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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 15 décembre 2023, n° 21/15636

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Voodoo (SAS)

Défendeur :

Homa Games (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'eleu De La Simone

Avocats :

Me Boccon Gibod, Me Thillaye, Me Etevenard, Me Vercken, Me Rudon

T. com. Paris, du 05 Juill. 2021, n° 202…

5 juillet 2021

1. Il sera succinctement rapporté que la société Voodoo, leader mondial de l'édition et la commercialisation de jeux vidéos dans le secteur dit des 'hyper casual gaming' distribués sur les smartphones et les tablettes numériques, téléchargeables gratuitement depuis les plateformes AppStore sur les systèmes d'exploitation iOS et Android, a conclu, du 28 janvier 2020 à novembre 2020, des accords de partenariat avec la société Ducky Games. Au terme de ce partenariat rompu le 31 janvier 2021, la société Voodoo n'a commercialisé aucun des jeux proposés par la société Ducky Games.

2. Après avoir procédé à une première mise en ligne, le 9 novembre 2020, de son jeu édité sous le nom de 'Lumbercraft' dont elle avait confié le développement à la société Noor Creative, la société Voodoo a relevé, le 9 février 2021, la mise en ligne d'un jeu 'Craft Island' promu par la société Ducky Games, puis à partir du 17 février 2021, par la société Homa Games, ces deux sociétés ayant noué une relation de partenariat commercial pour le déploiement de ce jeu depuis le 8 février 2021.

3. Estimant que le jeu Craft Island entretenait une confusion avec son jeu Lumbercraft, la société Voodoo a mis en demeure, le 22 février 2021, la société Homa Games de retirer son jeu, demande à laquelle cette dernière a accédé provisoirement le 2 mars suivant, uniquement pour sa commercialisation en France.

3. Faisant grief aux sociétés Ducky Games et Homa Games des faits de parasitisme économique, la société Voodoo a saisi, le 5 mars 2021, le président du tribunal de commerce de Paris en vue d'être autorisée à les assigner devant le juge des référés en suspension provisoire du jeu Craft Island, et au fond devant la juridiction du fond à brefs délais.

* *

4. Par arrêt infirmatif de l'ordonnance rendue en référé le 25 mars 2021, la cour d'appel de Paris a rejeté le 9 juin 2021 la demande de la société Voodoo en suspension provisoire de la distribution, la commercialisation et l'exploitation du jeu Craft Island, dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles des sociétés Homa Games et Ducky Games et condamné la société Voodoo à verser à chacune des sociétés Homa Games et Ducky Games la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* *

5. Le 8 mars 2021, la société Voodooo a assigné les sociétés Homa Games et Ducky devant la juridiction du fond en vue de leur enjoindre, sous astreinte, l'interdiction de distribuer, de commercialiser et d'exploiter le jeu 'Craft Island', d'ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, et de les condamner solidairement à payer des dommages et intérêts de 572.347,17 euros à parfaire, en réparation du gain manqué, 33.858,37 euros à parfaire au titre des dépenses et 75.000 euros au titre du préjudice moral.

6. Contestant les demandes, la sociétés Ducky Games a reconventionnellement reproché à la société Voodooo des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et réclamé sa condamnation à des dommages et intérêts de 16.000 euros au titre du préjudice financier et de 50.000 euros à titre au titre de la procédure abusive et du préjudice moral ainsi que d'ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, la société Homa Games réclamant pour sa part des dommages et intérêts de 10.000 euros au titre du préjudice commercial et de 5.000 euros à titre au titre du préjudice moral.

7. Par jugement du 5 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a dit que la société Ducky Games et la société Homa Games ne se sont pas rendues coupables de concurrence déloyale par confusion, dit que la société Ducky Games et la société Homa Games ne se sont pas rendues coupables de parasitisme économique, débouté la société Voodoo de l'intégralité de ses demandes, condamné la société Voodoo à verser à la société Ducky Games la somme de 58.000 euros en réparation de son préjudice financier, débouté la société Ducky Games de ses demandes pour procédure abusive, débouté la société Homa Games de ses demandes de condamnation sous astreinte, dit que la société Voodoo s'est rendue coupable de parasitisme économique à l'encontre de la société Homa Games, condamné la société Voodoo à verser à la société Homa Games la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice commercial et moral confondu, débouté les parties de leurs demandes de publication, condamné la société Voodoo à verser 75.000 euros à la société Ducky Games au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Voodoo à verser 100.000 euros à la société Homa Games au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à prononcer une amende civile, débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires et condamné la société Voodoo aux dépens.

