %51.
E. LES PRATIQUES CONSTATEES
47. Après une analyse du système de distribution mis en place par Rolex en France (1), les pratiques mises en œuvre seront détaillées en distinguant celles portant sur la distribution des montres de la marque Rolex sur Internet (2) et celles portant sur les prix de revente des montres de la marque Rolex (3).
1. LE SYSTEME DE DISTRIBUTION DES MONTRES DE MARQUE ROLEX EN FRANCE
a) Le contrat de distribution sélective liant Rolex France et ses distributeurs
48. Rolex vend ses produits aux consommateurs finaux en France au travers d’un système de distribution sélective.
49. Le contrat initial régissant les relations entre Rolex et ses distributeurs a été mis en place en 197752, et avait été notifié à la Commission européenne (ci-après « la Commission ») au nom de ses filiales française, anglaise, belge et allemande afin de demander une attestation négative.
50. Ce contrat a été remplacé par le « Contrat de distribution sélective Rolex », à la suite de l’entrée en vigueur du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 199953. Le « Contrat de distribution sélective Rolex » a connu plusieurs révisions pour tenir compte notamment du statut monomarque ou multimarque des points de vente et des dernières modifications apportées au contrat54.
51. Le contrat de distribution sélective des produits Rolex actuellement en vigueur est le même pour toute l’Europe. En revanche, le contrat régissant les relations entre Rolex et ses distributeurs monomarques est spécifique à la France. Sa durée est de cinq ans en raison de la dépendance mutuelle du fabricant et de ses distributeurs55. Il diffère ainsi des contrats multimarques qui sont conclus pour une durée indéterminée.
b) La typologie des distributeurs agréés
52. Les produits de la marque Rolex sont exclusivement distribués par des distributeurs agréés indépendants56 qui sont, pour l’essentiel des bijoutiers-horlogers qui disposent parfois de plusieurs points de vente. Rolex France a également agréé certains grands magasins, tels les Galeries Lafayette, le Printemps Haussmann ou encore Le Bon marché, ainsi que des points de vente dans les aéroports. Le réseau de distributeurs Rolex France comprenait, au 28 octobre 2021, 66 revendeurs agréés, qui se répartissaient comme suit57 :
- 7 boutiques monomarques ;
- 59 boutiques multimarques dont :
o 38 « corners » [espaces réservés], situés chez des distributeurs disposant d’un point de vente classique dont deux murs sont dédiés à la présentation des produits Rolex ;
o 15 « displays » [présentoirs en vitrine], situés chez des distributeurs qui présentent, dans leur point vente, les montres Rolex dans une vitrine sans personnalisation particulière ;
o 6 « shop-in-shops » [espaces réservés délimités], situés chez des distributeurs dont le point de vente est situé à l’intérieur d’un espace commercial avec un espace, constitué de trois murs, dédié à la marque (aéroports, grands magasins).
c) Les critères de sélection des distributeurs agréés de la marque Rolex
53. Le « Contrat de distribution sélective Rolex » stipule en son préambule que « |l]a Société Rolex entend maintenir et promouvoir un niveau de qualité élevé et la renommée des Produits Rolex en se fondant sur des accords particuliers avec le commerce de détail ; elle désire assurer des conditions de vente et un service après-vente rationnels et indispensables compte tenu des impératifs économiques et techniques ; elle veut enfin garantir au consommateur final, par un choix approprié d’établissements, un conseil et un service optimaux »58.
54. Pour atteindre cet objectif, Rolex France impose à ses distributeurs de remplir des critères de nature qualitative relatifs au point de vente du revendeur, son personnel et son service après-vente. Ces critères sont détaillés aux articles I et II du contrat59. Il en ressort que :
- le distributeur doit disposer d’un établissement de vente physique auquel est accordé le droit de vendre les produits Rolex « à l’exclusion de tout autre lieu » (article I.1) ;
- l’établissement doit avoir pour activité principale « le commerce au détail d’articles d’horlogerie - bijouterie - joaillerie - orfèvrerie, ou d’un département isolé et exclusivement réservé à la vente d’articles d’horlogerie et de bijouterie de luxe » (article II.1) ; présenter un aspect extérieur et intérieur ainsi qu’un mobilier conformes au prestige des produits Rolex ; offrir des possibilités suffisantes d’exposition des produits Rolex ; utiliser une enseigne qui ne soit pas susceptible de nuire au prestige, à l’image et aux qualités des produits Rolex et être situé dans une zone de chalandise appropriée à la vente des produits de luxe (commerces environnants, fréquentation) (article II.2) ;
- le distributeur doit, en outre, disposer en permanence d’un personnel de vente qualifié en nombre suffisant, de bonne présentation et expérimenté dans le domaine de l’horlogerie, afin de conseiller utilement le consommateur sur les qualités techniques des produits Rolex lors de la vente ou à l’occasion du service après-vente et d’un personnel technique qualifié bénéficiant d’une formation confirmée d’horloger et capable de suivre la formation complémentaire et continue, exigée par les spécificités des produits Rolex ainsi que d’un atelier complètement équipé pour le service après-vente (article II.2).
55. Par ailleurs, Rolex France requiert de ses distributeurs agréés de s’approvisionner de manière régulière auprès d’elle afin de disposer en permanence d’un choix représentatif des collections Rolex, adapté en fonction des conditions locales de vente (article III.8) et d’exposer ces collections Rolex dans des conditions conformes à la réputation et au prestige de la marque, en prenant soin de ne créer aucun risque de confusion avec des produits concurrents (article V.2)60.
56. Enfin, les distributeurs agréés doivent promouvoir la vente des produits Rolex et s’abstenir de toute mesure ou action susceptible de nuire à la réputation et au prestige de ses produits, marques et signes distinctifs (article V.1). À cette fin, les distributeurs sont tenus d’utiliser, conformément à ses instructions, le matériel de démonstration et d’exposition que Rolex France leur confie (article V.3). De même, pour ses publicités, le distributeur agréé doit utiliser exclusivement le matériel publicitaire fourni par Rolex France, à moins d’obtenir une autorisation préalable écrite de cette dernière (article V.5)61.
57. M. X..., directeur général de Rolex France, a ainsi précisé lors de son audition : « Nos critères de sélection des distributeurs sont purement qualitatifs et nous avons procédé sur la base de ces mêmes critères dans le cadre de la rationalisation de notre réseau »62.
d) La restructuration du réseau et les contentieux intentés devant les juridictions judiciaires
58. À partir de 2006, Rolex France a entrepris de restructurer son réseau de distribution. Cela s’est traduit, en France, par une diminution du nombre de points de vente indépendants.
59. Le nombre de revendeurs agréés de montres de marque Rolex a, ainsi, significativement diminué entre 2010 et 2021 en passant de 114 à 66. Rolex France a ainsi procédé, au cours des dix dernières années, à plusieurs résiliations de contrat de distribution, lesquelles ont suscité un nombre important de contentieux devant les juridictions civiles63, au nombre desquels figurent ceux opposant Rolex France à l’une des saisissantes — la société Pellegrin & Fils.
60. M. X..., directeur général de Rolex France, a déclaré, sur ce point, lors de son audition : « Depuis fin 2015, il y a une réorganisation continue du réseau pour l’adapter à la situation économique et aux changements d’habitudes des consommateurs, aux lieux qui sont plus ou moins visités. Il y a une rationalisation économique. (…) Nous avons eu des sorties volontaires du réseau, des fermetures que nous avons initiées concernant des points de vente qui n’étaient pas au niveau des attentes des consommateurs ou dans des zones où la densité était trop forte (pas assez de clients). Nous n’avons pas fourni de justifications écrites. Les distributeurs étaient informés des attentes de Rolex en termes d’exigences relatives à des efforts qui seraient nécessaires pour être en conformité avec les exigences de présentation de la marque pour valoriser son image et ne s’y sont pas adaptées (baisse progressive de la prestation). Petit à petit, certains distributeurs n’ont plus rempli les critères qualitatifs attendus pour offrir à la vente les produits de marque Rolex »64.
2. LA POLITIQUE COMMERCIALE DE ROLEX FRANCE RELATIVE A LA REVENTE DE SES MONTRES SUR INTERNET
a) Les stipulations contractuelles
61. Dans les accords de distribution Rolex qui régissaient les relations entre Rolex France et ses distributeurs entre 1977 et 1999, l’article IV.2 stipulait qu’était « notamment interdite toute vente hors du magasin de vente par l’entreprise d’intermédiaires ou par correspondance » (soulignement ajouté)65.
62. L’article IV.3.b du « Contrat de distribution sélective Rolex »66 qui a remplacé le contrat ci-dessus à partir de mars 199967 stipule que :
« la vente des Produits Rolex est exclusivement réservée au consommateur final dans le point de vente indiqué à l’article 1.2.
Sont notamment interdites :
a) toute vente à des revendeurs non agréés, à des grossistes, à des centrales ou groupements d’achat;
b) toute vente hors de l'établissement de vente ou par correspondance ;
c) toute exportation, sauf dans un pays appartenant à l'Union Européenne ou à l’Association Européenne de Libre Echange, ou dans un pays européen ayant conclu un accord de libre- échange avec la Communauté Européenne » (soulignements ajoutés).
63. Les articles I.1 et I.2 précisent quant à eux que68 :
« 1. La Société Rolex accorde au Distributeur Agréé le droit de vendre les Produits Rolex, d’en assurer les prestations relatives à la garantie et le service après-vente.
2. Ce droit est concédé pour le seul établissement de vente situé : (…) à l'exclusion de tout autre lieu. Tout transfert de l’établissement de vente ou toute création d'un nouvel établissement de vente doit faire l’objet d'un nouvel agrément » (soulignement ajouté).
64. L’expression « vente par correspondance » n’est pas définie dans le contrat.
65. Le représentant de Rolex France auditionné dans le cadre de l’instruction a souligné que ce contrat était ancien et a ajouté : « nous n’avons pas modifié cette clause car nous ne sommes pas favorables à la vente par Internet mais nous ne l’avons pas formellement interdit »69.
66. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l’article IV.3.b interdisant « la vente par correspondance » est interprété par Rolex elle-même comme interdisant la vente des produits de la marque sur Internet. Ainsi, dans un courrier du 3 août 2006 adressé à la Bijouterie Pellegrin (Aix-en-Provence), Rolex France précisait : « nous vous confirmons qu’en aucune manière nos Distributeurs Agréés qui sont les seuls autorisés à vendre nos produits, ne peuvent le faire par Internet, pas plus que par correspondance. Toute vente sur Internet vient en contravention avec les dispositions de l’article IV.3.b du Contrat de Distribution Sélective souscrit par l’ensemble de nos Distributeurs agréés » (soulignements ajoutés)70.
b) Les déclarations des saisissantes relatives à l’interdiction faite par Rolex France à ses distributeurs de vendre en ligne ses produits
67. Les saisissantes soutiennent que les stipulations des clauses des contrats de distribution sélective de Rolex France citées aux paragraphes 61 et suivants ci-avant interdisent tout mode de commercialisation des produits Rolex ne requérant pas le déplacement physique du client, ce qui exclut a fortiori toute forme de commerce électronique71. Elles soulignent également que cette interdiction a été appliquée dans les faits, aucun distributeur agréé français ne vendant de montres Rolex en ligne72.
68. La société Pellegrin & Fils produit à cet égard un constat d’huissier dressé le 4 septembre 2015, qui constate que pour chacun des 76 points de vente distribuant les montres Rolex l’achat en ligne de montres Rolex est impossible73.
69. Selon cette société, il en est de même au jour de sa saisine74. Si certains distributeurs détenteurs d’un site internet y font apparaître la marque Rolex, l’achat en ligne n’est pas possible. En pratique, il ressort du constat d’huissier précité que les internautes étaient redirigés, par le biais d’un simple clic sur le logo de la marque, vers le site internet officiel de Rolex (également non marchand)75 et que la fiche de présentation des produits Rolex précisait que ceux-ci étaient « vendu[s] en boutique uniquement »76.
70. La société Pellegrin & Fils ajoute que début 2012, elle a souhaité créer un site de vente en ligne pour distribuer ses produits, y compris les montres. Le lancement de ce site, initialement prévu en octobre 201277, a été repoussé à fin 2013, compte tenu de la position de Rolex France s’agissant des ventes sur Internet. Dans le même temps, cette société a contacté oralement des représentants de Rolex France au printemps 2013 afin de leur faire part de son projet et envisageait de leur soumettre le 2 octobre 2013, lors d’une réunion prévue à Paris, « un document suffisamment abouti pour emporter la conviction »78. Cependant, lors de cette réunion, Rolex France lui a annoncé la résiliation de son contrat. Selon la société Pellegrin & Fils, le motif de cette résiliation serait directement lié à sa volonté de distribuer les montres Rolex en ligne.
71. De son côté, s’agissant de la vente en ligne des montres Rolex, l’UBH indique avoir adressé une lettre le 1er février 2013 au directeur général de Rolex France, à la suite de plaintes reçues des distributeurs, dans laquelle elle relève que « (…) la vente en ligne est implicitement interdite par l’article IV, 3, b » ; que « [c]ette clause doit être considérée comme trop restrictive », et demande « dès lors de la modifier afin que les distributeurs agréés puisse comprendre clairement qu’ils ont le droit de commercialiser [les montres Rolex] via leur site internet »79. Elle fournit également, dans ses observations au rapport, le compte rendu de la réunion de l’UBH (alors syndicat Saint-Eloi) du 26 mars 2013, lors de laquelle a été évoqué le développement des ventes en ligne80 ainsi qu’une attestation de Mme Y..., alors présidente déléguée du syndicat Saint-Eloi, détaillant la teneur d’une réunion de la « Commission marques » réunissant les revendeurs de montres de luxe qui s’est tenue le lendemain, 27 mars 2013, au cours de laquelle « la question d’internet était récurrente et a suscité un long débat », « lors de cette réunion Z… (…) avaient évoqué leur projet de création d’un site internet de très haut de gamme destiné à proposer à la vente à la fois les produits horlogers et les bijoux et créations joaillières. Ils étaient persuadés que le caractère qualitatif du site serait de nature à leur faire obtenir l’accord de Rolex, dans un contexte où la vente par internet semblait promise à un fort développement. Je savais qu’une réunion avec Rolex devait avoir lieu pour présenter ce projet mais j’ai appris plus tard que, plutôt que de l’autoriser, Rolex avait préféré rompre leur contrat de distributeur agréé vers la fin de 2013 »81.
c) Les déclarations des distributeurs agréés relatives à la vente en ligne des produits Rolex
72. Les déclarations des distributeurs agréés du réseau Rolex interrogés au cours de l’instruction sur les allégations des saisissantes relatives à l’interprétation des clauses du contrat de distribution sélective et à l’absence de commercialisation en ligne des montres de marque Rolex sont reproduites dans le tableau ci-dessous82 :
Tableau 1 : Déclarations des distributeurs interrogés relatives à la vente en ligne des produits Rolex
73. Il ressort de ces déclarations que l’ensemble des distributeurs agréés de la marque Rolex ayant répondu au questionnaire (soit 49 points de vente), ont indiqué ne pas effectuer de vente en ligne des montres de marque Rolex. Parmi eux :
- 25 ont indiqué que Rolex France interdisait la vente en ligne des montres de marque Rolex : un distributeur a, par exemple, précisé que « [l]es ventes sur notre site internet pour les montres Rolex ne sont pas autorisées. Notre site marchand ne peut pas proposer des montres Rolex à la vente »83 ;
- 20 ont indiqué ne pas commercialiser en ligne les montres de marque Rolex mais n’ont pas répondu aux questions posées par les services d’instruction concernant la politique commerciale de Rolex France vis-à-vis de la vente en ligne des montres de marque Rolex84 ;
- 4 ont indiqué avoir de leur propre initiative choisi de ne pas vendre en ligne les montres de marques Rolex (ou toute autre montre de même gamme) considérant ce canal inadapté à la vente de montres de luxe et parmi eux, un seul, Bucherer, a indiqué qu’il n’interprétait pas la clause contenue à l’article IV.3 du contrat de distribution sélective Rolex France qui interdit « toute vente hors de l’établissement de vente ou par correspondance » comme une restriction de sa capacité à vendre en ligne les produits Rolex, tout en spécifiant toutefois qu’il avait « choisi de ne pas vendre ses produits Rolex en ligne » (soulignement ajouté).
d) La stratégie numérique de Rolex France
74. Un document saisi dans les locaux de Rolex France, intitulé « Programme digital détaillants officiels Rolex »85, atteste que Rolex France travaille depuis 2017 à la conception d’une stratégie numérique visant à « augmenter la visibilité des distributeurs agréés sur les moteurs de recherche », « soutenir la fréquentation des points de vente des détaillants et leur apporter un trafic qualifié », « améliorer l’expérience d’achat des clients en leur offrant une expérience omnicanale ». Selon ce document, trois options digitales sont offertes aux détaillants :
1) Le « e-corner Rolex » [espaces internet réservés] développé et mis à jour par Rolex France, facilement mis en place par un simple « copier-coller » de code source fourni par Rolex France, offrant une « expérience complète et de grande qualité » mais qui implique pour le distributeur de positionner la bannière Rolex en première position sur la page d’accueil, que Rolex soit présente dans la barre de navigation sur le menu principal (« header »), et soit située en première position dans la liste des marques distribuées.
2) Le mini-site « bespoke » [sur-mesure] qui offre une expérience de navigation et un contenu similaire à celui du « e-corner » mais avec des possibilités de personnalisation par le détaillant plus étendues, tout en respectant les lignes directrices du fabricant. Pour ce faire, Rolex France fournit tous les éléments nécessaires à la construction des pages de la section Rolex (images, textes, spécifications techniques). Les détaillants peuvent personnaliser les contenus relatifs à leurs points de vente (textes, relations avec Rolex). Le mini-site nécessite une maintenance régulière à la charge du distributeur (habillage, contenus, pages modèles). Les pages modèles sont visibles par les moteurs de recherche, ce qui améliore le référencement naturel du détaillant pour les recherches associées à Rolex. Les détaillants supportent un budget et des ressources plus importants que pour le « e-corner ». Toutes les pages doivent être approuvées par Rolex France avant la mise en ligne. Des mises à jour régulières doivent être planifiées en amont86.
3) La solution hybride, mélange des deux premières solutions.
75. Quelle que soit l’option choisie, les détaillants doivent se conformer aux lignes directrices fournies par Rolex France87, qui en contrôle le respect88. Ni les lignes directrices, ni le document précité « Programme digital détaillants officiels Rolex », ne mentionnent la possibilité pour les détaillants de vendre les produits en ligne.
76. Le représentant de Rolex France a précisé « [qu’à] ce jour, la grande majorité de nos distributeurs sont équipés avec l’une des solutions que nous avons développées. L’objectif poursuivi est d’assurer une cohérence et une homogénéité dans la présentation de la marque et des produits et d’augmenter le trafic sur le site des distributeurs afin de les rendre plus visibles »89.
77. Les distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont souligné le caractère contraignant des exigences imposées par Rolex France et l’impossibilité, quelle que soit la solution retenue, de vendre en ligne les produits Rolex. Leurs déclarations sont retranscrites ci-après :
Tableau 2 : Déclarations des distributeurs interrogés relatives aux exigences de Rolex France sur les sites internet des détaillants
78. Par ailleurs, il ressort d’un document interne du 3 juillet 2017 intitulé « Rolex Official Retailer Digital Program – Implementation follow-up » que Rolex France, face à la réticence de certains distributeurs à l’égard de sa stratégie digitale, se montre vigilante et n’hésite pas à intervenir pour rappeler l’interdiction de vendre en ligne90 :
- Lepage : « Suite à l’envoi des guidelines pour la mise en ligne du nouvel e-corner, inquiétude quant à la place qui devra être donnée à Rolex sur son site internet. Ne peut pas se permettre de mettre Rolex en #1 car pas de vente online possible. Discussion prévue au cours de l’atelier digital du 14/11. À suivre de près » (soulignements ajoutés) ;
- Royal Quartz : « Veulent vendre en ligne montres Rolex mais refus de notre part » (soulignements ajoutés) ;
- Zegg & Cerlati : « « Sale » en rouge sur la nav bar à supprimer ».
79. De même, Rolex France demande, dans un courriel du 9 janvier 2018 à un distributeur, le groupe Galeries Lafayette Royal Quartz – Louis Pion, de supprimer les éléments faisant référence à de la vente en ligne : « Serait-il possible de retirer les éléments de réassurance e-commerce dans le footer [pied de page], juste après le texte de personnalisation ? Cela ne concerne pas Rolex, il n’est donc pas nécessaire de les mettre en avant »91 (soulignement ajouté) puis ajoute, dans un courriel du 12 janvier 2018, « Je prends note pour les éléments de réassurance, cependant l’icône « Retrait en magasin » sous-entend un achat en ligne. Aussi, nous préférerions que celle-ci ne soit pas visible »92 (soulignement ajouté) et, à nouveau, le 1er mars 2018 : « Dans le footer [pied de page] de votre site, il faudrait supprimer les éléments de réassurance « ecommerce » (cf screenshot [capture d’écran] ci-dessous) »93.
e)- Le contrôle de la politique de Rolex France via les visites de clients mystères
80. Dans un document interne intitulé « Digital mystery requests – August 2018 » [Demandes des clients mystères sous forme numérique – Août 2018]94, un cabinet mandaté par Rolex France pour opérer les vérifications souligne, dans les « points d’amélioration », « Remote sale [Vente à distance] : vente à distance ouvertement acceptée par 12 détaillants avec envoi sur territoire français ou européen ; paiement en ligne et pick-up in store accepté chez 2 détaillants »95. Le « Plan d’action » concluant le document précise dans les « Points d’amélioration » à « court terme » de « ne pas proposer de vente à distance afin de faire vivre une expérience d’achat Rolex en boutique »96.
81. Il ressort de ce document que Rolex France contrôle le respect de sa politique commerciale visant à interdire à ses distributeurs de vendre sur Internet via des visites de clients mystères.
f)- Les justifications apportées par Rolex France
82. M. X..., directeur général de Rolex France, a déclaré, lors de son audition le 15 octobre 2021, que la réticence de Rolex France vis-à-vis du commerce en ligne des montres de marque Rolex avait deux causes principales.
83. La première, et la plus importante, est liée à la contrefaçon des montres de marque Rolex :
« La contrefaçon est un fléau pour la marque Rolex qui est la première marque la plus contrefaite au monde et Internet en est le vecteur. (...) Les contrefaçons sont d’année en année de plus en plus sophistiquées. Par exemple à l’état neuf, on trouve des montres contrefaites de manière régulière sur Le Bon Coin, Catawiki, Chrono24, Chronext, Watchfinder. Les prix payés par les consommateurs sont très élevés et peuvent atteindre des dizaines de milliers d’euros car elles sont vendues comme neuves et authentiques (avec des faux écrins, carte de garantie et fausses factures de détaillants français). Même les distributeurs ont des difficultés pour les authentifier et doivent les démonter par leur horloger pour s’en assurer » (soulignement ajouté)97.
84. M. X... a également précisé : « Les enjeux auxquels nous faisons face sont propres à Rolex par leur ampleur, nos concurrents étant peu ou moins impactés par le phénomène. Nous n’avons pas trouvé à ce jour de solution qui nous permettrait de concilier la vente en ligne et la protection du consommateur, de notre marque et du détaillant. (…) En l’état actuel de la situation, ne pas vendre sur internet le protège de la contrefaçon »98.
85. La seconde est « la lutte contre les ventes hors réseau » : « Internet est le canal de choix du marché gris. Nos revendeurs officiels ne sont pas présents à notre connaissance sur des plateformes tierces. (…) À ma connaissance, le marché parallèle est alimenté par des revendeurs achetant en quantité auprès des points de vente agréés. Notre rôle de tête de réseau est de surveiller les ventes de plus d’une montre à la fois, car elles correspondent généralement à des situations suspectes. (…) C’est pour veiller à l’étanchéité du réseau que nous pouvons être amenés à solliciter des factures auprès des distributeurs » (soulignement ajouté)99.
86. Enfin, M. X... a relevé que Rolex France n’avait été que peu sollicitée par ses détaillants pour faire de la vente en ligne : « lorsque c’est arrivé, nous en avons parlé, nous avons à cette occasion fait valoir les arguments précédemment exposés selon lesquels cela va à l’encontre de l’intérêt du consommateur, de la marque et du détaillant au premier lieu desquels figurent les risques de contrefaçon. À date, aucun de nos distributeurs ne vend de montres Rolex en ligne »100. Il a souligné que la digitalisation de ses distributeurs avait été lente et que l’apparition de sites marchands était récente et avait été accélérée par la pandémie de coronavirus101.
g)- La vente en ligne par les autres fabricants de montres de luxe
87. L’UBH et les distributeurs interrogés ont fourni aux services d’instruction les contrats de distribution sélective de plusieurs autres marques de montres de luxe102.
88. Il ressort des déclarations des distributeurs retranscrites ci-après que ces contrats autorisent la distribution des montres en ligne en l’assortissant de conditions et de garanties visant à garantir un environnement qualitatif pour la vente des produits au regard de leur image de luxe.
Tableau 3 : Déclarations des distributeurs interrogés sur la possibilité de commercialiser en ligne des montres de luxe d’autres marques que Rolex
3.- LA POLITIQUE COMMERCIALE DE ROLEX FRANCE RELATIVE AUX PRIX DE REVENTE DES MONTRES DE MARQUE ROLEX
a)- Les prix d’achat des montres Rolex
89. Rolex France communique à ses distributeurs les « barèmes des prix unitaires HT distributeur » par courriel avant leur entrée en vigueur103. Ces prix peuvent varier plusieurs fois par an.
90. Les distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont indiqué ne pas bénéficier de remises, rabais ou ristournes sur les prix d’achat des montres de la marque Rolex.
91. Rolex France a fourni aux services d’instruction des données relatives à l’évolution en valeur des prix distributeurs HT pour la période 2010-2020 pour les quinze références les plus vendues en France (et plus précisément les quinze « Rolex Master Code » ou « RMC » incluant les choix de cadran et bracelet les plus vendus en France). Ces prix correspondent à une moyenne annuelle. En effet, s’il y a eu une variation de prix au cours de l’année, la première partie de l’année a été facturée avec le prix de l’année précédente et la seconde avec le nouveau prix104. L’évolution annuelle des prix facturés aux distributeurs en pourcentage ainsi que l’évolution de ces prix entre 2010 et 2020 (pour les modèles pour lesquelles les données étaient disponibles) est la suivante :
Tableau 4 : Évolution annuelle des prix d’achat HT entre 2010 et 2020 (en pourcentage) pour les quinze références Rolex les plus vendues en France
92. Il ressort de ce qui précède que les prix de vente aux distributeurs des modèles les plus vendus ont sensiblement augmenté (+47 % à 66 % selon les modèles) entre 2010 et 2020 et de manière non négligeable sur les modèles commercialisés sur une plus courte durée.
b)- La fixation des prix de détail et l’encadrement des promotions
1)- La communication des prix conseillés par Rolex France
93. Le contrat de distribution sélective Rolex précise, au point IV.1., que « [l]e Distributeur Agréé détermine librement le prix de vente des Produits ROLEX et celui du service après- vente, sans toutefois dépasser les prix maxima conseillés qui lui sont communiqués par la Société ROLEX. dans la mesure où cette exigence est compatible avec la législation nationale applicable »106.
94. Rolex France communique annuellement à ses distributeurs des prix de vente conseillés et a transmis aux services d’instruction le catalogue de « Prix indicatifs de vente maximum TTC » pour 2019-2020107.
95. Comme le montre, notamment, une facture du 16 décembre 2013 fournie par la société Pellegrin & Fils, qui fait apparaître à côté de la colonne « prix unitaire HT » (correspondant au prix d’achat des montres par le distributeur) une colonne « prix indicatif de vente maximum TTC » (correspondant au prix public conseillé)108, ces prix indicatifs de vente maximum TTC sont rappelés aux distributeurs sur les factures qui leur sont adressées.
96. Ces prix de vente maxima conseillés apparaissent également sur le site internet de Rolex sous chacune des références présentées. En cliquant sur le ⓘ situé à côté du prix apparaît un encart qui indique que « [t]ous les prix de vente sont conseillés par Rolex et comprennent la TVA. Les prix peuvent être modifiés à tout moment et sans préavis ». M. X..., directeur général de Rolex a confirmé, lors de son audition, que « [l]es prix conseillés des montres de marque Rolex sont disponibles sur le site internet de Rolex et celui des détaillants agréés s’ils le souhaitent, sauf certaines montres d’un prix particulièrement élevé dont les prix sont disponibles sur demande. Les disponibilités ne sont pas indiquées »109.
97. De plus, Rolex France fournit aux distributeurs qui souhaitent disposer d’un espace dédié à Rolex sur leur site internet différentes solutions (voir les paragraphes 74 et suivants ci-avant). Le directeur général de Rolex France a indiqué que « [d]ans le cadre de ces solutions, Rolex propose des « assets » [ressources] qui s’ils sont utilisés par les distributeurs doivent l’être en conformité avec les guidelines de qualité fournies par Rolex »110. Il a confirmé, lors de son audition111, que, comme le précise le document
« Programme digital détaillants officiels Rolex » dans les termes suivants : « Affichage des prix de vente officiels conseillés fournis par Genève dans la devise locale »112, ces « assets » incluaient tous les éléments nécessaires à la construction des pages de la section Rolex (images, textes, spécifications techniques) afin d’assurer une uniformité de présentation et de charte graphique113, ainsi que les prix de vente maxima conseillés. De son côté, le distributeur Longinus, en réponse à une demande écrite des services d’instruction, a indiqué :
« Nous n’avons pas la main sur l’espace Rolex. Ainsi les prix sont, lorsqu’ils sont présents, indiqués par Rolex même »114. Les prix maxima conseillés y figurent sous le visuel de chaque référence. En positionnant le curseur sur le ⓘ situé à côté du prix apparaît un encart qui indique : « Tous les prix de vente sont conseillés par Rolex et comprennent la TVA. Le prix des modèles sertis peut varier en fonction des fluctuations du marché. Rolex se réserve le droit de modifier les prix et modèles de ce site à tout moment »115.
98. Rolex France a fourni l’évolution des prix de vente conseillés TTC en euros pour la période 2010-2020 pour les 15 références les plus vendues en France (et plus précisément les 15 « Rolex Master Code » ou « RMC » incluant les choix de cadran et bracelet les plus vendus en France). Il s’agit du prix public conseillé catalogue et non d’une moyenne. Contrairement aux prix distributeurs, si dans l’année il y a eu une variation de prix, le prix public conseillé indiqué correspond au nouveau prix public conseillé116.
Tableau 5 : Évolution des prix de vente conseillés TTC sur les 15 références Rolex les plus vendues, sur les années disponibles
99. Il ressort de ces éléments que les prix publics conseillés ont augmenté de manière significative entre 2010 et 2020 et de manière non négligeable sur les modèles commercialisés sur une plus courte durée.
2)- L’encadrement des promotions et des remises
100. Tous les distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont indiqué qu’il n’y avait pas d’action promotionnelle sur les produits Rolex118.
101. M. X..., directeur général de Rolex France, interrogé sur les contraintes pesant sur les distributeurs des produits Rolex en matière d’actions promotionnelles, d’opérations commerciales, de campagnes publicitaires et de politique de communication portant sur les prix, a confirmé l’absence d’actions de cette nature. Il a précisé, sur ce point, que « [c]e ne sont pas des pratiques qui s’opèrent dans le luxe en général. Les campagnes publicitaires sont axées sur les valeurs de la marque, les innovations, le mécénat, le sponsoring sportif, la philanthropie, le service après-vente et pas sur le prix. Concernant les actions promotionnelles, pour reprendre ce que j’ai indiqué précédemment elles peuvent dégrader l’image de la marque et par conséquent nous n’y sommes pas particulièrement favorables. Nous ne communiquons pas sur le prix »119.
102. Par ailleurs, s’agissant des remises, la société Pellegrin & Fils allègue dans sa saisine que Rolex France communiquait verbalement à ses distributeurs des consignes sur les montants pouvant être accordés aux clients. Elle fait état, à cet égard, dans sa saisine, d’une réunion qui se serait tenue en mai 2008 au Sofitel Vieux Port à Marseille avec les cinq distributeurs agréés à Marseille, au cours de laquelle M. A..., ancien directeur général de Rolex France, leur aurait donné « la consigne de limiter les remises pratiquées comme suit : 0 % sur les montres professionnelles acier ; 10 % sur les montres classiques acier ; 15 % sur les montres bicolores ; 20 % sur les montres tout or »120.
103. Dans un courrier du 15 décembre 2010 adressée à Rolex France, la société Pellegrin & Fils fait référence à ces barèmes en ces termes : « Vous nous avez demandé que nous soyons exemplaires, en tant que corner ROLEX pour les remises à la clientèle, en nous situant en deçà de la grille de remises maximum que vous avez indiquée à l’ensemble du réseau de distribution »121 (soulignement ajouté).
