CA Orléans, ch. com., 14 décembre 2023, n° 21/01592
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ingénierie Des Fluides (SAS)
Défendeur :
Ingesept (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chegaray
Conseillers :
Mme Chenot, M. Desforges
Avocats :
Me Fortat, Me Garnier, Me Prieto
La société Ingenierie des Fluides propose des prestations de conseil et d'études dans le domaine des fluides et de l'électricité et assure la maîtrise d'œuvre de projets de construction et rénovation de bâtiments dans le cadre de marché publics ou privés en France et à l'étranger.
Pour réaliser ces missions, la société Ingénierie des Fluides s'appuyait jusqu'en 2017 sur une petite équipe de production composée de trois salariés, MM [P], [L] et [B], qui le 6 janvier 2017 ont présenté leur démission et créé la société Ingesept dont l'activité a démarré officiellement le 6 mars 2017 à l'issue de leur préavis. La société Ingénierie des Fluides a alors sous-traité à la société Ingesept des prestations.
Dans le même temps, la société Ingénierie des Fluides a obtenu par ordonnance du président du tribunal de commerce de Tours en date du 13 mars 2018 la désignation d'un huissier de justice avec pour mission de se rendre au siège social de la société Ingesept et d'extraire tous les dossiers des équipements informatiques dont la « racine » était antérieure au 6 mars 2017.
Forte du constat d'huissier établi le 19 avril 2018, la société Ingenierie des Fluides a fait assigner la société Ingesept devant le tribunal de commerce de Tours suivant acte d'huissier du 17 juillet 2019 en vue de voir cette dernière condamnée à lui payer une somme de 550'000 euros de dommages et intérêts en indemnisation d'une concurrence déloyale.
Par jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce de Tours, a :
Vu l'article 1382 du code civil (1240 nouveau),
Vu les pièces versées au débat,
- condamné la SARL Ingesept à verser à la SAS Ingénierie des Fluides la somme de 64.000 euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
- condamné la SAS Ingénierie des Fluides à payer à la SARL Ingesept la facture de sous-traitance du 30 août 2017 d'un montant de 10.900 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2018,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- fait masse des dépens, et les a mis à la charge des parties, chacune pour moitié, lesquels dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros.
La société Ingénierie des Fluides a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 15 juin 2021, en critiquant le jugement en ce qu'il avait :
- limité à la somme de 64.000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à la SAS Ingénierie des Fluides pour concurrence déloyale de la société Ingesept,
- condamné la SAS Ingénierie des Fluides à payer à la SARL Ingesept une facture de sous-traitance du 30 août 2017 d'un montant de 10.900 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2018,
- débouté la société Ingénierie des Fluides de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis à la charge de la société Ingénierie des Fluides la moitié des dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2023, la SAS Ingénierie des Fluides demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu l'article 1217 du code civil,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Tours du 19 février 2021,
- dire recevable et fondé l'appel formé par la société Ingesept à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Tours le 19 février 2021 (RG 2019003699),
- infirmer les chefs de jugement du tribunal de Tours du 19 février 2021 n° RG 2019003699 en ce qu'il :
' condamne la société Ingesept à payer à Ingénierie des Fluides des dommages et intérêts pour la somme limitée de 64.000 euros
' condamne la société Ingénierie des Fluides à payer à la société Ingesept la somme de 10.900 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 12 janvier 2018,
' déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' fait masse des dépens, et les met à la charge des parties, chacune pour moitié, lesquels dépens liquidés, concernant les frais de greffe, à la somme de 75,85 euros,
Statuant par l'effet dévolutif de l'appel,
- débouter la société Ingesept de ses demandes, en ce compris la demande tendant au règlement du solde d'une facture,
- condamner la société Ingesept à payer à la société Ingénierie des Fluides la somme de 550.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Ingesept aux entiers dépens de la première instance,
- condamner la société Ingesept à verser à la société Ingénierie des Fluides la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,
- condamner la société Ingesept aux entiers dépens de la présente instance d'appel,
- condamner la société Ingesept à verser à la société Ingénierie des Fluides la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de frais de la présente instance d'appel.