PROCÉDURE EN APPEL :

8.Vu l'appel interjeté le 16 août 2021 par la société Voodoo ;

* *

9.Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mars 2023 pour la société Voodoo afin d'entendre, en application des articles 1240 du code civil et 564 du code de procédure civile :

- confirmer le jugement en ce qu'il a : débouté la SAS Ducky Games de ses demandes pour procédure abusive, débouté la SAS Homa Games de ses demandes de condamnation pour astreinte, débouté les parties de leurs demandes de publication, mais seulement en ce qu'il a débouté les SAS Ducky Games et Homa Games de leurs demande, dit n'y avoir lieu à une amende civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a : dit que la SAS Ducky Games et la SAS Homa Games ne se sont pas rendues coupables de concurrence déloyale par confusion, dit que la SAS Ducky Games et la SAS Homa Games ne se sont pas rendues coupables de parasitisme économique, débouté la société Voodoo de l'intégralité de ses demandes, condamné la société Voodoo à verser à la société Ducky Games la somme de 58.000 euros en réparation de son préjudice financier, dit que la société Voodoo s'est rendue coupable de parasitisme économique à l'encontre de la société Homa Games, condamné la société Voodoo à verser à la société Homa Games la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice commercial et moral confondu, débouté les parties de leurs demandes de publication, mais seulement en ce qu'il déboute la société Voodoo de sa demande, condamné la SAS Voodoo à verser 75.000 euros à la société Ducky Games au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Voodoo à verser 100.000 euros à la société Homa Games au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs demandes autres plus amples ou contraires mais seulement en ce qu'il débouté la société Voodoo de ses demandes, condamné la société Voodoo aux dépens,

- déclarer irrecevable la prétention nouvelle de la société Ducky Games visant à ce que Voodoo soit condamnée à payer à cette dernière la somme de 58.000 euros au titre de son préjudice financier subi par le retrait du jeu Craft Island,

- interdire aux sociétés Homa Games et Ducky Games de distribuer, commercialiser et exploiter le jeu Craft Island à compter d'un délai de 24 heures suivant le prononcé de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard et par infraction constatée,

- réserver à la chambre saisie la liquidation des astreintes ordonnées aux termes de l'arrêt à intervenir,

- condamner solidairement Homa Games et Ducky Games à payer la somme de 813.906 euros, à parfaire, en réparation du préjudice subi au titre du gain manqué,

- condamner solidairement Homa Games et Ducky Games à payer la somme de 33.858,37 euros, à parfaire, au titre des dépenses marketing engagées par Voodoo,

- condamner solidairement Homa Games et Ducky Games à payer la somme de 75.000 euros, en réparation du préjudice moral subi,

- ordonner une mesure de publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et par infraction constatée, sur la page d'accueil du site Internet https://www.homagames.com/ exploité par Homa Games pendant une durée d'un (1) mois,

- ordonner une mesure de publication du dispositif du jugement à intervenir, accompagné d'un message objectif et explicatif, dans cinq journaux ou revues au choix de la société Voodoo, en France et/ou à l'international, aux frais avancés par Homa Games, sans que le coût n'excède la somme de 5.000 euros hors taxes par insertion,

en tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes des sociétés Homa Games et Ducky Games,

- condamner solidairement Homa Games et Ducky Games aux entiers dépens d'instance et à payer la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* *

10. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 3 février 2023 pour la société Ducky Games, afin d'entendre, en application des articles 2-1, 514 et 514-1, 565, 566 et 858 du code de procédure civile, 6 § 1 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juill. 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), les articles 301 et 102 du Copyright Act, et les règles de droit applicables en Chine, au Japon, en Russie, au Canada, au Royaume-Uni, au Japon, au Canada, en Allemagne, en Australie, en Arabie Saoudite, au Vietnam, en l'Allemagne, en Inde, au Brésil, en Turquie, au Mexique, en Inde, en Espagne, en Indonésie, aux Philippines, en Thaïlande, 1112-1, 1137, 1171, 1188 à 1192 et 1240 du code civil, L. 446-1-I-2° du code de commerce, L. 331-1, Vu le code de la propriété intellectuelle, et D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire :

à titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il jugé que les sociétés Ducky Games et Homa Games ne se sont pas rendues coupables de concurrence déloyale par confusion, jugé que les sociétés Ducky Games et Homa Games ne se sont pas rendues coupables de parasitisme économique, débouté la société Voodoo de l'intégralité de ses demandes,

- juger que la société Ducky Games est bien fondée à solliciter la réparation du préjudice subi du fait de la suspension du jeu Craft Island sur le territoire français, demande qui était comprise dans ses demandes en première instance et, en conséquence, confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société Voodoo à payer à la société Ducky Games 58.000 euros au titre de son préjudice financier,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société Voodoo à payer à la société Ducky Games 75 000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens de la procédure de première instance,

à titre subsidiaire, si la cour devait entrer en voie de condamnation à l'encontre des sociétés Ducky Games et/ou Homa Games,

- limiter expressément la portée des mesures de retrait et d'interdiction et de publication de la décision à intervenir au seul territoire français,

- limiter le montant des dommages et intérêts au seul préjudice subi sur le territoire français, soit 16.278,12 euros au titre du prétendu gain manqué, 677,16 euros au titre de la prétendue perte subie et 1.500 euros au titre du prétendu préjudice moral de Voodoo,

à titre d'appel incident et reconventionnellement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Ducky Games de ses demandes de condamnation de la société Voodoo au titre des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commis par cette dernière, débouté la société Ducky Games du surplus de ses demandes de condamnation de Voodoo au titre la procédure abusive, débouté la société Ducky Games de sa demande de publication judiciaire ,

- condamner la société Voodoo à payer la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice financier résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire de la société Voodoo,

- condamner la société Voodoo à payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêt au titre de la procédure abusive et du préjudice moral et d'image causé à la société Ducky Games,

- condamner la société Voodoo à l'amende civile qu'il plaira à la cour de fixer,

- ordonner la publication suivante, dans cinq quotidiens, revues ou magazines, français ou étrangers, au choix de la société Ducky Games, dans la limite de 10.000 euros HT par insertion et ce, aux frais de la société Voodoo :

'Par décision en date du [A COMPLETER] la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 juillet 2021 ayant débouté la société Voodoo de l'action en concurrence déloyale et parasitisme menée par cette société à l'encontre des sociétés Ducky Games et Homa Games, relative au jeu Craft Island, créé par la société Ducky Games et édité par la société Homa Games. La Cour d'appel de Paris a par ailleurs confirmé le jugement en ce qu'il a : - jugé que la société Voodoo s'est rendue coupable de parasitisme économique et l'a condamnée à verser à la société Homa Games la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, condamné la société Voodoo à payer 58 000 euros en réparation du préjudice financier du fait de la suspension du jeu Craft Island en France, condamné la société Voodoo à payer aux sociétés Ducky Games et Homa Games respectivement 75.000 euros et 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La Cour d'appel a en outre jugé que la société Voodoo a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaires au préjudice de la société Ducky Games et a condamné la société Voodoo à payer à la société Ducky Games la somme de [ACOMPLETER] en réparation du préjudice économique subi, ainsi que [ACOMPLETER] en réparation du préjudice moral et d'image, outre [A COMPLETER] au titre de l'article 700 du code de procédure civile',

- ordonner la publication du même texte en haut de la page d'accueil du site internet www.Voodoo.io, dans un encart rédigé en caractères gras, police de caractère 14, le texte devant être précédé du titre « AVERTISSEMENT JUDICIAIRE » en lettres capitales et police de caractère 16, durant une période d'un mois, dans les huit jours suivants la décision à intervenir, sous peine d'astreinte de 3.000 euros par jour de retard,

en toute hypothèse,

- condamner, en sus de la confirmation à ce titre du jugement entrepris, la société Voodoo à payer à la société Ducky Games la somme de 75.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Voodoo aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Etevenard, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

