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Décisions

CA Limoges, ch. soc., 14 décembre 2023, n° 22/00891

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 22/00891

14 décembre 2023

ARRET N° .

N° RG 22/00891 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMXE

AFFAIRE :

M. [F] [C]

C/

S.A. STCL

GV/MS

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée à Me Pauline BOLLARD, Me Patrick PUSO, le 14-12-23.

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2023

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Le quatorze Décembre deux mille vingt trois la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Monsieur [F] [C]

né le 25 Juillet 1985 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Pauline BOLLARD de la SELARL SELARL D'AGUESSEAU CONSEIL, avocat au barreau de LIMOGES

APPELANT d'une décision rendue le 14 NOVEMBRE 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

S.A. STCL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick PUSO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 23 Octobre 2023. L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 14 Décembre 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Madame Géraldine VOISIN, et de Madame Valérie CHAUMOND, Conseillers. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 25 juin 2012, M. [F] [C] a été engagé par la société des transports en commun de [Localité 3] (STCL) en qualité de conducteur-receveur.

Le 28 janvier 2021, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude le concernant proposant l'absence de conduite de trolley.

Le 10 février 2021, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude le concernant mentionnant la réserve suivante : 'Pas de conduite de trolley'.

Le 11 février 2021, le bus conduit par M. [C] a accroché une benne de chantier de la société GERY située côté gauche de la chaussé [Adresse 4], mais débordant sur la voie de droite, à l'occasion du franchissement d'une zone de travaux, causant des dommages sur le côté gauche du bus.

Par lettre remise en main propre le 12 février 2021, la STCL a convoqué M. [C] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave prévu le 3 mars suivant et l'a mis à pied à titre conservatoire immédiatement.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 22 février 2021, la STCL a convoqué M. [C] devant le conseil de discipline pour le 11 mars suivant, étant préalablement reçu le 8 mars 2021 par le chef de service chargé de l'instruction de son dossier.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 17 mars 2021, la STCL a licencié M. [C] pour faute grave.

==0==

Contestant son licenciement, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de LIMOGES le 7 mai 2021.

Par jugement du 14 novembre 2022, le conseil de prud'hommes de LIMOGES a :

- in limine litis, jugé l'intégralité des demandes formulées par M. [C] recevables ;

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes à titre principal comme à titre subsidiaire ;

- requalifié le licenciement en cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société SEM TCLM au versement des sommes de :

* 5 980,51€ net au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 5 416,32 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 541,63€ brut de congés payés ;

* 2 402,88 € brut à titre de rappels de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire outre 240,23 € brut de congés payés ;

- débouté M. [C] de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure conventionnelle de licenciement ;

- débouté M. [C] de sa demande pour licenciement dans des conditions brutales et vexatoires et par conséquent sa demande de réparation de son préjudice moral ;

- condamné la société SEM TCLM à remettre à M. [C] son certificat de travail, son attestation Pôle emploi ainsi que son reçu pour solde de tout compte modifiés sous astreinte de 50 € journalière par document à compter du 8ème jour suivant la décision à intervenir ;

- condamné la société SEM TCLM à verser à M. [C] les intérêts à taux légal sur les sommes d'argent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonné l'exécution provisoire pour l'ensemble de son dispositif en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes au surplus ;

- dit que les parties prendront à leur charge, les dépens en ce qui les concerne ;

- n'a pas fait droit aux demandes des parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] a interjeté appel de ce jugement le 13 décembre 2022.

==0==

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 9 juin 2023, M. [F] [C] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a écarté sa demande de nullité du licenciement et l'a débouté de ses demandes ;

- le confirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau, à titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement en raison de son caractère discriminatoire car fondé sur son état de santé ;

- condamner, en conséquence la société SEM TCL à lui verser la somme de 27 081,16 € net au titre du licenciement nul ;

A titre subsidiaire,

- juger qu'il n'a commis aucune faute grave et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner en conséquence la société SEM TCL à lui verser la somme de 21 665,28 € net de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

- constater que la société SEM TCL n'a pas respecté la procédure conventionnelle de licenciement ;

- condamner la société SEM TCL à lui verser la somme de 2706,18 € net à titre d'indemnité pour non respect de la procédure conventionnelle de licenciement ;

- juger que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires ;

- condamner, en conséquence la société SEM TCL à lui verser la somme de 5 000 € net en réparation de son préjudice moral ;

- condamner la même à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [C] soutient in limine litis que les demandes additionnelles formulées par lui devant le premier juge sont recevables en ce qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant en application de l'article 70 du code de procédure civile.