104. Parmi les distributeurs interrogés, trois ont évoqué ces barèmes :
- Heurgon Joaillier indique ainsi : « Rolex nous avait fixé des barèmes de manière orale : 5 % acier, 10 % or et acier et 15 % produits tout or » ; « Il y a eu des remarques de la part de Rolex uniquement verbales : mise en place d'un barème de discount, et des convocations au siège France pour nous signaler qu'ils savaient eu écho que nous avions fait des remises sur certains de leurs produits. Pas de sanction directe, mais sous entendue »122 ;
- Verhoeven indique également : « En pratique, Rolex appliquait semble-t-il (jusqu'à ces trois dernières années) une "tolérance" vis-à-vis des remises : pas de remises sur les montres dites "professionnelles", jusqu'à 10-15 % maximum sur les montres autres (acier, acier et or) et 20 % maximum sur les or et joaillerie »123 ;
- Longinus/Rodelsperger indique quant à lui : « Nous pouvons faire une remise dans le cadre d’une négociation. Lorsque la demande était moins forte (<2018) nous étions parfois placés en concurrence avec d’autres confrères sur le prix. Quand la demande était moins forte et sur les modèles hors collection qui se vendent plus difficilement. A titre indicatif, jusqu’à 10 % sur des montres en acier, 15 % sur les montres or et acier et 18 % sur les modèles tout or. Jamais de remise sur des modèles professionnels »124.
105. Plusieurs distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont déclaré que Rolex France « ne voulait pas », « conseillait de ne pas » ou « déconseillait de » faire des remises pour des raisons liées à la « déontologie » de la maison Rolex ou encore à sa politique commerciale :
- Raynal : « La marge de manœuvre par rapport au prix conseillé est quasi nulle et les marges de manœuvre très faibles. Rolex ne veut pas que nous fassions de remises. Des remises ne peuvent être accordées qu'à titre très exceptionnel. Nous proposons toujours le prix de vente conseillé par Rolex. Des gestes commerciaux sont admis mais présentent un caractère exceptionnel. Quand c'est le cas, elles n'apparaissent pas sur les factures. Le montant n'est pas significatif »125 ;
- Bijouterie Nora : « Rolex nous conseille de ne pas pratiquer de remises commerciales (recommandations verbales) »126 ;
- Verhoeven : « Rolex diffuse, notamment via des catalogues de prix à destination des détaillants des prix publics conseillés qui sont en réalité des prix imposés »127 ;
- Dorise Joaillier : « Rolex nous déconseille d’en faire pour préserver notre image et accessoirement notre marge »128 ;
- Doux Joaillier (Avignon) : « Nous nous devons de suivre la déontologie de la maison Rolex. Rolex nous recommande l’application de prix publics conseillés. Nous ne proposons pas de remises. Gestes commerciaux demandés par les clients et accordés en fonctions de la concurrence. Depuis 2019 ces gestes commerciaux disparaissent car le marché Rolex est assaini »129 ;
- Ferret : « Nous avons la possibilité de faire un geste commercial sur les montres hors collection. Il peut y avoir de la négociation commerciale sur les autres modèles mais, en tout état de cause, la politique commerciale de Rolex concernant les remises est de s’approcher au maximum du niveau 0. Cela arrive de faire des remises sur des modèles hors collection comme proposé par la maison Rolex. Il n’y a pas de remise sur les modèles professionnels »130.
106. Le document interne de Rolex France intitulé « Rolex France Stratégie Commerciale 2006-2010 »131 fait apparaître que Rolex France a mis en place une politique visant à limiter le niveau des remises accordées par les détaillants, qu’il détaille sous le titre « Amélioration de la marge des détaillants ». Le fabricant y indique que « La remise est un problème récurrent qui mine la profitabilité de nos clients [distributeurs] » et que « Rolex France s’est engagé à améliorer la marge de ses distributeurs en engageant plusieurs actions : 1ère action : diminution globale du nombre de points de vente et notamment fermeture des principaux parallélistes et discounters du réseau ; 2ème action : programme de visites mystères »132 (soulignements ajoutés). Il est ensuite précisé que « Rolex France travaille depuis 2 ans avec une société spécialisée dans les enquêtes qualité (DMS) [Digital Mystery Shopping (« ci-après « DMS »)] », que « les négociateurs » envoyés chez les distributeurs sont chargés d’évaluer la qualité de l’accueil et « le niveau de remise maximum obtenue dans les magasins », qu’un « debrief [compte rendu] des résultats » est effectué avec les distributeurs et que les résultats de ces enquêtes ont des « conséquences sur les attributions de MSQ [montres sous quotas] »133 (soulignements ajoutés).
107. Enfin, un échange interne de courriels en octobre 2016 entre Rolex France et Rolex SA confirme que la politique commerciale du groupe était d’éviter les remises. En l’espèce, cet échange concernait un client (partenaire commercial) en contact avec Lepage, un distributeur agréé en France, pour l’achat d’une montre. Il relevait que Rolex Genève avait accordé une remise de 30 % via la filiale française alors que le distributeur ne pouvait concéder le même rabais. À ce propos, Rolex France indiquait « nous préférons en effet que (…) achète cette montre auprès de notre distributeur Lepage car il existe une relation amicale forte semble- t-il entre eux ; nous ne souhaitons donc pas interférer dans cette vente, d’autant plus que notre politique commerciale n’encourage pas les remises » (soulignement ajouté)134.
3)- La marge de manœuvre des distributeurs dans l’application des prix de vente conseillés par Rolex France
108. Les déclarations des distributeurs interrogés au cours de l’instruction au sujet de l’application des prix de vente conseillés par Rolex France sont retranscrites dans le tableau ci-dessous.
Tableau 6 : Déclarations des distributeurs interrogés sur l’application des prix de vente conseillés par Rolex France
109. Il ressort de ces déclarations que les distributeurs ont tous indiqué se conformer au prix de vente conseillé par Rolex France, à l’exception de deux d’entre eux (Maier Horloger et Printemps Haussman & Printemps Louvre) qui n’ont pas répondu spécifiquement à la question posée.
110. Les distributeurs ont également été interrogés sur la marge de manœuvre dont ils disposaient par rapport aux prix conseillés.
111. Une partie d’entre eux, dont les déclarations sont retranscrites dans le tableau ci-dessous, a déclaré disposer d’une marge de manœuvre totale dans leur politique tarifaire, d’avoir choisi d’appliquer les prix conseillés par Rolex France, de ne pas consentir de remises, sauf à de rares exceptions (anciens modèles, modèles particulièrement onéreux ou clients fidèles) et de ne pas subir de pression quelconque de la part de Rolex France. Selon ces revendeurs, l’absence de remises est justifiée à la fois par la circonstance que la demande est très forte, notamment ces dernières années, que le marché connaît une pénurie de montres de la marque Rolex et qu’ils ont besoin de préserver leurs marges.
Tableau 7 : Déclarations des distributeurs interrogés indiquant disposer d’une marge de manœuvre totale dans leur politique tarifaire par rapport aux prix conseillés par Rolex France
112. En revanche, d’autres distributeurs, parmi lesquels certains dont l’agrément avait été récemment retiré, ont déclaré soit que leur marge de manœuvre par rapport aux prix conseillés par Rolex France était quasi nulle dans la mesure où cette dernière leur interdisait de faire des remises, soit que Rolex France leur déconseillait d’en faire.
Tableau 8 : Déclarations des distributeurs interrogés indiquant disposer d’une marge de manœuvre nulle ou limitée dans leur politique tarifaire par rapport aux prix conseillés par Rolex France
113. M. X..., directeur général de Rolex France, interrogé sur ce point par les services d’instruction, a indiqué : « La politique de Rolex est non-interventionniste. Les détaillants sont libres de pratiquer les prix de leurs choix ». Il a ajouté : « Il nous arrive de discuter de ces aspects de prix avec nos distributeurs. Quand les prix sont très éloignés du prix conseillé, c’est un indicateur de risque pour nous vis-à-vis du détaillant. En effet, s’il pratique des prix trop bas ou trop haut, il peut y a voir un problème d’endettement ou de ventes parallèles. Cela concerne la santé du réseau et justifie pour nous de s’y intéresser ». Il a, enfin, précisé:
« Le prix dans le luxe fait partie de l’image de marque. Dégrader le prix dégrade l’image. Cela s’est vu avec Tiffany qui avait lancé une gamme plus abordable et a dû recentrer ses activités car cela avait dégradé son image « luxe » »137.
4)- Les mécanismes de surveillance
114. Selon les saisissantes, Rolex France aurait mis en place plusieurs mécanismes qui lui permettraient de surveiller les prix de vente auxquels ses produits étaient vendus par les distributeurs agréés, que ce soit par les remontées d’informations sur les ventes (a) ou les visites des points de vente par les représentants commerciaux de Rolex et les clients mystères (b).
a.- Les remontées d’informations sur les ventes
115. Selon la société Pellegrin & Fils, Rolex France contrôlerait le respect des prix de vente au détail pratiqués par ses distributeurs et le respect des barèmes de remises autorisées.
116. Rolex France utiliserait notamment les cartes de garantie comme moyen de vérification du suivi par les distributeurs de ses prix conseillés. Jusqu’en 2015, Rolex France demandait en effet à ses distributeurs de conserver pour chaque vente une copie de la carte de garantie dûment remplie, à laquelle était agrafée la facture correspondante, ce qui permettait aux commerciaux de Rolex France lors de leurs visites de vérifier facilement le respect par les distributeurs des prix conseillés.
117. Dans une lettre adressée à la société Pellegrin & Fils le 27 septembre 2010, Rolex France lui rappelle ces obligations en ces termes : « En dépit des termes de nos lettres circulaires des 9 février 2009 et 28 juin 2010, nous avons eu récemment à déplorer de nouveaux incidents concernant les cartes de garantie Rolex qui nous ont contraints à nous séparer de certains de nos distributeurs agréés. Une fois encore, nous vous rappelons que cette carte de garantie doit être scrupuleusement remplie au moyen d’un stylo ou d’un feutre indélébile, avec les trois informations obligatoires suivantes : le nom de l’acheteur, l’adresse de l’acheteur, la date de l’achat. En outre, pour lutter contre les fraudes, nous vous demandons : de garder une copie recto verso de la carte de garantie dûment remplie ; de conserver cette copie, attachée avec la facture correspondante, et de l’archiver soigneusement afin qu’elle puisse, le cas échéant, sur demande expresse, être consultable par un représentant de la maison Rolex. Le non-respect de ces dispositions sera donc de nature à remettre en cause nos relations contractuelles »138 (soulignement ajouté).
118. À partir de 2015, toujours selon la société Pellegrin & Fils, ce contrôle des prix et des remises pratiquées aurait été réalisé de manière plus « insidieuse »139 au travers du système d’activation des cartes de garantie et la mise en place d’un outil informatique permettant de faire remonter en temps réel les informations sur les ventes, notamment par la transmission en temps réel des niveaux de stocks des distributeurs.
119. À ce titre, le document « TC20 – Suivi du rapport d’audit de filiale : Rolex France SAS »140 de janvier 2011 détaille la stratégie mise en place pour contrôler la politique tarifaire des distributeurs, via les remontées d’informations sur les quantités vendues et les prix de vente pratiqués, la mise en place d’un logiciel visant à faciliter l’obtention de ces informations et les visites régulières de clients mystères et de commerciaux :
« L’obtention du sell out [ventes réelles aux clients finaux] et du niveau de stocks des distributeurs reste difficile en l’absence d’obligation pour le réseau de distribution de fournir de telles informations à Rolex (dans la mesure où il ne lui appartient pas). Les distributeurs communiquent généralement bien les quantités vendues, mais font preuve de davantage de réserve concernant les prix de vente. La mise en place de MY Rolex V2 devrait permettre d’améliorer la transmission de ces informations. Toutefois, il conviendra d’analyser la manière d’exploiter ces informations compte tenu des ressources disponibles. Des visites mystères sont organisées chaque année par la filiale avec l’aide de la société DMS. Elles permettent à Rolex France SAS de compléter ses connaissances du réseau de distribution, en plus des visites régulières des commerciaux. Selon nos entretiens avec la Direction, les visites mystères menées à Paris au printemps 2010, continuent de mettre en évidence la pratique d’importantes remises par certains distributeurs. En 2011, de nouvelles campagnes sont prévues à Paris et en région PACA, toujours avec l’aide de DMS (mais avec une nouvelle équipe à la demande de Rolex France SAS) »141 (soulignements ajoutés).
120. M. X..., directeur général de Rolex France, a déclaré sur ce point : « Nous avons une fois par an une remontée sur le chiffre d’affaires du détaillant généré par les produits Rolex pour s’assurer du suivi financier de la santé de nos partenaires. Les volumes et les stocks sont comptabilisés en temps réel au moyen de logiciels auxquels sont connectés les distributeurs via l’activation des cartes de garanties »142. Il précise à cet égard que : « l’activation des cartes de garantie se fait soit via l’application sur le téléphone soit en transmettant à Rolex des fichiers bruts extraits de leur système interne. Les informations transmises sont le numéro de série de la montre et la date de vente. Comme chaque numéro est unique cela nous permet de savoir quelle montre a été vendue par qui à quelle date. Une vente correspond à une sortie de stock et nos données sur les stocks du distributeur sont automatiquement ajustées. Les informations obtenues via les cartes de garantie sont utilisées à des fins de planification. Cela nous permet d’anticiper la production en temps réel »143.
121. Certains distributeurs, dont une des saisissantes, la société Pellegrin & Fils, indiquent que ces remontées d’informations permettraient à Rolex France de savoir si les distributeurs pratiquent des remises et le niveau de celles-ci. Longinus relève également qu’il transmet semestriellement son chiffre d'affaires issu de la vente des montres Rolex à Rolex France et que cette dernière peut aisément, en recoupant les données transmises par l’activation des cartes de garantie et les remontées semestrielles de chiffre d’affaires, savoir s’il consent des remises à ses clients144. D’autres, en revanche, affirment soit qu’il n’y a aucune remontée d’information sur les prix, soit qu’elles sont très exceptionnelles (par exemple, en cas de doutes sur l’origine de la montre vendue).
122. Les déclarations des distributeurs relatives aux remontées d’informations à Rolex France sont retranscrites dans le tableau ci-dessous :
Tableau 9 : Déclarations des distributeurs interrogés relatives aux remontées d’informations sur leur politique tarifaire à Rolex France
123. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Rolex France a une connaissance précise de l’activité de ses revendeurs indépendants, qu’il s’agisse des volumes de vente, qu’elle connaît en temps réel grâce aux logiciels utilisés par les revendeurs et aux informations sur chaque vente réalisée obtenues grâce à l’activation des cartes de garantie, ou du chiffre d’affaires réalisé avec la marque, communiqué à une fréquence variable selon les distributeurs (hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle, biannuelle ou annuelle).
b. Les visites de clients mystères et de représentants commerciaux
• Les documents internes de Rolex France relatifs aux visites de représentants commerciaux et des clients mystères
124. Il ressort de plusieurs documents internes que Rolex France surveillait les niveaux de remises via les visites régulières chez les distributeurs agréés de ses représentants commerciaux et les campagnes de visites de clients mystères.
125. Un document interne de Rolex intitulé « Rolex France Stratégie Commerciale 2006-2010 »145 fait apparaître que Rolex France a cherché à accroître la fréquence des visites réalisées chez ses distributeurs. Ce document précise que, jusqu’en 2007, cette fréquence était fixée sur un critère géographique à raison de 3 ou 4 visites par an quel que soit le chiffre d’affaires du distributeur mais que depuis 2008, les « clients [distributeurs] ont une fréquence de visites en fonction de leur CA : 3 niveaux de fréquence : 10, 6 et 4 visites par an »146. Rolex constate ainsi la « nette augmentation de la pression de Rolex chez les détaillants : 5,5 visites en moyenne par client en 2010 Vs 3,5 en 2007 »147 (soulignement ajouté).
126. S’agissant des visites de représentants commerciaux, ainsi qu’il a été constaté ci-avant (voir le paragraphe 116), Rolex France demandait à ses distributeurs jusqu’en 2015 de conserver pour chaque vente une copie de la carte de garantie dûment remplie à laquelle était agrafée la facture correspondante pour qu’elle puisse être mise à disposition des commerciaux de Rolex France lors de leurs visites, le non-respect de cette obligation pouvant entrainer la résiliation du contrat148. Les représentants commerciaux, ainsi qu’il ressort des documents détaillés ci-après, pouvaient ainsi vérifier les niveaux de remise consentis.
127. S’agissant des visites de clients mystères, ces prestations, réalisées soit par des salariés de Rolex France, soit par un prestataire externe, visaient notamment, ainsi qu’il est détaillé ci-après, à contrôler le niveau de remise consenti par le distributeur.
Documents de 2008
128. L’analyse des comptes rendus individuels des visites de clients mystères réalisées par un prestataire externe, DMS, pour le compte de Rolex France auprès des distributeurs en magasin en 2008, intitulés « Tableau de bord – Rolex 2008 » montre que la surveillance des remises pratiquées par les distributeurs et la vérification du respect par les distributeurs d’un barème des remises y occupent une place centrale149.
129. Ces différents rapports font mention d’une politique stricte de Rolex France sur les montants de remise accordés et des conséquences qui pourraient découler de son non-respect pour les distributeurs :
- Diamant Blanc : 11,27 % de remise : « La vendeuse m’a tout de suite dit qu’elle ne pouvait pas faire mieux que 3700 euros, que les prix étaient imposés par la marque mais qu’elle ferait cet effort pour moi, pour réaliser ce cadeau »150 (soulignement ajouté) ;
- Pellegrin Aix : 5 % de remise : « C’est alors qu’elle m’explique qu’elle n’a habituellement pas la possibilité d’accorder de réductions sur la prestigieuse marque Rolex et que si elle s’y hasardait, la boutique risquait de perdre sa concession. Une ultime fois je tente de convaincre la vendeuse de m’accorder une remise supplémentaire, me montrant fort intéressée et prête à acheter la montre immédiatement. Or, elle m’indique que ce n’est pas raisonnable mais que je peux toujours me rabattre sur un modèle Rolex inférieur »151 ;
- Pellegrin & Fils : 15 % de remise : « Lorsque je demande si le prix est ferme et définitif, le vendeur me répond : « bien sûr que non … » et me propose directement 15 % de remise en m’expliquant qu’il s’agit là de la possibilité maximale tolérée par Rolex. Il me précise que tous les concurrents feraient de toute façon la même remise. Lors de la deuxième relance, le vendeur reste inflexible et me renvoie à l’explication suivante :
« c’est la remise maximale tolérée par la Maison Rolex » et ajoute que s’il allait au- delà, il risquerait de faire perdre la concession à son entreprise »152 (soulignements ajoutés) ;
- Raynal : 9,95 % de remise : « Ayant réussi à obtenir un premier geste, je continue sur ma lancée en indiquant à la vendeuse que si elle m’accorde une remise encore plus importante, je suis prête à acheter immédiatement. Elle m’explique calmement alors que cela n’est vraiment pas possible d’aller au-delà, car le magasin risquerait de perdre la concession »153 ;
- Frojo : 3,96 % de remise : « mais le vendeur me répond que les prix des montres sont fixés par Rolex et qu’il ne peut rien faire de plus »154.
Documents de 2009
130. En 2009, des rapports de visites effectuées par des représentants commerciaux de Rolex France font état du contrôle des factures et de la vérification du respect des seuils de remises autorisés par type de montres par Rolex France. Concernant le distributeur Godechot & Pauliet par exemple, le rapport indique :
une visite du 10 avril 2009 : « Contrôle des factures = les remises sont comprises dans les normes, sauf quelques exceptions (or/acier 18 % max, or 24 % max). Depuis le début de l’année les remises sont moins importantes »155 (soulignement ajouté) ;
visite du 16 octobre 2009 : « Contrôle des factures =les seuils sont respectés sauf quelques cas sur des montres or/or »156 (soulignement ajouté).
Documents de 2010
131. Un document du 2 juin 2010 intitulé « Rolex – Programme qualité Revendeurs Officiels Paris Mars-Avril 2010 »157 synthétise les résultats des visites de clients mystères chez les distributeurs de Rolex France. Il cite, dans les objectifs visés, « Apprécier l’attitude des vendeurs lors d’une demande de remise pour l’achat d’une Rolex » et « Vérifier le taux de remise maximum proposé »158. Le document constate que dans 46 cas sur les 57 visites effectuées dans les 19 points de vente audités une remise est consentie. Le taux moyen des remises consenties est de 12,2 %. Le prestataire relève que plusieurs distributeurs opposent à des demandes de remises des arguments « sur la politique Rolex en matière de discount »159 :
- Anshido rue de la Paix : « J’indique être sûr de pouvoir bénéficier d’un meilleur prix ailleurs. Il me dit de le recontacter à ce moment et assure qu'il s'alignera sur cette meilleure offre à condition toutefois qu’elle reste dans les limites tolérées par Rolex. Je ne parviens pas à lui faire dire quelle est cette limite. « Revenez me voir, je m’alignerai » » ;
- Royal Quartz Rue Royale : « Je lui propose de prendre mes coordonnées téléphoniques pour que sa direction puisse à nouveau réfléchir. Je lui laisse jusqu’au mercredi suivant pour me contacter. 20 minutes plus tard, il m'appelle pour me dire qu'il maintient sa remise de 22 % mais qu’il pourrait m’avoir en mai, une Daytona. Il m'explique que Rolex est très vigilant sur les prix et qu’ils ont des inspecteurs, comme les impôts, qui vérifient leurs comptes. Si on ne respecte pas la règle, Rolex vous retire votre panneau » ;
- Royal Quartz Rue Royale : « Elle m’a expliqué que la politique de prix chez Rolex était draconienne, que la marque voulait préserver son image prestigieuse et ne pas brader ses montres. Elle a ajouté que 3 points de vente parisiens avaient été exclus de chez Rolex l’année dernière à cause de prix à la baisse intempestifs. Si elle m’accordait une telle remise, cela se retournerait contre elle et sa boutique ».
132. Le prestataire DMS précise dans sa synthèse que « le discours sur la politique stricte de Rolex est largement évoqué »160.
133. Par ailleurs, les rapports de visite de commerciaux Rolex France auprès des boutiques du groupe Galeries Lafayette, Royal Quartz et Louis Pion énumèrent les points contrôlés lors des visites, à savoir les cartes de garantie, les factures et l’adéquation des remises pratiquées par les distributeurs aux limites fixées par Rolex :
- Royal Quartz (janvier 2010) : « Contrôle des factures. Ok. Les écarts de prix restent dans les limites fixées (max 20 % sur or/or) »161 ;
- Royal Quartz (mars et avril 2010) : « la fréquentation est en hausse et les remises sont contenues (accroissement important du prix moyen en Rolex sur le 1er trimestre) »
« Contrôle des factures. Ok = les limites fixées sont respectées »162 ;
- Royal Quartz (mai 2010) : « Le prix moyen est en progression et traduit concrètement le pression exercée par Rolex sur le réseau pour tenir les remises »163 ;
- Royal Quartz (juin 2010) : « Contrôle des factures = toutes les cartes de garanties sont correctement remplies, les remises vont de 5 à 10 % sur l’acier, de 12 à 15 % sur les Rolex or »164 ;
- Royal Quartz (juillet 2010) : « Contrôle des factures = les remises effectuées sont en baisse et ne dépassent pas 10 % pour l’acier et 15 % pour l’or/acier »165 ;
- Royal Quartz (août 2010) : « Contrôle des factures. Ok. Les cartes de garantie sont correctement remplies et les consignes concernant les remises sont respectées »166 ;
- Royal Quartz (octobre 2010) : « Le classeur des garanties et des factures est tenu à jour (les remises pratiquées restent dans la tolérance acceptable »167 ;
- Royal Quartz (octobre 2010) : « C... doit réunir l’ensemble des vendeuses de la rue Royale pour évoquer les remises. L’objectif est d’expliquer la politique commerciale de Rolex et de Royal Quartz, de donner des arguments et des moyens pour que les objectifs soient rapidement atteints → un catalogue d’articles promotionnels est à expédier à l’attention de C.... Un rendez-vous avec C... et l’équipe de vente est prévu au mois de novembre pour donner des argumentaire de vente à l’équipe ».168
134. De même, le rapport de la visite effectuée chez Gaudechot & Pauliet précise « Contrôle des factures = les remises restent au niveau supérieur des maximums autorisés (20 % sur 116505 par exemple) »169 (soulignement ajouté).
Documents de 2011
135. Il ressort, tout d’abord, d’un diaporama PowerPoint d’avril 2011 intitulé « Rolex Programme Qualité Visites Revendeurs Officiels » établi par DMS que les vérifications opérées portaient exclusivement sur les remises. Trente-trois points de vente étaient visés et deux modèles, Oyster Datejust or et acier/or, étaient concernés. Le taux moyen des remises consenties était de 5,3 %, avec des remises qui, selon les distributeurs, allaient de 0 % à 20 % (remise de 0 % pour 44 % des visites, remise de 5 % et moins pour 14 % des visites, remise entre 6 % et 11 % pour 23 % des visites, remise entre 11 % et 20 % pour 20 % des visites)170.
136. Parmi les arguments avancés par les distributeurs pour refuser aux clients un pourcentage ou un montant de remise, le compte rendu cite les déclarations suivantes (sous l’intitulé « Ce n’est pas moi qui décide »)171 :
- Royal Quartz : « Rolex venait même contrôler les factures et demander à qui et combien de remises étaient faites » ;
- Casty Delphes : « Auparavant, pour faire plaisir à des clients, ils ont fait des remises, mais la maison Rolex leur a tapé sur les doigts et leur interdit maintenant toute remise. La vendeuse ne fait aucune ouverture et rejette sur Rolex l’impossibilité de faire des remises et que le geste qu’elle peut faire est pris en charge par la maison Casty et non par Rolex (…). Elle poursuit en indiquant que Rolex ne propose pas de remise à ses distributeurs en France (…) » ;
- Wempe : « Ils doivent respecter la politique commerciale de Rolex, car ils ne peuvent se passer de la marque Rolex. Et si la maison Wempé existe depuis 200 ans, c’est qu’elle respecte ses clients et ses fournisseurs ».
137. Le même compte rendu transcrit également les résultats de vérifications faites par téléphone auprès de 18 revendeurs et indique que dans 25 % des cas le vendeur a accepté un geste commercial.
138. Parmi les arguments avancés par les distributeurs pour refuser aux clients un pourcentage ou un montant de remise, le compte rendu cite notamment les déclarations suivantes :
- Heurgon : « elle m’indique que Rolex ne pratique pas de remises importantes. Lorsque j’insiste la vendeuse m’explique qu’elle a des consignes à respecter » ;
- Rolex Rennes : « Il me dit qu’il peut s’aligner mais qu’il ne descendra pas plus bas en précisant qu’ils sont contrôlés par la marque et qu’il ne peut vraiment pas faire davantage » ;
- Les Montres Bonaparte : « la vendeuse accepte de me proposer une remise en se la faisant confirmer par un collègue. Elle ajoute que normalement Rolex ne fait pas de remise » ;
- Anshindo : « Comme j’insiste, elle m’indique qu’elle ne peut absolument pas faire plus car Rolex a pris des mesures « dramatiques ». Je m’étonne et lui demande « dramatiques ou drastique ? » Elle me répond : “dramatiques pour nous et drastiques pour eux”. J’insiste encore et la vendeuse m’explique qu’elle aimerait beaucoup mais qu’elle ne peut absolument rien faire de plus : “comprenez-nous, nous aimerions garder Rolex dans nos murs” »;
- Anshindo : « Elle a consenti 5 % de remise, précisant qu’elle ne pouvait faire plus, la politique de Rolex étant très rigoureuse en la matière » ;
- Les Montres Rue de Passy : « la vendeuse me répond que malheureusement sur Rolex, la politique de la maison mère interdit toutes remises mais que effectivement sur d’autres marques c’est possible. Il s’agit d’une politique récente qui date de moins de 6 mois. Le marché asiatique étant en fort développement, il y a une pénurie de montres Rolex. Par conséquent la maison Rolex a décidé de fermer en France 13 points de vente. Ils doivent suivre scrupuleusement la ligne de Rolex » ;
- Casty Delphes : « Il m’indique que la marque Rolex interdit toute remise et mène une politique commerciale très stricte au niveau de la tarification. Il poursuit en m’expliquant que Rolex attribue à chaque revendeur officiel un nombre de montres limité, une quantité fixe pour l’année » ;
- Royal Quartz : « Elle me précise que Rolex est très vigilant et contrôle la bonne application des tarifs par ses revendeurs. Elle ajoute que la marque lui délivre très peu de montres et que pour un modèle disponible, elle a parfois dix clients en attente. Elle m’explique que plus un revendeur respecte les tarifs et les contraintes imposées par Rolex, et mieux il sera servi l’année suivante ».
139. Par ailleurs, l’analyse des comptes rendus individuels des visites de clients mystères réalisées par DMS pour le compte de Rolex France en magasin et par téléphone, entre mars et mai 2011, montre que les remises pratiquées y occupent une place centrale.
140. Les réponses des distributeurs à une négociation sur le prix y sont retranscrites :
- Roedelsperger : remise de 10,6 % : « (…) Il confirme avoir fait vraiment sa meilleure offre possible dès le départ, indiquant simplement qu’il veut bien arrondir à 6800 euros mais qu’il ne peut aller plus loin. Il revient longuement sur l’exclusivité de la marque, sur la politique de prix très stricte imposée par la marque à ses revendeurs pour assurer le prestige de la marque. Il insiste sur le fait que c’est une chance pour chaque revendeur de pouvoir distribuer cette marque prestigieuse et qu’à ce titre il se doit de respecter la politique de la marque »172 (soulignements ajoutés) ;
- Longinus (visite 2) : 0 % de remise : « La vendeuse ne m’a fait aucune proposition de remise ou de service. Elle a indiqué que le fabricant n’autorisait pas de remise et que certains modèles étaient très difficiles à obtenir, qu’il y avait des listes d’attentes. Elle a ajouté que si je désirais un modèle qu’ils n’avaient pas en stock, le délai pouvait être de plusieurs mois. J’ai alors indiqué qu’ils n’avaient pas l’exclusivité et que d’autres revendeurs seraient peut-être plus ouverts à la négociation. J’ai insisté en disant qu’une amie avait déjà négocié un prix pour une Rolex, que je voulais seulement savoir si je pouvais compter sur un ordre de remise de 5, 10 ou 15 %. J’ai proposé 10 %, et la seconde vendeuse ne m’a pas contredit mais a indiqué que comme je n’étais pas certain du modèle elle ne pouvait rien dire mais que si j’étais fixé sur un modèle en stock, une remise serait possible. Quand j’ai voulu écrire « 10 % » sur la carte, elle m’a interdit de le noter »173 (soulignements ajoutés) ;
- Longinus (appel 2) : 10 % de remise : « Concernant la remise, elle me dit qu’elle est possible et qu’elle se fera en fonction du modèle choisi. Elle ajoute que la négociation se fera directement à la bijouterie. Je lui annonce un pourcentage de 5 % et elle me dit que cette remise est envisageable. Au final, la remise maximum sera de 10 %. En revanche elle ne m’annonce que des pourcentages de remise, elle ne donne à aucun moment le prix remisé de la montre » 174 (soulignement ajouté) ;
- Jacquot : 13 % de remise : « Devant mon insistance elle me dit que la remise pourrait être de 12 %. Puis lors de ma dernière relance elle augmente le taux de remise en me disant qu’il pourrait se situer entre 12 et 13 %. Avant de raccrocher elle me demande également mon nom de famille. Elle n’annonce pas le tarif remisé de la montre, elle ne parle qu’en pourcentage de remise »175 (soulignement ajouté) ;
- Zegg & Cerlati Casino (visite 1) : remise de 8,4 % : « Son collègue intervient alors pour m’expliquer que la politique de la marque est en train de changer, que Rolex est intransigeant sur les prix pratiqués par les revendeurs, et que de nombreux revendeurs ont déjà perdu la marque à cause des remises trop importantes accordées »176 (soulignement ajouté) ;
- Zegg & Cerlati Casino (visite 2) : remise de 6 % : « Lorsque je lui parle d’une remise, la vendeuse me répond immédiatement favorablement. Elle ajoute toutefois que son geste ne peut être important car la marque l’interdit »177 (soulignement ajouté).
Documents de 2015
141. Des rapports des clients mystères font apparaître l’existence de vérifications sur les prix pratiqués par ses distributeurs en 2015178.