* *

11.Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 janvier 2023 pour la société Homa Games afin d'entendre, en application des articles 1240 et suivants du code civil, 6 § 1 du règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), 301 et 102 du Copyright Act du droit américain et les règles de droit applicables en Chine, au Japon, en Russie, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne, en Australie, en Arabie Saoudite, au Vietnam, en Inde, au Brésil, en Turquie, au Mexique, en Indonésie, aux Philippines, en Thaïlande, 146 du code de procédure civile :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que les sociétés Homa Games et Ducky Games ne se sont pas rendues coupables de concurrence déloyale par confusion, jugé que les sociétés Homa Games et Ducky Games ne se sont pas rendues coupables de parasitisme économique, débouté la société Voodoo de l'intégralité de ses demandes, jugé que la société Voodoo s'est rendue coupable de parasitisme économique à l'encontre de la société Homa Games, condamné la société Voodoo à verser à la société Homa Games la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral confondu, condamné la société Voodoo à verser à la société Homa Games la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la procédure en première instance,

à titre incident et reconventionnellement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Homa Games de ses demandes de condamnation sous astreinte de la société Voodoo au titre du parasitisme économique commis par cette dernière, débouté la société Homa Games de ses demandes de publication judiciaire,

- interdire à la société Voodoo de tout acte déloyal au préjudice de la société Homa Games en imitant le personnage du jeu Craft Island, notamment dans le cadre de la promotion de son jeu Lumbercraft, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter du jour de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner une mesure de publication du dispositif de la décision à intervenir, dans un délai de 24 heures à compter du prononcé de la décision à intervenir et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard et par infraction constatée, sur la page d'accueil du site Internet https://www.Voodoo.io/ exploité par la société Voodoo pendant une durée d'un (1) mois,

- ordonner une mesure de publication du dispositif de la décision à intervenir, accompagné d'un message objectif et explicatif, dans cinq journaux ou revues en France au choix de la société Homa Games, aux frais avancés par la société Voodoo, sans que le coût n'excède la somme de 5.000 euros hors taxes par insertion,

- réserver à la chambre saisie la liquidation des astreintes ordonnées aux termes de la décision à intervenir,

à titre subsidiaire :

- limiter expressément la portée des mesures de retrait et d'interdiction et de publication de la décision à intervenir au seul territoire français,

- limiter le montant des dommages et intérêts au seul préjudice subi par la société Voodoo sur le territoire français, soit 16.278,12 euros au titre du prétendu gain manqué, 677,16 euros au titre de la prétendue perte subie et 1.500 euros au titre du prétendu préjudice moral,

en tout état de cause,

- condamner la société Voodoo à verser la somme de 100.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure,

- condamner la société Voodoo en tous les dépens qui seront directement recouvrés par Me Frédérique Etevenard conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* *

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

12. Le secteur des jeux vidéos dits 'hyper casual' qui sont téléchargés gratuitement pour l'essentiel, sur le format contraint des smartphones, est caractérisé, d'une part, par des actes de consommation de sessions de jeux courtes, au plus de quelques minutes, captant une faible attention du joueur,et d'autre part, par l'existence d'un fond commun de graphismes et de scénarios de jeux, ainsi que de leur combinaisons tout à la fois variées et limitées.

13. Le succès de la commercialisation de ces jeux dépend des propriétés distinctives du jeu dans le flux de leur mise en ligne ainsi que des investissements pour la promotion de leur référencement et l'optimisation de cette commercialisation, à l'exception des quelques jeux ayant conquis une renommée historique, n'excède pas quelques mois tandis que leurs sources de profitabilité résulte des recettes publicitaires attachées au nombre de téléchargements.

