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Décisions

CA Toulouse, 2e ch., 13 décembre 2023, n° 22/01359

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CG Patrimoine (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

Mme Moulayes, Mme Martin de la Moutte

Avocats :

Me Dunac, Me Cottin

TGI Toulouse, du 21 mars 2022, n° 21/000…

21 mars 2022

Faits et procédure

La Sasu Cg Patrimoine exerce une activité d'agence immobilière en qualité de franchisée de la société ERA Immobilier et exploite une agence immobilière dénommée ERA Briques et Galets située [Adresse 4].

Monsieur [S] [X] exerce l'activité de négociateur immobilier sous le statut d'agent commercial indépendant.

Par acte sous seing privé en date du 11 décembre 2019, la société Sasu Cg Patrimoine et Monsieur [X] ont conclu un contrat d'agent commercial.

Par ce contrat, la Sasu Cg Patrimoine a confié à Monsieur [X] la mission de la représenter commercialement pour la recherche de vendeurs et d'acquéreurs de biens immobiliers ainsi que de négocier et de s'entremettre à son nom et pour son compte. En contrepartie, il a été prévu au contrat que Monsieur [X] serait rémunéré par le biais d'un pourcentage des honoraires encaissés par la Sasu Cg Patrimoine, tant sur la signature du mandat (commission d'entrée) que sur la vente d'un bien (commission de sortie).

Par lettre en date du 22 juin 2020, Monsieur [X] a résilié le contrat d'agent commercial et a sollicité le versement d'une commission d'un montant de 9 008,33 euros relatif à la vente d'une maison située [Adresse 2].

Par courrier recommandé en date du 7 juillet 2020, la Sasu Cg Patrimoine a informé Monsieur [X] qu'elle ne reconnaissait qu'un droit de commission de sortie d'un montant de 3 783,50 euros.

Le 7 août 2020, Monsieur [X] a transmis à la Sasu Cg Patrimoine une facture de commission d'un montant de 9 008,33 euros relativement à la vente de la maison litigieuse.

La Sasu Cg Patrimoine a maintenu sa position dans un courrier recommandé du 3 septembre 2020, de sorte que par acte d'huissier en date du 22 décembre 2020, Monsieur [X] lui a fait délivrer assignation devant le tribunal judiciaire de Toulouse en paiement de la somme de 9 008,33 euros au titre de sa commission.

Par jugement du 21 mars 2022, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

- condamné la société Sasu Cg Patrimoine à payer à Monsieur [X] la somme de 9 008.33 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné la Sasu Cg Patrimoine aux dépens et à payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé l'exécution provisoire de droit.

Par déclaration en date du 7 avril 2022, la Sasu Cg Patrimoine a relevé appel du jugement. La portée de l'appel est la réformation de l'ensemble des chefs du jugement, que la déclaration d'appel critique tous expressément.

Le 25 mai 2022, le conseiller de la mise en état a adressé aux parties une proposition de médiation et par ordonnance du 15 juin 2022, le conseiller de la mise en état a désigné Maître [B] [G] en qualité de médiateur.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a constaté la fin de la mission de médiation sans aboutir à une transaction.

La clôture est intervenue le 4 septembre 2023.

Prétentions et moyens

Vu les conclusions notifiées le 6 juillet 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sasu Cg Patrimoine demandant, au visa des articles L134-1 et suivants du Code de commerce, de :

Réformant le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Toulouse en date du 21 mars 2022,

- débouter Monsieur [X] de sa demande de paiement de la commission d'entrée s'élevant à la somme de 4 684,33 euros,

- limiter le montant dû par la Sasu Cg Patrimoine à Monsieur [X] à la somme de 3 783,50 euros correspondant à la commission de sortie,

- condamner Monsieur [X] à payer à la Sasu Cg Patrimoine la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'au entiers dépens.

La Sasu Cg Patrimoine ne conteste pas la commission de sortie relative à la vente du bien, due à l'agent commercial, correspondant à la vente du bien immobilier ; en revanche, elle estime que Monsieur [X] n'est pas intervenu au stade de la signature du mandat et n'est donc pas légitime à solliciter la commission d'entrée.

Elle s'oppose également à l'intimé sur le mode de calcul de la commission découlant du contrat d'agent commercial.