142. M. X..., directeur général de Rolex France indique à cet égard que « c’est une société extérieure mandatée par Rolex SA qui effectue ces vérifications et rédige les rapports sur la base d’un modèle de rapport utilisé dans le monde entier mais dont toutes les sections ne sont pas pertinentes pour l’ensemble des pays et qui sont donc adaptées selon les besoins de chaque société sœur pour son marché. Cette section « prix » n’a pas fait l’objet de vérification et de rapport »179.
Documents de 2017
143. Rolex France a procédé à une autre campagne de clients mystères appelée « POS Experience 2017 » auprès des distributeurs agréés.
144. À titre d’exemple, le rapport sur la Bijouterie Hardy souligne dans la partie « F/ General observations » : « Le deuxième moment que j'ai fortement apprécié lors de cette visite a été lorsque j'ai interrogé la vendeuse sur la remise de prix. Elle n’a pas semblé fermée ou désagréable, et j'ai apprécié la remise pertinente qu'elle a pu obtenir après avoir consulté son responsable »180.
145. Il convient à cet égard de relever que, dans le sommaire du rapport, la section « F/ General observations » n’est pas précédée d’une section E mais d’une section « D/ Product and brand arguments » et que la page 9 entre la section D et F du rapport est vide. La section E contient vraisemblablement la partie prix, délibérément occultée, du rapport. De même, dans la partie du rapport relative au score obtenu par le distributeur, il est précisé que 6 sections ont été notées : or, les notes n’apparaissent que pour 5 sections :
« A/Sales environment : Total points : […]/80
B/ Sales staff : Total points : […]/90
C/ Sales process : Total points : […]/204
D/ Product and Brand argument : Total points : […]/126 F/ General observations : Total points : […]/20
Total : […]/660 »
146. La partie E occultée était notée sur 140 et compte pour 21 % du score final obtenu. Le même constat peut être fait sur chaque rapport de visite saisi181.
Documents de 2018
147. Rolex France a, en outre, procédé à une campagne digitale de visites de clients mystères auprès de ses distributeurs en 2018.
148. Cette campagne, appelée « POS Digital Experience 2018 », concernait les visites de clients mystères auprès de distributeurs agréés effectuées par voie électronique. Plusieurs scenarii de vente étaient testés auprès des revendeurs. Le scénario n° 1 impliquait notamment en fin de vente de demander le prix et de demander à bénéficier d’un rabais182. Le document précise que les réponses ont été traitées en interne par Rolex à Genève, que les rapports ont également été faits en interne et qu’une copie des documents est destinée à Rolex France et adressée à M. A... et M. X...183.
149. Un document intitulé « Digital mystery requests – August 2018 » contient, en annexe, un tableau où sont notamment résumées les réponses des distributeurs à la négociation sur le prix effectuée par voie digitale par le client mystère. Il ressort de ce document que sur les 33 distributeurs interrogés, un seul, la Joaillerie Hardy, a proposé une remise dont le montant était de 8 % du prix, mention qui a été reportée dans la colonne « key note » [point clé]184.
150. Dans un email du 11 décembre 2018 adressé par Rolex SA à Rolex France, il est notamment indiqué dans les commentaires sur les résultats des visites effectuées : « Voici une liste résumée des points discutés : §Le POS Joaillerie Hardy a pratiqué 8 % de rabais mais affirme ne pas avoir accepté ce rabais (lors d’une convocation à la filiale). Rolex France sollicite que les visites soient refaites pour ce POS, donc cela sera demandé à l’agence partenaire de l’étude »185.
• Les déclarations de Rolex France concernant les vérifications opérées par ses représentants commerciaux et lors des visites de clients mystères
151. M. X... a déclaré, s’agissant des visites des représentants commerciaux de Rolex France chez les distributeurs que leur « fréquence dépend beaucoup de l’importance et la proximité du point de vente. Au minimum deux fois par an. Le représentant regarde l’état général du point de vente, l’organisation de la vitrine et la manière dont le stock est présenté. Il fait un point sur l’état du stock, les besoins en réassort (montres, accessoires, plateaux), le point sur les commandes en cours, discute des besoins de formation. Il vérifie la cohérence entre le stock théorique et le stock réel. Il vérifie la présence d’autres marques sur le point de vente »186.
152. Quant aux visites de clients mystères, il a précisé qu’elles n’étaient pas réalisées de « façon régulière », « à intervalle fixe ». Il a ajouté « avoir connu au cours des six dernières années deux vagues de visites physiques et plusieurs vagues de visites virtuelles par email ou occasionnellement par téléphone ». Il a, enfin, déclaré que « Le client mystère vérifie la tenue du point de vente, la qualité de l’accueil, la qualité du discours technique et la connaissance historique de la marque et des modèles et la capacité à vendre le produit, à avoir un discours convaincant et le cérémonial de sortie. Il est possible que par le passé en fin de discours, se comportant comme un véritable client, il demande le prix et la possibilité d’une remise. Cependant, cela n’apparaît pas dans les rapports dont j’ai pu prendre connaissance depuis 2015. L’enquêteur rédige systématiquement un rapport qui nous est remis et qui est anonymisé par rapport aux personnes rencontrées. Nous communiquons le rapport sur demande. Nous en discutons avec les distributeurs car cela nous aide à améliorer notre formation et à l’adapter. Sur le nombre de rapports, je ne peux pas exclure qu’un enquêteur ait relaté ou fait mention du comportement d’un vendeur relatif à des remises présentées de manière atypique ou saugrenue »187.
• Les déclarations des distributeurs à l’égard des visites de représentants commerciaux et de clients mystères
153. Les distributeurs ont déclaré recevoir une à deux fois par an la visite d’un représentant commercial de Rolex France et avoir connaissance des visites régulières de clients mystères188.
154. Certains distributeurs ont mentionné que la visite du client mystère se terminait systématiquement par la demande d'une remise sur le produit sollicité :
- Verhoeven relève à cet égard qu’elle « reçoit la visite de clients chargés de vérifier les conditions de mise en avant de la marque Rolex au sein du point de vente et l'argumentaire de vente. En particulier, il est vérifié si dans le cadre d'une demande spécifique les produits Rolex sont proposés en priorité. La visite du client mystère se termine systématiquement par la demande d'une remise sur le produit sollicité ». Elle ajoute qu’« Il est notoire que Rolex surveille les marges de ses détaillants. Les visites de clients mystères ont notamment pour objectif de vérifier le montant des remises accordées outre la qualité du point de vente et du personnel »189 (soulignement ajouté) ;
- Longinus précise également que « lors des visites, les clients mystères tentaient de négocier les prix pour évaluer les réponses apportées, que le compte-rendu était gardé par Rolex et [n’]était pas communiqué ». Ce distributeur ajoute se rappeler une visite quelques années auparavant où le commercial lui avait fait part de sa satisfaction sur la manière dont il avait répondu à l'offre de négociation du client mystère en éludant de manière adroite la discussion sur le prix190 ;
- Ferret déclare que « [l]es visites mystères (…) ont pour but de permettre aux marques de tester notre qualité d’accueil, la connaissance du produit par les équipes de vente, la bonne tenue des lieux de vente, les services proposés aux clients et la remise éventuelle accordée sur les produits. Suite à cette visite un débriefing est organisé avec le commercial de la marque et la direction afin de pouvoir améliorer certains points si nécessaire »191 (soulignement ajouté) ;
- Guilhem & fils mentionne également que le client mystère opère une « [v]érification des vitrines, appréciation de l’accueil, de la présentation des pièces avec connaissance des produits, test si remises ou pas »192.
5) Les leviers potentiels de Rolex France à l’égard de ses distributeurs
a. L’allocation des quantités par Rolex
155. Le document interne précité de Rolex France intitulé « Rolex France Stratégie Commerciale 2006-2010 »193 expose que Rolex France a notamment :
- mis en place, en 2006, un nouveau mode de calcul des demandes de livraison, qui n’est plus fondé uniquement sur le portefeuille de commandes du distributeur mais également sur l’historique des ventes, et qui demande au distributeur d’avoir « en permanence un stock représentant au minimum 1/3 de ses ventes annuelles en volume, avec un seuil minimum de 50 montres »194, et ;
- réparti ses clients en sept catégories en fonction de leur nature (boutique, corner, autres) et du niveau de leur chiffre d’affaires, avec pour chaque catégorie une préconisation de stock de base (modèles/références) mis à jour annuellement ainsi que l’attribution d’une quantité annuelle de montres sous quota. Le document précise à cet égard que « les montres sous quotas sont une monnaie d’échange pour stimuler la performance des clients et orienter leur politique commerciale » et que Rolex France donne « une indication en début d’année sur le nombre de montres sous quota que chaque client [distributeur] devrait recevoir en fonction 1) de son CA de l’année écoulée ; 2) du respect des règles de la politique commerciale communiquée de Rolex France » (soulignements ajoutés)195. Un relevé hebdomadaire des ventes est fourni par le point de vente et le réassort est automatique.
156. Le relevé hebdomadaire des ventes fourni par le distributeur a été remplacé en 2017 par une comptabilisation en temps réel des ventes et un réassort automatique au moyen de logiciels auxquels sont connectés les distributeurs via l’activation des cartes de garantie196.
157. M. X..., directeur général de Rolex France, précise à cet égard : « Avoir plus de clients que de produits est le souhait de toute marque mais il n’y a pas de volonté délibérée de restreindre la production. En règle générale, les volumes augmentent légèrement chaque année. En fonction des volumes que nous recevons nous-même de la Suisse, pour tout ce qui est pièces à forte demande pour lesquelles nous n’avons pas assez de produits pour répondre à la demande, nous décidons d’une répartition sur l’ensemble de nos points de vente et depuis l’avènement de la plateforme, nous communiquons à l’avance à nos détaillants ce que nous pensons être en mesure de leur livrer pour l’année qui vient. Nos distributeurs ont plus de visibilité maintenant car nous en avons nous-même plus grâce à l’introduction de ces outils. Nos volumes de vente aux détaillants dépendent intégralement de la capacité de production du site de fabrication en suisse »197.
158. Les distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont tous déclaré faire face à une demande supérieure à l’offre et à de longs délais d’attente pour obtenir les modèles désirés. Certains ont souligné que dès lors que Rolex France se réservait le droit de sélectionner les pièces livrées en fonction des points de vente, les distributeurs avaient intérêt à se comporter de manière exemplaire à son égard afin que leur « quota de base » soit maintenu d’une année sur l’autre et que leurs demandes de réassort puissent avoir une chance d’être satisfaites.
159. Selon Verhoeven, « [l]a politique de raréfaction des produits initiée par Rolex depuis 2017 ainsi que le mode de commande et de livraison Rolex ont semble-t-il abouti à la disparation des remises pratiquées par les membres du réseau »198.
160. Les déclarations des distributeurs relatives à la politique d’allocation des quantités de Rolex France sont retranscrites dans le tableau ci-dessous :
Tableau 10 : Déclarations des distributeurs interrogés sur la politique d’allocation des quantités par Rolex France
b. La restructuration du réseau
161. Ainsi qu’il a été exposé ci-avant (paragraphes 58 à 60), le réseau Rolex est passé de 114 à 66 distributeurs en l’espace de 10 ans.
162. Le document interne précité « Rolex France Stratégie Commerciale 2006-2010 »199 atteste également que Rolex France a commencé à ajuster la taille de son réseau en diminuant significativement le nombre de distributeurs agréés à partir de 2006. Il comptabilise ainsi 51 fermetures et 8 ouvertures entre 2006 et 2010, soit une diminution d’un tiers des points de vente200.
163. Ce document mentionne ainsi que « [l]a remise est un problème récurrent qui mine la profitabilité de nos clients [distributeurs] » et que « Rolex France s’est engagé à améliorer la marge de ses distributeurs en engageant plusieurs actions : 1ère action : diminution globale du nombre de points de vente et notamment fermeture des principaux parallélistes et discounters du réseau ; 2ème action : programme de visites mystères »201 (soulignements ajoutés).
164. L’un des distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction, Doux Joaillier, a opéré le constat suivant : « Depuis 2019 ces gestes commerciaux disparaissent car le marché Rolex est assaini (…) Marché plus concurrentiel avant (plus de point de vente), concurrence plus présente en Andorre et en Espagne. Depuis un an, marché plus sain et application d’une politique de cadeaux client et non de gestes commerciaux du type remise »202.
165. Par ailleurs, le document intitulé « Internal Controls System Risk / Control Matrix » du 22 septembre 2017 indique que « La coopération des acteurs de la filiale et la taille limitée du réseau permettent de vigiler les distributeurs au quotidien et d’être réactif en cas d’incident identifié »203 (soulignement ajouté).
166. En outre, un autre document, intitulé « TC20 – Suivi du rapport d’audit de filiale : Rolex France SAS »204, du 18 janvier 2011, constate que « Rolex France SAS poursuit sa stratégie commerciale initiée depuis quatre ans, qui vise à rationaliser le nombre de points de vente du réseau de distribution, avec 101 points de vente à fin 2010. Une dizaine de points de vente devrait encore être fermée en 2011. La région parisienne compte désormais 22 points de vente contre 27 auparavant. L’objectif est d’atteindre un total de 80 points de vente (environ). (…) Le chiffre d’affaires de Rolex France SAS a atteint un niveau record en 2010. Il est en progression de 33 % en valeur et 30 % en nombre de pièces par rapport à 2009 et 25 % par rapport au budget. Selon nos entretiens, cet accroissement est le résultat d’une forte progression des ventes de l’ensemble des distributeurs en 2010 (avec des niveaux de stocks en adéquation avec leur niveau d’activité) et de l’ouverture de nouveaux points de vente dans les grands magasins (…). Ainsi, Rolex reste le leader dans l’horlogerie en France et sur le segment des montres de plus de 3 000 € (…) »205.
c. L’importance de la marque Rolex pour les distributeurs
• Les niveaux de marge des distributeurs en diminution
167. Plusieurs distributeurs ont souligné la corrélation entre la disparition des remises et la diminution des marges résultant de la politique tarifaire de Rolex France :
« La politique tarifaire de Rolex consistant à réduire les marges distributeurs depuis 1995 a conduit la société Verhoeven à limiter ou réduire le montant des remises accordées aux clients afin de préserver sa marge »206. Le distributeur ajoute: « la politique tarifaire de Rolex a consisté à augmenter le prix d'achat de ses produits à l'égard de l'ensemble des détaillants, sans augmenter toutefois les prix de vente conseillés à ses détaillants. Cette pratique a pour effet de compresser les marges des détaillants, et notamment la société Verhoeven, et de les contraindre à appliquer a minima les prix de vente conseillés et limiter les remises consenties aux clients finaux afin de préserver leur marge commerciale. La société VERHOEVEN a ainsi toujours affiché le prix de vente conseillé par Rolex. A titre d'exemple, en 1995, la société VERHOEVEN a constaté une augmentation du prix d'achat des produits Rolex mais sans augmentation corrélée du prix de vente conseillé aboutissant à une réduction de sa marge. Lors d'un entretien téléphonique, [...] Monsieur (...) B… (alors directeur commercial de Rolex) a déclaré que « cette réduction limitera les discounts que vous seriez amenés à pratiquer » » 207 (Verhoeven) ;
« Précisons que dans le même temps notre marge sur les produits Rolex a encore diminué (pv conseillé) »208 et est « mince concernant les produits Rolex de par leur faible marge (par rapport aux prix de vente conseillés) et leur forte demande » (Longinus, Roedelsperger)209.
168. Ces éléments sont, en partie, corroborés par les informations sur les prix de vente aux distributeurs et les prix publics conseillés des 15 références les plus vendues par Rolex de 2010 à 2020 transmises par Rolex France (voir ci-avant, Tableau 5, p. 40), qui ont permis aux services d’instruction de calculer le taux de marge moyen des distributeurs pour chaque année et chaque référence. Le tableau ci-après précise l’évolution des prix de vente conseillés, des prix d’achat des distributeurs et du taux de marge brute des distributeurs entre 2010 et 2020 pour les sept modèles dont les données disponibles couvraient la période :
Tableau 11 : Évolution des prix de vente conseillés, des prix d’achat et du taux de marge brute entre 2010 et 2020 pour sept modèles
169. Ces tableaux font apparaître qu’au cours des dix dernières années les prix de vente HT aux distributeurs ont augmenté plus rapidement que les prix publics de vente conseillés TTC, si bien que le taux de marge brute des distributeurs a diminué.
170. Longinus a précisé sur ce point que la marge sur les montres Rolex était bien moindre que celle pouvant être réalisée sur les autres montres et que son niveau avait diminué au cours des dernières années. Tout en précisant qu’il était libre de déterminer ses prix de vente au détail, il a souligné avoir toujours appliqué les prix de vente conseillés par Rolex France, l’absence de remises résultant de la nécessité de maintenir sa marge pour couvrir le montant des investissements nécessaires à la présentation des produits de la marque. Il a ajouté qu’ayant toujours été exemplaire sur le respect des prix conseillés, il n’a jamais eu de remarques de Rolex France concernant les prix ou remises212.
• L’importance de la marque Rolex pour ses distributeurs
171. Les saisissantes font valoir qu’en dépit de l’obligation contractuelle de proposer à la vente un panel de montres de luxe autres que des montres Rolex incombant aux distributeurs agréés, ces derniers réalisent la grande majorité de leur chiffre d’affaires avec cette marque213.
172. Pellegrin & Fils réalisait ainsi en 2014 avec la marque Rolex 65 % du chiffre d’affaires horlogerie (tous magasins confondus) et 44 % du chiffre d’affaires total (bijouterie et horlogerie) de son principal point de vente214.
173. Le tableau ci-dessous traduit la part des ventes de montres de la marque Rolex dans le chiffre d’affaires des distributeurs agréés interrogés dans le cadre de l’instruction :
Tableau 12 : Part des ventes de montres de la marque Rolex dans le chiffre d’affaires des distributeurs agréés en 2010, 2015 et 2019
174. Il ressort de ces éléments que cette part n’a cessé d’augmenter au cours des dix dernières années, pour atteindre en moyenne 50 % en 2019.
175. Enfin, l’espace dédié à la marque par les distributeurs reflète cette évolution. Comme l’indique Longinus : « La maison Rolex a toujours réclamé le meilleur emplacement en vitrine extérieur et intérieur du point de vente. L’emprise de Rolex sur l’activité commerciale d’un point de vente multimarques est telle que la majorité du temps passé lui est dédié. Avoir un atelier d’horlogerie avec un horloger formé, des machines spécifiques pour intervenir en service après-vente sur les montres. De plus cet atelier doit répondre à certains standards : éclairage, établi spécifique, machine à polir dans une autre pièce. Lorsqu'un modèle vendu fait défaut sous garantie, notre horloger intervient sans qu’il n’y ait une participation de la maison Rolex. Nous sommes tenus de respecter certains délais d'intervention. Le prix des interventions est fixé par Rolex. Nous ne faisons pas de marge sur une révision Rolex. Nous fournissons des statistiques d'intervention tous les mois. Également, Rolex met en place des protocoles pour servir les clients : décorum de vente, questionnement puis valorisation selon argumentaire des produits, présentation sur plateau avec gants, proposer une collation, ces points sont évalués lors de passages de clients mystères. Également les réponses aux demandes par mail sont contrôlées et une trame à suivre nous est fournie. Le merchandising, la façon d’exposer les produits en vitrine sont également encadrés par des règles strictes. La présentation des produits sur notre site Internet ne laisse aucune possibilité à une quelconque personnalisation puisque le contenu est fourni clé en main par Rolex. Il nous faut être très réactif sur la mise à jour. Il en est de même concernant le contenu des réseaux sociaux. La maison Rolex a toujours exercé une forte pression sur les résultats, sinon concernant les exigences de mise en œuvre de ces résultats. Tout cela implique que nos efforts et notre attention sont centrés sur ce fournisseur, ce qui laisse peu de temps à consacrer au développement d’autres marques ou produits. Nous ne connaissons pas un point de vente pour lequel cette marque n’est pas vitale à ce jour. Dans notre cas Rolex réalise 70 % du chiffre d’affaires »215 (soulignements ajoutés).
Il en résulte que les distributeurs réalisent une part de plus en plus importante de leur chiffre d’affaires avec la marque Rolex. La vente des montres de marques Rolex, dont les volumes ont augmenté sur la même période216, s’est aussi concentrée sur un plus petit nombre de distributeurs.
RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
177. Les griefs suivants ont été notifiés aux mises en cause :
« Grief n° 1
Il est fait grief à la société Rolex France SAS (RCS n°775 702 673) en tant qu’auteure, à la société Rolex Holding SA (IDE n° CHE 102 844 305) et à la Fondation Hans Wilsdorf (IDE n° CHE-101 796 922) en leur qualité respective d’entité mère des sociétés Rolex France SAS et Rolex Holding SA, et à la société Rolex SA (IDE CHE n°105 962 823) en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société Rolex France SAS pendant la durée des pratiques, d’avoir pris part, du 13 octobre 2011 jusqu’à ce jour, à une entente généralisée avec ses distributeurs pour que les montres de la marque Rolex ne soient pas commercialisés par les distributeurs via Internet en violation des articles 101 TFUE et L.420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets.
Grief n° 2
Il est fait grief à la société Rolex France SAS (RCS n°775 702 673) en tant qu’auteure, à la société Rolex Holding SA (IDE n° CHE 102 844 305) et à la Fondation Hans Wilsdorf (IDE n° CHE-101 796 922) en leur qualité respective d’entité mère des sociétés Rolex France SAS et Rolex Holding SA, et à la société Rolex SA (IDE CHE n°105 962 823) en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société Rolex France SAS pendant la durée des pratiques, d’avoir pris part, entre le 31 décembre 2006 et le 1er janvier 2020, à une entente généralisée avec ses distributeurs pour fixer le prix de vente au détail des montres de la marque Rolex en violation des articles 101 TFUE et L.420-1 du code de commerce. Cette pratique est de nature à fausser le jeu de la concurrence, en raison de son objet et de ses effets. »
II. Discussion
178. Seront successivement examinés la procédure (A), l’application du droit de l’Union (B), le marché pertinent (C), les pratiques constatées (D), l’imputabilité des pratiques (E) et les sanctions pécuniaires (F).
A. SUR LA PROCEDURE
179. Rolex France conteste la recevabilité de la saisine déposée par l’UBH et la crédibilité de celle déposée par la société Pellegrin & Fils (1). Elle soutient, en outre, que l’instruction menée par l’Autorité contrevient aux principes de loyauté dans l’administration de la preuve et à celui d’égalité des armes (2).
1. SUR LES SAISINES
180. Seront successivement abordées la question de la recevabilité de la saisine de l’UBH (a) et celle de la crédibilité de la saisine de Pellegrin & Fils (b).
a) Sur la recevabilité de la saisine d’UBH
181. Rolex France soutient, d’abord, que le mandat donné par l’UBH à son conseil est irrecevable et entache la régularité de la saisine. Elle avance que le président de l’UBH n’est pas habilité à donner mandat à un conseil pour représenter l’UBH devant l’Autorité217.
182. Le formalisme requis pour saisir l’Autorité est régi par les dispositions réglementaires du code de commerce, et notamment son article R. 463-1 qui dispose que :
« La saisine de l'Autorité de la concurrence (…) précise (…) :
- les noms, prénoms, dénomination ou forme sociale, profession ou activité, et adresse du domicile ou du siège social du demandeur, ainsi que, le cas échéant, ses statuts et le mandat donné à son représentant. (…) » (soulignement ajouté).
183. L’article R. 463-2 du code de commerce prévoit, en outre, que « [l]a production de mémoires, pièces justificatives ou observations effectuée devant l'Autorité de la concurrence sous la signature et sous le timbre d'un avocat emporte élection de domicile au cabinet de l'avocat ou au siège de la société d'avocats ».
184. En l’espèce, la saisine de l’UBH était accompagnée des statuts de l’UBH, d’un mandat donné à son conseil « aux fins de représenter l’UBH devant l’Autorité de la concurrence dans le cadre de sa saisine relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe » ainsi que de deux extraits de procès-verbaux de réunions.
185. Le mandat dont la régularité est contestée a été signé par le président de l’UBH qui, en vertu des statuts « représente le conseil d’administration » de l’UBH (article 12 des statuts de l’UBH), lequel exerce la gouvernance de l’UBH et, à ce titre, assure la gestion et la direction de celle-ci (article 11 des statuts)218.
186. L’UBH a produit, en annexe de la saisine, un extrait du procès-verbal de la réunion du Conseil d'administration de l’UBH du 7 novembre 2016 relative à la réélection de M. D... à la présidence de l’UBH ainsi que celle des membres du bureau lors de laquelle
« l'ensemble des membres du Conseil d'Administration [a] donn[é] mandat au Bureau pour traiter ces sujets et y associer toute action utile » (soulignement ajouté). Parmi les sujets visés figurent notamment celui de continuer de traiter « les relations avec les fabricants »219.
187. L’UBH a également transmis un extrait du procès-verbal de la réunion de bureau de l’UBH du 15 novembre 2016. Le procès-verbal relate que la présidente déléguée de l’UBH et son président ont abordé les problématiques commerciales rencontrées par les adhérents de l’UBH avec une grande marque horlogère, lesquelles ont été discutées avec l’Autorité. À l’issue de cette réunion, les membres du bureau ont décidé à l’unanimité d’introduire une action auprès de l’Autorité220.
188. Il ressort de ce qui précède que le président de l’UBH « représente le conseil d’administration de l’UBH » et que la décision de saisir l’Autorité résulte d’une décision unanime de l’UBH adoptée en application du mandat donné par le Conseil d'administration de l’UBH à son bureau pour traiter des relations avec les fabricants et y associer toute action utile.
189. Le mandat donné aux conseils de l’UBH pour la représenter dans cette action devant l’Autorité signé par le président de l’UBH respecte donc le formalisme requis par les articles R. 463-1 et R. 463-2 du code de commerce.
190. Il ressort de ce qui précède que la saisine d’UBH est recevable.
b) Sur la crédibilité de la saisine de Pellegrin & Fils.
191. Rolex France soutient que la saisine de la société Pellegrin & Fils est dénuée de crédibilité, notamment en ce que cette dernière a engagé des procédures judiciaires à son encontre, dont certaines sont toujours en cours. Elle ajoute que, dans le cadre de ces procédures, la société Pellegrin & Fils n’aurait invoqué les pratiques de prix imposés que tardivement. Rolex France met également en cause la crédibilité de la saisissante en ce qu’elle aurait mis en œuvre des pratiques frauduleuses et que les déclarations d’une ancienne responsable de la boutique de la société Pellegrin & Fils infirmeraient l’existence d’une restriction de liberté tarifaire221.
192. Premièrement, il convient de rappeler que le fait de pouvoir faire valoir ses droits par voie juridictionnelle est l'expression d'un principe général de droit, consacré par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si Rolex France considère que la société Pellegrin & Fils a abusé de ce droit, il lui appartient de soutenir ce point devant les juridictions compétentes. En outre, la circonstance que les arguments invoqués dans la procédure devant l’Autorité et devant les juridictions judiciaires soient différents n’est pas de nature à mettre en cause la crédibilité de la saisine, ces deux procédures visant des objectifs différents.
193. Deuxièmement, l’Autorité n’étant pas compétente pour apprécier le bienfondé des allégations de Rolex France relatives aux pratiques frauduleuses alléguées, il appartient à Rolex France de faire valoir les arguments qui y sont relatifs devant les juridictions compétentes. En toute hypothèse, ces allégations sont indifférentes à l’analyse de l’Autorité.
194. Troisièmement, s’agissant des déclarations précitées d’une ancienne employée, il convient de rappeler que l’Autorité apprécie le bien-fondé du grief notifié au regard de l’ensemble des pièces présentes au dossier. À ce titre, une déclaration isolée ne saurait, à elle seule, suffire à remettre en cause la crédibilité de l’entière saisine.
195. Il découle de ce qui précède que les arguments tendant à dénoncer la crédibilité de la saisine de Pellegrin & Fils doivent être écartés.
2. SUR LA CONDUITE DE L’INSTRUCTION
196. Rolex France estime que les services d’instruction ont doublement porté atteinte à ses droits de la défense en violant le principe d’impartialité et de loyauté dans l’administration de la preuve, à travers une instruction « exclusivement à charge » (a) et en méconnaissant le principe du contradictoire, notamment en ce que certaines pièces n’auraient pas été versées au dossier (b)222.
a) Sur l’absence de violation du principe d’impartialité
197. Rolex France soutient, d’abord, que les services d’instruction auraient accordé une importance particulière à des pièces partiales ou dont le contenu aurait été dénaturé. Elle soutient, ensuite, que les pièces à décharge n’ont pas été prises en compte par l’instruction, ce qui aurait conduit à un renversement de la charge de la preuve223.
198. Cependant, il ressort d’une jurisprudence constante que, dès lors que les entreprises mises en cause ont pu exercer toutes les prérogatives qui leur sont reconnues dans le cadre de la procédure contradictoire, « il ne peut être reproché aux rapporteurs d'avoir retenu les éléments « à charge » des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu’ils ont pour fonction d’instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité ayant en charge d’examiner le bien- fondé des éléments ainsi retenus. À ce titre, seule la déloyauté dans l’interprétation ou la présentation des pièces, ou encore dans la façon d’interroger les personnes en cause ou les tiers, peut conduire à constater une atteinte aux droits de la défense des parties »224.
199. De même, dans un arrêt du 11 juillet 2019, Janssen-Cilag, la cour d’appel de Paris a relevé que « [l]es rapporteurs, qui, à l’issue de l’instruction contradictoire, se sont forgés (sic) une opinion sur la réalité des pratiques et leur caractère anticoncurrentiel, ont pour mission de présenter leur analyse de la façon la plus claire possible, afin de permettre aux parties de répondre aux arguments qui vont leur être opposés devant le Collège. Il est dès lors légitime que les rapporteurs visent les seules pièces, ou passages de pièces, qui leur paraissent utiles soit pour appuyer leur démonstration sur ces pièces, soit pour exposer en quoi celles-ci ne contredisent pas l’analyse retenue. Une telle façon de faire ne saurait donc caractériser un défaut d’impartialité de leur part, étant rappelé que les parties, quant à elles, ont tout loisir d’exploiter l’ensemble des pièces du dossier, y compris celles non visées, ou non visées de façon exhaustive, par les rapporteurs »225.
200. En tout état de cause, l’Autorité constate que les pièces en cause, outre qu’elles ne représentent qu’une faible part des documents cités, ne sont pas intrinsèquement partiales ni n’ont été dénaturées dans le cadre de l’instruction.
201. Les arguments selon lesquels les services d’instruction auraient porté atteinte au principe d’impartialité doivent, par conséquent, être écartés.
202. Il ressort de ce qui précède que Rolex France ne démontre aucune violation de ses droits de la défense dans la conduite de l’instruction devant l’Autorité.
b) Sur l’absence de violation du principe du contradictoire
203. Rolex France soutient que les services d’instruction disposaient, préalablement à la saisine de l’UBH, d’éléments émanant de cette dernière et seraient entrés en contact avec elle à de plusieurs reprises. Ces échanges n’auraient pas donné lieu à un procès-verbal et n’ont pas été versés à la procédure, ce qui constituerait une violation des droits de la défense.
204. Il ressort toutefois de l’article L. 463-1 du code de commerce que le respect du principe du contradictoire doit être assuré lors de l’instruction et de la procédure devant l’Autorité de la concurrence. En vertu d’une jurisprudence constante, le respect de ce principe ne s’impose pas lors de l’enquête administrative, la recherche de la preuve d’infractions présumées ne préjugeant pas de la culpabilité des entreprises226.
205. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé que « l'obligation de dresser des procès-verbaux (…) s'applique aux auditions auxquelles procède le rapporteur conformément aux dispositions de l’article R.463-6 du code de commerce (…) L'établissement d'un procès-verbal n'est donc pas requis pour de simples contacts informels, comme ceux intervenus en l'espèce (…) »227 (soulignement ajouté).
206. En l’espèce, les échanges informels entre l’UBH et les services d’instruction de l’Autorité sont intervenus préalablement à la saisine de l’UBH et ne sauraient être assimilés à des auditions soumises à l’obligation de dresser un procès-verbal. En outre, Rolex France a été mise en mesure de discuter le contenu de la saisine de l’UBH et l’ensemble des pièces sur lesquelles les services d’instruction se sont fondés figurent au dossier.
207. Il convient, par conséquent, d’écarter l’argument de Rolex France tendant à démontrer une violation du principe du contradictoire.
B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION
208. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») et la communication de Commission portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE »)228, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union européenne (ci-après « Union ») : l’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
209. En l’espèce, s’agissant du premier élément, il convient de relever que le groupe Rolex est présent dans la plupart des États membres et se trouve en concurrence avec d’autres sociétés internationales, lesquelles distribuent également leurs produits sur l’ensemble du territoire de l’Union.