I. Sur les faits de parasitisme imputés aux sociétés Ducky Games et Homa Games

- tirés du risque de confusion des jeux

14. Les jeux se présentent sous des fonds à dominantes bleu, jaune et verte ainsi

jeu Lumbercraft jeu Craft Island

logo de présentation

graphisme général

avatar

action de la découpe de bois

15. Le jeu Lumbercraft de la société Voodoo offre par ailleurs des séquences d'interactions guerrières illustrées par les extractions suivantes

16. Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la concurrence déloyale sur le fondement, en premier lieu, du risque de confusion entre son jeu Lumbercraft et le jeu Craft Island des sociétés Ducky Games et Homa Games, la société Voodoo se prévaut des emprunts de ses caractéristiques graphiques et scénaristiques tenant à l'avatar qui tient une hache et porte un sac sur le dos sur lequel s'accumulent des bûches de bois, de la mécanique de coupe et de récolte de bois et de construction, de la conversion des bûches en or.

17. La société Voodoo se prévaut encore des avis de quelques joueurs, comprenant la confusion des deux jeux, ainsi que les résultats d'un sondage d'opinion sur un échantillon de 1004 personnes qu'elle a confié à la société Bilendi pour poser la question suivante :

'Votre impression d'ensemble est-elle que ces deux

jeux sont : (i) sans aucun rapport ; (ii) pas similaires ; (iii) similaires ; (iv) très similaires ou (v) identiques ' », avant de se voir révéler que : « La première version du jeu lumbercraft a été mise en ligne le 9 novembre 2020 sur la plateforme apple store. La première version du jeu craft island a été mise en ligne le 10 février 2021 sur la même plateforme » et de répondre à la question « A l'aune de ces indications, considérez-vous que le jeu craft island est une copie du jeu lumbercraft''

18. Le sondage ayant recueilli que 78 % des votes répondait que les jeux Lumbercraft et Craft Island étaient identiques ou très similaires et 66 % des votes que le jeu Craft Island était une copie de Lumbercraft.

19. Au demeurant, connaissance prise par la cour de l'animation des deux jeux produits par les parties, il est manifeste que le scénario guerrier du jeu Lumbercraft dans lequel l'avatar doit défendre son territoire dans une confrontation à des agresseurs et peut convertir du bois contre des armes se distingue de celui limité aux interactions dans la seule coupe de bois du jeu Craft Island.

20. En outre, si les deux jeux empruntent au fond commun acquis par le passé d'autres jeux, le graphisme des personnages et des décors du jeu Lumbercraft est indiscutablement plus élaboré que celui du jeu Craft Island.

21. Alors enfin que les avis de quelques consommateurs, comme les conditions, abstraites, du sondage sur la comparaison des jeux qui sont étrangères à celles de la consommation des jeux, ne sont pas de nature à caractériser la valeur de leurs ressemblances, il se déduit la preuve que l'orientation différente des jeux est suffisamment perceptible pour un joueur moyennement attentif ainsi que l'atteste, par ailleurs, la part des téléchargement relativement constante des consommations du jeu Craft Island entre le 13 décembre 2020 et le 12 décembre 2021 telle que celles-ci sont rapportée au graphique des téléchargements des deux jeux produit en pièce numéro 6 par la société Homa Games.

22. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le parasitisme fondé sur le risque de confusion.

- tirés du parasitisme économique

23. La société Voodoo conteste en second lieu le jugement en ce qu'il a écarté le chef de concurrence déloyale sur le fondement du parasitisme économique, et soutient que les sociétés Ducky Games et Homa Games se sont illicitement placées dans le sillage de son jeu Lumbercraft qu'elle avait mis en ligne dès le 9 novembre 2020.

24. Elle soutient d'abord qu'elles ont détourné la valeur économique résultant de la production intellectuelle caractéristique du jeu Lumbercraft, notamment en retenant opportunément dans la nomination de son jeu, le même morphème 'craft' que le sien.

25. Ensuite en détournant les investissements qu'elle a engagés pour l'édition de son jeu en octobre et novembre 2020, trois fois supérieurs aux dépenses de la société Ducky Games, soutenant encore que le temps de développement du jeu Craft Island moins d'une semaine avant sa mise en ligne n'est pas réaliste.

