Cass. soc., 16 juin 2004, n° 01-43.804
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu que Mme X... a été engagée le 13 mars 1974, en qualité d'aide ménagère à domicile, par le bureau d'aide sociale, devenu le Centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Tartas, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée ; qu'imputant à son employeur une rupture abusive de ce contrat par modification unilatérale de la durée du travail, elle a saisi la juridiction prud'homale le 17 avril 1997 ; que le CCAS ayant soulevé l'exception d'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire, la cour d'appel, statuant par arrêt avant-dire droit du 13 septembre 1999, s'est déclarée compétente ; que l'employeur a formé un pourvoi immédiat contre cette décision ; que la cour d'appel, statuant ensuite au fond par arrêt du 30 avril 2001, a dit que le contrat de travail de Mme X... n'avait pas été modifié et a rejeté sa demande fondée sur un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le 25 juin 2001, la salariée a formé un pourvoi principal contre cet arrêt ;
que, par mémoire en défense du 26 novembre 2001, l'employeur a relevé pourvoi incident contre l'arrêt du 13 septembre 1999 rendu sur la compétence ; que, par arrêt du 19 décembre 2001, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a déclaré irrecevable le pourvoi immédiat formé par le CCAS ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident du CCAS dirigé contre l'arrêt du 13 septembre 1999, qui est contestée par Mme X... :
Vu la demande d'avis faite le 23 septembre 2003 par la Chambre sociale de la Cour de Cassation et portant sur les points de savoir :
1 ) si un pourvoi incident peut être formé contre un arrêt qui n'est pas celui dont le pourvoi principal demande la cassation ; 2 ) si, dans le cas où la première question recevrait une réponse positive, un pourvoi incident peut être formé avant même que la Cour de Cassation ait déclaré irrecevable un précédent pourvoi principal formé contre le même arrêt ;
Vu l'avis émis par la deuxième chambre civile de cette Cour le 29 mars 2004 ;
Attendu que lorsqu'un pourvoi provoqué est dirigé, dans une même instance, dans les conditions de forme et de délai prévues par l'article 1010 du nouveau Code de procédure civile, contre une décision qui n'était pas susceptible d'un pourvoi immédiat indépendamment de la décision sur le fond, ce pourvoi est recevable, alors même qu'il est formé contre une décision qui n'est pas celle dont le pourvoi principal, dirigé contre la décision sur le fond, demande la cassation ; que si la voie du recours en cassation n'est pas encore ouverte lorsqu'un premier recours a été formé, l'article 621 du nouveau Code de procédure civile n'est pas applicable ; qu'il en résulte qu'un second pourvoi peut être déposé, dans les formes et délais prévus à cet effet, qu'une décision d'irrecevabilité du premier pourvoi soit ou non intervenue au moment où le second pourvoi a été déclaré ;
Et attendu que le CCAS ayant présenté, dans les formes et délai légaux, un pourvoi incident provoqué contre la décision rendue sur la compétence, qui n'était pas susceptible d'un pourvoi immédiat indépendamment de la décision sur le fond, ce recours, échappant à l'application de l'article 621 du nouveau Code de procédure civile, est recevable ;
Sur le moyen, qui est préalable, du pourvoi incident pris de la violation de la règle de séparation des pouvoirs :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que, sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi ;
Attendu que, pour retenir la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire, l'arrêt attaqué retient notamment que l'article L. 511-1 du Code du travail, dernier alinéa, prévoit que les personnels de services publics, lorsqu'ils sont employés dans les conditions du droit privé, relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le CCAS ayant, aux termes de l'article 138 du Code de la famille et de l'aide sociale, devenu l'article L. 123-6 du Code de l'action sociale et des familles, la qualité d'établissement public administratif communal, le litige opposant Mme X... à son employeur relevait de la compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu, d'une part, que la cassation de l'arrêt rendu sur la compétence entraîne par voie de conséquence celle de l'arrêt subséquent prononcé sur le fond ;
Attendu, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu à renvoi, la Cour de Cassation pouvant mettre fin au litige sur la compétence en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal de la salariée :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 13 septembre 1999 et 30 avril 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour connaître du litige ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne Mme X... aux dépens de la présente instance et devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille quatre.