210. À cet égard, le groupe Rolex a mis en place, de manière uniforme, au sein de l’Union, un système de distribution sélective par l’intermédiaire des huit filiales qui s’y trouvent implantées229.
211. S’agissant du deuxième élément, les pratiques en cause sont, par leur nature même, susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres. En effet, en limitant la vente par Internet des produits Rolex et en limitant la liberté de ses distributeurs de fixer leur prix de vente au détail, Rolex restreint nécessairement la capacité de ses revendeurs à toucher une clientèle située en dehors de leur zone de chalandise physique et donc à répondre à la demande de consommateurs situés dans d’autres États membres. Ces pratiques, qui concernent l’ensemble du territoire national et l’ensemble des distributeurs de Rolex en France, reviennent à cloisonner les marchés nationaux, voire locaux, sont donc susceptibles de restreindre les échanges potentiels directs entre les États membres.
212. S’agissant, enfin, du caractère sensible de cette affectation, l’entreprise mise en cause est l’un des acteurs majeurs du marché concerné et y détient des parts de marché particulièrement importantes, bien supérieures au seuil de 5 % de part de marché au niveau européen retenu par la CJUE et la Commission230.
213. En effet, Rolex détient une part du marché des montres de luxe supérieure à 20 % quelle que soit la segmentation de marché envisagée (voir paragraphes 37 à 40 ci-avant).
214. Par ailleurs, le chiffre d'affaires réalisé par les produits en cause est largement supérieur à 40 millions d'euros. En effet, la seule vente de montres Rolex en France représentait [205-225] millions d’euros en 2019 et [155-175] millions d’euros en 2020 selon les informations fournies par Rolex231.
215. La présomption négative de non-affectation sensible du commerce intracommunautaire n'est donc pas applicable.
216. Il résulte de ce qui précède que les pratiques constatées sont susceptibles d’être examinées tant au regard du droit de l’Union, notamment de l’article 101 du TFUE, que du droit national, et notamment de l’article L. 420-1 du code de commerce.
C. SUR LE MARCHE PERTINENT
1. RAPPEL DES PRINCIPES
217. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »232.
218. Au niveau national, l’Autorité estime que « [l]e marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (…) Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »233.
219. Cependant, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre234.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Délimitation du marché de produit pertinent
220. Dans la décision n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex, le Conseil de la concurrence (ci-après « le Conseil ») après avoir relevé que les montres Rolex étaient des montres mécaniques à affichage analogique, d’une grande complexité et d’un haut niveau technique, citait une étude réalisée en 1981 par le Comité professionnel de développement de l’horlogerie (ci-après « CPDH »), qui distinguait en fonction des prix et de l’image des marques plusieurs segments (haut, moyen, bas) et sous-segments au sein de ce secteur et rattachait les montres Rolex au sous-segment le plus élevé du segment haut du marché. Cette analyse a été confirmée par la cour d’appel de Paris235.
221. Dans sa décision n° 03-D-60 du 17 décembre 2003 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’horlogerie de luxe, le Conseil relevait à nouveau, en se fondant sur une étude réalisée en juin 1990 par le CPDH, que le secteur des montres était divisé par les professionnels en trois segments, en fonction de la marque des montres et des prix pratiqués : le segment bas, haut et moyen. À l’intérieur du segment haut, le Conseil distinguait trois sous-segments : très haut, haut et assez haut236.
222. La Commission, dans la décision de concentration M/9695 LVMH/Tiffany du 26 octobre 2020, a également envisagé l’existence d’un marché des montres de luxe, tout en laissant ouverte la question d’une segmentation plus fine du marché en fonction du prix237.
223. Les éléments fournis par Rolex France montrent que le prix moyen public conseillé des montres Rolex était, en 2020, de 12 092 euros TTC tous segments confondus. Il était, cette même année, pour les montres Rolex, de 4 797 euros TTC pour le segment des montres dont le prix est inférieur ou égal à 5 000 euros, de 7 688 euros TTC pour le segment des montres dont le prix est compris entre 5 001 et 10 000 euros et de 18 192 euros TTC pour le segment des montres dont le prix est supérieur à 10 001 euros238.
224. Les distributeurs interrogés considèrent quant à eux que la segmentation entre les montres « bas/moyen de gamme », « haut de gamme » et « haute horlogerie » est pertinente, les montres de haute horlogerie, plus communément appelées « montres de luxe » ne paraissant pas substituables dans l’esprit du consommateur avec les montres « bas/moyen de gamme » et « haut de gamme ». En revanche, parmi eux, neuf indiquent qu’une sous-segmentation des montres de luxe entre « luxe accessible », « luxe » et « prestige » n’apparaît pas pertinente car de nombreuses marques ont des références dans deux, voire trois, sous-segments. Selon eux, de nombreux clients auraient tendance à s'intéresser aux montres de différents segments et il existerait par conséquent une interchangeabilité significative entre ces segments.239
225. M. X..., le directeur général de Rolex France, estime que la seule segmentation cohérente serait une distinction entre les montres dont le prix est inférieur à 800/1 000 euros et celles dont le prix est supérieur à cette valeur. Il considère également que la sous-segmentation envisagée au sein de la catégorie « haute horlogerie » n’est pas pertinente car les prix des montres des marques visées relèvent de plusieurs catégories et n’est pas représentative de l’ensemble du marché240.
226. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le marché de produits concernés par les pratiques est le marché de la distribution des montres de luxe, qui pourrait lui-même être sous-segmenté en fonction du prix des montres. Conformément à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle rappelées au paragraphe 219 ci-avant, il n’est néanmoins pas nécessaire d’entrer dans une définition plus précise de ce marché, les pratiques analysées relevant des dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce et de l’article 101 TFUE.
b) Dimension géographique du marché concerné
227. Rolex France a organisé son réseau de distribution en désignant, sur la base de critères déterminés, des revendeurs indépendants pour assurer la distribution en France de ses produits. L’analyse des pratiques a été menée sur le marché national de la distribution des montres de luxe, dans la mesure où ces pratiques concernent les conditions dans lesquelles Rolex influe sur les choix commerciaux de ces revendeurs pour mettre en œuvre sa politique commerciale et tarifaire. Il n’est pas nécessaire pour les besoins de l’analyse de définir plus précisément le contour géographique de ce marché.
228. Il résulte de l’ensemble des éléments exposés ci-dessus que les pratiques seront examinées sur le marché national de la distribution des montres de luxe.
D. SUR LES PRATIQUES CONSTATEES
1. S’AGISSANT DE LA PRATIQUE D’INTERDICTION DE VENTE EN LIGNE DES MONTRES
ROLEX
a) Les principes applicables
229. Seront abordées ci-après l’existence d’un accord de volontés (1), de la restriction de concurrence qui en résulte (2) et la question de l’éventuelle exemption de la pratique (3).
1) Sur la démonstration de l’accord de volontés
230. La preuve d’une entente verticale requiert la démonstration de l’accord de volontés des parties à l’entente exprimant leur volonté commune de se comporter sur le marché de manière déterminée241.
231. Selon le Tribunal, la preuve d'un tel accord « doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »242.
232. S’agissant plus spécifiquement de l’appartenance à un réseau de distribution, les juridictions européennes et nationales ont précisé à plusieurs reprises que, d’une part, qu’elle ne pouvait, à elle seule, laisser présumer de l’existence d’un concours de volontés, d’autre part, que la démonstration de l’existence d'un tel accord pouvait être constituée tant par des preuves directes (clauses d’un contrat, par exemple) qu’indirectes (déclarations des intéressés, ou acquiescement tacite)243.
233. La cour d’appel de Paris a ajouté, s’agissant de la démonstration de l’accord de volontés dans le cas d’une interdiction de vente en ligne que « c’est sans méconnaître le standard de preuve défini par la jurisprudence [de l’Union européenne] que l’Autorité, afin de tenir pour établi que Bang & Olufsen France avait interdit de facto à ses distributeurs agréés de vendre ses produits par Internet, a dit que "cette interdiction ressortait en premier lieu, du contrat européen de distribution sélective" ». La Cour a précisé que ce n’est « qu’au surplus, et pour répondre à l’argumentation de Bang & Olufsen qu’il sera ajouté qu’à supposer qu’elle n’ait pas interdit "contractuellement" à ses distributeurs la vente par Internet, il suffit de constater que l’Autorité n’a pas seulement analysé le contrat et la circulaire mais qu’elle a pris en compte l’ensemble des éléments recueillis au cours de l’enquête et de l’instruction de la procédure » (soulignement ajouté).
2) Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence résultant de l’interdiction de vente en ligne
234. Les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent notamment toute entente entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence.
235. Dans son arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique244, la CJUE a rappelé que, « pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord doit avoir “pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur". Selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction “ou” conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Lorsque l’objet anticoncurrentiel d’un accord est établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (voir arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, Rec. p. I-9291, point 55 ainsi que jurisprudence citée). Aux fins d’apprécier si la clause contractuelle en cause comporte une restriction de concurrence “par objet”, il convient de s’attacher à la teneur de la clause, aux objectifs qu’elle vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elle s’insère (voir arrêt GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., précité, point 58 ainsi que jurisprudence citée) » (soulignements ajoutés)245.
236. Elle a plus spécifiquement considéré qu’une clause interdisant de facto aux distributeurs agréés, membres d’un réseau de distribution sélective, toute forme de vente par Internet « réduit considérablement la possibilité d’un distributeur agréé de vendre les produits contractuels aux clients situés en dehors de son territoire contractuel ou de sa zone d’activité. Elle est donc susceptible de restreindre la concurrence dans ce secteur »246.
237. Elle a par conséquent jugé qu’une telle clause constituait une « restriction par objet (…) si, à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et de l’objectif de cette clause contractuelle et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n’est pas objectivement justifiée »247. Elle a, enfin, ajouté que « l’objectif de préserver l’image de prestige ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence et ne peut ainsi pas justifier qu’une clause contractuelle poursuivant un tel objectif ne relève pas de l’article 101, paragraphe 1, TFUE »248.
238. Toutefois, la CJUE a ultérieurement indiqué, dans son arrêt du 6 décembre 2017, Coty249, que cette dernière précision « se rapportait (…) aux seuls produits en cause dans l’affaire [Pierre Fabre] et à la clause contractuelle concernée dans cette affaire », étant précisé que l’affaire Pierre Fabre concernait une interdiction absolue de vente de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle sur Internet250. Elle a également considéré qu’il ne saurait être déduit de l’arrêt Pierre Fabre, précité, que « la protection de l’image de luxe ne saurait plus désormais être de nature à justifier une restriction de la concurrence (…) au regard de tout produit, dont notamment les produits de luxe, et de modifier ainsi la jurisprudence constante de la Cour »251.
239. Après avoir rappelé, en premier lieu, que la clause contractuelle en cause « a[vait] pour objectif de préserver l’image de luxe et de prestige des produits concernés (...), [était] objective et uniforme et qu’elle s’appliqu[ait] sans discrimination à l’égard de tous les distributeurs agréés », la Cour a alors vérifié si « l’interdiction faite par un fournisseur à ses distributeurs agréés de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits de luxe concernés [était] proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, c’est-à-dire si une telle interdiction [était] appropriée pour préserver l’image de luxe de ces produits et si elle n[’allait] pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif »252. S’agissant, en second lieu, du caractère nécessaire de la clause en cause, qui interdisait de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits de luxe, la Cour a relevé que, à la différence de la clause visée dans l’affaire Pierre Fabre, cette clause « n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits contractuels »253.
240. En application de cette jurisprudence, la Commission a considéré, dans sa décision Guess du 17 décembre 2018254, que l’exigence d’autorisation écrite de la part du fournisseur pour la vente en ligne de ses produits constituait une restriction de concurrence par objet, dès lors qu’elle n’était liée à aucun critère qualitatif. Selon la Commission, cette exigence, loin de garantir le respect de critères objectifs de nature qualitative, avait donné au fournisseur « la plus grande discrétion possible s’agissant de la décision d’autoriser ou non les détaillants agréés à vendre en ligne » (traduction libre).
241. L’Autorité, comme les juridictions nationales, se sont prononcées à plusieurs reprises sur la question des restrictions de vente en ligne.
242. Ainsi, dans l’affaire Pierre Fabre, à la suite de l’arrêt de la CJUE, précité, la cour d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2013255, que « les justifications que la requérante entend tirer du fait que l’interdiction de la vente en ligne prémunirait le consommateur contre l’essor des contrefaçons qu’induiraient Internet et permettrait d’éviter au sein du réseau les phénomènes de parasitisme découlant de la vente en ligne, - avantages également invoqués par la requérante pour soutenir que la pratique en cause doit bénéficier d’une exemption individuelle – ne constituent pas des préoccupations légitimes et proportionnées susceptibles de justifier une interdiction générale et absolue de la vente en ligne dans le cadre d’un réseau de distribution sélective ». Elle en a conclu que « la clause contractuelle interdisant de facto toutes formes de vente par Internet pour les produits en cause n’apparaît [...] pas justifiée par un objectif légitime [...] [et] constitue une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ».
243. Dans sa décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, l’Autorité a considéré qu’une interdiction de facto de la vente sur Internet par le fabricant était restrictive par son objet même, en l’absence de justifications objectives256. La cour d’appel de Paris a confirmé cette décision, en considérant que l’entreprise n’avait pas envisagé d’alternatives, moins restrictives, et « que c'est donc à juste titre que l'Autorité a décidé qu'en interdisant de manière totale et absolue à ses distributeurs agréés de vendre par Internet, la société Bang & Olufsen France impose des restrictions qui ne sont pas indispensables pour le maintien d'un réseau de distribution efficient »257.
244. Dans sa décision n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture258, l’Autorité a considéré qu’une interdiction de facto de la vente en ligne de produits dits dangereux, comme les tronçonneuses, consistant en l’obligation de réceptionner les produits commandés sur le site internet du distributeur agréé concerné en magasin, ou via une livraison à domicile pouvant uniquement être effectuée par le distributeur agréé lui-même ou l’un de ses employés, « n’apparaît ni appropriée, ni proportionnée pour atteindre les objectifs de préservation de la qualité des produits et de sécurisation de leur bon usage » et que « l’interdiction ainsi posée constitue partant, de par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce »259.
245. Dans sa décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, l’Autorité a considéré que l’objectif de préservation d’un modèle économique à forte valeur ajoutée, fondé sur l’image de marque, la qualité du service et une relation personnalisée avec le client « pouvait être atteint autrement qu’en neutralisant le canal de distribution par Internet, notamment en imposant des obligations de service aux revendeurs, comme par exemple celle de fournir les conseils nécessaires pour bien choisir un vélo ou utiliser de manière optimale un cycle, via un service d’assistance spécialisé en ligne (« hotline » ou « live chat ») »260. Elle a ainsi estimé que
« L’interdiction ainsi posée constitue partant, de par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce »261.
3) Sur l’exemption de la pratique
246. L’article 4, sous c), du règlement n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées a exclu du bénéfice de l’exemption par catégorie les accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d’autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet de restreindre les ventes actives ou les ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d’un système de distribution sélective qui agissent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d’interdire à un membre du système d’exercer ses activités à partir d’un lieu d’établissement non autorisé.
247. Les lignes directrices relatives au règlement n° 330/2010 énoncent que « Internet est un instrument puissant qui permet d'atteindre un plus grand nombre et une plus grande variété de clients que par les seules méthodes de vente plus traditionnelles, ce qui explique pourquoi certaines restrictions à son utilisation sont considérées comme une restriction des (re)ventes. En principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser Internet pour vendre ses produits. En règle générale, l'utilisation par un distributeur d'un site Internet pour vendre des produits est considérée comme une forme de vente passive, car c'est un moyen raisonnable de permettre aux consommateurs d'atteindre le distributeur »262.
248. Par la suite, la CJUE a jugé, dans l’arrêt Pierre Fabre précité, qu’« une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, interdisant de facto Internet comme mode de commercialisation a, à tout le moins, pour objet de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d’acheter par Internet et localisés en dehors de la zone de chalandise physique du membre concerné du système de distribution sélective » et devait, partant, être considérée comme une restriction caractérisée excluant le bénéfice de l’exemption catégorielle prévue par le règlement n° 330/2010, précité263.
249. Le 10 mai 2022, la Commission a adopté le nouveau règlement d'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux (ci-après le « nouveau règlement d'exemption »)264 accompagné de nouvelles lignes directrices sur les restrictions verticales265. Ces textes sont entrés en vigueur le 1er juin 2022. Bien qu’ils ne soient pas applicables dans la présente affaire, ils constituent un guide utile, en ce qu’ils illustrent la pratique actuelle de la Commission en matière de restrictions verticales.
250. Le nouvel article 4 (e) du règlement d’exemption prévoit que constitue une restriction caractérisée le fait pour un fournisseur d’empêcher l’utilisation effective d’Internet par l’acheteur ou ses clients pour vendre les biens ou services contractuels, tout en précisant que ce principe n’empêche pas le fournisseur d’imposer à l’acheteur « d’autres restrictions des ventes en ligne » ou « des restrictions de la publicité en ligne qui n’ont pas pour objet d’empêcher entièrement l’utilisation d’un canal de publicité en ligne ».
251. Dans les lignes directrices qui accompagnent ce règlement, la Commission fournit des orientations actualisées visant à clarifier et à harmoniser les règles applicables, et à intégrer les principes directeurs de l’appréciation des restrictions en ligne tirés notamment des jurisprudences Pierre Fabre et Coty, dont elle clarifie le périmètre (paragraphes 203 à 210). Elle précise notamment que « les restrictions caractérisées spécifiquement liées aux ventes en ligne peuvent également résulter d’obligations directes ou indirectes » dont elle liste des exemples (paragraphe 206). Elle précise enfin que « [l]es restrictions liées à l’utilisation de canaux de vente en ligne spécifiques, tels que les places de marché en ligne, ou l’imposition de normes de qualité pour les ventes en ligne peuvent généralement bénéficier de l’exemption prévue à l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) 2022/720, quel que soit le type de système de distribution utilisé, à condition qu’elles n’aient pas pour objet indirect d’empêcher l’utilisation effective de l’internet par l’acheteur pour vendre les biens ou services contractuels sur des territoires spécifiques ou à une clientèle spécifique. Les restrictions des ventes en ligne n’ont généralement pas un tel objet lorsque l’acheteur reste libre d’exploiter sa propre boutique en ligne et de faire de la publicité en ligne. Dans de tels cas, l’acheteur ne se voit pas empêché de faire un usage effectif de l’internet pour vendre les biens ou services contractuels » (paragraphe 208). La Commission fournit à ce titre des exemples d’exigences relatives à la manière dont les biens ou services contractuels peuvent être vendus en ligne (paragraphe 208).
252. Par conséquent, la restriction de concurrence induite par l’interdiction des ventes en ligne ne peut être exemptée que sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.
b) Application au cas d’espèce
1) Sur la démonstration de l’accord de volontés
253. Rolex France soutient que l’Autorité n’a pas démontré l’existence d’un accord de volontés entre Rolex France et ses distributeurs visant à restreindre la vente des montres de marque Rolex sur Internet266.
254. Elle allègue, en premier lieu, que les stipulations du contrat relatives à la vente par correspondance, en vigueur depuis 2000, visaient la vente par catalogue et n’ont pas été modifiées depuis. Elle en déduit qu’elles ne sauraient être interprétées comme constituant une interdiction de vente en ligne des produits Rolex267.
255. Selon elle, aucun élément du dossier ne démontrerait, par ailleurs, la mise en œuvre, par ses soins de ces stipulations pour s’assurer du respect de l’interdiction de vendre en ligne.
256. Rolex France conteste en deuxième lieu les constatations relatives à l’application unanime et uniforme, par les distributeurs agréés de Rolex en France, de l’interdiction de vendre en ligne268.
257. Elle soutient, en troisième lieu, que la majorité des distributeurs agréés interrogés par les services d’instruction ont déclaré ne pas vendre en ligne car ils n’en voyaient pas l’intérêt. Elle affirme à cet égard que ses distributeurs agréés ne vendent pas non plus en ligne les produits des marques concurrentes269.
258. Elle conteste, en quatrième et dernier lieu, la véracité de certaines déclarations de distributeurs dont le contrat a depuis été résilié. S’agissant en particulier de la société Verhoeven, Rolex France soutient qu’elle serait mal fondée à prétendre qu’une interdiction de vente en ligne lui aurait été imposée, car dans les archives du site internet de ce distributeur datant de 2013, 2014 et 2015, Rolex France aurait découvert que certaines montres de marque Rolex étaient disponibles à la vente en ligne270.
259. Sur ce point, et à titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi que cela a été exposé aux paragraphes 191 à 195 ci-avant, que le bien-fondé du grief notifié est examiné au regard de l’ensemble des pièces présentes au dossier.
260. Or, il ressort de ces éléments que l’interdiction de vente en ligne des produits de la marque Rolex sur les sites internet des distributeurs a fait l’objet d’un accord de volontés, lequel résulte aussi bien des termes mêmes du contrat de distribution sélective, que des éléments factuels issus de l’instruction, tels que les déclarations et le comportement tant de Rolex que de ses distributeurs.
a. Les stipulations du contrat de distribution sélective liant Rolex France et ses distributeurs relatifs à la vente en ligne des montres Rolex
261. Il ressort des termes des contrats de distribution sélective conclus entre Rolex France et ses distributeurs agréés que Rolex interdit aux distributeurs agréés de vendre en ligne les montres de la marque Rolex.
262. En effet, les « Accords de distribution Rolex » qui régissaient les relations entre Rolex France et ses distributeurs entre 1977 et 1999, stipulaient à l’article IV.2 : « Est notamment interdite toute vente hors du magasin de vente par l’entreprise d’intermédiaires ou par correspondance »271.
263. De même, le « Contrat de distribution sélective Rolex »272 qui a remplacé les « Accords de distribution Rolex » à partir de 1999 stipule à l’article IV.3. que : « Sous réserve de l’article
IV.5. la vente des Produits ROLEX est exclusivement réservée au consommateur final dans le point de vente indiqué à l’article 1.2. Sont notamment interdites : b) toute vente hors de l'établissement de vente ou par correspondance » (soulignements ajoutés). L’article I.1 du contrat précise que : « 1. La Société ROLEX accorde au Distributeur Agréé le droit de vendre les Produits ROLEX, d’en assurer les prestations relatives à la garantie et le service après-vente. 2. Ce droit est concédé pour le seul établissement de vente situé : à l'exclusion de tout autre lieu » (voir paragraphes 61 et 64 ci-dessus, soulignements ajoutés).
264. Le fait que le terme de « vente par correspondance » ne soit pas défini dans le contrat ne modifie en rien cette analyse. Il ressort en effet des éléments du dossier, émanant tant de Rolex France que de ses distributeurs, que l’article IV.3.b interdisant « la vente par correspondance » constitue une interdiction de vente des produits sur Internet que Rolex France impose à ses distributeurs de respecter.
265. Les distributeurs interrogés dans le cadre de l’instruction ont, en effet, confirmé que ces stipulations correspondaient à une interdiction de vendre en ligne. Ainsi, à la question « Quelles dispositions contractuelles régissent la vente des montres de marque Rolex via internet ? », vingt-cinq ont confirmé sous une forme ou une autre que les ventes en ligne sont interdites, soit parce qu’aucune stipulation contractuelle spécifique ne les prévoit, soit parce que l’article IV.3.b du contrat les interdit (voir paragraphe 73). À titre d’exemple, la Bijouterie Nora indique que « les ventes sur notre site internet pour les montres Rolex ne sont pas autorisées. Notre site marchand ne peut pas proposer des montres Rolex à la vente »273. Heurgon indique quant à lui : « nous ne sommes pas autorisés par la marque à commercialiser ses produits online. Uniquement dans nos points de vente autorisés par la marque »274. Verhoeven précise également que « le contrat de distribution sélective interdit la vente en ligne aux distributeurs agréés »275, ce que confirme Ferret dans les termes suivants : « la vente en ligne est régie par le contrat de distribution sélective. Celle-ci n’est pas autorisée pour le moment »276. Un seul distributeur a répondu qu’il n’interprétait pas la clause contenue à l’article IV.3 (b) du contrat de distribution sélective Rolex qui interdit « toute vente hors de l’établissement de vente ou par correspondance » comme une restriction de ses capacités à vendre en ligne de produits Rolex. Ce distributeur a précisé qu’il avait « choisi de ne pas vendre ses produits Rolex en ligne »277.
266. M. X..., directeur général de Rolex France, interrogé sur le point de savoir si l’article IV.2 des « Accords de distribution Rolex » et l’article IV.3. « Contrat de distribution sélective Rolex » interdisaient la vente sur Internet a répondu en ces termes : « il s’agit d’un ancien contrat qui date de 2000, nous n’avons pas modifié cette clause car nous ne sommes pas favorables à la vente par Internet mais nous ne l’avons pas formellement interdit »278.
267. Il ressort toutefois d’un courrier du 3 août 2006 adressé à la Bijouterie Pellegrin, saisi dans les locaux de Rolex France, que Rolex France interprétait elle-même cette clause comme constituant une interdiction de vendre en ligne. Rolex France indiquait, en effet: « (...) A toutes fins utiles, nous vous confirmons qu’en aucune manière nos Distributeurs Agréés qui sont les seuls autorisés à vendre nos produits, ne peuvent le faire par Internet, pas plus que par correspondance. Toute vente sur Internet vient en contravention avec les dispositions de l’article IV.3.b du Contrat de Distribution Sélective souscrit par l’ensemble de nos Distributeurs agréés. »279 (soulignement ajouté).
268. Rolex France conteste la valeur probante de ce courrier au motif qu’il date de 2006 « soit bien avant l’arrêt Pierre Fabre et le début d’une pratique décisionnelle relative à la vente sur Internet »280. Cet argument ne saurait cependant prospérer.
269. En effet, la cour d’appel de Paris a jugé avec constance que si le droit et la jurisprudence applicables aux restrictions de vente sur Internet dans le cadre des réseaux de distribution sélective n'étaient pas clairement fixés avant l’arrêt Pierre Fabre précité, il ne pouvait en être déduit qu’aucune infraction ne pourrait être opposée aux entreprises sanctionnées par l’Autorité antérieurement à cet arrêt. L’incertitude tenant à la matière devait seulement conduire à relativiser la gravité de la pratique pour la période antérieure à cet arrêt281. L’Autorité a d’ailleurs fait application de cette jurisprudence dans trois décisions récentes282.
270. Par ailleurs, un document intitulé « Rolex Official Retailer Digital Program – Implementation follow-up » du 3 juillet 2017 saisi chez Rolex France démontre, en outre, que Rolex France rappelle à ses distributeurs cette interdiction de vendre en ligne et conçoit le site des détaillants de manière à ce qu’il soit impossible d’y effectuer des ventes283 :
- Lepage : « Suite à l’envoi des guidelines pour la mise en ligne du nouvel e-corner, inquiétude quant à la place qui devra être donnée à Rolex sur son site internet. Ne peut pas se permettre de mettre Rolex en #1 car pas de vente online possible. Discussion prévue au cours de l’atelier digital du 14/11. A suivre de près » (soulignement ajouté) ;
- Royal Quartz : « Veulent vendre en ligne montres Rolex mais refus de notre part » ;
- Zegg & Cerlati : « « Sale » [traduction libre : Vente] en rouge sur la nav bar à supprimer ».
271. De même, dans un échange d’emails avec le groupe Galeries Lafayette Royal Quartz – Louis Pion entre janvier et mars 2018, Rolex France demande à son distributeur de supprimer les éléments faisant référence à la vente en ligne : « Dans le footer [pied de page] de votre site, il faudrait supprimer les éléments de réassurance « ecommerce » (cf screenshot [capture d’écran] ci-dessous) », « Serait-il possible de retirer les éléments de réassurance e- commerce dans le footer, juste après le texte de personnalisation ? Cela ne concerne pas Rolex, il n’est donc pas nécessaire de les mettre en avant » ou encore « Je prends note pour les éléments de réassurance, cependant l’icône « Retrait en magasin » sous-entend un achat en ligne. Aussi, nous préférerions que celle-ci ne soit pas visible »284 (soulignements ajoutés).
272. Enfin, Rolex France admet elle-même dans ses écritures qu’elle interdit à ses distributeurs la vente en ligne: « En réalité, si la vente en ligne des montres Rolex par les distributeurs agréés était autorisée, cela ne pourrait qu’encourager davantage le développement de la contrefaçon »285 ou encore : « En l’état, s’abstenir d’offrir en ligne est le seul rempart efficace pour Rolex contre ces pratiques illégales et le moyen de protéger le consommateur contre la contrefaçon : la vente dans les seules boutiques physiques du réseau, permet de donner aux clients l’assurance d’acquérir une montre authentique avec tout le service associé (…) »286 (soulignements ajoutés).
b. L’interdiction de vente en ligne acceptée par les distributeurs de Rolex France
273. Comme rappelé ci-avant (voir le paragraphe 233 ci-avant), il est de jurisprudence constante que la démonstration d’un accord de volontés n’exige pas, en présence de preuves contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale.
274. Pour autant, l’analyse des preuves comportementales recueillies dans le cadre de l’instruction montre que l’interdiction de vendre en ligne stipulée par Rolex France dans les contrats de distribution était unanimement et uniformément appliquée par les distributeurs agréés.
275. D’une part, ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 68 et 69 ci-avant, la société Pellegrin & Fils a produit un constat d’huissier dressé le 4 septembre 2015 qui constatait à cette date que, pour chacun des 76 points de vente distribuant les montres Rolex, l’achat en ligne de montres Rolex était impossible.
276. D’autre part, tous les distributeurs agréés par Rolex France interrogés dans le cadre de l’instruction ont déclaré ne pas commercialiser les montres de la marque Rolex via Internet (voir le Tableau 1 ci-avant, p. 21). En dehors de ceux ayant expressément indiqué que Rolex leur interdisait la vente en ligne, les autres, pour leur majorité, ont simplement déclaré ne pas vendre en ligne, certains d’entre eux précisant qu’ils considéraient ce canal peu approprié compte tenu des attentes de la clientèle.
277. S’agissant de l’argument de Rolex France selon lequel les services d’instruction auraient ignoré plusieurs éléments prétendument à décharge dans les déclarations de certains distributeurs, il convient d’abord de rappeler que la cour d’appel de Paris a précisé qu’il ne peut être « reproché aux rapporteurs d’avoir retenu des éléments à charge des entreprises et écarté les éléments que celles-ci invoquaient à leur décharge, dès lors qu’ils ont pour fonction d’instruire et de décrire dans la notification de griefs, puis dans le rapport, ce qui à leurs yeux doit conduire à la qualification et à la sanction de pratiques anticoncurrentielles »287.
278. En outre, les déclarations des distributeurs agréés dont se prévaut Rolex France attestent uniquement que certains distributeurs ne considèrent pas ce canal comme approprié ou ne voient pas l’utilité de l’utiliser ce canal pour développer leurs ventes. Elles ne démontrent pas pour autant que Rolex France les a autorisés à vendre en ligne et qu’ils ne l’ont pas accepté. Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé plus haut, de nombreux autres distributeurs, comprenant des distributeurs dont le contrat a été résilié mais également des distributeurs toujours agréés, ont confirmé ne pas être autorisés, en application des dispositions contractuelles les liant à Rolex France, à vendre en ligne les montres de la marque Rolex (voir le Tableau 5 ci-avant, p. 40 ).
2) Sur la démonstration de l’existence d’une restriction de concurrence résultant de l’interdiction de vente en ligne
279. Rolex France soutient que l’interdiction de vente en ligne imposée à ses distributeurs agréés
– à supposer qu’elle existe, ce que Rolex France conteste – ne constituerait ni une restriction de concurrence par objet, ni une restriction de concurrence par effet, et qu’en tout état de cause les objectifs qu’elle viserait justifieraient son existence, cette interdiction permettant de protéger l’image de prestige de Rolex, de lutter contre la contrefaçon et d’améliorer la distribution des montres Rolex.
280. S’agissant, d’abord, de la qualification de restriction de concurrence par objet, Rolex France soutient que la jurisprudence et la pratique décisionnelle européenne et nationale citées par les services d’instruction qualifiant de restriction par objet des interdictions générales et absolues de vente sur Internet ne s’appliqueraient pas aux biens de luxe, et donc a fortiori aux montres commercialisées par Rolex, mais uniquement aux biens de grande consommation288.
281. Rolex France considère que le contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivaient les pratiques n’a pas été pris en compte pour déterminer si les pratiques poursuivies avaient un objet anticoncurrentiel.