26. Enfin, elle leur fait grief d'avoir mis en ligne leur jeu Craft Island après que le sien disponible depuis le 9 novembre 2020 aux fins d'en tester le produit, détournant ainsi le profit de la visibilité du jeu Lumbercraft ainsi que la notoriété de la société Voodoo acquise sur ce secteur de distribution des jeux.

27. Au demeurant, ainsi que cela est déjà relevé aux paragraphes 19 à 21 ci-dessus, le jeu Craft Island est suffisamment différencié du jeu Lumbercraft pour que le risque de confusion de ses emprunts soit écarté et tandis que le morphème 'craft' est emprunté à celui combiné pour la nomination de centaines de jeux ayant préexisté, il ne se déduit pas le risque de détournement qui lui est prêté.

28. D'autre part, d'après ses productions, la société Ducky Games justifie de la preuve de la détention d'un savoir-faire acquis par le passé par quatre de ses développeurs pour l'édition d'un jeu proche du graphisme et du scénario de Craft Island ainsi que la preuve des investissements pour la réalisation de leur jeu à partir de la banque d'images du logiciel Unity, les choix graphiques simples ainsi que les animations communes du jeu Ducky Games étant compatibles avec le temps développement que la société Ducky Games lui a consacré.

29. En outre, la chance de succès économique des jeux 'hyper casual' repose sur le montant des dépenses de promotion auprès des intermédiaires et des régies publicitaires des opérateurs qui les délivrent. A ce titre, la société Ducky Games justifie d'après sa pièce numéro 11, sans être pertinemment contestée, la preuve qu'elle a engagé 480.783 euros pour des actions de marketing et de promotion de son jeu Craft Island du 1er février au 8 mars 2021, quand la société Voodoo justifie avoir dépensé auprès des régies publicitaires la somme de 33.858,37 euros pour le déploiement de son jeu le 17 février 2021, et alors au surplus que le 'chef responsable des ressources de revenus' de la société Homa Games atteste sur l'honneur que les dépenses pour l'édition et la promotion du jeu Craft Island se sont élèvées à plus de trois millions d'euros (pièce n°34).

30. Alors que la mise en ligne de jeux sur les systèmes d'exploitation déployés sur internet et les appareils mobiles déclenche un accès universel, instantané et permanent pour le partage des produits, et tandis qu'il n'est pas démontré que la notoriété de la marque des éditeurs est déterminante pour les consommateurs de jeux 'hyper casual', il convient pour l'ensemble de ces motifs de déduire que les distributions des jeux Craft Island et Lumbercraft sont indépendantes.

31. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Voodoo de l'ensemble de ses demandes tirées de la concurrence déloyale.

II. Sur les demandes reconventionnelles à l'encontre de la société Voodoo

- tirées des faits de parasitisme

32. La société Ducky Games conclut, seule en cause d'appel, à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation des faits de concurrence déloyale fondée sur la confusion des deux jeux imputée à la société Voodoo sur la base du graphisme et du scénario que son jeu Lumbercraft a empruntés aux jeux 'Chicken Loves Everthing' et '21 Bytes' développés par les salariés de la société Ducky Games, et dont la société Voodoo avait eu connaissance avant de développer son propre jeu, la société Ducky Games se prévalant en outre de commentaires dans la presse spécialisée sur les stratégies commerciales prédatrices de la société Voodoo.

33. Et la société réclame à ce titre la somme de 12.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier sur la base des téléchargements illicites du jeu Lumbercraft arrêtée au 30 janvier 2022 et celle du calcul de la marge brute pondérée proposée par la société Voodoo.

34. Toutefois, connaissance prise par la cour des extraits des jeux Chicken Loves Everthing et '21 Bytes', leur graphisme et leurs on scénarios sont manifestement dissemblants de ceux du jeu Lumbercraft et il part ailleurs constant qu’ils n’ont pas même été mis en ligne avant celle du jeu Lumbercraft. Alors que le surplus des commentaires généraux sur la société Voodoo ne peut tenir lieu de preuve du grief, le jugement sera pour ces motifs, confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.

