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Décisions

Cass. 3e civ., 4 mars 1998, n° 96-16.671

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

Mme Stéphan

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

M. Hémery, SCP Defrénois et Levis

Paris, du 16 avr. 1996

16 avril 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 avril 1996), que les époux X..., propriétaires de locaux à usage commercial, donnés à bail en 1984 aux époux Y..., leur ont, par avenant du 18 février 1988, promis de renouveler le bail moyennant la fixation du loyer, à défaut d'accord entre eux, par un collège de trois experts ; qu'en application de cette convention, les bailleurs ont, par acte du 21 décembre 1992, fait connaître aux locataires le nom de l'expert choisi par eux, leur enjoignant de désigner le leur dans les huit jours ; que les époux Y... ont fait opposition à ce commandement, en contestant la validité de la convention ;

Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de constater la validité de la convention du 18 février 1988, alors, selon le moyen, 1° que la clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce contrat ; que constitue une telle clause celle par laquelle les parties à un contrat de bail ont prévu qu'à défaut d'accord sur le loyer du bail renouvelé le loyer sera fixé par un collège de trois experts, l'un étant désigné par le bailleur, l'autre par le preneur, et le troisième par les deux premiers experts ; qu'en affirmant dès lors le contraire au prétexte que cette clause serait valable au regard de l'article 1592 du Code civil applicable par analogie en l'espèce, la cour d'appel a violé les articles 1442 et suivants du nouveau Code de procédure civile, 1592 et 2061 du Code civil et 35 du décret du 30 septembre 1953 ; 2° subsidiairement, qu'il appartient aux juges du fond de rechercher la nature exacte de la mission confiée par les parties contractantes à un tiers expert ; qu'en l'espèce, pour juger que les trois experts n'avaient pas agi en tant qu'arbitres, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que leur décision s'incorporait au contrat de bail et n'était pas une sentence arbitrale sans rechercher si, à défaut d'accord, les parties qui recouraient aux trois experts ne règlaient pas, par voie d'arbitrage, un litige né ou à naître sur le montant du loyer du bail à renouveler ; que l'arrêt manque de base légale au regard des articles 1442 et suivants du nouveau Code de procédure civile ; 3° qu'en toute hypothèse, le preneur d'un bail commercial ne peut valablement renoncer à un droit acquis édicté dans son intérêt par le décret du 30 septembre 1953 ; qu'en l'espèce, il était constant qu'à défaut d'accord des parties le loyer devait être fixé par experts ; que la cour d'appel ne pouvait dire cette clause valable en se bornant à affirmer que les parties, d'un commun accord, avaient choisi de fixer le loyer à la valeur locative plusieurs années à l'avance sans rechercher si cette clause ne constituait pas, de la part du preneur, une renonciation anticipée illicite au droit au plafonnement et si elle ne heurtait pas la compétence d'ordre public exclusive du président du tribunal de grande instance en la matière ; que l'arrêt, là encore, manque de base légale au regard des articles 23-6 et suivants, 27, 29 et 35 du décret du 30 septembre 1953 ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'en contrepartie de l'acceptation, à l'avance, par les preneurs d'une fixation par experts du loyer du bail à renouveler, faute d'accord entre les parties, les bailleurs avaient dans le même temps renoncé à leur droit de reprise, et retenu, à bon droit, que la stipulation de la convention du 18 février 1988 ne donnait pas à l'estimation des experts le caractère d'une sentence arbitrale et ne pouvait s'analyser en une clause compromissoire mais conférait à l'estimation un caractère contractuel au même titre que si elle avait été arrêtée par les parties, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que, dans ces conditions, rien ne s'opposait à ce que les parties, d'un commun accord, choisissent de fixer le loyer à la valeur locative plusieurs années à l'avance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.