282. Selon Rolex France, les services d’instruction ne pouvaient considérer les pratiques en cause comme étant anticoncurrentielles par leur objet même, dès lors que la concurrence sur le marché en cause ne s’exerce pas par les prix mais repose sur l’image de prestige des produits et les services proposés aux consommateurs. Elle prétend, par ailleurs, que les ventes en ligne de montres de luxe sont marginales et qu’en tout état de cause ce canal de vente serait inadapté aux produits en cause et ne contiendrait qu’un faible potentiel de développement. Elle soutient enfin qu’en tout état de cause, Rolex France ne disposerait pas de capacités de production adaptées au développement des ventes en ligne.
283. S’agissant, ensuite, de l’existence d’effets anticoncurrentiels, Rolex France soutient que l’impact de l’interdiction en ligne serait marginal voire inexistant, au regard des contraintes de volume et des coûts engendrés par un site marchand289.
284. S’agissant, enfin, des objectifs que viserait une interdiction de la vente sur Internet des produits Rolex, Rolex France soutient, en premier lieu, que l’absence de vente en ligne permettrait de garantir aux consommateurs un environnement d’achat satisfaisant, dans la mesure où la vente sur Internet ne permettrait pas de répondre aux exigences qualitatives rigoureuses exigées des boutiques distribuant les montres de la marque Rolex, notamment en termes d’expérience d’achat, d’essayage et de mise au point des produits290.
285. Rolex France soutient, en deuxième lieu, que l’interdiction de vente en ligne permet de lutter contre la contrefaçon291. Elle souligne, à cet égard, que Rolex figure en tête des produits les plus contrefaits292, avec des contrefaçons de plus en plus sophistiquées et difficiles à déceler293. Selon elle, l’achat dans la boutique de l’un de ses distributeurs agréés reste la seule garantie de l’authenticité294 ; le cadre légal actuel de lutte contre les contrefaçons, en particulier via Internet, est inadapté tant au niveau mondial, européen que national et les plateformes numériques sont passives dans la lutte contre les contrefaçons295. Enfin, les solutions technologiques récentes de type blockchain ne constitueraient pas une réponse appropriée car elles n’auraient pas encore démontré leur efficacité, présenteraient des lacunes ou consommeraient trop d’énergie296.
286. Rolex France soutient, en troisième lieu, que l’interdiction de vente en ligne permettrait également de lutter contre les réseaux parallèles car la présence d’une montre neuve authentique en ligne permet d’identifier avec certitude qu’elle a été vendue hors réseau297.
287. En quatrième et dernier lieu, Rolex France soutient que l’absence de vente en ligne permet d’éviter des problèmes en termes d’image, de sécurité (lors de l’envoi à distance) ou encore des problèmes liés au délai de rétractation298.
288. En vertu de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 234 et 235 ci-avant, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question299.
a. Sur la teneur de la clause et les objectifs qu’elle poursuit
289. La clause contenue dans le contrat de distribution sélective de Rolex interdit la vente sur Internet par ses distributeurs agréés. Cette clause est appliquée depuis 1977 (dans le contrat de 1977 ainsi que dans le contrat de 1999 qui l’a remplacé) et concerne « la vente par correspondance » qui inclut la vente par Internet (voir les paragraphes 261 et suivants ci-avant). Cette interdiction est générale et absolue (voir les paragraphes 270 et suivants ci-avant).
290. La vérification de la proportionnalité de la clause précitée au regard des objectifs poursuivis implique d’examiner si l’interdiction faite par Rolex à ses distributeurs agréés de vendre sur Internet les produits de luxe concernés est appropriée pour atteindre ces objectifs, et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.
291. Or, ainsi qu’il a été rappelé aux paragraphes 238 et suivants ci-avant, les autorités et juridictions nationales et européennes considèrent de manière constante que les interdictions générales et absolues faites aux distributeurs d’un réseau de distribution sélective de vendre par Internet ne sont pas justifiées, ni proportionnées à la poursuite d’un objectif légitime, et que des alternatives moins restrictives doivent être envisagées.
292. En l’espèce, aucun des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction ne justifie de s’écarter de cette pratique décisionnelle et de cette jurisprudence constantes, dans la mesure où des alternatives moins restrictives étaient envisageables.
293. S’agissant, en premier lieu, de l’objectif consistant à garantir aux consommateurs un environnement d’achat satisfaisant, il ressort des éléments du dossier que Rolex France a d’ores et déjà développé une stratégie digitale poussée afin d’améliorer sa visibilité en ligne. En effet, le « programme digital détaillants officiels Rolex » permet de présenter en ligne les produits Rolex dans un environnement qui correspond aux conditions qualitatives convenues avec ses distributeurs agréés (voir les paragraphes 74 à 76 ci-avant), dont les distributeurs ont souligné le caractère contraignant (voir le Tableau 2, ci-avant, p. 31).
294. Il ressort, par ailleurs, des déclarations des distributeurs interrogés qu’un autre fabricant de montres de luxe aurait développé une solution technique similaire à celle mise en place par Rolex France, mais qui permettrait aux distributeurs de vendre en ligne les produits. Veron Roques a ainsi précisé « [qu’u]ne autre marque d'horlogerie vient de proposer la même chose que Rolex mais avec la possibilité que nos clients aillent acheter sur leur site »300 (soulignement ajouté) et Dorise Joaillier a ajouté que « [l]a principale différence est que nous ne pouvons pas les vendre en ligne, et qu'elles ne sont pas hébergées sur notre site. (…) La différence est que seule la marque Rolex a développé un e-corner obligatoire à mettre en place si l'on met en place un site de e-commerce. Une autre marque semble vouloir proposer la même chose mais avec la possibilité d'acheter en ligne. Ce n'est pas le cas de Rolex »301 (soulignements ajoutés).
295. Il ressort de ces éléments que Rolex France a imposé à ses distributeurs désirant présenter les produits Rolex sur leur site internet d’utiliser un ensemble d’outils et de normes visant à s’assurer du respect de l’aura et de l’image de la marque et de sa place privilégiée sur leur site, tout en leur laissant peu de latitude quant à la personnalisation du contenu. Par comparaison, l’ensemble des concurrents de Rolex dont les contrats ont été analysés autorisent la vente en ligne, tout en assortissant cette autorisation de conditions et de garanties visant à préserver l’image de luxe des produits, notamment via des outils et normes dont le niveau d’exigence apparaît similaire à celui que Rolex France requiert de ses distributeurs.
296. Les outils permettant d’assurer l’adéquation de la vente en ligne des produits Rolex à l’image et à l’aura de ses produits ont donc déjà été mis en place.
297. En tout état de cause, contrairement à ce qu’affirme Rolex France, l’objectif de préservation d’un modèle économique à forte valeur ajoutée, fondé sur l’image de marque, la qualité de service et la relation personnalisée avec le client peut être atteint autrement qu’en neutralisant la possibilité de vendre en ligne. En effet, des obligations de service peuvent être imposées aux distributeurs en ligne, par exemple le respect d’un certain design du site internet, l’octroi de conseils en ligne ou la possibilité pour le client de contacter le bijoutier302.
298. Par ailleurs, l’analyse des ventes en ligne de montres de luxe de marques concurrentes qui figure dans l’étude économique produite par Rolex France303 atteste qu’il est possible de vendre en ligne tout en maintenant une image de marque haut de gamme. Tel est notamment le cas de Vacheron Constantin, dont les montres ont des prix en moyenne supérieurs à ceux pratiqués par Rolex.
299. Quant aux arguments avancés par Rolex France relatifs à l’expérience d’achat, l’essayage et la mise au point des produits, ces arguments ne peuvent prospérer dans la mesure où des solutions alternatives moins restrictives de concurrence existent, comme en attestent les solutions mises en place par les concurrents de Rolex.
300. Il ressort de ces éléments qu’une interdiction générale et absolue de vendre en ligne n’apparaît pas proportionnée à l’objectif poursuivi par Rolex France visant à garantir un environnement d’achat apte à préserver l’aura et le prestige de la marque.
301. S’agissant, en deuxième lieu, de l’objectif consistant à lutter contre la contrefaçon, s’il s’agit d’un objectif légitime, il est constant que cette problématique préexistait au développement d’Internet et n’est pas propre à la marque Rolex. Or, des concurrents de Rolex, eux aussi affectés par ce phénomène, permettent toutefois à leurs distributeurs de vendre sur Internet ainsi que cela a été précisé ci-avant, dans le Tableau 3, p. 36.
302. En effet, il existe des moyens moins restrictifs de concurrence permettant d’atteindre cet objectif, notamment grâce à des solutions technologiques « au service de la reconnaissance et de la traçabilité des produits originaux », comme l’a souligné la Cour des comptes, dans son rapport publié le 3 mars 2020304. La Cour des comptes constatait également que la technologie blockchain était la technologie la plus répandue dans le monde des entreprises305.
303. Cette technologie, qui en tout état de cause ne constitue qu’une des modalités techniques susceptibles d’être mises en place par un fabricant de produits de luxe pour la vente de ses produits sur internet, est d’ailleurs utilisée par plusieurs concurrents de Rolex afin de lutter contre la contrefaçon et garantir l’authenticité et la traçabilité des articles vendus en ligne.
304. Ainsi, depuis le 13 octobre 2020, toutes les montres produites par Breitling sont proposées avec un passeport numérique encrypté dans la blockchain grâce à la technologie Arianee, prouvant leur authenticité́ et accessible en un clic306. De même, les groupes LVMH (Louis Vuitton, Dior), Prada et Richemont (Cartier, Mont Blanc) ont constitué ensemble un consortium privé, Aura Blockchain, qui utilise le concept et les outils de blockchain pour garantir non seulement la traçabilité et l’authenticité des articles ainsi protégés, mais également le respect de la propriété intellectuelle et l’historique de propriété307. Enfin, le groupe Kering a également développé des certificats de garantie numériques fondés sur la blockchain Bitcoin pour sa marque de montres Ulysse Nardin.
305. Si ces certificats numériques n’empêcheront pas la contrefaçon, « il(s) éviter(ont) qu’un client achète un produit contrefait sans le savoir » (soulignement ajouté)308.
306. Si Rolex France conteste l’efficacité de la blockchain dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon309, elle ne démontre pas en quoi sa situation diffère de celle des concurrents qui y ont recours et pourquoi il lui serait impossible d’utiliser des outils à même d’assurer la reconnaissance et la traçabilité de ses produits, malgré sa position de leader du secteur.
307. Rolex France soutient enfin que la technologie blockchain est récente et qu’elle ne pouvait par conséquent l’utiliser pour l’ensemble de la période visée par le grief n° 1310. Cette critique n’est pas pertinente, dans la mesure où, premièrement, les concurrents de Rolex ont autorisé la vente en ligne avant l’utilisation de cette technologie, et ce, pour certains, dès 2011 – et deuxièmement, l’Autorité souligne que des moyens autres qu’une interdiction générale et absolue des ventes en ligne sont utilisés par les concurrents de Rolex (voir ci-après, paragraphes 326 et suivants), alors même que ces concurrents disposant de parts de marché et de ressources plus faibles.
308. Il sera relevé, enfin, que les problèmes liés au risque de contrefaçon découlant des achats en ligne n’ont pas empêché Rolex de développer à titre expérimental, avec le distributeur Bucherer, le programme « Rolex Certified Pre-owned » (voir ci-après, paragraphe 344)311, lequel permet d’acheter en ligne des montres d’occasion dont Rolex garantit l’authenticité.
309. Il ressort de l’ensemble ces éléments qu’une interdiction générale et absolue de vendre en ligne n’apparaît pas proportionnée à l’objectif de lutte contre les contrefaçons.
310. S’agissant, en troisième lieu, de l’objectif consistant à préserver l’image de la marque Rolex, en particulier lors de l’envoi à distance des produits et de leur retour éventuel, l’interdiction générale et absolue de la vente en ligne n’est, là encore, ni légitime, ni proportionnée, dans la mesure où il existe de nombreuses alternatives, moins restrictives de concurrence, qu’utilisent d’ailleurs les concurrents de Rolex pour pallier ces problèmes logistiques.
311. Ainsi, par exemple, Rolex France aurait pu explorer des solutions telles que le recours à des transporteurs garantissant la sécurité des envois d’objets de valeur, la souscription d’assurances adaptées ou la possibilité d’un retrait en boutique des produits achetés en ligne pour les clients préférant cette option.
312. En toute hypothèse, s’agissant du retour des marchandises achetées en ligne en cas de rétractation par les consommateurs, les distributeurs de Rolex France vendant certaines autres marques en ligne détaillent d’ores et déjà, dans leurs conditions générales de vente, les conditions auxquelles sont soumis les retours de produits312. Des stipulations similaires se retrouvent également dans les conditions générales de vente de concurrents de la marque, comme Breitling313 ou Vacheron Constantin314.
313. Dans ces conditions, l’interdiction générale et absolue de vendre en ligne n’apparaît pas proportionnée à l’objectif poursuivi par Rolex visant à pallier les problèmes d’image liés à la livraison ou au retour des produits.
b. Sur le contexte juridique et économique
• Sur le contexte juridique
314. Ainsi que cela a été détaillé aux paragraphes 229 à 233, il ressort de la jurisprudence qu’une clause contenue dans un contrat de distribution sélective qui interdit aux distributeurs agréés de vendre en ligne les produits d’un distributeur constitue une restriction par objet si, à la suite d’un examen individuel et concret de la teneur et des objectifs de cette clause et du contexte juridique et économique dans lequel elle s’inscrit, il apparaît que cette clause n’est pas objectivement justifiée et qu’elle n’est pas proportionnée aux objectifs poursuivis.
315. Dans ces conditions, Rolex France est mal fondée à se prévaloir d’une incertitude qui existerait sur l’application de cette jurisprudence aux produits commercialisés par ses soins, à savoir des biens de luxe.
316. En effet, ces principes jurisprudentiels, formulés en termes généraux et applicables à tous les systèmes de distribution sélective, ont été appliqués à des biens pour lesquels, compte tenu de leur nature, le système de distribution sélective choisi a été jugé justifié (notamment des biens de luxe et de haute technicité). Ils s’appliquent, sans contestation possible, aux biens de luxe pour lesquels la distribution sélective est généralement privilégiée. L’arrêt Coty315 clarifie à cet égard l’arrêt Pierre Fabre316 en considérant licite la faculté des fournisseurs – qui, dans cette espèce, étaient des fournisseurs de biens de luxe – d’interdire la revente des produits sur les places de marché en ligne afin de préserver l’image de luxe et de prestige de leurs produits. Il s’en déduit a contrario, que les biens de luxe sont soumis au respect des principes dégagés par la jurisprudence et la pratique décisionnelle précitées.
317. Rolex France est d’autant plus mal fondée à soutenir que les biens de luxe ne seraient pas visés par la jurisprudence et la pratique décisionnelle précitée et que Rolex France serait dispensée de respecter les principes susvisés, que ses concurrents ont adapté leurs contrats de distribution afin de permettre – tout en l’encadrant – la vente en ligne par leurs distributeurs (voir les paragraphes 87 et 88 ci-avant ainsi que les paragraphes 326 et suivants ci-après).
• Sur le contexte économique
318. Les caractéristiques du marché des montres de luxe (rappelées ci-avant, aux paragraphes 8 à 13 et 220 à 226), la position que Rolex occupe sur ce marché (mentionnée ci-avant aux paragraphes 37 à 40), la notoriété de la marque Rolex (développée ci-avant aux paragraphes 43 à 46), la nature des produits en cause et le comportement de ses concurrents (voir le Tableau 3 ci-avant, p. 36, et les développements ci-après, aux paragraphes 319 à 344) ne sont pas de nature à remettre en cause la qualification d’infraction par objet des présentes pratiques.
319. S’agissant, en premier lieu, des perspectives de développement des ventes en ligne dans le secteur du luxe et notamment des montres de luxe, Rolex soutient, comme rappelé ci-avant, que ce canal revêtirait un caractère marginal, serait inadapté à la vente de montres de la marque Rolex et aurait un faible potentiel de développement.
320. Il ressort toutefois d’une étude sur le segment des produits de luxe personnels (mode, maroquinerie, joaillerie, horlogerie, parfumerie, cosmétique) que les ventes en ligne dans le secteur du luxe n’ont cessé de progresser depuis 2004 :
Valeur du marché mondial des produits de luxe personnels en ligne de 2004 à 2021 (en milliard d’euros)
321. Selon les dernières données d'Euromonitor International, les ventes en ligne de produits de luxe personnels, qui représentaient 11 % de toutes les ventes en 2019318, ont atteint 19 % en 2023319, ce qui témoigne de l’importance croissante de ce canal de vente.
322. Une étude de février 2020320 relève notamment que l'importance croissante du numérique dans le luxe est principalement due à un changement de génération. Alors que les acheteurs plus âgés ont traditionnellement été le moteur de la croissance des ventes de luxe, les acheteurs aisés nés après 1980, appelés consommateurs des générations « Y » (nés entre 1981 et 1994) et « Z » (nés entre 1995 et 2010), ont représenté environ 40 % des dépenses de luxe en 2019. En outre, ces consommateurs ont engendré à eux seuls 100 % de la croissance mondiale du luxe en 2019.
323. S’agissant plus spécifiquement des montres de luxe, une étude de juin 2021 estime à 5 % la part que représentent les ventes en ligne de montres relevant des segments premium (dont le prix est compris entre 180 et 3 600 dollars), luxe (dont le prix est compris entre 3 600 et 30 000 dollars) et ultra-luxe (dont le prix est supérieur à 30 000 dollars) et prévoit que d'ici 2025 ces ventes vont plus que doubler pour atteindre 6 milliards de dollars, soit 10 à 15 % des ventes321, avec un taux de croissance de 1 à 3 % par an322.
324. Contrairement à ce que soutient Rolex dans ses observations en réponse au rapport, la perspective de croissance morose ainsi que les « faiblesses structurelles » invoquées dans l’étude de juin 2021 ne concernent pas la vente en ligne de montres de luxe mais la perspective de croissance des montres de luxe dans leur ensemble (ventes physiques et en ligne). Cette étude prévoit, au contraire, un développement potentiel important de la vente en ligne de montres de luxe, canal qui passerait, en seulement six ans, de 5 à 12 % des ventes totales de montres de luxe323. Le rapport note ainsi que le canal en ligne pourrait connaître une augmentation significative de ses ventes324.
325. S’agissant du faible taux de conversion de la vente en ligne invoqué par l’étude du cabinet économique mandaté par Rolex pour attester du caractère marginal de ce canal de vente, il convient tout d’abord de relever que le taux de conversion de la vente en ligne est susceptible d’être croissant dans le temps, à mesure que les consommateurs s’habituent à acheter de tels biens sur Internet325. Ensuite, l’accent mis sur le taux de conversion des ventes de montres de luxe en ligne dans le rapport économique est de nature à occulter deux caractéristiques essentielles de la vente en ligne qui la différencient de la vente physique. D’une part, le trafic en ligne est susceptible d’être plus important que le trafic en magasin physique, ce qui contribue à compenser un éventuel différentiel de taux de conversion entre vente en ligne et vente physique. D’autre part, les hausses de trafic en ligne n’induisent pas de coûts supplémentaires puisqu’il s’agit d’un canal de vente non rival326, ce qui permet aux distributeurs disposant d’un site de vente en ligne de tirer parti de l’attrait croissant des consommateurs pour ce canal au fil du temps sans avoir à réaliser d’investissements supplémentaires. À l’inverse, des hausses de fréquentation de magasins peuvent induire des coûts ou investissements additionnels importants, par exemple en termes de personnel ou d’espace de vente supplémentaire nécessaires.
326. S’agissant, en deuxième lieu, de la vente en ligne par d’autres manufactures horlogères, il apparaît, contrairement à ce que soutient Rolex France, que ses concurrents sont intéressés par ce canal de distribution et autorisent leurs distributeurs, sous certaines conditions et garanties visant à préserver l’image de luxe des produits, à vendre leurs produits en ligne.
327. Ceci ressort, notamment, des contrats de distribution sélective des concurrents de Rolex versés au dossier, à savoir Omega, Breitling, Tag Heuer, Vacheron Constantin, Bell & Ross, Chaumet, Dior, Cartier, Jaeger Lecoultre, IWC, Baume & Mercier, Panerai et Longines ainsi que des déclarations des distributeurs (voir les paragraphes 87, 88 et le Tableau 5 ci-avant).
328. Certains concurrents de Rolex ont ainsi développé des solutions de revente en ligne spécifiques permettant, par exemple, d’essayer jusqu’à trois montres d’une marque de leur choix, parmi une gamme de montres dédiée au programme, qui leur seront livrées à domicile, et à terme d’acheter l’une des trois montres dans le cadre d’une offre spéciale327.
329. Rolex France n’allègue ni ne démontre par ailleurs que les caractéristiques de ses produits seraient différentes de celles de ses concurrents et pourquoi la vente en ligne serait inadaptée. Les saisissantes relèvent à cet égard que « les montres Rolex sont des montres de luxe, qui ne présentent pas de spécificité particulière par rapport à d’autres montres du même segment (…) Rien de comparable avec les montres ultra-compliquées, décrites par la Fédération de la Haute Horlogerie, manufacturées en série limitée »328.
330. Enfin, Rolex France ne saurait tirer argument de ce que ses concurrents n’autorisent pas leurs distributeurs à commercialiser l’ensemble de leur gamme en ligne329, ces derniers ayant, conformément à la jurisprudence rappelée ci-avant, la possibilité d’encadrer la vente en ligne et de l’assortir de conditions.
331. S’agissant, en troisième lieu, du souhait des distributeurs agréés de Rolex France de vendre en ligne les produits de la marque, Rolex France soutient que la vente en ligne ne susciterait que peu d’intérêt, comme en attesterait le faible pourcentage de distributeurs agréés Rolex distribuant en ligne des marques concurrentes (en septembre 2020, 14 sur 54 disposeraient d’un site internet marchand, soit 26 % de ses distributeurs agréés330).
332. Il ressort toutefois de plusieurs éléments au dossier que des distributeurs ont fait part à Rolex de leur volonté de développer les ventes en ligne de montres de marques Rolex et notamment la saisissante, la société Pellegrin & Fils, avant que son contrat soit résilié (voir le paragraphe 70) et la société Royal Quartz (11 points de vente distribuant la marque Rolex) ainsi qu’il ressort d’un document intitulé « Rolex Official Retailer Digital Program – Implementation follow-up » du 3 juillet 2017 : Royal Quartz : « Veulent vendre en ligne montres Rolex mais refus de notre part »331 (soulignement ajouté).
333. L’UBH relève, à cet égard, captures d’écran des sites des distributeurs à l’appui332, qu’en mars 2023, sur les 54 distributeurs agréés par Rolex, 33 disposent d’un site internet. Elle relève, en outre, que sur ces 33 sites internet, 24, et non 14 comme indiqué par Rolex France, sont des sites internet marchands sur lesquels les distributeurs proposent en ligne des montres de marque concurrentes.
334. Par ailleurs, au sein des distributeurs de Rolex France n’ayant pas encore développé de site marchand, deux d’entre eux333 (qui détiennent, à eux deux, quatre points de vente) ont mentionné leur volonté de le faire (voir Tableau 1 ci-avant, p. 21).
335. En outre, il doit être relevé que l’impossibilité de vendre des montres Rolex en ligne diminue fortement l’incitation des distributeurs à ouvrir des espaces de vente en ligne au sein de leur site, notamment lorsque les ventes de montres Rolex constituent une part importante de leur chiffre d’affaires.
336. En quatrième lieu, Rolex France soutient que la concurrence entre distributeurs porte essentiellement sur l’image de prestige et les services fournis aux consommateurs, et donc de manière extrêmement marginale sur les prix, et qu’en conséquence le développement des ventes en ligne ne conduirait pas à un renforcement de la concurrence par les prix entre les distributeurs et ne se traduirait pas par une diminution des prix acquittés par les consommateurs. Rolex n’apporte cependant aucun élément probant étayant cette affirmation.
337. Il ressort, au contraire, des éléments du dossier que le prix constitue pour les consommateurs un facteur de différenciation entre les distributeurs, comme le démontre le fait que les clients réclament régulièrement des remises aux distributeurs (à cet égard, voir, par exemple, le paragraphe 130 ci-avant). Dans ces conditions, Rolex France apparaît mal fondée à soutenir que le prix n’est pas un élément de concurrence entre ses distributeurs.
338. Une étude économique produite à la demande de Rolex France et portant sur 13 modèles de marques concurrentes vendus en ligne par les distributeurs agréés Rolex, compare, pour chaque modèle, l’écart entre le prix public conseillé figurant sur le site du fabricant et le prix proposé en ligne. Au terme de cette comparaison, il apparaîtrait que, dans 95,7 % des cas, l’écart est inférieur ou égal à 2 % et que, dans 91,2 % des cas, les deux prix sont identiques334. Rolex France en conclut que le développement de la vente en ligne ne permet vraisemblablement pas de diminuer les prix en ligne335.
339. Cette étude compare cependant, de façon statique, les prix pratiqués par différents acteurs – distributeurs et fabricants – pour un même produit sur un même canal sur lequel les consommateurs peuvent mettre en concurrence les différentes offres. Les prix pratiqués en ligne affichent, par conséquent, peu d’écarts puisqu’ils sont en concurrence directe. En effet, plus la concurrence entre les acteurs d’un marché est importante, plus les prix pratiqués par ces acteurs sont susceptibles d’être proches les uns des autres pour un même produit. La proximité des prix relevée dans l’étude économique précitée est ainsi susceptible de révéler une concurrence importante entre les différents acteurs du marché sur le canal de la vente en ligne. Par ailleurs, rien n’indique que les prix pratiqués sur les sites des fabricants correspondent effectivement aux prix maximum conseillés par les marques, comme le suppose l’étude économique336. Il ne saurait, par conséquent, s’en déduire que les prix ne constituent pas un paramètre de concurrence. De plus, s’agissant spécifiquement des montres Rolex, en l’absence de pression concurrentielle exercée par la vente en ligne, cette analyse est peu pertinente car elle ne permet pas d’appréhender le niveau de prix des produits Rolex qui aurait pu exister si la vente en ligne avait été autorisée, et avait pu exercer une pression concurrentielle sur la distribution physique.
340. En tout état de cause, d’autres paramètres que le prix, tels que la disponibilité des produits, la typologie et la localisation des consommateurs, entrent en considération dans la concurrence que se font les distributeurs. En outre, il n’existait, en 2021, que 66 boutiques en France autorisées à vendre les produits de marque Rolex, principalement situées dans des grandes villes. Les distributeurs sont donc susceptibles d’attirer via leur site marchand une clientèle située hors de leur zone géographique qui, en l’absence de vente en ligne, se serait orientée vers un distributeur plus proche géographiquement.
341. Quant aux arguments relatifs aux contraintes de capacité, il n’existe pas de corrélation entre ces contraintes, réelles ou supposées337, et la manière dont les distributeurs choisissent de distribuer les quantités qui leurs sont allouées par la marque, i.e via Internet ou dans leur boutique. En effet, le raisonnement de Rolex France, censé démontrer l’existence de contraintes de capacité, se fonde sur le succès et la technicité de ses produits. Or, Rolex France ne soutient ni ne démontre être le seul fabricant de montres de luxe dont les produits présenteraient ces caractéristiques. Pour autant, et à la différence de ses concurrents, elle n’autorise pas ses distributeurs à commercialiser ses produits en ligne.
342. S’agissant, en cinquième et dernier lieu, de l’attrait des consommateurs finaux pour la vente en ligne, contrairement à ce que soutient Rolex France, il existe une demande pour les montres de luxe sur Internet, comme l’atteste notamment la vente en ligne de montres de marque Rolex d’occasion.
343. Plusieurs sites se sont ainsi spécialisés dans la vente des montres de seconde main tels que notamment Chrono24, Watchmaster, Chrononext ou Kronos360. Certains distributeurs agréés Rolex opèrent également sur ce marché, comme cela ressort des déclarations d’un de ses distributeurs, Maier Horloger338. Comme le relève le rapport de juin 2021 précité, le marché des montres d’occasion de luxe est d’ailleurs en plein essor : « le marché de la montre d'occasion est devenu de plus en plus attractif grâce à la digitalisation qui en a fait le segment à la croissance la plus rapide de l'industrie. (…) Le marché devrait croître de 8 à 10 % par an entre 2019 et 2025, atteignant des ventes de 29 à 32 milliards de dollars en 2025, contre 18 milliards de dollars en 2019 » (traduction libre)339. Ainsi, Chrono24, Watchmaster, Chrononext ont enregistré une croissance à deux chiffres au cours des dernières années340.
344. Enfin, comme le relève l’UBH, Rolex a au demeurant elle-même mis en place, à titre expérimental, avec le distributeur Bucherer, un programme appelé « Rolex Certified Pre-owned » qui prend la forme d’un corner digital spécifique, placé aux côtés du e-corner Rolex, et qui permet d’acheter en ligne des montres d’occasion comme celles que l’on peut trouver sur les plateformes de vente en ligne telles que celles précédemment citées341.
345. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les pratiques mises en œuvre par Rolex France ont été analysées à la lumière du contexte juridique et économique dans lequel s’insère la clause litigieuse et que les arguments avancés par Rolex France relatifs au faible attrait que représenterait ce canal de distribution pour les manufactures concurrentes, les distributeurs et les consommateurs ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du grief notifié.
Conclusion sur la restriction de concurrence
346. Ainsi qu’il a été précédemment exposé, du point de vue de l’offre, l’ensemble des fabricants concurrents de Rolex sur le segment des montres de luxe dont les contrats ont été analysés ont adapté leur contrat de distribution sélective de manière à autoriser, tout en l’encadrant, la vente par Internet par leurs distributeurs agréés, dans un contexte où de nombreux distributeurs sont désireux d’utiliser ce canal de commercialisation. Du point de vue de la demande, il convient également de constater l’attrait de ce canal de distribution pour les montres de luxe et notamment pour les montres de la marque Rolex, comme en atteste par exemple la commercialisation via des sites spécialisés de montres Rolex de seconde main. Enfin, les obstacles techniques ou les risques engendrés par la commercialisation de montre de luxe via ce canal sont à relativiser au regard des avancées technologiques que plusieurs concurrents de Rolex ont d’ailleurs décidé d’utiliser pour développer leur stratégie de distribution omnicanale.
347. L’interdiction de vente en ligne imposée par Rolex France à ses distributeurs restreint la concurrence entre les distributeurs agréés au détriment des consommateurs. Une telle interdiction limite par sa teneur, ses objectifs et le contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, la concurrence entre les distributeurs, conduit à reconstituer les zones de chalandise physique en réduisant la possibilité des distributeurs de vendre des produits aux clients situés hors de leur zone d'activité, limite le choix des acheteurs finaux désireux d’acheter sans se déplacer et restreint, par voie de conséquence, la concurrence dans le secteur de la distribution des montres de luxe.
348. Ainsi qu’il a été précédemment démontré, et quand bien même les objectifs poursuivis par Rolex (exposés ci-avant, aux paragraphes 279 à 287) seraient légitimes (quod non), au regard de la nature des produits en cause, l’interdiction en question n’apparaît pas proportionnée et, partant, non objectivement justifiée.
349. Par conséquent, cette clause constitue, de par sa nocivité, une restriction par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Conformément à la jurisprudence citée au paragraphe 235 ci-avant et contrairement à l’affirmation de Rolex France, l’objet anticoncurrentiel étant établi, il n’y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence, mais seulement d’apprécier la gravité de la pratique, ce qui sera effectué dans la section relative aux déterminants de la sanction.
350. La pratique poursuivie constituant une restriction caractérisée au sens de l’article 4 du règlement (UE) 330/2010 du 20 avril 2010342, elle ne peut faire l’objet d’une exemption catégorielle sur le fondement de l’article 2 de ce texte.
3) Sur l’exemption individuelle des pratiques
351. Rolex France soutient que la restriction de concurrence induite par l’interdiction des ventes en ligne, à supposer qu’elle existe, doit être exemptée sur le fondement des articles 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.
352. Quatre conditions cumulatives, dont la démonstration incombe à la partie qui s’en prévaut, doivent être remplies pour qu’un accord qui restreint la concurrence puisse être exempté au titre des articles 101, paragraphe 3, du TFUE et L. 420-4 du code de commerce : l’accord doit i) produire des avantages économiques objectifs ; ii) les consommateurs doivent obtenir une partie équitable du profit qui en résulte ; iii) les restrictions de concurrence doivent être indispensables pour parvenir à ces avantages, et iv) l’accord ne doit pas donner la possibilité aux parties d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des biens ou services concernés343.
353. Rolex France allègue, en reprenant pour l’essentiel les arguments développés dans ses observations relatives aux objectifs poursuivis par l’interdiction de la vente en ligne (exposés ci-avant, aux paragraphes 279 à 287), que ladite interdiction engendrerait des gains d’efficience, en ce qu’elle permettrait la préservation d’un environnement garantissant la satisfaction optimale des consommateurs ainsi que la prévention des contrefaçons et du commerce parallèle344. Elle ajoute que cette interdiction n’éliminerait pas la concurrence sur le marché des montres de luxe compte tenu du caractère marginal des ventes en ligne dans ce secteur345.