Vu les conclusions notifiées le 16 septembre 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Monsieur [S] [X] demandant, au visa des articles L134-1 et suivants du code de commerce, 1103 et 1358 du code civil, 700 du code de procédure civile de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la Sasu Cg Patrimoine à payer à Monsieur [X] la somme de 9 008,33 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, soit au versement de la commission d'entrée et de la commission de sortie dues à la vente réalisée entre Madame [U] et les consorts [V]-[W]

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer que Monsieur [X] n'a pas droit à une commission d'entrée, condamner la Sasu Cg Patrimoine au paiement d'une commission de sortie d'un montant de 4 684,33 euros, et non de 3 783,50 euros comme sollicité par elle

- en toutes hypothèses,

- débouter la Sasu Cg Patrimoine de l'intégralité de ses demandes

- condamner la Sasu Cg Patrimoine au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [X] sollicite le paiement des commissions d'entrée et de sortie, estimant avoir joué un rôle majeur dans la signature du mandat exclusif de vente par la propriétaire du bien ; il rappelle l'ensemble des démarches réalisées et affirme avoir toujours eu « l'affaire en mains », même si les contraintes de confinement liées à la crise sanitaire ne lui ont pas permis de se déplacer pour signer lui-même le mandat.

Concernant le mode de calcul des commissions, il estime qu'une contradiction doit être relevée dans le contrat, et qu'il appartient à la présente juridiction de l'interpréter, s'agissant d'un contrat d'adhésion, contre le sens de celui qui l'a proposé.

MOTIFS

Sur le droit à commission de l'agent commercial

Le statut de l'agent commercial est défini par les articles L134-1 et suivants du code de commerce ; selon ce texte, il est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.

L'article L134-4 ajoute que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties ; leurs rapports sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

Par ailleurs, en vertu de l'article L134-6, pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

En l'espèce, le contrat d'agent commercial signé le 11 décembre 2019 entre Monsieur [X] et la Sasu Cg Patrimoine, prévoit le paiement d'une commission pour toute affaire réalisée pendant la durée du contrat ; le tableau figurant en page 12 mentionne la possibilité pour l'agent commercial de toucher une commission tant sur la signature d'un mandat simple ou exclusif de vente, que sur la vente elle même.

Madame [U] a donné mandat exclusif à l'agence Era Briques et Galets de vendre son bien immobilier, le 10 avril 2020.

Ce bien a été cédé, et la Sasu Cg Patrimoine a perçu à cette occasion une commission de 23 000 euros TTC.

Si la Sasu Cg Patrimoine ne conteste pas le droit à commission de sortie de l'agent commercial, correspondant à son intervention pour la vente effective du bien, elle refuse en revanche de lui verser la commission d'entrée, affirmant avoir elle-même fait signer le mandat exclusif de vente à Madame [U].

La Cour relève que les parties ne contestent pas que la signature du mandat exclusif de vente a été reçue par Madame [Y], gérante de la Sasu Cg Patrimoine, et non par Monsieur [X].

Si la Sasu Cg Patrimoine verse aux débats une attestation de nature à démontrer qu'elle était seule présente au domicile de Madame [U] le 10 avril 2020, ce qui au demeurant n'est pas contesté, et deux autres attestations démontrant qu'elle a organisé une réunion le 19 mai 2020, soit plus d'un mois après la signature du mandat de vente, avec deux entrepreneurs, l'acquéreur et le vendeur, la Cour relève que ces éléments sont insuffisants à démontrer le désengagement de Monsieur [X] au stade de la signature du mandat.

En effet, il résulte d'une attestation rédigée par Madame [U] que Monsieur [X] s'est présenté chez elle au mois de février 2020 dans le cadre d'un démarchage à domicile, pour lui proposer ses services ; elle affirme qu'il a pris en charge l'estimation du bien immobilier, la prise de photographies et des mesures, la réalisation des diagnostics, ainsi qu'une visite sur place avec un entrepreneur le 11 mars 2020 pour envisager les travaux à réaliser avant la vente.

Dans ces conditions, aucune conséquence ne peut être tirée de l'absence de Monsieur [X] au domicile de la cliente pour recueillir la signature du mandat le 10 avril 2020, pendant la période du premier confinement lié à la crise sanitaire, alors qu'une telle démarche n'entrait pas dans la catégorie des déplacements essentiels autorisés.