A titre principal, son licenciement est nul pour être fondé sur un motif discriminatoire, à savoir son état de santé. En effet, l'accident a servi de prétexte pour l'évincer en raison de son incapacité physique à conduire des trolleys.

A titre subsidiaire, son licenciement est privé de cause réelle et sérieuse, en ce que le sinistre résulte d'un simple accident. En effet, la roue arrière droite du bus a glissé du trottoir qu'il a dû emprunté pour contourner la benne.

En tout état de cause, ces faits ne constituant pas une faute grave, la sanction prise par l'employeur est disproportionnée, ayant pris toutes les précautions nécessaires au franchissement de la zone de travaux et n'ayant par ailleurs aucun antécédent disciplinaire.

L'employeur n'a pas respecté le délai de 6 jours entre la mise à pied conservatoire et la réunion du conseil de discipline tel que prévu à l'article 54 de la convention collective, situation lui causant un préjudice résultant de la perte de salaire pendant un mois.

Son licenciement présente un caractère brutal et vexatoire en ce qu'il a été écarté brutalement de la société en l'absence de trouble ou de risque pour le fonctionnement de celle-ci, situation constituant un préjudice distinct de l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 13 mars 2023, la STCL demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de ses demandes et prononcé des condamnations à son encontre ;

- le confirmer en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes ;

- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner le même à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La STCL soutient n'avoir commis aucune discrimination à l'encontre de M. [C], ayant au contraire pris en compte les mesures préconisées par la médecine du travail.

Les demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au titre de la mise à pied disciplinaire conservatoire et des frais irrépétibles n'étant pas mentionnées dans l'acte de saisine de la juridiction prud'homale, elles doivent être déclarées irrecevables comme nouvelles.

A titre subsidiaire, le licenciement de M. [C] pour faute grave est fondé, celui-ci n'ayant manifestement pas pris les mesures adaptées face à l'obstacle rencontré sur la chaussée en assurant une conduite en toute sécurité, ce qui a eu pour conséquence d'accidenter gravement son véhicule.

Concernant le respect de la procédure disciplinaire conventionnelle (délai de 6 jours), M. [C] n'établit pas avoir subi un quelconque préjudice en lien.

Enfin, M. [C] n'établit ni une faute de l'employeur établissant le caractère brutal et vexatoire du licenciement, ni avoir subi un quelconque préjudice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2023.

SUR CE,

- Sur la recevabilité des demandes nouvelles

L'article 70 du code de procédure civile dispose que 'Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant'.

M. [C] n'avait pas présenté dans sa requête initiale du 29 avril 2021 devant le conseil de prud'hommes les demandes suivantes :

' 21'665,28 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 2 402,88 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 240,88 € au titre des congés payés afférents ;

' 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mais, il convient de considérer qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, s'agissant de demandes relatives au licenciement de M. [C].

Elles sont donc recevables.

- Sur la validité du licenciement : la discrimination

L'article L. 1132'1 du code du travail dispose que 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ... ou en raison de son état de santé... en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique'.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles'.

Il est constant que les prescriptions du médecin du travail étaient que M. [C] ne conduise plus de trolley (cf avis des 28 janvier 2021et 10 février 2021).

Pour tenter de démontrer qu'il a été victime de discrimination pour cela, M. [C] produit des attestations (M. [A], Mme [I], Mme [Y]) qui font remarquer que le licenciement de M. [C] est intervenu seulement une semaine après que ce dernier ait refusé de conduire un trolley, suite à l'avis du médecin du travail du 28 janvier 2021.