La société Ingesept demande à la cour, par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2023 de :
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article 515 du code de procédure civile,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu la décision rendue par le tribunal de commerce de Tours le 19 février 2021,
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces,
- déclarer mal fondé l'appel de la société Ingénierie des Fluides et l'en débouter,
- confirmer la décision rendue le 19 février 2021 par le tribunal de commerce de Tours en ce qu'elle a condamné la société Ingénierie des Fluides à régler à la société Ingesept la facture de sous-traitance du 30 août 2017 d'un montant de 10.900 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2018,
- déclarer la société Ingesept recevable et bien fondée en son appel incident et ses demandes,
- infirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Tours le 19 février 2021, en ce qu'elle a :
' condamné la société Ingesept à régler à la société Ingénierie des Fluides la somme de 64.000 euros de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
' débouté la société Ingesept de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' mis à la charge des parties la moitié des dépens liquidés concernant les frais de greffe,
Et statuant à nouveau,
- déclarer la société Ingénierie des Fluides irrecevable, en tous cas mal fondée, en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter,
En tout état de cause,
- condamner la société Ingénierie des Fluides à payer à la société Ingesept la somme de 18.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, et accorder à Maître Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 octobre 2023 à 9 h 30. L'affaire a été plaidée le même jour à l'audience de 14 h et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS :
Sur la demande indemnitaire pour concurrence déloyale :
L'engagement de la responsabilité extracontractuelle d'une société pour concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil suppose la démonstration d'une faute, intentionnelle ou non, résidant dans un procédé contraire à la loi, aux usages du commerce ou à l'honnêteté professionnelle de nature à fausser le jeu de la libre concurrence.
Parmi les différents griefs qu'elle formule à l'encontre de la société Ingesept, la société Ingenierie des Fluides lui reproche de l'avoir totalement désorganisée en débauchant les trois et uniques salariés de son équipe « production » , MM. [L], [B] et [P], lesquels ont démissionné simultanément pour créer ladite société Ingesept avec un objet social identique.
Les contrats de travail de MM. [L], [B] et [P] n'étaient toutefois assortis d'aucune clause de non-concurrence, et les premiers juges ont rappelé à raison qu'en vertu de la liberté de travail et du libre établissement, ceux-ci pouvaient dès lors créer librement une société concurrente sous réserve du respect de leur période de préavis qui expirait le 6 mars 2017.
Les seuls constats faits par la société Ingenierie des Fluides qu'un tel préavis a laissé moins de deux mois à leurs remplaçants pour être formés à leurs côtés, et que ces recrutements n'ont pas permis de compenser la perte de compétences engendrée par leur départ simultané, ne suffit pas à caractériser une attitude déloyale de la part des associés de la société Ingesept.
En outre le tribunal de commerce a justement souligné que la société Ingenierie des Fluides, pour pallier sa propre désorganisation, a elle-même proposé à la société Ingesept une sous-traitance, mise en place dès la fin du préavis des trois salariés de sorte que les parties ont pu poursuivre leur collaboration, ce qui a eu pour effet de corriger cette désorganisation.
Si la société Ingenierie des Fluides fait par ailleurs valoir que la mauvaise exécution par MM. [L], [B] et [P] de certaines prestations avant leur départ lui a fait perdre de l'argent et du temps et a, à cet égard, également contribué à sa désorganisation, le seul courrier d'un client mécontent qu'elle produit en pièce 35 ne suffit pas à imputer un manquement professionnel à l'un ou l'autre des trois salariés, ni ne permet, a fortiori, de reprocher à ces derniers une carence volontaire dans l'objectif de décrédibiliser la société Ingenierie des Fluides pour obtenir, en qualité de futur gérant de la société Ingesept, des contrats avec des clients habituels de celle-ci.