De la même manière, le fait qu'il ait laissé à la gérante de l'agence immobilière le soin de donner toute explication utile à Madame [U] sur les modalités de poursuite de la vente pendant la période de confinement, ne peut pas être interprété comme un désengagement ou un désintérêt de Monsieur [X].

La Cour relève par ailleurs que les échanges de messages entre Monsieur [X] et Madame [Y] avant et après la signature du mandat démontrent au contraire un investissement constant de l'agent commercial dans la vente de ce bien immobilier, depuis le premier démarchage jusqu'à la cession effective.

Ainsi, l'intégralité du travail en amont de la signature du mandat exclusif a été réalisée par Monsieur [X], qui en dépit des circonstances de crise sanitaire a continué à avoir « l'affaire en mains ».

Madame [Y] n'a fait que se déplacer au domicile de la cliente pendant la période de confinement pour lui faire signer le mandat ; elle ne donne d'ailleurs aucune explication sur le fait qu'elle se soit déplacée seule, sans avertir Monsieur [X], qui à la lecture des messages échangés a été surpris par cette démarche.

La Sasu Cg Patrimoine ne peut pas de bonne foi et en toute loyauté, revendiquer pour son compte la négociation du mandat exclusif.

Dans ces conditions, c'est par une juste application de son pouvoir d'appréciation que le premier juge a retenu le droit de l'agent commercial à bénéficier des commissions d'entrée et de sortie ; la décision sera confirmée.

Sur le montant de la commission

Il a été convenu entre les parties au stade de la signature du contrat d'agent commercial, que la commission de Monsieur [X] serait calculée ainsi :

« 1.1 Taux de commission

Pour toute affaire réalisée pendant la durée du présent contrat grâce à son intervention, le mandataire a droit au pourcentage ci-après défini de l'honoraire net TVA incluse, qui aura été effectivement encaissé par le mandant :

CA HT Encaissé

MANDAT

VENTE

SIMPLE

EXCLUSIF

20 %

22 %

18 %

Entre 16.001 € et 22.000 €

22 %

24 %

21 %

> 22.001 €

24 %

26 %

24 %

1.2 Assiette des commissions et prestation ERA

Ce taux sera calculé sur 94 % du montant des honoraires encaissés par le mandant afin de tenir compte des redevances ERA payées par le mandant au franchiseur.

(...) »

Monsieur [X] estime que cette clause est contradictoire, dans la mesure où elle se fonde tantôt sur le chiffre d'affaire HT encaissé, tantôt sur la commission TTC perçue par l'agence immobilière.

La lecture de cette clause ne permet toutefois de relever aucune contradiction ; en effet, après avoir déterminé le taux de commission sur la base du CA HT, ce taux s'applique aux honoraires TTC perçues par l'agence immobilière, déduction faite de la part due à Era au titre de la franchise.

Il n'y a donc pas lieu à interprétation.

En l'espèce, le mandant a perçu une commission de 23 000 euros TTC ; les parties s'accordent pour dire que le chiffre d'affaire hors taxe de la Sasu Cg Patrimoine sur cette opération est de 18 016,66 euros.

Sur ce fondement, les taux applicable sont donc de 24 % pour la commission d'entrée, et 21 % pour la commission de sortie.

En appliquant ces taux aux honoraires TTC perçues par Cg Patrimoine, soit 94 % de 23 000 euros, Monsieur [X] a droit au paiement des sommes de :

- 5 188,80 euros au titre de la commission d'entrée ;

- 4 540,20 euros au titre de la commission de sortie

Soit un total de 9 729 euros.

Dans la mesure où la Cour ne statue que dans la limite de sa saisine, il conviendra de confirmer la décision du premier juge ayant condamné la Sasu Cg Patrimoine à verser à Monsieur [X] la somme sollicitée, à savoir 9 008,33 euros assortie des intérêt légaux à compter de l'assignation.

Sur les demandes accessoires

La Cour confirmant la décision de première instance, il conviendra également de la confirmer s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, la Sasu Cg Patrimoine, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens d'appel.

Pour ces motifs et pour des raisons d'équité, elle sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

La Sasu Cg Patrimoine sera en revanche déboutée de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la Sasu Cg Patrimoine à payer à Monsieur [S] [X] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Sasu Cg Patrimoine de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sasu Cg Patrimoine aux entiers dépens de l'appel.