354. S’agissant, en premier lieu, de la préservation d’un environnement garantissant la satisfaction optimale des consommateurs, si la distribution des produits Rolex dans un lieu de vente physique permet d’offrir un tel environnement, il n’est pas démontré que la vente en ligne ne le permettrait pas également. En revanche, l’interdiction totale de vente en ligne prive les consommateurs du libre choix d’un mode d’acquisition des produits, réduit la possibilité pour les distributeurs agréés de vendre les produits contractuels à des clients éloignés géographiquement des points de vente et la faculté pour les clients de comparer les prix, limitant ainsi la concurrence entre les distributeurs. Il résulte de ce qui précède qu’en interdisant de façon absolue à ses distributeurs agréés de commercialiser sur Internet les produits contractuels, Rolex France leur impose des restrictions qui ne permettent pas de « garantir au mieux la satisfaction des clients ».
355. ’agissant, en second lieu, de la lutte contre les contrefaçons et le commerce parallèle, aucun élément au dossier n’atteste que l’interdiction totale des ventes en ligne des produits Rolex serait de nature à éviter un essor des contrefaçons ou du commerce parallèle, et qu’a contrario autoriser la distribution en ligne conduirait à les accroître.
356. En tout état de cause, à supposer les efficiences alléguées justifiées, les restrictions résultant de cette interdiction de vente en ligne n’apparaissent pas indispensables. En effet, comme précédemment exposé, les concurrents de Rolex autorisent leurs distributeurs à vendre leurs produits en ligne, et certains d’entre eux ont même développé des solutions en vue de garantir aux consommateurs l’authenticité et la traçabilité des produits achetés permettant ainsi de lutter plus efficacement contre la contrefaçon et le commerce parallèle. Dans ces conditions, l’interdiction générale et absolue des ventes en ligne n’apparaît pas indispensable pour atteindre les objectifs poursuivis par Rolex France qui pourraient être atteints par des moyens moins restrictifs de concurrence.
357. Les conditions cumulatives rappelées au paragraphe 352 ci-avant n’étant pas remplies, la pratique en cause n’est pas susceptible d’être exemptée sur le fondement de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et L. 420-4 du code de commerce.
4) Sur la continuité des pratiques
358. Il ressort des éléments versés au dossier que la pratique sanctionnée a été continue à tout le moins à compter du 13 octobre 2011, jusqu’à l’envoi de la notification de griefs complémentaire le 23 mars 2022.
2. S’AGISSANT DE LA PRATIQUE DES PRIX DE VENTE IMPOSES PAR ROLEX A SES DISTRIBUTEURS
a) Rappel des principes applicables
1) Sur l’accord de volontés
359. En ce qui concerne les principes généraux applicables à la démonstration d’un accord de volontés, il est renvoyé aux paragraphes 230 aux 233 ci-avant.
360. S’agissant d’une entente verticale sur les prix, il convient de rappeler, d’une part, que l’invitation faite par un fabricant à ses distributeurs de participer à une pratique de prix imposés est généralement démontrée par la diffusion auxdits distributeurs des prix de revente conseillés et par la mise en œuvre d’une surveillance des prix, qui permet d’établir que les prix dits « conseillés » sont en réalité des prix imposés. D’autre part, l’acquiescement des distributeurs est généralement démontré par l’application effective desdits prix, la Cour de cassation ayant précisé que « l’application significative des prix est une donnée de fait qui se prouve par tout moyen, notamment par des éléments quantitatifs, tels que des relevés de prix, mais aussi par des éléments qualitatifs, tels que des déclarations du distributeur ou par des pièces établissant sans conteste cette application »346.
361. La cour d’appel de Paris a par exemple jugé, dans son arrêt du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, qu’« il y a entente collusoire lorsqu’il résulte des engagements de ce distributeur ou des comportements des parties (application par le distributeur des prix communiqués et mise en place, par le fournisseur, de mécanismes de contrôle des prix pratiqués) que ces prix sont en réalité considérés comme des prix imposés »347.
362. Sur ce point, la CJUE a rappelé, dans son arrêt du 6 janvier 2004, Bayer, qu’un accord interdit par l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne suppose pas nécessairement qu’il existe un système de contrôles a posteriori et de sanctions348. En outre, la cour d’appel de Paris, dans l’arrêt du 26 janvier 2012 précité, a jugé que la preuve de l’acquiescement des distributeurs à l’entente peut être rapportée par tout moyen, notamment par la mise en place d’une surveillance intra-marque par ces derniers349.
363. S’agissant, enfin, du niveau de preuve exigé de la part de l’Autorité, il est constant que la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés reprochée à un fournisseur n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente, mais seulement d’un nombre significatif d’entre eux350.
364. En outre, la cour d’appel de Paris a jugé « [q]u’il n’est pas incompatible avec l’existence d[’une] entente [verticale généralisée] que quelques entreprises aient refusé d’y adhérer et n’aient pas fait l’objet de mesures de rétorsion, dès lors que [le fournisseur] [lui]-même ne conteste pas que des pressions ont été exercées sur les détaillants récalcitrants (…) afin de les inviter à se plier à la discipline commune, qui ont été suivies d’effet »351.
2) Sur la restriction de concurrence
365. Il ressort du libellé du l’article 101, paragraphe 1, sous a), TFUE que sont notamment incompatibles avec le marché intérieur et interdits les accords entre entreprises consistant à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction ».
366. De manière analogue, le 2° de l’article L. 420-1 du code de commerce dispose que sont notamment prohibées les ententes expresses ou tacites lorsqu’elles tendent à « faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».
367. Les lignes directrices de la Commission du 19 mai 2010 sur les restrictions verticales352 définissent les pratiques de prix de vente imposés comme « les accords ou pratiques concertées ayant directement ou indirectement pour objet l’établissement d’un prix de vente fixe ou minimal ou d’un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l’acheteur est tenu de respecter » (point 48).
368. Les points 186 et 187 des lignes directrices de 2022 rappellent que les prix de vente imposés peuvent être appliqués par des moyens directs (via des dispositions contractuelles ou des pratiques concertées, par exemple) ou par des moyens indirects, « notamment des mesures incitant à appliquer un prix minimal ou dissuadant de s’écarter d’un prix minimal ».
369. Il ressort par ailleurs, de la jurisprudence de la CJUE que certains types de coordination entre entreprises, tels que, notamment mais pas exclusivement, les ententes sur les prix, révèlent intrinsèquement un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire353.
370. Enfin, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord entre entreprises, rien n’interdit aux autorités de concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union d’en tenir compte354.
b) Application au cas d’espèce
371. À titre liminaire, il convient de rappeler qu’en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation citée au paragraphe 363 ci-avant, la démonstration d’une entente verticale généralisée portant sur le respect de prix conseillés n’exige pas l’identification de tous les distributeurs ayant participé à l’entente. Elle suppose que soit établi, à l’égard d’un nombre significatif d’entre eux, que les parties ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière sur le marché.
372. En l’espèce, les éléments du dossier ne permettent pas d’établir à suffisance que Rolex France a invité ses distributeurs à se comporter d’une manière déterminée sur le marché de la distribution des montres de luxe en restreignant leur liberté tarifaire durant la période visée par la notification de griefs.
373. En premier lieu, s’il ressort des constatations que Rolex France souhaitait que soit contenu le niveau de remises octroyées par ses distributeurs dans la vente de ses produits (voir les paragraphes 106 et suivants ci-avant), les éléments du dossier ne permettent pas de démontrer que cette intention s’est effectivement traduite par l’invitation à ses distributeurs à restreindre leur liberté tarifaire durant l’intégralité de la période visée par la notification de griefs, à savoir du 31 décembre 2006 au 1er janvier 2020.
374. En second lieu, les pièces du dossier ne permettent pas de confirmer qu’un nombre significatif de distributeurs auraient, le cas échéant, acquiescé à cette invitation en appliquant les prix communiqués par Rolex France.
375. En effet, les éléments au dossier ne permettent pas d’établir que les distributeurs ont renoncé à leur liberté tarifaire. À cet égard, il a notamment été constaté que la plupart des distributeurs ont pratiqué des remises sur les produits de marque Rolex, le cas échéant à des niveaux parfois supérieurs aux barèmes élaborés par Rolex (voir les paragraphes 129 et suivants ci-avant) dont ont fait état trois distributeurs (sur ce point, voir le paragraphe 104 ci-avant).
376. Cette possibilité a été, par ailleurs, confirmée par les distributeurs. En effet, bien qu’il ressorte des déclarations de certains distributeurs que Rolex France leur « déconseillait » de pratiquer des remises (voir le paragraphe 105 ci-avant), la majorité des répondants (vingt-et-un sur vingt-sept) a déclaré disposer d’une marge de manœuvre totale dans la détermination de leur politique tarifaire (voir le Tableau 7, p. 46 ci-avant).
377. Il résulte de ce qui précède que l’existence d’une entente généralisée entre Rolex et ses distributeurs pour fixer le prix de vente au détail des montres de la marque Rolex, telle que visée par le grief n°2, n’est pas établie.
E. SUR L’IMPUTABILITE
1. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES
378. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles 101 et 102 du TFUE ainsi que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce se rapportent aux infractions commises par des entreprises. La notion d’entreprise et les règles qui découlent de cette notion en vertu desquelles le comportement d’une société peut être imputé à une autre société, notamment à sa société mère, relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L’interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du code de commerce355.
379. La notion d’entreprise au sens de la jurisprudence de l’Union désigne toute entité qui exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement356. Elle doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales357. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction conformément au principe de responsabilité personnelle358.
380. Ainsi que la CJUE l’a précisé dans un arrêt du 1er juillet 2010, lorsque la structure juridique propre à un groupe de sociétés n’en reflète pas le fonctionnement effectif et l’organisation réelle, l’existence d’une unité économique peut néanmoins être déduite d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle unité. Tel est le cas, notamment, lorsque plusieurs sociétés sont détenues par les mêmes associés, personnes physiques, lorsque leurs organes sociaux sont composés des mêmes personnes et lorsqu’il existe un cadre juridique destiné à leur assurer une unicité de direction et de gestion359.
381. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités360.
382. Lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve qui démontrent que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable du paiement de la sanction infligée à sa filiale361.
383. En outre, il ressort de la jurisprudence de l’Union que ces principes d’imputabilité sont applicables même dans l’hypothèse où l'entité qui détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de l’entité dont l’implication directe dans l’infraction a été établie, ou qui contrôle la totalité ou la quasi-totalité des parts sociales de cette autre entité, est constituée sous la forme juridique d'une fondation plutôt que d'une société. La CJUE a en effet jugé dans un arrêt du 11 juillet 2013 que le seul élément déterminant est que ces entités constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 du Traité instituant la Communauté européenne (devenu l’article 101 du TFUE), et que par conséquent « c’est l’exercice effectif par l’entité faîtière d’une influence déterminante sur l’auteur de l’infraction qui importe à cet égard »362.
384. Si en revanche une société mère ne détient pas, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il est nécessaire de vérifier que la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans un tel cas, il convient de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce, relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à la société mère, afin d’établir si une filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché363.
385. La prise en compte des éléments pertinents propres aux circonstances de l’espèce peut conduire l’Autorité à rechercher, au sein d’une entreprise, les preuves de l’exercice effectif d’une influence déterminante d’une société sur une autre société auteure d’une infraction, alors même que la première n’a aucun lien de détention capitalistique avec la seconde. Tel est le cas de sociétés sœurs, dont l’intégralité du capital est, chacune pour ce qui la concerne, détenue par une seule société mère.
386. Le Tribunal de l’Union a ainsi, dans un arrêt du 27 septembre 2006, approuvé la Commission pour avoir imputé à une société la responsabilité d’une infraction commise par une société sœur, en retenant que celle-ci ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais appliquait, pour l’essentiel, les instructions données par la première364.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) L’influence déterminante exercée par la société Rolex Holding SA et la Fondation Hans Wilsdorf sur Rolex France
387. Ainsi qu’il a été exposé au paragraphe 30 ci-avant, Rolex France est une filiale de la société Rolex Holding SA, dont le capital est intégralement détenu par la Fondation Hans Wilsdorf.
388. Conformément aux principes rappelés au paragraphe 382 ci-avant, la société Rolex Holding SA et son entité mère, la Fondation Hans Wilsdorf, sont présumées exercer une influence déterminante sur Rolex France.
389. Rolex Holding SA et la Fondation Hans Wilsdorf tentent de renverser cette présomption en affirmant qu’elles n’exercent, l’une comme l’autre, aucune activité commerciale, qu’elles ne sont pas impliquées dans la commercialisation des montres Rolex et qu’elles ne peuvent exercer une quelconque influence sur la politique commerciale de Rolex France. La Fondation Hans Wilsdorf soutient en outre que son règlement interdit au président [confidentiel]365.
390. Ces arguments ne sont pas de nature à renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante.
391. Premièrement, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 2017, le fait qu'une entreprise soit une holding non opérationnelle assurant une direction financière en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe ne suffit pas à exclure l'exercice d'une influence déterminante sur ses filiales et la non-immixtion de la holding dans les activités de la filiale ne suffit pas à renverser cette présomption366.
392. Deuxièmement, s’agissant de la prétendue non-immixtion de la Fondation Hans Wilsdorf dans l’administration d’autres entités du groupe, il ressort des éléments communiqués par la fondation que cette affirmation ne peut être accueillie. [Confidentiel].
393. Ces mêmes éléments confortent les informations transmises aux services d’instruction par Rolex France, selon lesquelles « cette fondation n’a que deux buts qui sont la préservation de Rolex et la philanthropie » (soulignement ajouté). À cet égard, les œuvres de philanthropie ne sont, aux termes du règlement de la fondation, qu’un parmi plusieurs buts poursuivis, lesquels comprennent notamment la préservation de ses actifs économiques au moyen d’un contrôle continu des actions de sociétés et droits apportés à la fondation367.
394. Par conséquent, quand bien même la Fondation Hans Wilsdorf poursuivrait statutairement un but non lucratif, les éléments fournis par la fondation attestent d’un degré certain d’attention portée à la gestion de l’activité des sociétés qu’elle contrôle. À leur lumière, les arguments avancés par les parties ne sont donc pas suffisants pour renverser la présomption d’influence déterminante sur Rolex France368.
b) L’influence déterminante exercée par la société Rolex SA sur Rolex France.
1) L’unité économique constituée des sociétés du groupe Rolex
395. Ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 30 et suivants ci-avant, le groupe Rolex est constitué d’une fondation, la Fondation Hans Wilsdorf, qui détient 100 % du capital de la société Rolex SA, société qui produit et assemble les montres Rolex et Tudor en Suisse et approvisionne l’ensemble des filiales du groupe implantées dans le monde, et 100 % du capital de la société Rolex Holding SA, société qui détient l’intégralité du capital de l’ensemble des filiales du groupe implantées dans le monde, lesquelles redistribuent auprès des détaillants les montres Rolex et Tudor.
396. Le fait que le capital des sociétés Rolex SA et Rolex Holding SA soit détenu par une même entité ne constitue qu’un indice de l’existence d’une unité économique entre les deux sociétés sœurs ou, en d’autres termes, un élément qui, pris isolément, ne suffit pas pour l’établir au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 380 ci-avant369. Conformément à cette dernière, il est permis de déduire l’existence d’une telle unité de la réunion d’un faisceau d’éléments concordants.
397. Premièrement, il ressort du dossier qu’au niveau du groupe, ce ne sont ni [confidentiel], ni [confidentiel] qui consolident les comptes, mais la société [confidentiel]370.
398. Deuxièmement, la composition des organes sociaux des sociétés Rolex SA et Rolex Holding SA est identique, ce qui leur assure une unicité de gestion et de direction. Il ressort en effet des extraits du registre du commerce du canton de Genève que ce sont les mêmes membres qui siègent au conseil d’administration des deux sociétés et que, dans chacune, le conseil d’administration est présidé par la même personne371. Deux de ces administrateurs communs sont également membres du conseil de la Fondation Hans Wilsdorf. Les sociétés Rolex SA et Rolex Holding SA ont en outre le même directeur général372.
399. Troisièmement, les sièges sociaux des sociétés Rolex Holding SA et Rolex SA sont situés dans les mêmes locaux373.
400. Il se déduit des éléments exposés ci-dessus que la Fondation Hans Wilsdorf, la société Rolex SA et ses filiales et la société Rolex Holding SA et ses filiales, parmi lesquelles figure la société Rolex France constituent une unité économique et par conséquent une seule entreprise au sens du droit de la concurrence.
2) L’exercice effectif par Rolex SA d’une influence déterminante sur Rolex France
401. La société Rolex SA, qui détient les sites de production de Rolex localisés en Suisse, conçoit et fabrique les montres et ses composants et à ce titre est l’unique fournisseur des montres des marques Rolex et Tudor374. Rolex France est pour sa part l’unique importateur en France des montres Rolex et Tudor, qu’elle revend aux détaillants horlogers-bijoutiers dans le cadre contractuel décrit plus haut. La société Rolex SA est intégralement détenue par la Fondation Hans Wilsdorf et constitue en ce sens une société sœur de la société Rolex Holding SA, qui détient l’intégralité du capital de Rolex France.
402. Ainsi qu’il a été démontré, les entités du groupe Rolex constituent une unité économique. Conformément aux principes et à la jurisprudence rappelés aux paragraphes 385 et 386, il convient de rechercher les éléments qui démontrent une influence déterminante de la société Rolex SA sur Rolex France.
403. Dans ses observations, la société Rolex SA conteste exercer une influence sur la politique commerciale de Rolex France, au motif qu’elle n’a aucune relation contractuelle ou commerciale directe avec les distributeurs agréés en France et que la mise en œuvre du contrat de distribution sélective Rolex et la politique commerciale de Rolex en France relèvent de la compétence exclusive de Rolex France 375.
404. Il ressort cependant des éléments qui figurent au dossier que Rolex SA exerce une influence déterminante sur Rolex France.
405. Premièrement, comme il a été rappelé au paragraphe 397 ci-avant, les comptes de Rolex France sont consolidés au niveau de la société [confidentiel]376.
406. Deuxièmement, comme le montrent les différentes versions du « Contrat de distribution sélective Rolex » fournies par Rolex France377, et comme confirmé par le directeur général de Rolex France lors de son audition378, la politique de distribution sélective de Rolex en France est conçue par la société Rolex SA et s’applique uniformément dans les pays de l’Union européenne où la marque est implantée.
407. Il peut être rappelé à cet égard que, dans sa décision n° 96-D-72 précitée, le Conseil avait relevé que « la société suisse Montres Rolex S.A. a mis en place un système de distribution sélective applicable dans les pays de la Communauté européenne reposant sur un contrat- type dénommé "Accords de Distribution Rolex pour le commerce de détail spécialisé dans le marché commun" ou encore "Règlement de vente Rolex" ; ce contrat a été notifié à la Commission européenne le 22 décembre 1977 par la société mère Montres Rolex S.A. agissant en même temps pour ses filiales française, anglaise, belge et allemande » 379. Ce contrat a été remplacé par le « Contrat de distribution sélective Rolex » à la suite de l’entrée en vigueur du règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999.
408. Troisièmement, plusieurs éléments au dossier tendent à démontrer que c’est la société Rolex SA qui détermine les prix de vente TTC conseillés que Rolex France communique à ses détaillants et qu’elle lui donne d’autres consignes relatives à la politique commerciale. Cela ressort notamment du « Catalogue de prix conseillés des montres de marque Rolex pour l’année 2020 »380, annexé au procès-verbal d’audition du directeur général de Rolex France, plus précisément d’une mention figurant sur la page de garde du document (« ROLEX SA, 1211 GENEVE 26 ») 381.
409. Cela ressort également d’un document saisi dans les locaux de Rolex France intitulé « Programme digital détaillants officiels Rolex »382 relatif à la stratégie digitale de Rolex, qui présente les solutions et outils (dits « assets ») mis à la disposition des détaillants pour développer sur leur site internet un espace consacré à Rolex. D’après les déclarations du directeur général, si ces « assets » sont utilisés par les distributeurs, ils « doivent l’être en conformité avec les guidelines [lignes directrices] de qualité fournies par Rolex »383. Le document saisi mentionne à cet égard : « Affichage des prix de vente officiels conseillés fournis par Genève dans la devise locale »384.
410. Quatrièmement, les campagnes de clients mystère réalisées auprès des distributeurs agréés sont conçues par la société Rolex SA. Le directeur général de Rolex France a précisé en effet sur ce point que « c’est une société extérieure mandatée par Rolex SA qui effectue ces vérifications et rédige ces rapports sur la base d’un modèle de rapport utilisé dans le monde entier mais dont toutes les sections ne sont pas pertinentes pour l’ensemble des pays et qui sont donc adaptées selon les besoins de chaque société sœur pour son marché »385.
411. À cet égard, un document saisi dans les locaux de Rolex France intitulé « POS Digital Experience 2018 », qui dresse le bilan d’une campagne digitale menée en 2018, précise que les réponses ont été traitées en interne par Rolex SA à Genève, que les rapports ont également été faits en interne et qu’une copie est adressée au directeur général de Rolex France386.
412. Un autre document intitulé « Digital mystery requests – August 2018 » contient en annexe un tableau dans lequel sont notamment résumées les réponses des distributeurs à la négociation sur le prix initiée par voie digitale par le client mystère. Ce document a été préparé par la société Rolex SA et transmis à Rolex France. Il y est mentionné le pourcentage de remise qu’un des trente-trois distributeurs interrogés, la Joaillerie Hardy, a proposé à l’acheteur mystère387. Un échange de courriers électroniques datés du 22 novembre 2018 et du 11 décembre 2018 entre Rolex SA et Rolex France dans le cadre du projet de POS Experience révèle que ce cas a été suivi et commenté par Rolex SA : « Voici une liste résumée des points discutés : §Le POS Joaillerie Hardy a pratiqué 8 % de rabais mais affirme ne pas avoir accepté ce rabais (lors d’une convocation à la filiale)… »388.
413. Il résulte de ce qui précède que Rolex France ne détermine pas de manière autonome son comportement sur le marché mais applique la politique commerciale définie par Rolex SA. Il importe peu, pour les besoins de cette analyse, que Rolex France dispose d’une certaine autonomie pour gérer la commercialisation des produits concernés par l’infraction. Il s’en déduit que la société Rolex SA exerce effectivement une influence déterminante sur Rolex France et qu’il convient, par conséquent, conformément à la jurisprudence et la pratique décisionnelle citées plus haut, d’imputer le comportement infractionnel de Rolex France à la société Rolex SA.
3. CONCLUSION SUR L’IMPUTATION DES PRATIQUES
414. En application des principes rappelés ci-dessus, il y a lieu de retenir la responsabilité des entités suivantes au titre du grief :
- la société Rolex France SAS (RCS n° 542 073 366) en tant qu'auteure des pratiques ;
- la société Rolex Holding SA (IDE n° CHE 102 844 305) en tant que société mère ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure pendant la durée de celles-ci ;
- la Fondation Hans Wilsdorf (IDE n° CHE-101 796 922) en tant qu’entité mère ayant exercé une influence déterminante sur Rolex Holding SA (IDE n° CHE 102 844 305) pendant la durée des pratiques ;
- la société Rolex SA (IDE CHE n°105 962 823) en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société auteure des pratiques pendant leur durée.
F. SUR LES SANCTIONS PÉCUNIAIRES
415. Seront successivement abordés les principes relatifs à la détermination des sanctions (1), la détermination du montant de base de la sanction (2), les éléments d’individualisation de la sanction (3) et les ajustements finaux (4).
1. LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS
a) Le droit applicable
416. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002389 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.
417. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. »
418. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante. »
419. Rolex conteste l’application à l’espèce du I de l’article L. 464-2 du code de commerce dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, au motif que ses dispositions contiennent plusieurs éléments de calcul, non prévisibles à la date des faits, de nature à aggraver la sanction encourue et ne devraient donc pas être appliquées, en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère390.
420. Toutefois, ainsi que l’Autorité l’a souligné dans ses décisions récentes391, les dispositions transitoires de l’ordonnance précitée ont défini sans ambiguïté les procédures auxquelles les dispositions nouvelles du code de commerce doivent s’appliquer.
421. Le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a modifié le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce (JORF n° 0121 du 27 mai 2021, texte n° 11). Aux termes du second alinéa de l’article 6 de l’ordonnance, ces modifications « sont applicables […] aux procédures pour lesquelles des griefs sont notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de la présente ordonnance ». La notification de griefs ayant été adressée aux parties le 15 février 2022, soit après l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, les nouvelles dispositions sont applicables en l’espèce.
b) Sur l’application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021
422. L’Autorité apprécie les critères légaux de calcul des sanctions selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « le communiqué sanctions »), à moins « [qu’]après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, [elle ne décide] de s’en écarter, en motivant ce choix »392.
423. Rolex France soutient que l’application de la méthodologie qui figure dans le communiqué sanctions du 30 juillet 2021 porterait atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère393 en ce que celui-ci contient des critères de calcul de nature à aggraver la sanction qui n’étaient pas prévisibles à la date des faits.
424. Cet argument sera rejeté.
425. À titre liminaire, il convient de rappeler que la loi confère à l’Autorité un large pouvoir d’appréciation lui permettant de déterminer au cas par cas, en vertu de l’exigence légale d’individualisation et conformément au principe de proportionnalité, les sanctions pécuniaires qu’elle prononce en application des critères prévus, conformément au principe de légalité des délits et des peines, par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce. La loi encadre ce pouvoir en prévoyant un montant maximal de sanction. Depuis la loi du 15 mai 2001394, ce plafond est établi, pour une entreprise, à « 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ». Il n’a pas évolué depuis la date des pratiques.
426. L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a conduit à la modification de certains critères légaux prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce395. Ainsi, le critère de la durée de l’infraction a été explicitement introduit, tandis que celui relatif à l’importance du dommage à l’économie a été supprimé. En revanche, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’a pas été modifié. Dans ces conditions, et les nouveaux critères légaux n’étant pas plus sévères que les anciens, l’article 6 de l’ordonnance a pu prévoir que ces modifications sont applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance396.
427. La mise en œuvre de l’article L. 464-2 du code de commerce conduit l’Autorité à faire état, dans ses décisions imposant des sanctions, des principaux éléments pris en considération pour les déterminer, ce qui contribue à assurer la transparence sur la façon dont l’Autorité exerce son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Cette motivation est nécessairement liée au contexte et aux faits propres à chaque espèce, et ne saurait préjuger de la façon dont l’Autorité peut être conduite à déterminer les sanctions pécuniaires dans d’autres affaires397.
428. Dans ce contexte, et afin de préciser la façon dont elle exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l’ordonnance n° 2021-649, l’Autorité a adopté, le 30 juillet 2021, un communiqué de procédure sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, en remplacement de l’ancien communiqué en date du 6 mai 2011. Ce dernier était devenu sans objet du fait de la suppression dans la loi des critères dont il explicitait l’application (notamment le critère relatif à l’importance du dommage à l’économie). L’Autorité a ainsi logiquement appliqué le nouveau communiqué sanctions aux affaires dans lesquelles les nouveaux critères légaux étaient applicables, à savoir celles dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649398.
429. Par ailleurs, il convient de relever que les communiqués sanctions adoptés par l’Autorité ne peuvent pas être considérés comme des textes à valeur normative et donc comme une loi pénale. Dans le nouveau communiqué sanctions, l’Autorité indique à cet égard que celui-ci revêt le caractère de lignes directrices au sens de la jurisprudence administrative399. En effet, ce nouveau communiqué, comme celui de 2011, se borne, dans un souci de transparence, à préciser par avance, et sous réserve de l’examen concret des circonstances propres à chaque cas d’espèce, les modalités concrètes selon lesquelles l’Autorité entend faire usage du pouvoir d’appréciation qui lui a été confié par la loi pour déterminer, en vertu des dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, sous le contrôle des juridictions, les sanctions qu’elle impose400.
430. Toutefois, l’Autorité rappelle que les différentes étapes de cette méthode structurent la façon dont elle exerce son pouvoir d’appréciation, sans se substituer à l’examen spécifique auquel elle procède dans chaque affaire, en fonction des circonstances propres à celle-ci et conformément à l’exigence légale d’individualisation. Si le communiqué sanctions permet, entre autres, à tous les acteurs économiques d’anticiper les risques financiers associés à la commission d’infractions, il n’est ni possible, ni souhaitable, tant du point de vue de l’Autorité que dans l’intérêt des entreprises et des associations d’entreprises concernées, de concevoir un barème automatique permettant de prévoir par avance le montant précis des sanctions encourues. Le montant applicable à chaque espèce donne lieu à une décision spécifique, qui tient compte de l’ensemble des motifs pertinents de la décision concernée et du contexte de l’affaire en cause401.
431. De plus, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s’oppose pas à ce que l’Autorité adapte sa méthode de calcul de sanction à une évolution législative ou aux besoins de l’application efficace des règles de concurrence402. Ainsi, dans un arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a décrit la finalité du communiqué sanctions en ces termes :
« Le communiqué sanctions, qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l’Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de donner de la prévisibilité aux sanctions encourues par les entreprises et, ainsi, de renforcer leur caractère dissuasif, mais (…) il n’instaure aucun montant particulier ou aucune fourchette de sanction. »
« Or, ainsi que l’ont jugé la Cour de justice, dans son arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, point 228), et le Tribunal de l’Union, dans l’arrêt Archer Daniels Midland/Commission (point 48), les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières. »
« Il s’ensuit que l’application par l’Autorité, dans la décision attaquée, des règles d’analyse énoncées par le communiqué sanctions ne constitue pas une violation du principe de non- rétroactivité des sanctions punitives et que les moyens sont rejetés.403 »
432. Il résulte de ce qui précède que l’application du nouveau communiqué sanctions ne saurait constituer une modification de l’exercice du pouvoir de sanction de l’Autorité qui ne serait pas raisonnablement prévisible.
433. En tout état de cause, l’adoption du nouveau communiqué sanctions ne constitue pas une rupture brutale et imprévisible de la pratique antérieure, ni de la politique générale de concurrence de l’Autorité en matière d’amendes. Au contraire, il importe de souligner la continuité évidente, malgré la modification des critères légaux de la sanction (suppression du dommage à l’économie, introduction explicite du critère de durée), entre la méthodologie du communiqué sanctions de 2011 et celui de 2021, qui repose sur les mêmes grandes étapes : calcul d’un montant de base qui est une proportion de la valeur des ventes en lien avec l’infraction, application à ce montant d’un coefficient tenant compte de la gravité et de la durée des pratiques, appréciation d’éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes et des autres éléments d’individualisation, prise en compte de la réitération, et ajustements finaux. Ainsi, comme la Cour de cassation l’a déjà jugé, dans la mesure où le nouveau communiqué ne marque pas une rupture brutale et imprévisible avec la pratique antérieure, les moyens tirés de la violation de la légalité des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne sauraient être fondés404.
424. Il convient en outre de relever que le communiqué sanctions du 16 mai 2011405, comme le communiqué sanctions actuel406, prévoit la possibilité pour l’Autorité de s’écarter de la méthode exposée au regard des circonstances spécifiques de l’espèce, en motivant ce choix. Les méthodes de calcul préconisées par ces communiqués ne sont dès lors pas d’application systématique, et l’adoption du communiqué sanctions ne saurait constituer une rupture dans la politique de sanctions conduite par l’Autorité.
435. Dans ce contexte, Rolex France savait qu’elle encourait une sanction pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de Rolex SA (société au niveau de laquelle ses comptes sont consolidés) pour s’être rendue coupable d’une pratique anticoncurrentielle. Les évolutions du communiqué sanctions intervenues par la suite, alors même que l’infraction se poursuivait, n’ont pas conduit à remettre en cause ce plafond consacré par le législateur, tant au niveau national qu’européen.
436. Il en résulte que l’application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021, relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, mis à jour le 15 novembre 2021, n’est pas susceptible de porter atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plussévère. Il convient donc d’apprécier les critères légaux selon les modalités pratiques qui y sont décrites.
437. Ainsi, conformément au point 19 du communiqué sanctions, seront successivement abordés la détermination du montant de base de la sanction pécuniaire, les éléments d’individualisation de ce montant et ses ajustements finaux.
2. LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DE LA SANCTION
438. Le communiqué sanctions énonce au point 20 que « le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produit(s) ou service(s) en relation avec l’infraction (1), et est fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits (2) et de la durée de l’infraction (3). »
Seront successivement abordés :
– la valeur des ventes ;
– la gravité des pratiques ;
– la durée des pratiques.
a) Sur la valeur des ventes
1) Rappel des principes applicables
439. En application du point 20 du communiqué sanctions, la pratique décisionnelle de l’Autorité retient comme assiette du montant de base, pour le calcul de la sanction, la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause pour les biens ou les services qui sont en relation avec l’infraction.