C'est donc à raison que les premiers juges n'ont pas retenu de concurrence déloyale de la part de la société Ingesept du fait de la désorganisation générée par le débauchage simultané des trois salariés de l'équipe « production » de la société Ingenierie des Fluides.
La société Ingenierie des Fluides affirme également qu'il est « certain » que la société Ingesept, via ses associés, a pris contact avec le ministère des Affaires étrangères avant la fin de leur contrat de travail pour l'informer de ses prochaines activités concurrentes des siennes, grâce à quoi, dès le premier jour de son activité, celle-ci a reçu des commandes de cette administration tandis qu'elle-même n'en recevait plus. Cette démarche qu'elle subodore de la part de MM. [L], [B] et [P], procède selon elle d'une intention de nuire à leur employeur. Toutefois la réalité d'un démarchage du ministère des Affaires étrangères antérieur à la fin du contrat de travail de la part de ces trois salariés n'est démontrée par aucune pièce.
La société Ingenierie des Fluides reproche encore à la société Ingesept de lui avoir « volé » divers documents et d'avoir détourné des correspondances qui lui étaient adressées, ce qui lui aurait permis de poursuivre à son compte plusieurs contrats dont elle-même était titulaire auprès du ministère des Affaires étrangères.
À cet égard, force est de constater en premier lieu que le « rapport » d'expertise de M. [E] produit en pièce 14 et sur lequel elle assoit ce grief, dont on comprend seulement qu'il porte sur l'analyse du disque dur d'un ordinateur de la société Ingesept, est inexploitable. Y figurent seulement quelques copies d'écran, pour l'essentiel illisibles, et auxquelles la cour ne peut donner un sens en l'absence de toute explication, analyse et conclusion de la part de l'expert. De la même manière, les pièces 15, 16, 18, 20 et 22 auxquelles renvoie la société Ingenierie des Fluides pour tenter de démontrer le vol de données qu'elle allègue sont soit totalement, soit partiellement illisibles, et en tout état de cause incompréhensibles, y compris les annotations manuscrites dont on peut penser au demeurant qu'elles ont été ajoutées par le dirigeant de la société Ingenierie des Fluides lui-même. S'agissant de la pièce 17 quater constituée par une note technique d'avril 2015 portant sur un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage des travaux de sécurisation de l'ambassade de France à [Localité 8] (Ouganda), aucun élément ne permet d'affirmer qu'elle provient de l'ordinateur de la société Ingesept. Il en va de même des pièces 19, 21, 23, 24 et 25, les arborescences figurant sur plusieurs de ces documents ne permettant pas d'affirmer qu'ils proviennent bien de la saisie effectuée sur l'ordinateur de la société intimée. Les pièces 26 et 27 correspondent à une note et un listing manifestement rédigé de la main du dirigeant de la société appelante, et ne revêtent aucune valeur probatoire. Quant aux pièces 28 à 30, constituées de documents portant sur un marché de sécurisation d'implantations diplomatiques françaises à [Localité 9], outre l'absence d'arborescence permettant de confirmer qu'elles faisaient partie de documents retrouvés dans le disque dur de la société Ingesept, il ressort des autres pièces et explications des parties qu'elles concernent un marché sous-traité par la société Ingenierie des Fluides à la société Ingesept. Il ne paraît donc pas anormal en l'état qu'elles puissent avoir été retrouvées en possession de cette dernière.