De même, selon ces personnes, à la différence de M. [C], plusieurs conducteurs de la STCL ont eu des accidents aussi graves sans pour autant être licenciés, voire ni même sanctionnés.

De son côté, la STCL produit l'attestation de M. [V], responsable de service, qui conteste avoir tenu les propos que lui a prêtés Mme [Y] selon lesquels il 'n'a rien voulu savoir' quant à la proposition du médecin du travail que M. [C] ne conduise pas de trolley.

De plus, la STCL produit des éléments démontrant objectivement que M. [C] a été à l'origine d'un accident, lors de la conduite d'un bus, le 11 février 2021 avec des conséquences matérielles dommageables relativement importantes, ce pourquoi elle l'a licencié.

En conséquence, la cause directe du licenciement de M. [C] est l'accident du 11 février 2021 est non son état de santé.

La discrimination en raison de l'état de santé n'étant pas retenue, M. [C] doit être débouté de sa demande tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et de ses demandes en paiement corrélatives.

- Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave

L'article L. 1235-1 du code du travail applicable à la contestation du licenciement dispose en ses alinea 3, 4 et 5 la faute grave résulte d'un fait d'un ensemble de faits qu'en matière de licenciement : 'A défaut d'accord, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié'.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis.

En application de l'article L. 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

La lettre de licenciement du 17 mars 2021 est rédigée dans les termes suivants :

'Comme suite à l'entretien préalable tenu le 3 mars 2021 et après avoir recueilli l'avis du Conseil de Discipline qui s'est réuni le jeudi 11 mars 2021, nous vous notifions par la présente votre licenciement sans indemnité ni préavis pour faute grave (qualifié de révocation au sens de l'article 49, 9° de la convention collective).

Le licenciement prend effet à la date de la première présentation de la présente lettre, sans indemnité de préavis, ni de licenciement, s'agissant d'une faute grave.

Les motifs qui ont conduit à cette décision sont les suivants :

Vous êtes employé au sein de notre société en qualité de conducteur - receveur. A ce titre, vous avez été formé sur votre poste de travail.

Or, le jeudi 11 février 2021, vous êtes conducteur sur la ligne 11, sur la rue du Mas Loge en direction du terminus de Landouge. Il s'agit de la fin de votre première vacation et vous vous apprêtez à rentrer au centre d'exploitation, vous êtes à l'heure selon votre fiche horaire. Alors qu'une zone de travaux était signalée et régulée par des feux de trafic, vous avez fait une manœuvre dangereuse, endommageant ainsi très fortement tout le flanc gauche du véhicule que vous conduisiez et qui ne transportait, par chance, aucun client à ce moment-là.

La chronologie des faits est la suivante :

Sur la voie de gauche, une grosse benne de chantier est stationnée, débordant légèrement sur votre voie, ainsi que vous l'avez-vous-même représenté sur le croquis que nous vous avons invité à faire lors de l'audience tenue le 08 mars 2021 dans le cadre de l'enquête prévue par la

convention collective, préalable au Conseil de Discipline auquel vous étiez convoqué.

Vous nous avez déclaré vous être arrêté au feu de travaux, puis vous être engagé dans le franchissement de cet espace. Dans cette manœuvre, vous avez accroché l'arrière de la benne dès le premier montant encadrant les fenêtres de votre véhicule, ainsi que le montrent les photos prises après l'accrochage. Vous ne vous êtes pas arrêté, alors

que les premières vitres ont volé en éclats et avez donc continué votre progression alors que l'accrochage s'intensifiait et provoquait la torsion des montants suivants pour finir par vous arrêter, stoppé par l'encastrement de la charnière de la benne dans la partie arrière du véhicule.

Au final, tout le flanc gauche du véhicule a été détruit ; toutes les vitres (4) sont cassées, les montants les soutenant tordus et l'arrière du véhicule enfoncé alors qu'il s'agit de matériaux extrêmement résistants (acier tube carré de 4 mm d'épaisseur) soutenant la partie moteur.

