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Décisions

Cass. 1re civ., 2 juin 2021, n° 20-10.398

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Rouen, du 7 nov. 2019

7 novembre 2019

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 7 novembre 2019), par acte sous seing privé du 21 novembre 2011, la société civile immobilière Bassin Vétillart 2 (l'emprunteur) a souscrit un prêt professionnel auprès de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie (la banque). 2. L'emprunteur a assigné la banque en annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel au titre d'un défaut de communication du taux de période. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et de la condamner à rembourser un trop-perçu d'intérêts, alors « que la sanction du défaut de communication du taux de période ne s'applique pas si l'écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés du jugement du 28 septembre 2017, que le taux effectif global était mentionné dans l'acte de prêt sans qu'aucune erreur au-delà de la décimale n'ait été démontrée ; qu'en prononçant toutefois l'annulation de la stipulation d'intérêts du prêt, pour défaut de communication du taux de période, la cour d'appel a violé les articles L. 313-4 et R. 313-1 du code monétaire et financier dans leur version applicable à la cause, ensemble l'article L. 313-1 du code de la consommation dans sa version issue de la loi du 1er juillet 2010 et l'article R. 313-1 du même code dans sa version issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en ce qu'il serait nouveau et contraire aux conclusions d'appel de la banque.

5. Le moyen, qui est de pur droit et n'est pas contraire aux conclusions d'appel de la banque, laquelle se bornait à soutenir que la nullité de la stipulation d'intérêts ne pouvait être prononcée en raison de l'absence de mention du taux de période et que l'emprunteur était informé du coût de son crédit, est recevable.

Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, et l'article R. 313-1du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011 :

6. En application de ces textes, un prêt professionnel doit mentionner le taux effectif global, qui est un taux annuel, proportionnel au taux de période, lequel, ainsi que la durée de la période, doivent être expressément communiqués à l'emprunteur. Le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels. Une telle sanction ne saurait cependant être appliquée lorsque l'écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313 -1 susvisé.

7. Pour prononcer la nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel du prêt litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres, que le taux de période n'a pas été communiqué à l'emprunteur et, par motifs adoptés, que l'emprunteur ne démontre pas un écart supérieur à la décimale entre le taux effectif global mentionné dans le prêt et le taux réel.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Selon l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

10. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt condamnant la banque aux dépens et au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens, qui se trouvent avec elle dans un lien de dépendance nécessaire.

11. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

13. L'emprunteur ne démontre pas que le taux effectif global mentionné dans le prêt litigieux présente un écart supérieur à la décimale avec le taux réel et le défaut de communication du taux et de la durée de la période est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels.

14. La demande d'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel sera en conséquence rejetée.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la clause stipulant l'intérêt conventionnel du prêt et condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie à rembourser à la société Bassin Vétillart 2 la somme de 322 406,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 28 septembre 2017, et en ce qu'il condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Normandie aux dépens et au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande d'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel du prêt ;

Condamne la société Bassin Vétillart 2 aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.