Outre le caractère non probant des pièces produites par l'appelante, celle-ci, à qui incombe la charge de prouver le détournement d'informations confidentielles qu'elle allègue, ne répond pas véritablement aux observations de l'intimée qui conteste tout vol de données en soulignant :
- que lorsqu'ils travaillaient pour la société Ingenierie des Fluides, MM. [L], [B] et [P] utilisaient leurs ordinateurs personnels, leur employeur ne leur ayant pas fourni d'ordinateur professionnel,
- que M. [Z], dirigeant de la société Ingenierie des Fluides, a pris l'initiative de proposer des contrats de sous-traitance avant la fin du préavis de ses anciens salariés,
ce dont il suit qu'il n'est pas anormal que des documents internes correspondant à des dossiers traités par MM. [L], [B] et [P] lorsqu'ils étaient salariés de la société Ingenierie des Fluides aient pu rester en leur possession à l'issue de leur contrat de travail, a fortiori lorsqu'ils correspondaient à des marchés qui leur ont été sous-traités, la cour observant que la proposition de sous-traitance, débattue entre les parties dès avant la fin du contrat de travail des trois salariés, portait sur de nombreux marchés aussi bien au Cameroun qu'à [Localité 8], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 5], [Localité 12], [Localité 4], ou [Localité 10] (pièce 13 Ingesept).
Dans un tel contexte, le fait que les associés de la société Ingesept aient pu rester en possession de documents correspondant à des marchés dont la société Ingenierie des Fluides était titulaire ne suffit pas à caractériser un acte de concurrence déloyale, peu important l'issue du débat sur la validité de l'habilitation personnelle de M. [B] pour accéder aux informations ou supports classifiés alors qu'il n'était plus salarié de la société Ingesept.
Par ailleurs la production de mails de consultation adressés par le ministère des Affaires étrangères à M. [B] alors qu'il était encore technicien salarié de la société Ingenierie des Fluides ne démontre à elle seule en rien un « détournement de correspondance » au préjudice de cette dernière.
En revanche, les premiers juges ont justement observé, à l'analyse des pièces 17 et 17 bis de la requérante, que la société Ingesept s'était positionnée en son nom et avait travaillé sur un appel d'offres portant sur des travaux de sécurisation à la Résidence de France à [Localité 6] au Sénégal courant février 2017, soit pendant la période de préavis de MM. [L], [B] et [P]. Outre que le fait pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d'une société concurrente de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci constitue un acte de concurrence déloyale (Com, 7 décembre 2022, n° 21-19.860), cette déloyauté est d'autant plus caractérisée que l'appel d'offres sur lequel travaillait la société Ingesept était antérieur à sa création et donc nécessairement destiné initialement à la société Ingenierie des Fluides.
Il convient de relever par ailleurs qu'alors que la société Ingesept ne produit aucun contrat de sous-traitance concernant le marché du consulat de [Localité 12] confié par le ministère des Affaires étrangères à la société Ingenierie des Fluides, et qu'elle ne prétend pas dans ses écritures avoir été missionnée dans ce dossier, M. [B] a, par mail du 27 juin 2017, pris l'initiative de relancer le ministère des Affaires étrangères pour s'assurer du suivi du marché pour le compte de la société Ingesept, et n'a pas corrigé son interlocutrice du consulat lorsque celle-ci l'a présenté à son successeur comme représentant de la société Ingenierie des Fluides chargée de la maîtrise d'œuvre, s'engageant en retour à reprendre contact avec ce dernier (pièce 52 Ingenierie des Fluides). Cette confusion opérée par la société Ingesept, qui est venue se positionner comme l'interlocuteur du ministère des Affaires étrangères pour un marché détenu par sa concurrente, constitue indubitablement un acte de concurrence déloyale.
En définitive, la réalité d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Ingesept est établie s'agissant du marché relatif aux travaux de sécurisation à la Résidence de France à [Localité 6] et du marché concernant le consulat de [Localité 12]. La société Ingenierie des Fluides échoue en revanche à démontrer que l'intimée aurait détourné ou tenté de détourner de manière déloyale d'autres marchés.
S'agissant du préjudice subi par l'appelante, il est de jurisprudence constante qu'il s'infère nécessairement un préjudice d'un acte de concurrence déloyale.