Vous êtes un conducteur professionnel et la faute de conduite commise entraînant de tels dégâts n'aurait jamais dû se produire.

En effet, toute manœuvre délicate dans une zone de travaux doit s'accompagner d'une surveillance permanente dans les rétroviseurs qui vous aurait permis de constater que vous n'étiez pas en mesure de passer à côté de cette benne sans la toucher. Vous avez commis une

première faute professionnelle.

De plus, en roulant, comme vous l'avez soutenu lors de l'audience du 8 mars 2021, à une vitesse compatible avec le franchissement d'une zone de travaux, au premier choc, un freinage immédiat, très puissant sur ce type de véhicule, aurait au moins limité les dégâts. Il est manifeste que vous n'avez pas réagi. Vous affirmez d'ailleurs que lorsque vous regardez pour la première fois dans le rétroviseur de gauche c'est pour constater que la charnière de la benne est encastrée dans la partie arrière du véhicule, arrachant totalement les montants. Cette vision dans votre rétroviseur est beaucoup trop tardive et constitue à notre sens une faute de conduite.

L'enquête menée par des agents de maîtrise assermentés de l'exploitation fait état d'une vitesse totalement inadaptée au franchissement d'une zone de travaux. Vous avez commis une nouvelle faute professionnelle.

Il faut également signaler que la régulation, toujours joignable et disponible en cas de difficulté aurait pu vous aider dans cette manœuvre si vous l'aviez demandé en envoyant un agent de maîtrise sur place. Or vous n'avez rien fait de tel et l'avez seulement contactée après les faits.

Par votre conduite dangereuse et non conforme au comportement attendu d'un conducteur professionnel vous avez causé des dégâts extrêmement importants au véhicule. Fort heureusement, il n'y avait pas de clients à bord ; à l'inverse, nous aurions probablement eu à dénombrer des blessés en raison des bris de verre projetés dans le véhicule lors du choc.

Aussi, nous sommes donc contraints de vous licencier pour faute grave.

Nous vous précisons que la période de mise à pied à titre conservatoire qui a débuté le 11 mars 2021 pour s'achever à la notification de votre licenciement ne donnera pas lieu à rémunération.

Nous vous adressons, par courrier séparé, votre certificat de travail, le solde de votre compte et un exemplaire de l'attestation Pôle Emploi'.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.

Or, la STCL ne produit pas de témoignage direct des circonstances de l'accident. En effet, les rapports de M. [J] du 17 février 2021 et de M. [W] [H] du 3 mars 2021, responsables d'exploitation au sein de la STCL, selon lesquels M. [C] roulait à une vitesse excessive ne font que rapporter les propos, respectivement du responsable de l'entreprise GERY et de l'équipe de chantier de cette entreprise. Ce alors même que le conducteur de la benne, seul présent le jour de l'accident, a contesté avoir dit que M. [C] roulait à une vitesse excessive (attestation [U]).

Il est en effet difficilement concevable que M. [C] qui a dû faire monter le bus sur le trottoir ait roulé à une vitesse excessive alors que, selon ce dernier, un ouvrier de la société GERY a arrêté la circulation qui montait et lui a fait signe d'avancer (audition du 8 mars 2021 et rapport du conseil de discipline du 11 mars 2021), ce qui n'est pas contesté.

Selon la version de M. [C], sa roue arrière droite aurait glissé en montant sur le trottoir, la violence du choc du bus en retombant aurait fait exploser les vitres et le mouvement du ballant aurait provoqué un contact violent entre les deux véhicules.

Mais, cette version est peu compatible avec les photos du bus qui montrent que les montants intermédiaires entre les vitres côté gauche ont subi un frottement et/ou ont été tordus. M. [C] ne pouvait donc pas dire lors de son audition du 8 mars 2021 et lors du conseil de discipline 'Mon véhicule a dépassé de 3/4 la benne' lorsque la roue arrière droite du bus a glissé et que le premier impact a eu lieu sur l'arrière gauche du bus.