440. Selon le point 22 dudit communiqué, la valeur à prendre en compte correspond à l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction vendues par l’entreprise ou par l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle-ci. C’est la qualification de l’infraction faite par l’Autorité, au regard de son objet ou des effets anticoncurrentiels, qui détermine ces catégories de produits ou services.
441. Dans un arrêt du 19 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a considéré que « dès l’instant où une catégorie de produits ou de services est "en relation avec l’infraction", la valeur des ventes de cette catégorie de produits ou de services doit être prise en compte. […] Il n’est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l’infraction pour pouvoir prendre en compte leur vente »407. La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 22 septembre 2021, précisant que « les ventes en relation avec l’infraction, au sens du communiqué, sont les ventes réalisées sur le marché sur lequel les pratiques en cause […] ont été établies, affectant ainsi le fonctionnement de la concurrence sur ce marché »408. Cette approche est également celle qu’adopte le juge de l’Union409.
2) Application au cas d’espèce
442. La pratique d’interdiction des ventes sur Internet mise en œuvre par Rolex concerne le marché français de la distribution de montres de luxe. Il convient donc de retenir comme valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé par Rolex France par la vente, à ses distributeurs, des montres de la marque Rolex en France, ces produits étant considérés comme étant en relation avec l’infraction.
443. Le dernier exercice comptable complet de participation à l’infraction, en l’espèce l’exercice 2021, constitue une référence représentative pour l’assiette de la valeur des ventes au sens du point 25 du communiqué sanctions. La valeur des ventes retenue s’élève donc, selon les données communiquées par Rolex France, à [confidentiel]410.
b) Sur la gravité des pratiques
1) Rappel des principes
444. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie la gravité des faits « de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce »411. Pour ce faire, l’Autorité peut notamment tenir compte, en fonction de leur pertinence, des éléments énumérés de manière non limitative au point 28 du communiqué sanctions, parmi lesquels figurent la nature de l’infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés, ou encore la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause.
445. En considération de la gravité des faits ainsi appréciée, le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient au cas par cas une proportion de la valeur des ventes réalisées comprise entre 0 et 30 %. Il ajoute que pour les restrictions de concurrence les plus graves, la proportion prise en compte sera généralement située entre 15 et 30 %. L’Autorité peut en outre, à des fins de dissuasion, augmenter le montant précédemment défini d’une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes412.
2) Application au cas d’espèce
446. Il a été établi que Rolex France a interdit à l’ensemble de ses distributeurs de vendre les montres de la marque Rolex sur Internet (voir les paragraphes 261 à 350 et suivants ci-avant).
447. Il ressort de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle que les ententes verticales impliquant des entreprises actives à des stades différents de la chaîne de valeur sont généralement considérées avec moins de sévérité que les ententes horizontales entre concurrents413.
448. Ce constat n’exclut pas, toutefois, que ce type de pratiques puisse être analysé comme présentant un degré certain de gravité. Ainsi, dans sa décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008, par laquelle il a précisément sanctionné des pratiques d’interdiction de vente par Internet, le Conseil a souligné que « les pratiques d’entente ayant pour objet et pour effet de faire obstacle à la concurrence et de limiter ou contrôler des débouchés font partie des pratiques que le Conseil juge préjudiciables au bon fonctionnement du marché ».
449. Plus précisément, il a relevé que « sans revêtir le degré de gravité d’une entente horizontale, [une telle pratique] est grave par nature car elle a pour conséquence de fermer une voie de commercialisation au détriment des consommateurs et des distributeurs »414.
450. De même, dans la décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, l’Autorité a précisé que « de telles pratiques anticoncurrentielles sont considérées, de manière constante, en droit de l’Union comme en droit interne, comme revêtant un caractère certain de gravité, en ce qu’elles tendent non seulement à limiter la concurrence intra-marque sur le marché français mais aussi à cloisonner les marchés et à priver les consommateurs d’un canal de distribution »415.
451. La cour d’appel de Paris, statuant dans l’affaire mentionnée au paragraphe précédent, a considéré que la gravité des pratiques devait être relativisée, au motif qu’il existait jusqu’à l’arrêt précité de la Cour de justice du 13 octobre 2011, postérieure à la commission des faits, une incertitude juridique sur la prohibition des ententes consistant pour un fournisseur à interdire à ses distributeurs de vendre ses produits en ligne416. En l’espèce, les pratiques établies à l’encontre de Rolex France ayant été mises en œuvre après le 13 octobre 2011, il n’y a pas lieu de remettre en cause leur gravité intrinsèque.
452. Par ailleurs, Rolex France soutient que la gravité des pratiques doit être considérée comme limitée, en particulier en raison de l’appartenance des montres Rolex à la catégorie des produits de luxe et des conséquences de cette caractéristique sur leurs modalités de distribution417.
453. Premièrement, elle avance que la vente en ligne est un canal de distribution marginal des montres de luxe. La possibilité pour les distributeurs de vendre des montres Rolex en ligne n’aurait donc pas substantiellement facilité l’accès des consommateurs à ces montres ni permis à ces derniers de bénéficier de prix moins élevés. La restriction de concurrence résultant de l’interdiction de ce mode de distribution serait donc inexistante ou, du moins, marginale.
454. Deuxièmement, elle observe qu’en raison du caractère marginal de la vente en ligne des montres de luxe, l’impact négatif de cette interdiction sur les distributeurs ne pouvait être que très faible. D’une part, la grande majorité des distributeurs agréés par Rolex ne disposent pas d’un site marchand. D’autre part, les manufactures horlogères concurrentes de Rolex, conscientes du caractère inadapté de la vente en ligne pour les montres de luxe, ne sont en général pas présentes sur Internet. Dès lors, les pratiques n’étaient pas de nature à priver les distributeurs d’un canal de distribution en expansion, ce qui d’après Rolex doit conduire à tempérer leur gravité.
455. Troisièmement, Rolex France rappelle que les consommateurs susceptibles d’être lésés par une éventuelle restriction de concurrence ne sont en rien vulnérables, mais figurent au contraire parmi les consommateurs les plus aisés, dont le choix d’acheter une montre de luxe n’est pas dicté par la nécessité mais par la recherche de produits de haute qualité associés au prestige et à un statut social particuliers. Cet élément serait de nature à limiter encore davantage la gravité des pratiques418.
456. Toutefois, ni le caractère de produits de luxe attaché aux montres Rolex, ni la place prétendument marginale de la distribution par Internet dans le secteur des montres de luxe n’atténuent le caractère restrictif des pratiques en cause.
457. À titre liminaire, il ressort des éléments au dossier que les consommateurs, même lorsqu’ils disposent d’un pouvoir d’achat élevé, ont une incitation individuelle à obtenir le prix le plus faible possible pour une montre Rolex, ce d’autant qu’il s’agit d’un bien dont la valeur nominale est élevée. Il a été constaté à cet égard, d’une part, que les acheteurs des montres Rolex sollicitent effectivement des remises de la part des distributeurs mais également, d’autre part, que de telles demandes sont conformes aux usages du secteur, comme en attestent les rapports des clients mystères (voir les paragraphes 124 à 150 ci-avant).
458. Ainsi, le pouvoir d’achat des consommateurs concernés, qui peut modérer leur sensibilité aux prix au niveau du marché, n’implique pas que les distributeurs soient nécessairement incités à pratiquer des prix élevés, les consommateurs ayant toujours intérêt à mettre en concurrence les distributeurs pour obtenir le meilleur prix. Au demeurant, le fort pouvoir d’achat des consommateurs est une composante inhérente au marché de la distribution de montres de luxe. Or, ainsi que l’a souligné la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 23 mai 2017, les réalités économiques du secteur ne peuvent être prises en compte pour remettre en cause la gravité de pratiques anticoncurrentielles, sauf à « admettre qu’il est, dans certaines hypothèses, légitime pour les opérateurs économiques de violer les règles fondamentales du droit de la concurrence »419.
459. En outre, il ne peut être utilement contesté qu’Internet permet au consommateur de comparer les offres en ligne et ainsi de choisir la plus avantageuse. Chaque distributeur a ainsi intérêt à baisser son prix en ligne de manière à capter la part la plus importante possible de la vente en ligne. Le fait que les montres Rolex constituent un produit de luxe ne diminue donc pas la gravité d’une pratique qui fait obstacle au libre jeu de la concurrence par les prix, auquel la vente en ligne contribue.
460. S’agissant du caractère inadapté d’Internet comme canal de distribution, il ressort des éléments du dossier que plusieurs distributeurs de la marque Rolex disposent déjà d’un site internet sur lequel ils pratiquent la vente en ligne d’autres marques de montres de luxe dont les prix de vente sont comparables à ceux des produits Rolex et dont les fabricants, ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 326 et suivants ci-avant, autorisent la vente en ligne. Certains d’entre eux ont par ailleurs un espace consacré à la marque Rolex, même s’il ne permet pas, actuellement, de procéder à l’achat en ligne des produits exposés.
461. Au surplus, Rolex France elle-même a souligné qu’Internet constitue un canal de choix pour la revente des montres contrefaites ou des montres Rolex de seconde main issues du marché parallèle, dont les prix sont parfois supérieurs à ceux de ces mêmes montres lorsqu’elles sont vendues dans le réseau de distribution officiel420. Ainsi, un nombre non négligeable de consommateurs sont disposés à acquérir en ligne des montres de marque Rolex – ou identifiées à tort comme telles – , nonobstant leur prix élevé, ce qui atteste de l’existence d’une demande effective ainsi que du caractère manifestement adapté de ce mode de distribution pour les produits en cause.
462. Enfin, si, comme le soutient Rolex France, Internet n’est, au jour de la présente décision, qu’un canal de vente secondaire dans le secteur des montres de luxe, l’appréciation de l’importance de ce canal doit prendre en considération le fait que la vente en ligne de ces produits exclut, par hypothèse les montres Rolex, en raison précisément de l’interdiction des ventes en ligne établie en l’espèce. Étant donné la part de marché élevée de Rolex et la notoriété de la marque telle que décrite aux paragraphes 43 à 46 ci-avant, il pourrait être objecté que ce fabricant, par les pratiques qu’il met en œuvre, contribue lui-même, à tout le moins en partie, à limiter l’essor de ce canal. Or, comme il a été relevé aux paragraphes 20 à 22, les chiffres relatifs au secteur attestent du potentiel de développement de la vente en ligne.
463. Par ailleurs, pour un distributeur qui ne dispose pas encore d’un site de vente en ligne, l’interdiction imposée par Rolex est telle que s’il créait et exploitait un tel site, il ne serait en mesure de vendre que des montres de marques concurrentes de Rolex, alors même que les montres Rolex, en raison de la notoriété et de la part de marché de cette marque, seraient susceptibles de représenter une part importante de ses ventes. Un tel distributeur est dès lors découragé de créer un site internet marchand et de subir les coûts associés à son fonctionnement, ce qui renforce le caractère sensible de la restriction de concurrence mise en œuvre en l’espèce.
464. Pour l’ensemble de ces motifs, l’Autorité considère que les pratiques d’interdiction de revente de ses produits en ligne mise en œuvre par Rolex sont d’une gravité certaine et retiendra, en conséquence, une proportion de 4 % de la valeur retenue comme assiette du montant de la sanction pécuniaire.
c) Sur la durée des pratiques
1) Rappel des principes
465. La durée de l'infraction a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l'infraction sur le marché et joue donc un rôle significatif dans la détermination du montant approprié de la sanction.
466. Afin de prendre en compte le nombre d'années pendant lesquelles l'entreprise a participé à l'infraction, l’Autorité, conformément au point 34 du communiqué sanctions, multiplie le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes par le nombre d’années de participation à l’infraction, les périodes de moins d’une année étant prises en compte au prorata temporis de la durée de participation de l’entreprise à l’infraction.
2) Application au cas d’espèce
467. Comme il a été relevé au paragraphe 358, les pratiques en cause ont été mises en œuvre à tout le moins dès le 13 octobre 2011 et se sont poursuivies jusqu’au 23 mars 2022. La durée qui sera retenue est donc de 10 ans, 5 mois et 10 jours. Dès lors, le coefficient multiplicateur à appliquer en l’espèce est de 10,45.
d) Conclusion sur le montant de base de la sanction pécuniaire
468. Au vu des considérations qui précèdent, le montant de base de la sanction encourue est de 83 306 871 euros.
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DE LA SANCTION
469. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité adapte le montant de base retenu à la situation individuelle de l’entreprise sanctionnée et, le cas échéant, au groupe auquel elle appartient.
470. À cette fin, et en fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, elle peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes et aggravantes caractérisant le comportement de l’entreprise mise en cause dans la commission des infractions, ainsi que d’autres éléments objectifs pertinents relatifs à sa situation individuelle, tels que le caractère mono-produit de l’activité, l’appartenance à un groupe puissant ou l’existence de difficultés financières.
471. Cette prise en compte peut conduire à ajuster le montant de la sanction tant à la baisse qu’à la hausse421.
a) Sur les circonstances atténuantes et aggravantes
472. Dans leurs observations, les entreprises mises en cause ne se prévalent d’aucune circonstance atténuante et, en l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que de telles circonstances puissent être retenues. De même, le dossier ne comporte pas d’élément susceptible de justifier de retenir des circonstances aggravantes.
473. Il ne sera donc tenu compte d’aucune circonstance individuelle au titre de l’atténuation ou de l’aggravation de la sanction au sens du communiqué sanctions.
b) Sur les autres éléments d’individualisation
1) Rappel des principes
474. Il résulte des points 39 à 41 du communiqué sanctions qu’« afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, l’Autorité peut adapter, à la baisse ou à la hausse, le montant obtenu après l’ajustement [au titre des circonstances atténuantes ou aggravantes] en prenant en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise ou de l’association d’entreprises concernée. En particulier, elle peut l’adapter à la baisse pour tenir compte du fait que l’entreprise concernée mène l’essentiel de son activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction (entreprise "mono-produit"). (…) Elle peut aussi l’adapter à la hausse pour tenir compte du fait que (…) le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe. »
475. À cet égard, il ressort d’une pratique décisionnelle et d’une jurisprudence constantes que l’appréciation de la situation individuelle peut conduire à prendre en considération l’envergure de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient422.
476. La jurisprudence de l’Union va dans le même sens. Tout en indiquant que le recours à la valeur des ventes de l’entreprise en cause permet de proportionner l’assiette de la sanction à l’ampleur économique de l’infraction et au poids relatif de l’intéressée sur le secteur ou marché en cause, elle rappelle en effet qu’il est légitime de tenir compte, dans le même temps, du chiffre d’affaires global de cette entreprise, en ce que celui-ci est de nature à donner une indication de sa taille, de sa puissance économique et de ses ressources423 au moment de l’adoption de la décision litigieuse424.
477. De fait, la circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire425. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie426 –, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée427.
2) Application au cas d’espèce
478. En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 387 et suivants, la société Rolex France, auteure des pratiques, appartient à un groupe de sociétés détenu intégralement par la Fondation Hans Wilsdorf à laquelle les pratiques ont été imputées, de même qu’à deux autres sociétés du groupe.
479. Comme il a été relevé aux paragraphes 15 et 16 et 37 à 40 ci-avant, il ressort de plusieurs analyses relatives au secteur des montres de luxe que le groupe Rolex doit être considéré comme le « leader » mondial. Selon les estimations contenues dans le rapport mentionné au paragraphe 40 ci-avant, le chiffre d’affaires consolidé du groupe était estimé en 2021 à environ 8 milliards d’euros et sa part de marché équivalente à au total de celles des cinq concurrents suivants428.
480. Au regard de ces estimations, que ni Rolex France, ni les autres entités du groupe ne contestent, le groupe Rolex dispose ainsi d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales très importantes.
481. En réponse à une demande des services d’instruction, les sociétés Rolex SA, Rolex Holding SA et la Fondation Hans Wilsdorf, établies en Suisse, ont indiqué ne pas souhaiter communiquer leurs chiffre d’affaires mondial et chiffre d’affaires consolidé, arguant du caractère prétendument hautement confidentiel de ces données.429 Dès lors, conformément au point 24 du communiqué sanctions, il y a lieu de prendre en compte les données disponibles publiquement, quand bien même elles seraient moins favorables à l’entreprise, et ainsi de se référer aux estimations citées ci-dessus.
482. Au regard des données publiquement disponibles, il apparaît que la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction représente moins de 2,5 % du chiffre d’affaires total du groupe.
483. Au vu de ces éléments, et afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée, il y a lieu, en l’espèce, d’augmenter de 10 % la sanction infligée aux sociétés du groupe Rolex.
4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
a) Sur le maximum légal
484. Comme indiqué au paragraphe 418 ci-avant, le montant maximal de la sanction est fixé selon les critères définis au quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, en prenant en compte une proportion de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par l’entreprise.
485. Comme rappelé ci-avant, les données relatives aux résultats financiers du groupe Rolex au niveau mondial ne sont pas publiques.
486. Dès lors, il y a lieu de retenir le chiffre précité de 8 milliards d’euros pour une estimation pertinente du chiffre d’affaires mondial consolidé du groupe pour l’année 2021. Il s’ensuit que le maximum légal de la sanction infligée au titre du grief est de 10 % de cette somme, soit 800 millions d’euros.
b) Sur la situation financière de l’entreprise
487. Les entreprises ont, conformément au point 61 du communiqué sanctions, la possibilité de faire état de difficultés financières qui leur sont propres et qui affectent leur capacité à s’acquitter de la sanction que l’Autorité envisage de leur infliger. En l’espèce, les entreprises mises en cause n’ont invoqué aucune difficulté particulière et n’ont pas produit d’éléments financiers ou comptables aux fins de démontrer l’existence de telles difficultés.
c) Sur le montant final de la sanction
488. Au vu de l’ensemble des éléments généraux et individuels tels qu’exposés ci-dessus, le montant de la sanction infligée à Rolex France est de 91 637 558 euros (arrondi à 91 600 000 euros). Les sociétés Rolex SA et Rolex Holding SA, de même que la Fondation Hans Wilsdorf, sont solidairement responsables pour le paiement de cette somme.
G. LES AUTRES SANCTIONS
489. Conformément au premier alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières.
490. Conformément au dixième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont alors supportés par la personne intéressée.
491. En l’espèce, les pratiques établies à l’encontre de Rolex France justifient d’enjoindre à cette dernière (i) de communiquer à ses distributeurs agréés un résumé de la présente décision, (ii) de publier ou faire publier un résumé de la présente décision dans les versions papier et en ligne d’un quotidien national d’information politique et générale et d’une revue spécialisée dans l’horlogerie de luxe et (iii) de publier sur la page d’accueil de son site internet le texte du résumé de la présente décision.
DÉCISION
Article 1er : Les conditions d’une interdiction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, ne sont pas réunies s’agissant des pratiques visées par le grief n° 2 notifié le 15 février 2022 aux sociétés Rolex France SAS, Rolex Holding SA, et à la Fondation Hans Wilsdorf, et notifié le 23 mars 2022 en sus à la société Rolex SA.
Conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 3 décembre 2002, ces pratiques ne peuvent pas non plus être interdites sur le fondement de l’article L. 420-1 du code de commerce. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, à poursuivre la procédure, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 2 : Il est établi que la société Rolex France SAS, en tant qu’auteure, la société Rolex Holding SA et la Fondation Hans Wilsdorf, en tant qu’entités mères, respectivement, des sociétés Rolex France SAS et de la société Rolex Holding SA, et la société Rolex SA, en tant que société ayant exercé une influence déterminante sur la société Rolex France SAS, ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du code de commerce, ainsi que celles de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, pour avoir mis en œuvre, du 13 octobre 2011 au 23 mars 2022 inclus, une pratique consistant en une entente généralisée avec ses distributeurs visant à ce que les montres de la marque Rolex ne soient pas commercialisées via Internet.
Article 3 : Est infligée au titre de la pratique visée à l’article 2 une sanction pécuniaire d’un montant de 91 600 000 euros à la société Rolex France SAS, solidairement à la société Rolex Holding SA, à la Fondation Hans Wilsdorf et à la société Rolex SA.
Article 4 : Il est enjoint à la société Rolex France SAS de communiquer, à ses frais, à l’ensemble de ses distributeurs agréés, le texte figurant à la page 2 de la présente décision. Le texte pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la présente décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. Les caractères du texte et du titre seront d’une hauteur au moins égale à trois millimètres. La société Rolex France SAS adressera, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette communication, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Article 5 : Il est enjoint à la société Rolex France SAS de rendre accessible, sur la page d’accueil de son site internet (https://www.rolex.com/fr) dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et pendant une durée de sept jours consécutifs, le texte figurant à la page 2 de cette dernière, par un lien intitulé « Rolex sanctionnée par l’Autorité de la concurrence française », dans une police d’écriture de taille 14. Ce lien pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. La société Rolex France SAS informera le service de la procédure et de la documentation de la mise en ligne de ce texte le jour même.
Article 6 : Il est enjoint à la société Rolex France SAS d’insérer, à ses frais, le texte figurant à la page 2 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site internet du journal Le Figaro, ainsi que dans la revue Montres Magazine. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs ou bleu foncé sur fond blanc sous le titre suivant, en caractères gras de même taille : « Rolex sanctionnée par l’Autorité de la concurrence française ». Elle pourra être suivie, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. La société Rolex France SAS adressera, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Saisine 17/0105 F, cotes 1 à 730.
3 Saisine 17/0109 F, cotes 1 à 471.
4 Saisine 17/0105 F, cote 740 et saisine 17/0109 F, cote 509.
5 Saisine 17/0109 F, cotes 951 à 961.
6 Saisine 17/0109 F, cotes 50870 à 51039.
7 Saisine 17/0109 F, cotes 51174 à 51189.
8 Saisine 17/0109 F, cotes 52973 à 53223.
9 Rapport réalisé par Vontobel en date du 1er avril 2020 intitulé « Vontobel Luxury Goods Shop », cote 49933.
10 « Le marché mondial de la haute horlogerie », septembre 2016, les Echos études (pages 40 et 41).
11 Saisine 17/0109 F, cotes 50055 à 50060.
12 « Les ventes de Rolex (Rolex et sa marque sœur Tudor) sont des estimations, car l'entreprise est détenue par une fondation privée qui n'est pas tenue de publier des chiffres. Par ailleurs, le chiffre d'affaires du Swatch Group est toujours supérieur à celui de Rolex. Par contre, notre étude publiée avec la banque Morgan Stanley prend en compte les parts de marché traduites en valeur de ventes au détail. Ce qui correspond aux ventes réelles aux clients finaux, soit le « sell-out ». Toutes les autres études publiées à ce jour tenaient toujours compte du « sell-in » qui correspond aux ventes du distributeur au détaillant, ce qui ne traduit pas des ventes réelles » https://www.lepoint.fr/montres/quels-ont-ete-les-champions-de-l-horlogerie-suisse-en-2020--17-03- 2021-2418134_2648.php.
13 « Audemars Piguet veut contrôler la distribution de ses montres », 6 septembre 2018, capital.fr
14 « Le marché de l’horlogerie et joaillerie : il est temps de changer » https://madnetwork.fr/wp- content/uploads/2020/05/luxury-convalescence-fast-forwarding-partie-2.pdf.
15 « Audemars Piguet veut contrôler la distribution de ses montres », 6 septembre 2018, capital.fr.
16 Aux termes d’un communiqué de presse du 24 août 2023, le groupe Rolex a annoncé son intention d’acquérir le groupe Bucherer, qui distribue des produits de marque Rolex dans 53 points de vente dans le monde : https://newsroom-content.rolex.com/-/media/project/rolex/newsroom/rolex/rolex-newsroom-int/about- rolex/rolex-acquires-bucherer/pdf/rolex_bucherer_pr_en.pdf.
17 « Le marché de l’horlogerie et joaillerie : il est temps de changer » https://madnetwork.fr/wp- content/uploads/2020/05/luxury-convalescence-fast-forwarding-partie-2.pdf.
18 « Le chiffre d'affaires est dominé par le commerce de détail via ses magasins exploités en propre. La maison s'appuie ainsi sur environ 300 monomarques et d'un réseau de 266 points de vente de revendeurs spécialisés. Si la maison ne vend sa joaillerie que dans ses propres boutiques, elle la référence également de manière plus surprenante sur Internet par l’intermédiaire du site appartenant à Richemont, Net-A-Porter » https://fr.fashionnetwork.com/news/Cyrille-vigneron-le-monde-du-luxe-a-considerablement-change-en-20- ans-,1160610.html.
19 https://www.ecostat-franceclat.fr/public/uploads/pdf/DISTR%20HB%2020.pdf.
20 « La vente à distance (…) représent[ait en 2020] 25 % de part de marché [du segment des montres à moins de 1 000 euros] (et plus de 17 % de l’ensemble des ventes de montres) », Ecostat, Actualité statistique, n° 208, février 2021.
21 Article publié le 30 janvier 2020 dans « Les Carnets du Luxe », https://www.carnetsduluxe.com/business/e- commerce-les-ventes-de-montres-de-luxe-progressent-encore/.
22 Ibid.
23 Ibid.
24 Ibid.
25 https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/ch/Documents/consumer-business/deloitte-ch-fr-swiss- watch-industry-study-2020.pdf.
26 Saisine 17/0105 F, cote 61.
27 Saisine 19/0109 F, cote 466.
28 Saisine 19/0109 F, cote 466.
29 Saisine 17/0109 F, cotes 54 à 73 et 86.
30 Saisine 17/0109 F, cote 50097.
31 Etude Xerfi, « La fabrication et l’importation d’horlogeries », novembre 2016, page 55.
32 Etude Xerfi, « La fabrication et l’importation d’horlogeries », novembre 2020, page 8.
33 Extraits du rapport annuel sur la situation économique et les tendances financières de l'industrie horlogère suisse pour les années 2020 et 2021 publié par LuxeConsult et Morgan Stanley en mars 2021 et mars 2022 (voir notamment https://italianwatchspotter.com/2021-watch-industry-results/?lang=en, https://www.pme.ch/business/2022/03/10/rolex-leader-inconteste-du-marche-cartier-prend-la-2e-place ou encore https://usa.watchpro.com/audemars-piguet-outperforms-patek-philippe-as-sales-soar-to-chf-1-6- billion/).
34 https://www.societe.com/societe/rolex-france-542073366.html.
35 https://infonet.fr/entreprises/54207336600024-rolex-france/.
36 Saisine 17/0109 F, cote 49524.
37 Saisine 17/0109 F, cote 50413.
38 Saisine 17/0109 F, cote 50413.
39 Rapport annuel publié par la banque d’affaires Morgan Stanley et le cabinet de conseil LuxeConsult. “Les 7 magnifiques”, Olivier R. Müller, 7 mars 2022 : https://blogs.letemps.ch/olivier-muller/2022/03/07/les-7- magnifiques-morgan-stanley-publie-son-rapport-annuel-sur-lindustrie-horlogere-suisse/.
Les données du rapport Morgan Stanley sont basées sur les chiffres d’exportations fournis par la fédération horlogère Suisse qui collecte elle-même ces chiffres de l’administration fédérale des douanes. Morgan Stanley calcule les parts de marché en valeur retail (prix de vente public HT) et non pas en chiffres d’affaires ex-usine, car les marques ont des degrés d’intégration de leur retail très divers. Rolex possède une seule boutique dans le monde à Genève, alors que Richard Mille contrôle 100 % de sa vente au détail par des boutiques qu’elle possède en propre ou par joint-venture avec un détaillant.
40 https://www.chronotempus.com/morgan-stanley-propose-son-rapport-annuel-de-lindustrie-horlogere- suisse/.
41 https://www.lepoint.fr/montres/quels-ont-ete-les-champions-de-l-horlogerie-suisse-en-2020--17-03-2021- 2418134_2648.php.
42 Saisine 17/0109 F, cote 4066.
43 Saisine 17/0109 F, cote 4065.
44 “Les 7 magnifiques” : Morgan Stanley publie son rapport annuel sur l’industrie horlogère suisse, Olivier R. Müller, 7 mars 2022 : https://blogs.letemps.ch/olivier-muller/2022/03/07/les-7-magnifiques- morgan-stanley-publie-son-rapport-annuel-sur-lindustrie-horlogere-suisse/.
45 Saisine 17/0109 F, cote 49548.
46 Décision du Conseil de la concurrence n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex, page 3.
47 Saisine 17/0109 F, cotes 50411 et 50412.
48 « Pourquoi Rolex est-elle la marque la plus connue au monde ? », Le Figaro, 16 décembre 2020.
49 « L’horlogerie touchée de plein fouet par la crise liée au Covid-19 », Le Monde, 10 janvier 2021.
50 « 2021 Global RepTrak 100 » publiée par The RepTrak Company, une société qui mesure de la réputation des entreprises, saisine 17/0109 F, cote 49463, paragraphe 38 et cotes 50022 à 50052.
51 « Daytona de Rolex, la montre la plus désirée au monde », Le Monde, 29 août 2016.
52 Saisine 17/0105 F, cotes 75 à 81.
53 Le règlement n° 2790/1999 a expiré le 31 mai 2010 et a été remplacé par le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010 qui a été lui-même remplacé par le règlement n° 2022/720 du 10 mai 2022.
54 Saisine 17/0105 F, cotes 83 à 91 et saisine 17/0109 F cotes 49555 à 49646.
55 Saisine 17/0109 F, cotes 49460, paragraphes 14 et 15.
56 Saisine 17/0109 F, cote 49459, paragraphe11.
57 Saisine 17/0109 F, cote 49460, paragraphes 17 et 18.
58 Saisine 17/0109 F, cote 49559.
59 Saisine 17/0109 F, cote 49560.
60 Saisine 17/0109 F, cotes 49562 et 49564.
61 Saisine 17/0109 F, cotes 49564 et 49565.
62 Saisine 17/0109 F, cote 49461, paragraphe 23.
63 Saisine 17/0109 F, cotes 50138 à 50159, et 49686 à 49916.
64 Saisine 17/0109 F, cotes 49460 et 49461, paragraphes 19 et 20.
65 Saisine 17/0109 F, cote 59.
66 Saisine 17/0109 F, cotes 49555 à 49570.
67 Saisine 17/0109 F, cote 49563.
68 Saisine 17/0109 F, cote 49559.
69 Saisine 17/0109 F, cote 49464, paragraphe 43.
70 Saisine 17/0109 F, cote 3820.
71 Saisine 17/0105 F, cotes 35 à 44 ; saisine 17/109 F, cotes 29 et 30.
72 Saisine 17/0109 F, cote 29.
73 Saisine 17/0109 F, cotes 270 à 279.
74 Saisine 17/0109 F, cote 29.
75 Saisine 17/0109 F, cotes 270 à 279.
76 Saisine 17/0109 F, cotes 270 à 279.
77 Saisine 17/0109 F, cote 282.
78 Saisine 17/0109 F, cotes 29, 30 et 282.
79 Saisine 17/0109 F, cotes 53250, 53251 et 53317.
80 Saisine 17/0109 F, cotes 53251, 53319 et 53325.
81 Saisine 17/0109 F, cotes 53251, 53252 et 52086 à 52089.
82 Les réponses ont été reçues pour 50 points de vente distribuant les montres de marque Rolex en France (étant précisé que certaines sociétés exploitent plusieurs points de vente).
83 Saisine 17/0109 F, cotes 4169 à 4177.
84 Les questions étaient les suivantes : question n° 45 : « quelles dispositions contractuelles régissent la vente des montres de marque Rolex via internet ? » ; question n° 46 : « A quels critères / exigences / limitations la vente de marque de Rolex sur internet obéit- elle ? » ; question n° 57 : « pouvez-vous proposer les produits de marque Rolex sur tous les canaux de distribution (en magasin et/ou par internet) ? » (saisine 17/0109 F, cotes 4108 et 4109).
85 Saisine 17/0109 F, cotes 3604 à 3618, 11622 et 11623, 3621 à 3626, 11630, 3628 à 3631, 11635, 3633 à 3636, 11640 et 3638.