Le positionnement déloyal de la société Ingesept avant même le début de son activité pour l'obtention du marché relatif aux travaux de sécurisation à [Localité 6], et la confusion opérée par M. [B] dans le cadre du marché en cours concernant le consulat de [Localité 12], ont indéniablement contribué à faire de la nouvelle société le premier interlocuteur du ministère des Affaires étrangères au détriment de la société Ingenierie des Fluides, ce d'autant plus facilement que M. [B] était repéré par les fonctionnaires des différents consulats comme le technicien référent en matière de maîtrise d'œuvre, et qu'il le restait donc en tant que nouvel associé de la société Ingesept.
Si la société Ingenierie des Fluides déplore l'absence de toute commande de la part du ministère des Affaires étrangères depuis mars 2017, son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale de la société Ingesept ne saurait pour autant correspondre au montant de sa marge brute calculée sur son entier chiffre d'affaires réalisé avec le ministère des Affaires étrangères en 2016 lorsque MM. [L], [B] et [P] travaillaient toujours en son sein. En effet dès lors que ces derniers n'étaient soumis à aucune clause de non-concurrence à son égard, ils étaient libres, dans le cadre de leur nouvelle société, d'attirer à eux la clientèle de leur ancien employeur, et il n'a pas été démontré qu'ils aient, à l'occasion de leur départ, détourné l'ensemble des marchés de manière déloyale, au-delà des deux comportements fautifs susvisés.
Aussi la cour considère qu'en retenant la marge brute de 63 % appliquée à la seule variation de la quote-part du chiffre d'affaires réalisé avec le ministère des Affaires étrangères entre 2016 et 2017, soit une somme de 64'000 euros, le tribunal de commerce a fait une juste appréciation du préjudice généré par les agissements déloyaux de MM. [L], [B] et [P] au travers de leur nouvelle société Ingesept.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle en paiement de facture :
Pour s'opposer au paiement de la facture de 10'900 euros établie le 30 août 2017 par la société Ingesept au titre de la réalisation du dossier «DCE - ambassade de France à [Localité 9] en République Démocratique du Congo », la société Ingenierie des Fluides se prévaut de l'exception d'inexécution sur le fondement de l'article 1217 du code civil, en affirmant que cette facture correspond à des prestations qui ont été mal ou pas exécutées. Elle en veut pour preuve un courrier recommandé envoyé par ses soins à la société Ingenierie des Fluides le 21 novembre 2017.
Toutefois s'agissant de la prestation réalisée par la société Ingesept à [Localité 9], l'intimée se borne dans ledit courrier à lui reprocher d'avoir transmis les documents établis directement au maître d'ouvrage et non par son intermédiaire, d'avoir apposé son logo sur le dossier, et enfin de lui avoir remis des documents de consultation au format informatique souhaité de manière « laborieuse », sans plus de précisions. La société Ingenierie des Fluides ne prétend pas dans ce courrier que la prestation de la société Ingesept aurait été mauvaise, et elle ne l'explique pas davantage aujourd'hui dans ses écritures. Il est d'ailleurs observé que les factures qu'elle a estimé pouvoir présenter à sa sous-traitante en retour en raison de mauvaises exécutions de prestations ne concernent pas le dossier « [Localité 9] ».
La réalité de la prestation effectuée et le quantum de la facturation n'étant pas utilement contestés, le jugement déféré sera également confirmé en sa condamnation de la société Ingenierie des Fluides à payer à la société Ingesept ladite facture majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2018.
Sur les demandes accessoires :
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
Chacune des parties succombant en sa demande d'infirmation du jugement critiqué, les dépens d'appel seront supportés par moitié. Par ailleurs il apparaît conforme à l'équité, au regard des faits de l'espèce, de rejeter les demandes formées de part et d'autre au titre des frais irrépétibles également au stade de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du 19 février 2021 du tribunal de commerce de Tours en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les parties des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile au stade de l'appel,
Dit que chacune des parties supportera la charge des dépens d'appel par moitié, au besoin les y condamne, et accorde aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.