- tirées de la suspension de la distribution du jeu Craft Island

35. La société Ducky Games conclut en second lieu à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Voodoo au titre de sa faute qui est résulté de sa stratégie d'intimidation caractérisée par le retrait contraint du jeu Craft Island du 2 mars 2021 jusqu'au 5 juillet 2021, date à laquelle la juridiction commerciale a débouté la société Voodoo de l'ensemble de ses demandes et en cause d'appel, elle réclame sa condamnation à payer la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et d'image.

36. Il est effectivement constant que sous la contrainte des décisions judiciaires, le jeu de la société Ducky Games a été suspendu par le juge des référés de la juridiction commerciale le 25 mars 2021 jusqu'à l'intervention de l'arrêt infirmatif du 9 juin 2021 en sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Voodoo.

37. En revanche, la société Ducky Games ne conclut pas pour l'indemnisation des deux causes de préjudices confondues sur une base réaliste des téléchargements du jeu Lumbercraft dont le montant est contradictoire avec celui nettement inférieur à celui dont elle justifiait pour la même cause au paragraphe 33 ci-dessus.

38. Aussi, sur le seul fondement de l'atteinte à l'image et au préjudice moral, la cour limitera à 15.000 euros le montant des dommages et intérêts.

- tirées de faits de publicité déloyale

39. La société Voodoo conteste le jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité dans la publicité déloyale qu'elle a faite de son jeu au moyen du graphisme de l'avatar du jeu Craft Island en soutenant qu'il s'agissait de l'état natif de son propre avatar avant qu'il n'évolue vers son graphisme plus réaliste et abouti dans la version finale de son jeu (voir la comparaison au paragraphe 14 ci-dessus).

40. Cependant, la société Voodoo ne prouve pas outre ou contre la chronologie des versions de son avatar dont elle a fait la publicité pour son jeu sur les réseaux sociaux Facebook et Tik Tok jusqu'au 8 mars 2021 (pièces numéros 5 et 28 de la société Homa Games), de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef ainsi que sur la somme de 15.000 euros qu'il a retenue pour la réparation des préjudices qui en sont résulté.

III. Sur les demandes de retrait des jeux et de publication de l'arrêt

41. Au terme de leurs conclusions et d'après leurs productions, aucune des parties ne soutient ou n'établit la preuve que, au jour où la cour statue, le jeu Lumbercraft est distribué dans des conditions de parasitisme qui sont déjà exclues paragraphes 31 et 34 ci-dessus, de sorte que les demandes de retrait sont dépourvues de fondement économique et le jugement sera confirmé en ce qu'il les a refusées.

42. Par ailleurs, l'ancienneté du litige et la nature des valeurs parasitées ne justifient pas la mesure de publication de l'arrêt dont la portée excéderait par ailleurs la réparation du préjudice d'image reconnue ci-dessus, en sorte que le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de publication de la décision.

IV. Sur les dommages et intérêts fondés l'abus de procédure, l'amende civile, les dépens et les frais irrépétibles

43. Il ne résulte pas des conditions dans lesquelles la société Voodoo a engagé ses procédures la preuve que celles-ci ont dégénéré en abus, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Ducky Games et Homa Games de leurs demandes de dommages et intérêts et d'amende civile.

44. Alors que la société Voodoo succombe à son action, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée aux dépens, mais infirmé sur le montant des frais irrépétibles mis à la charge de la société Voodoo et que les sociétés Ducky Games et Homa Games ne justifient pas avoir acquittés. Statuant à nouveau en équité de ce dernier chef, y compris en cause d'appel, la cour condamnera la société Voodoo à payer à chacune des intimées la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à acquitter les dépens.

PAR CES MOTIFS :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf celles qui ont fixé le montant de la réparation des préjudices de la société Ducky Games et le montant des frais irrépétibles ,

Statuant à nouveau de ces chefs infirmés, et y ajoutant,

CONDAMNE la société Voodooo à payer à la société Ducky Games la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

CONDAMNE la société Voodooo aux dépens d'appel ;

CONDAMNE la société Voodooo à payer à chacune des sociétés Ducky Games et Homa Games la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.