86 Saisine 17/0109 F, cote 3622.
87 Saisine 17/0109 F, cotes 7724 à 7790.
88 Saisine 17/0109 F, cotes 7533 à 7547.
89 Saisine 17/0109 F, cote 49466, paragraphes 62 à 68.
90 Saisine 17/0109 F, cote 50447.
91 Saisine 17/0109 F, cote 8316.
92 Saisine 17/0109 F, cote 8315.
93 Saisine 17/0109 F, cote 8312.
94 Traduction libre. voir la saisine 17/0109 F, cotes 2664 à 2676 et 50360 à 50363.
95 Saisine 17/0109 F, cote 2671.
96 Saisine 17/0109 F, cote 2674.
97 Saisine 17/0109 F, cote 49464, paragraphes 44 à 48.
98 Saisine 17/0109 F, cote 49465, paragraphes 49 à 50 et 53.
99 Saisine 17/0109 F, cote 49465, paragraphes 54 et 55.
100 Saisine 17/0109 F, cotes 49465 et 49466, paragraphe 59.
101 Saisine 17/0109 F, cote 49465, paragraphes 56 à 58.
102 Saisine 17/0109 F, cote 53012, paragraphe 113.
103 Saisine 17/0109 F, cotes 4220, 39030 et 23800.
104 Saisine 17/0109 F, cotes 50094 et 50415.
105 Saisine 17/0109 F, cote 50095.
106 Saisine 17/0109 F, cote 70.
107 Saisine 17/0109 F, cotes 50055 à 50089.
108 Saisine 17/0109 F, cotes 285 à 287 ; voir également, pour d’autres exemples de factures, les cotes 47817, 21570, 21571, 47837, 47843 et 48075.
109 Saisine 17/0109 F, cote 49467, paragraphes 69 et 70.
110 Saisine 17/0109 F, cote 49466, paragraphes 62 à 68.
111 Saisine 17/0109 F, cote 49467, paragraphe 69.
112 Saisine 17/0109 F, cotes 3614, 11623, 3622 et 3624.
113 Saisine 17/0109 F, cotes 7724 à 7790 et 7533 à 7547.
114 Saisine 17/0109 F, cotes 50171 et 50173.
115 Voir, par exemple, le modèle Datejust 31 sur le site du distributeur Frojo : https://www.frojo.com/rolex/datejust/m278271-0016 (dernièrement consulté le 16 novembre 2023).
116 Saisine 17/0109 F, cotes 50094 et 50415.
117 Saisine 17/0109 F, cote 50 095.
118 Saisine 17/0109 F, cotes 52780 à 52782.
119 Saisine 17/0109 F, cote 49468, paragraphes 79 et 80.
120 Saisine 17/0109 F, cote 31.
121 Saisine 17/0109 F, cote 293.
122 Saisine 17/0109 F, cotes 8439 et 8440.
123 Saisine 17/0109 F, cote 8523.
124 Saisine 17/0109 F, cotes 49501 et 49502.
125 Saisine 17/0109 F, cotes 4205 et 4206.
126 Saisine 17/0109 F, cote 4181.
127 Saisine 17/0109 F, cote 9343.
128 Saisine 17/0109 F, cote 11962.
129 Saisine 17/0109 F, cotes 8898 et 8899.
130 Saisine 17/0109 F, cote 8867.
131 Saisine 17/0109 F, cotes 2929 à 2980, 50375, 2982, 50377, 2984 à 2996.
132 Saisine 17/0109 F, cotes 2984 et 2985.
133 Saisine 17/0109 F, cote 2987.
134 Saisine 17/0109 F, cotes 50443 à 50446 et 50494 à 50497.
135 Cette déclaration est également reprise ci-avant dans le Tableau 7, p. 46, pour refléter l’ambivalence des déclarations de ce distributeur s’agissant de la marge de manœuvre qu’il déclare disposer par rapport aux prix conseillés par Rolex France.
136 Une déclaration de ce distributeur figure également ci-avant dans le Tableau 7, p. 46, pour refléter l’ambivalence de ses déclarations s’agissant de la marge de manœuvre qu’il déclare disposer par rapport aux prix conseillés par Rolex France.
137 Saisine 17/0109 F, cote 49467, paragraphes 75 à 77.
138 Saisine 17/0109 F, cotes 31 et 290.
139 Saisine 17/0109 F, cote 31.
140 Saisine 17/0109 F, cotes 3555 à 3558, 11581 et 50387 à 50389 et 50397.
141 Saisine 17/0109 F, cotes 50387 à 50389.
142 Saisine 17/0109 F, cote 49469, paragraphes 86 et 87.
143 Saisine 17/0109 F, cote 49469, paragraphes 89 à 91.
144 Saisine 17/0109 F, cotes 49452 et 49453.
145 Saisine 17/0109 F, cotes 2929 à 2980, 50375, 2982, 50377, 2984 à 2996.
146 Saisine 17/0109 F, cote 2979.
147 Saisine 17/0109 F, cote 2979.
148 Saisine 17/0109 F, cotes 31 et 290.
149 Saisine 17/0109 F, cotes 3886 à 3911.
150 Saisine 17/0109 F, cote 3826.
151 Saisine 17/0109 F, cote 3827.
152 Saisine 17/0109 F, cote 3828.
153 Saisine 17/0109 F, cote 3829.
154 Saisine 17/0109 F, cote 3832.
155 Saisine 17/0109 F, cotes 18976 à 18979.
156 Saisine 17/0109 F, cotes 19000 à 19003.
157 Saisine 17/0109 F, cotes 3695 à 3748.
158 Saisine 17/0109 F, cote 3698.
159 Saisine 17/0109 F, cote 3731.
160 Saisine 17/0109 F, cote 3738.
161 Saisine 17/0109 F, cotes 20281 à 20284.
162 Saisine 17/0109 F, cotes 20289 à 20292.
163 Saisine 17/0109 F, cotes 20293 à 20296.
164 Saisine 17/0109 F, cotes 20297 à 20300.
165 Saisine 17/0109 F, cotes 20301 à 20304.
166 Saisine 17/0109 F, cotes 20308 à 20311.
167 Saisine 17/0109 F, cotes 20312 à 20315.
168 Saisine 17/0109 F, cotes 20318 à 20321.
169 Saisine 17/0109 F, cotes 15984 à 15987.
170 Saisine 17/0109 F, cotes 48274 à 48312.
171 Saisine 17/0109 F, cote 48296.
172 Saisine 17/0109 F, cotes 9638 à 9640.
173 Saisine 17/0109 F, cotes 10765 à 10767.
174 Saisine 17/0109 F, cotes 10765 à 10767.
175 Saisine 17/0109 F, cotes 10506 à 10508.
176 Saisine 17/0109 F, cote 3822.
177 Saisine 17/0109 F, cote 3822.
178 Voir par exemple saisine 17/0109 F, cotes 50416 à 50441.
179 Saisine 17/0109 F, cote 49468, paragraphe 83.
180 Saisine 17/0109 F, cotes 50478 à 50493. « The second moment that I strongly appreciated during this visit was the moment when I asked the salesperson about the price discount. She did not appeared to be closed or unpleasant, and I appreciated the relevant discount she was able to obtain after consulting with her manager » (traduction libre dans le corps de la décision).
181 Voir à titre d’exemple : Rapport Dorise Joaillier (saisine 17/0109 F, cotes 50448 à 50462), Rapport Maier Lyon (saisine 17/0109 F, cotes 50463 à 50477).
182 Voir saisine 17/0109 F, cote 50400 : « At the end of the conversation, the shopper requests the possibility to have a discount » [Traduction libre : « À la fin de la conversation, le client demande s’il est possible de bénéficier d'une remise »].
183 Saisine 17/0109 F, cotes 3912, 50398, 3916, 50400 à 50408.
184 Saisine 17/0109 F, cote 50360.
185 Saisine 17/0109 F, cotes 7887 à 7889.
186 Saisine 17/0109 F, cotes 49468 et 49469, paragraphe 85.
187 Saisine 17/0109 F, cotes 49468, paragraphes 81 à 84.
188 Voir notamment : Raynal : saisine 17/0109 F, cote 4204 ; Bijouterie Nora : saisine 17/0109 F, cote 4179 ; Frojo Rolex : saisine 17/0109 F, cote 4158 ; Bijouteries Max Milliaud : saisine 17/0109 F, cote 8799 ; Heurgon Joaillier : saisine 17/0109 F, cotes 8439, 8445 à 8448 ; Maier Horloger : saisine 17/0109 F, cote 8468 ; Arije : saisine 17/0109 F, cote 16903 ; Bijouterie Jacquot : saisine 17/0109 F, cote 4278 ; Bucherer : saisine 17/0109 F, cote 20786 ; Verhoeven : saisine 17/0109 F, cotes 8519, 8520 et 8525 ; Bijouterie Louis Julian : saisine 17/0109 F, cote 11945 ; Le Bon Marché : saisine 17/0109 F, cote 4295 ; Prieur : saisine 17/0109 F, cote 7279 ; Printemps Haussman & Printemps Louvre : saisine 17/0109 F, cote 4243 ; Bijouterie Jean Hardy : saisine 17/0109 F, cote 7356 ; Bollwerk Joailliers : saisine 17/0109 F, cote 8406 ; Dorise Joaillier : saisine 17/0109 F, cotes 11961 et 11962 ; Doux Joaillier : saisine 17/0109 F, cote 49424 ; Doux Joaillier : saisine 17/0109 F, cote 8428 ; Bijouterie Prévot : saisine 17/0109 F, cote 8428 ; Ferret : saisine 17/0109 F, cote 8865 ; Frayssinet Joaillier : saisine 17/0109 F, cotes 7402 et 7403 ; Frojo : saisine 17/0109 F, cote 8819 ; Guilhem & fils : saisine 17/0109 F, cote 8880 ; Longinus 1891, Roedelsperger 1898 : saisine 17/0109 F, cote 9548 ; Galeries Lafayette/Royal Quartz : saisine 17/0109 F, cotes 4323, 4324, 4328, 50651 et 4349 ; Wempe : saisine 17/0109 F, cote 9191 ; Veron Roques : saisine 17/0109 F, cotes 9566 et 9567.
189 Saisine 17/0109 F, cotes 8519, 8520 et 8525.
190 Saisine 17/0109 F, cotes 49452 et 49453.
191 Saisine 17/0109 F, cote 8865.
192 Saisine 17/0109 F, cote 8880.
193 Saisine 17/0109 F, cotes 2929 à 2980, 50375, 2982, 50377, 2984 à 2996.
194 Saisine 17/0109 F, cotes 2936 et 2940.
195 Saisine 17/0109 F, cotes 2942 et 2950.
196 Saisine 17/0109 F, cote 49469, paragraphes 86 et 87.
197 Saisine 17/0109 F, cote 49470, paragraphe 96.
198 Saisine 17/0109 F, cote 50336.
199 Saisine 17/0109 F, cotes 2929 à 2980, 50375, 2982, 50377, 2984 à 2996.
200 Saisine 17/0109 F, cotes 2980, 50375, 2982 et 50377.
201 Saisine 17/0109 F, cotes 2984 et 2985.
202 Saisine 17/0109 F, cotes 8899 et 8900.
203 Saisine 17/0109 F, cote 50384.
204 Saisine 17/0109 F, cotes 3555 à 3558, 11581 et 50387 à 50389 et 50397.
205 Saisine 17/0109 F, cotes 50387 à 50389.
206 Saisine 17/0109 F, cote 50336.
207 Saisine 17/0109 F, cotes 9343, 8519 et 9356.
208 Saisine 17/0109 F, cote 9551.
209 Saisine 17/0109 F, cote 9550.
210 Taux de marge maximum en cas de revente, par le distributeur, au prix conseillé. L’Autorité note que le changement de taux de TVA en 2014, de 19,6 % à 20 %, est susceptible d’avoir affecté, à la marge, l’évolution du taux de marge.
211 Saisine 17/0109 F, cote 50415.
212 Saisine 17/0109 F, cotes 49452 et 49453.
213 Saisine 17/0109 F, cotes 21 (saisine de la société Pellegrin & Fils) et 50 952.
214 Saisine 17/0109 F, cotes 21 et 263 à 267.
215 Saisine 17/0109 F, cotes 49435 et 49436.
216 Saisine 17/0109 F, cote 50413.
217 Saisine 17/0109 F, cotes 53439 à 53441.
218 Saisine 17/0105F, cotes 3 et 63 à 65.
219 Saisine 17/0105F, cote 71.
220 Saisine 17/0105F, cote 73.
221 Saisine 17/0109 F, cotes 53436 à 53439.
222 Saisine 17/0109 F, cotes 53441 à 53453.
223 Saisine 17/0109 F, cotes 53441 à 53452.
224 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, n° 2016/16621, paragraphe 86 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a., n° 2015/17638, p. 31-32.
232 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), §7.
233 Voir notamment les décisions de l'Autorité de la concurrence n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 220 ; n° 10-D-19 du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.
234 Voir notamment arrêt du Tribunal de l’Union du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, point 86 et décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-D-12 du 28 mai 2013 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation de commodités chimiques, paragraphes 574 et 575, n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphe 406 et décision du Conseil de la concurrence n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28.
235 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 décembre 1997, Rolex, n° 9999. https://www.doctrine.fr/d/CA/Paris/1997/U3CE3A137B853782A25C9.
236 Confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 juin 2004, Cartier, n° 04/01560.
237 Décision de la Commission européenne n° M/9695, LVMH/Tiffany du 26 octobre 2020, paragraphes 47 à 52 : « Montres de luxe. – Les consommateurs considèrent que la conception, la qualité, le prix, la rareté, le caractère unique et l’image de marque figurent parmi les caractéristiques qui définissent les montres de luxe. (…) En ce qui concerne une sous-segmentation au sein du marché des montres de luxe, les positions des consommateurs sont partagées, et un nombre prépondérant de concurrents considèrent qu'une sous- segmentation est appropriée, en particulier en fonction du prix. » (traduction libre).
238 Saisine 17/0109 F, cote 50017.
239 Saisine 17/0109 F, cotes 4152, 8797, 8437, 8460, 4276, 20776, 9340, 4292, 7275, 4239, 7355, 8402, 11959, 49416, 8893, 8425, 8812, 8877, 9543, 4316, 9187, 11939 et 9561.
240 Saisine 17/0109 F, cote 49462, paragraphes 26 à 28.
241 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, point 112, et l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., n° 2010/23945, page 42.
242 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T-41/96, point 173.
243 Voir arrêt de la Cour de Justice du 13 juillet 2006, Volkswagen, C-74/04, points 37-39 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014, Société Bang & Olufsen, n° 2013/00714, pages 5, 6 et 9.
244 Arrêt de la Cour de justice du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, C-439/09.
271 Saisine 17/0109 F, cote 59.
272 Saisine 17/0109 F, cotes 65 à 73.
273 Saisine 17/0109 F, cotes 4169 et 4177.
274 Saisine 17/0109 F, cote 9345.
275 Saisine 17/0109 F, cote 9334.
276 Saisine 17/0109 F, cotes 8860, 8863 et 8865.
277 Saisine 17/0109 F, cotes 49130, 20780, 50344 et 50345.
278 Saisine 17/0109 F, cote 49464, paragraphe 43.
279 Saisine 17/0109 F, cote 3820.
280 Saisine 17/0109 F, cote 51284 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53456 (observations en réponse au rapport).
281 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 17 octobre 2019, Stihl, n° 18/24456, point 355 ; et du 13 mars 2014, Bang & Olufsen précité, page 13.
282 Décisions n° 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphe 182 ; n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture, paragraphe 308 ; n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphes 813, 963, 1063 et 1064 (recours pendant devant la cour d’appel de Paris).
283 Saisine 17/0109 F, cote 50447.
284 Saisine 17/0109 F, cotes 8312, 8315 et 8316.
285 Saisine 17/0109 F, cote 51323 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53506 (observations en réponse au rapport).
286 Saisine 17/0109 F, cote 51338 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53523 (observations en réponse au rapport).
287 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 mai 2018, Umicore, n° 2016/16621, point 86.
288 Saisine 17/0109 F, cote 51291 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53465 (observations en réponse au rapport).
289 Saisine 17/0109 F, cotes 51304 et 51305 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53486 (observations en réponse au rapport).
290 Saisine 17/0109 F, cotes 50305, 51306, 51340 et 51341 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53487 à 53489 (observations en réponse au rapport).
291 Saisine 17/0109 F, cotes 51306 à 51309, 52450 à 52472, 51333 à 51338 et 51341 à 51342 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53493 à 53518 (observations en réponse au rapport).
292 Saisine 17/0109 F, cote 51309 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53490 à 53494 (observations en réponse au rapport).
293 Saisine 17/0109 F, cotes 52453 à 52462 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53496 à 53506 (observations en réponse au rapport).
294 Saisine 17/0109 F, cote 52463 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53506 (observations en réponse au rapport).
295 Saisine 17/0109 F, cotes 53518 à 53520 (observations en réponse au rapport).
296 Saisine 17/0109 F, cotes 52472 et 51333 à 51337 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53521 à 53523 (observations en réponse au rapport).
300 Saisine 17/0109 F, cote 9563.
301 Saisine 17/0109 F, cote 11960.
302 Décision 19-D-14 du 1er juillet 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, paragraphe 133.
303 Saisine 17/0109 F, cotes 53706 à 53712.
304 https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-03/20200303-lutte-contre-les-contrefacons_0.pdf, pages 79 et 80.
305 La blockchain ou « chaînes de blocs » est une technologie de stockage et de transmission numérique d’informations fondée sur des relations de pair-à-pair qui fonctionne sans organe central de contrôle et sans intermédiaire. Elle repose sur une exploitation de processus qui permet non seulement d’assurer la traçabilité et l’authenticité d’un produit, mais également d’identifier précisément une éventuelle faille dans la chaîne logistique, sans besoin de recourir à un tiers de confiance.
306 Le passeport contient tous les détails sur la montre, y compris son numéro de série, et est horodaté d'un évènement représentant la date d'activation de la garantie à la date d'achat. Uniquement accessible au propriétaire par le biais du portefeuille, ce passeport comprend une fonction de transfert qui permet au propriétaire de transférer la propriété́ légitime de sa montre vers son nouveau propriétaire.
307 « Le luxe à l’assaut de la technologie blockchain », https://www.forbes.fr/business/le-luxe-a-lassaut-de-la- technologie-blockchain.
308 Ibid.
309 Saisine 17/0109 F, cote 51336 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53521 (observations en réponse au rapport).
310 Saisine 17/0109 F, cote 51336 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53521 (observations en réponse au rapport).
311 Saisine 17/0109 F, cote 53301.
312 Voir, par exemple, les conditions générales de vente du distributeur de Rolex, Godechot Pauliet au point 10.2., https://www.godechot-pauliet.com/conditions-generales-de-vente/. De manière similaire, voir les conditions générales de vente de la boutique en ligne du distributeur Bucherer (points 6.6 et 6.7), https://www.bucherer.com/fr/fr/general/terms-and-conditions.html.
313 Voir par exemple les conditions générales de vente de la boutique en ligne de Breitling (point 8 relatif aux retours), https://www.breitling.com/fr-fr/terms-and-conditions/.
314 Voir par exemple les conditions générales de vente de la boutique en ligne de Vacheron Constantin (point relatif aux conditions de retour de produits), https://www.vacheron-constantin.com/fr/fr/legal/sales- conditions.htm.
315 Arrêt Coty précité, points 52 à 58.
316 Arrêt de la Cour de justice, Pierre Fabre, précité, C-439/09.
317 https://www.statista.com/statistics/246133/value-of-the-online-personal-luxury-goods-market-worldwide/.
318 https://www.euromonitor.com/world-market-for-luxury-goods/report.
319 https://www.euromonitor.com/article/five-trends-shaping-the-global-luxury-goods-landscape.
320 « Eight Themes That Are Rewriting the Future of Luxury Goods », février 2020, https://www.bain.com/insights/eight-themes-that-are-rewriting-the-future-of-luxury- goods/?utm_source=luxe.digital.
321 « The State of fashion, Watches & Jewellery », McKinsey & Company, juin 2021, page 25, https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/industries/retail/our%20insights/state%20of%20fashion%20w atches%20and%20jewellery/state-of-fashion-watches-and-jewellery.pdf.
322 Ibid, page 10.
323 Source : https://www.mckinsey.com/industries/retail/our-insights/state-of-fashion-watches-and- jewellery#/.
324 Page 25 du rapport McKinsey.
325 Voir https://www.lofficielhb.com/bijouterie-joaillerie/bons-resultats-e-commerce-vont-changer-habitudes- achat/.
326 Un canal de vente non rival désigne un canal de vente qui peut être utilisé par un grand nombre de consommateurs en même temps, sans que cela crée un effet de saturation. Contrairement aux magasins physiques, qui disposent d’une surface limitée pour accueillir des clients, les sites de vente en ligne permettent la connexion simultanée d’un très grand nombre de consommateurs.
327 https://www.breitling.com/fr-fr/news/details/breitling-introduces-breitlingselect-an-innovative-watch- subscription-program-34418.
328 Saisine 17/0109 F, cotes 53280 et 53380.
329 Saisine 17/0109 F, cote 51298 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53476 à 53478 (observations en réponse au rapport).
330 Ce chiffre de 54 distributeurs en septembre 2020 (cote 51297) ne semble pas correspondre au chiffre fourni par Rolex à la suite de son audition par les services d’instruction : 67 distributeurs agréés en 2020 (cote 49661), ce qui porte la part des distributeurs à 21 %.
331 Saisine 17/0109 F, cote 50447.
332 Saisine 17/0109 F, cotes 53297 à 53299 et 53336 à 53358 (annexe aux observations de l’UBH).
333 Saisine 17/0109 F, cotes 16892, 16897, 16902, 9556 et 9560.
334 Saisine 17/0109 F, cotes 51486 à 51489 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53468 et 53469, 53802 (observations en réponse au rapport).
335 Saisine 17/0109 F, cote 51293 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53468 et 53469 (observations en réponse au rapport).
336 Saisine 17/0109 F, Étude économique MAPP : « Elle a visé à étudier si et dans quelle mesure les prix proposés par les distributeurs agréés Rolex en ligne différaient des prix figurant sur les sites des fabricants, étant considéré que les fabricants appliquent les prix qu’ils recommandent à leurs distributeurs » (soulignement ajouté), cote 51486 (observations en réponse à la notification de griefs) et cote 53722 (observations en réponse au rapport).
337 Le nombre d’unités vendues de montres de marques Rolex est passé de 810 000 à 1 million entre 2020 et 2021 selon les estimations publiées par Morgan Stanley (voir paragraphes 15 et 16) (et était de 770 000 en 2017 toujours selon les estimations publiées par Morgan Stanley - https://www.letemps.ch/economie/vrais- chiffres-rolex-nexistent), ce qui montre la capacité de Rolex d’ajuster dans une certaine mesure à la hausse (ou à la baisse) ses capacités.
338 Saisine 17/0109 F, cote 8467.
339 « The State of fashion, Watches & Jewellery », McKinsey & Company, juin 2021, pages 40 et 41, https://www.mckinsey.com/~/media/mckinsey/industries/retail/our%20insights/state%20of%20fashion%20w atches%20and%20jewellery/state-of-fashion-watches-and-jewellery.pdf
340 Ibidem.
341 Saisine 17/0109 F, cote 53301 (observations en réponse au rapport) et https://www.bucherer.com/fr/en/rolex-certified-pre-owned/watches.
342 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 102/1 du 23/04/2010.
343 Voir notamment les Lignes directrices sur les restrictions verticales du 30 juin 2022, JOUE C248/1, paragraphes 291 à 296.
344 Saisine 17/0109 F, cotes 52463, 51338 et 51340 à 51345 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53525 à 53532 (observations en réponse au rapport).
345 Saisine 17/0109 F, cotes 51344 et 51345 (observations en réponse à la notification de griefs) et cotes 53532 et 53533 (observations en réponse au rapport).
346 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Puériculture de France, n° 09-11853.
347 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, page 44, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, n° Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648.
348 Arrêt de la Cour de justice du 6 janvier 2004, Bayer, C-02/01 P, point 84.
349 Arrêts Beauté Prestige International de la cour d’appel et de la Cour de cassation précités.
350 Voir en ce sens les arrêts de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, RG n° 2006/14057, p. 15, du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International, n° 10/23945, page 43, non remis en cause sur ce point par l’arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2013, Beauté Prestige International, n° Y 12-13.961 – B 12-14.401 – A 12-14.584 – N 12-14.595 – Q 12-14.597 – R 12-14.598 – U 12-14.624 – V 12-14.625 – C 12-14.632 – V 12-14.648 et du 16 mai 2013, Kontiki, RG n° 2012/01227, p. 6.
351 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 avril 2006, Truffaut, n° 06/14057, page 16.
352 Lignes directrices de la Commission européenne du 19 mai 2010 n° 2010/C 130/01 sur les restrictions verticales, JOUE C 130/1.
353 Voir en ce sens, notamment, les arrêts de la Cour de justice de l’Union du 11 septembre 2014, Groupement des cartes bancaires, C-67/13, points 49 et 50 ; du 20 novembre 2008, BIDS, C-209/07, point 15, ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11, points 34 et 35.
354 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, point 53 et jurisprudence citée.
355 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV e.a., C-8/08, points 46, 49 et 50 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, n° 2011/01228, Lacroix Signalisation e.a., sur la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, p. 18.
356 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri A/S e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02P, point 112 ; du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economica e delle Finanze, C-222/04, point 107, du 11 janvier 2006, Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitaria (FENIN)/Commission, C-205/03 P, point 25, et du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 34.
357 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederacion Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, point 40, du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 55, du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 35, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, C-201/09 P et C-216/09 P, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09, point 53, du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 37 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18.
358 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice General Quimica précité, point 36 ; Akzo Nobel NV e.a./Commission, précité, point 56 ; ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, précité, point 95 ; Elf Aquitaine SA/Commission, précité, point 53 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 20.
359 Arrêt de la Cour de justice du 1er juillet 2010, Knauf Gips, C-407/08 P, points 65 à 74 et 108.
360 Arrêts Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission précité, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18 et 19.
361 Arrêt Akzo Nobel précité, points 60 et 61, General Quimica précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19 et 20.
362 Voir l’arrêt de la Cour de justice du 11 juillet 2013, Commission/Stichting Administratiekantoor Portielje- Gosselin, C-440/11 P, points 42 et 44.
363 Voir l’arrêt du Tribunal du 27 octobre 2010, Alliance One International Inc. e.a./Commission, T-24/05, points 126 et 171.
364 Arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer, T-43/02, point 129.
365 Saisine 17/0109 F, cotes 51699 (VC) 52386 (VNC), 51700, 51706 et 51707 (VC) 52389 (VNC).
366 Arrêt de la Cour de cassation du 18 octobre 2017, n° 16-19120. Voir également en ce sens : arrêts du Tribunal du 15 juillet 2015, HIT Groep BV/Commission, T- 436/10, points 140 et suivants ; du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T-69/04, point 63 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T-38/07, point 70 et jurisprudence citée, et du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T-360/09, point 283.
367 Saisine 17/0109 F, cote 53900.
368 Voir dans le même sens l’arrêt de la Cour de justice du 11 juillet 2013, Commission européenne c/Stichting Administratiekantoor Portielje and Gosselin Group NV, C-440/11 P, points 36 à 73.
369 Arrêt de la Cour de justice du 1er juillet 2010, Knauf Gips, C-407/08 P, points 65 et 68.
370 Saisine 17/0109 F, cote 51131 (VC) 51146 (VNC).
371 Saisine 17/0109 F, cotes 51116 et 51123 et 51126.
372 Saisine 17/0109 F, cotes 51116 et 51124.
373 Saisine 17/0109 F, cotes 51115 et 51123.
374 Saisine 17/0109 F, cote 49458.
375 Saisine 17/0109 F, cote 51700.
376 Saisine 17/0109 F, cotes 51131 (VC) 51146 (VNC) et 51112 (VC).
377 Saisine 17/0105F, cotes 83 à 91 et saisine 17/0109 F, cotes 49555 à 49646.
378 Saisine 17/0109 F, cote 49460.
379 Décision n° 96-D-72 du 19 novembre 1996 relative aux pratiques constatées dans la distribution des montres Rolex, page 3.
380 Saisine 17/0109 F, cotes 50054 à 50089.
381 Saisine 17/0109 F, cote 50057.
382 Saisine 17/0109 F, cotes 3604 à 3618, 11622 et 11623, 3621 à 3626, 11630, 3628 à 3631, 11635, 3633 à
3636, 11640 et 3638.
383 Saisine 17/0109 F, cote 49466, paragraphes 62 à 68.
384 Saisine 17/0109 F, cotes 3614, 11623, 3622 et 3624.
385 Saisine 17/0109 F, cote 49468.
386 Saisine 17/0109 F, cotes 3912, 50398, 3916, 50400 à 50408.
387 Saisine 17/0109 F, cote 50360.
388 Saisine 17/0109 F, cotes 7887 à 7889.
389 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE, 2003, L1, p. 1.
390 Saisine 17/0109 F, cotes 53588 à 53592.
391 Voir notamment les décisions n° 22-D-17 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz, n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires.
392 Communiqué sanctions, paragraphe 6.
393 Saisine 17/0109 F, cotes 53588 à 53592.
394 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
395 Voir le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021.
396 Le même article 6 a en revanche prévu que les modifications en question n’étaient pas applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
397 Communiqué sanctions, paragraphe 11.
398 Voir notamment la décision n° 22-D-08 du 3 mars 2022 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la collecte et de la gestion des déchets en Haute-Savoie, la décision n° 22-D-17 du 11 octobre 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Gaz de Bordeaux dans le secteur du gaz, la décision n° 23-D-02 du 8 mars 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation du champagne Canard-Duchêne aux Antilles et en Guyane, la décision n° 23-D-03 du 20 mars 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la sécurisation des débits de tabac dans les régions Hauts-de-France et Île-de-France, la décision n° 23-D-04 du 12 avril 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la vente d’abonnements à des produits d’intelligence économique (business intelligence) et d’information d’entreprise, la décision n° 23-D-06 du 14 juin 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la rénovation et de la restauration de couvertures et de charpentes pour les bâtiments du patrimoine public ou privé dans la région des Hauts-de- France et la décision n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires.
399 Communiqué sanctions, paragraphe 12.
400 Voir, dans ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin n° 285-F-D. Voir également l’arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, Schindler, C-501/11 P, dans lequel la Cour a considéré que les lignes directrices adoptées par la Commission « ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003 » (point 66), et qu’elles « énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (…), et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende » (point 67).
401 Communiqué sanctions, paragraphe 13.
402 Voir, dans ce sens, le raisonnement du Tribunal, confirmé par la Cour de justice, dans l’affaire Schindler (arrêt du Tribunal Schindler précité, points 118 à 129).
403 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juillet 2019, Goodmills Deutschland, n° 16/23609, paragraphes 464-466.
404 Arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, n° 285 F-D.
405 Paragraphe 7 du communiqué sanctions de 2011.
406 Paragraphe 6 du communiqué sanctions.
407 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 19 juillet 2018, RG n° 16/01270, § 859.
408 Arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2021, n° 18-21.436, pp. 49 et 50.
409 Voir notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 26 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C-227/14 P, paragraphes 56 à 59.
410 Saisine 17/0109 F, cote 51104 (VC).
411 Communiqué sanctions, point 27.
412 Communiqué sanctions, points 30 et 31.
413 Voir notamment, arrêt de de la Cour de justice du 21 septembre 2006, JCB Service / Commission, C-167/04 P, point 211 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez, n° 07/00370 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, EPSE Joué Club e.a., n° 2008/00255, page 17 (rendu au sujet de la décision n° 07-D-50).
414 Décision n° 08-D-25 du 29 octobre 2008 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle vendus sur conseils pharmaceutiques, paragraphes 88 et 89.
415 Décision n° 12-D-23 du 12 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bang & Olufsen dans le secteur de la distribution sélective de matériels hi-fi et home cinéma, paragraphe 122 et jurisprudence citée.
416 Arrêt Bang & Olufsen précité, page 13.
417 Saisine 17/0109 F, cote 53599.
418 Saisine 17/0109 F, cote 53600.
419 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 mai 2017, n° 2015/08224, points 224-225.
420 Saisine 17/0109 F, cote 49465, paragraphes 54 et 55.
421 Point 35 et suivants du communiqué sanctions.
422 Voir en ce sens, arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2004, Colas Midi -Méditerranée e.a., n° 02-15203.
423 Voir, notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff. C-289/04, points 16 et 17.
424 Arrêt de la Cour de justice du 4 septembre 2014, YKK Corporation, C-408/12, point 86.
425 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298,
p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, n° 2012/00723, p. 41.
426 Arrêt CEDH du 27 septembre 2011, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c. Italie, n°43509/08, paragraphe 41.
427 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12-14401.
428 Source: Extraits du rapport annuel sur la situation économique et les tendances financières de l'industrie horlogère suisse pour les années 2020 et 2021 publié par LuxeConsult et Morgan Stanley en mars 2021 et mars 2022 (voir notamment https://italianwatchspotter.com/2021-watch-industry-results/?lang=en, https://www.pme.ch/business/2022/03/10/rolex-leader-inconteste-du-marche-cartier-prend-la-2e-place ou encore https://usa.watchpro.com/audemars-piguet-outperforms-patek-philippe-as-sales-soar-to-chf-1-6- billion/).
429 Saisine 17/0109 F, cote 51248.