De plus, selon la photo du bus en pièce n° 10 de la STCL et l'attestation de M. [U], responsable garage de la STCL, la dégradation de ces montants va crescendo de l'avant du bus vers l'arrière (points n° 1 à 4 de la photo), ce qui est conforme au déroulé de l'accident selon la lettre de licenciement ('vous avez arraché l'arrière de la benne dès le premier montant de la première vitre cassée, encadrant les fenêtres de votre véhicule'). Puis, M. [C] n'ayant pas arrêté immédiatement le véhicule, la dégradation a été de plus en plus importante en avançant, l'arrière du bus fermant l'angle d'accroche avec la benne, si bien que le dernier montant à l'arrière gauche du bus a été détruit.

En outre, si les vitres avaient dû exploser sous l'effet du bus qui retombe, toutes les vitres auraient été endommagées et pas seulement les vitres côté gauche.

Enfin, la benne ne comporte qu'un seul point de choc (arrière droit), ce qui contrevient à la version de M. [C] selon laquelle le ballant aurait provoqué un contact violent entre les deux véhicules. Dans ce cas, en effet, tout le long de la benne aurait été percuté.

En conséquence, il convient de considérer que la STCL rapporte suffisamment la preuve des circonstances de l'accident telles que décrites dans la lettre de licenciement, mis à part la vitesse excessive.

M. [C] a donc commis une faute de conduite, ce qu'il a d'ailleurs reconnu à l'issue du conseil de discipline du 11 mars 2021.

Néanmoins, bien que l'accident ait eu des conséquences matérielles

particulièrement dommageables (devis de réparation du bus d'un montant de 18'900 € TTC selon devis du 3 mars 2021), aucune personne n'a été blessée puisque le bus circulait à vide. De plus, M. [C] avait huit années d'ancienneté au moment de l'accident, sans jamais avoir manqué à l'exécution de son contrat de travail. Il projetait de devenir chef de ligne dans l'entreprise (cf entretien professionnel du 21 novembre 2017) et il était tuteur de ligne depuis le 16 novembre 2018.

En outre, comme indiqué ci-dessus, si le freinage de M. [C] a été tardif, il n'est pas établi qu'il roulait à une vitesse excessive (cf ci-dessus).

Le licenciement pour faute grave est donc une sanction disproportionnée par rapport à la faute commise par M. [C]. Il repose seulement sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié le licenciement de M. [C] en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

- Conséquences

Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, M. [C] a droit à :

- l'indemnité légale de licenciement d'un montant de 5 980,51 € net, sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail,

- l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 5 416,32 € brut et 541,63 € brut au titre des congés payés afférents, en application des articles L.1234-1 et suivants du code du travail,

- 2 402,88 € brut à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire et 240,29 € brut de congés payés afférents.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement

L'article 54 de la convention collective des transports urbains de voyageurs prévoit que 'Le conseil de discipline est convoqué par le directeur du réseau qui en fixe l'ordre du jour. Il est réuni au jour indiqué dans la convocation et, dans le cas de suspension de service, six jours au plus tard après la date de mise en suspension de l'agent'.

Ce délai de 6 jours n'a pas été respecté puisque la mise à pied date du 12 février 2021 et la réunion du conseil de discipline du 11 mars 2021.

Mais, M. [C] étant indemnisé (cf ci-dessus) de sa perte de salaire pendant la mise à pied conservatoire, il ne peut pas dire qu'il a subi un préjudice résultant d'une perte de salaire pendant ce délai d'un mois. Il doit donc être débouté de sa demande à ce titre.

- Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement

M. [C] ne rapporte pas la preuve de la faute de son employeur qui, en lui remettant la convocation à entretien préalable au licenciement et la signification d'une mise à pied conservatoire, n'a fait que respecter les dispositions légales.

Il ne peut davantage être considéré que la procédure de licenciement de un mois ait été anormalement longue. En effet, la réunion d'un conseil de discipline était obligatoire.

En conséquence, M. [C] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [C] appelant succombant à l'instance, il doit être condamné aux dépens d'appel.

Il est équitable de débouter chacune des parties de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

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La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de LIMOGES le 14 novembre 2022 en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [C] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.