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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 15 décembre 2023, n° 22/09295

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Principe Lola (SPRL)

Défendeur :

Esprit Malin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Lehmann, Mme Marcade

Avocats :

Me Schwab, Me Rauzy, Me Levy, Me Lesenechal, Me Greffe

T. com. Paris, 15e ch., du 04 avr. 2022,…

4 avril 2022

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire rendu le 4 avril 2022 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné in solidum la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola SPRL la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation des actes de parasitisme,

- ordonné le retrait par la société Esprit Malin de tous les circuits de distribution y compris le site internet, à compter du 20ème jour à dater de la signification du présent jugement de tous les produits litigieux sans astreinte,

- ordonné la destruction de tous stocks desdits produits, sans astreinte,

- condamné in solidum la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola SPRL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,

- condamné la société Esprit Malin aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,13 euros dont 15,64 euros de TVA,

Vu l'appel interjeté le 10 mai 2022 par la société Principe Lola Sprl,

Vu l'avis de changement de distribution du 21 juin 2022 par lequel l'affaire initialement attribuée au pôle 5 chambre 4 a été redistribuée au pôle 5 chambre 2,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 2 juin 2023 par la société Principe Lola Sprl, appelante, qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé la société Principe Lola recevable en son action,

- débouté M. [T] de sa demande de mise hors de cause,

- jugé que M. [T] et la société Esprit Malin se sont rendus responsables d'actes de parasitisme économique au préjudice de la société Principe Lola et les a condamnés in solidum à réparer le préjudice en découlant pour cette dernière,

- ordonné le retrait par la société Esprit Malin de tous les circuits de distribution y compris le site internet, à compter du 20ème jour à dater de la signification du jugement de tous les produits litigieux,

- ordonné la destruction de tous stocks desdits produits,

- condamné in solidum M. [T] et la société Esprit Malin au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- limité la condamnation in solidum de la société Esprit Malin et M. [T] au titre du parasitisme à la somme de 5 000 euros,

- débouté la société Principe Lola de ses autres demandes tendant à voir :

- condamner, in solidum, la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola la somme de 75 000 euros, sauf à parfaire, en réparation des actes de concurrence déloyale commis,

- condamner, in solidum, la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola la somme de 25 000 euros, sauf à parfaire, en réparation des actes parasitaires commis,

- ordonner l'arrêt immédiat de toute fabrication, la détention, la vente, l'importation, l'exportation, l'utilisation et l'exposition d'articles reproduisant ou imitant les 27 modèles de bijoux « [G] [U] » litigieux et participants d'actes de concurrence déloyale et parasitaire,

- assortir d'une astreinte les mesures de retrait des produis des circuits commerciaux et de destruction des produits litigieux,

- ordonner aux frais avancés de la société Esprit Malin et M. [T] la publication du dispositif du jugement à intervenir, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré, sous le titre « communiqué judiciaire », lui-même en caractères de 0,7 cm de hauteur :

- sur la page d'accueil du site internet de M. [T] accessible à l'adresse pendant une durée de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

- dans trois (3) journaux, revues ou magazines au choix de la société Principe Lola sans que le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 25.000 euros hors taxes,

Et statuant à nouveau :

- condamner, in solidum, la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola la somme de 75 000 euros, sauf à parfaire (sic), en réparation des actes de concurrence déloyale commis,

- condamner, in solidum, la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola la somme de 25 000 euros, sauf à parfaire (sic), en réparation des actes de parasitaire commis,

- ordonner l'arrêt immédiat de toute fabrication, la détention, la vente, l'importation, l'exportation, l'utilisation et l'exposition d'articles reproduisant ou imitant les 27 modèles de bijoux « [G] [U] » litigieux et participants d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l'astreinte définitive,

- assortir d'une astreinte les mesures complémentaires ordonnées par le tribunal contre la société Esprit Malin :

- de retirer tous les produits litigieux, de tous les circuits de distribution, y compris le site internet, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, à compter du 20ème jour après la signification de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l'astreinte définitive

- de détruire tous les produits litigieux en stock, sous contrôle d'un huissier de justice, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisie pour statuer sur l'astreinte définitive;

- ordonner aux frais avancés de la société Esprit Malin et M. [T] la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, en caractères gras, noirs sur fond blanc, de 0,5 cm de hauteur, dans un encadré, sous le titre « communiqué judiciaire », lui-même en caractères de 0,7 cm de hauteur :

- sur la page d'accueil du site internet de M. [T] accessible à l'adresse pendant une durée de 3 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard,

- dans trois (3) journaux, revues ou magazines au choix de la société Principe Lola sans que le coût de chacune de ces publications n'excède la somme de 25 000 euros hors taxes,

En tout état de cause,

- débouter la société Esprit Malin et M. [T] de leurs demandes plus amples et contraires,

- condamner, in solidum, la société Esprit Malin et M. [T] à payer à l'appelante la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H Avocats, en la personne de Me Patricia Hardouin, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 juin 2023 par la société Esprit Malin et M. [T], intimés, qui demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la société Principe Lola de l'ensemble de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale,

- débouté la société Principe Lola de ses demandes de publications du jugement sauf à préciser qu'elle devra également être déboutée de ses demandes de publications de l'arrêt à intervenir,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la société Principe Lola recevable en son action en concurrence déloyale et parasitaire,

- dit que la responsabilité de M. [T] devait être retenue,

- dit que la société Esprit Malin et M. [T] ont commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Principe Lola et en ce qu'il les a condamnés in solidum à ce titre à lui régler la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné in solidum la société Esprit Malin et M. [T] à payer à la société Principe Lola la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- ordonné le retrait par la société Esprit Malin des produits litigieux de tous les circuits de distribution et la destruction des stocks,

Et statuant à nouveau,

- déclarer la société Principe Lola irrecevable ou à tout le moins mal fondée en son action,

- mettre hors de cause M. [T],

- débouter la société Principe Lola de l'ensemble de ses demandes,

- ordonner à la société Principe Lola d'avoir à restituer à la société Esprit Malin les sommes pour lesquelles celle-ci a été condamnée en première instance soit au total la somme de 15 000 euros (5 000 euros à titre de dommages et intérêts et 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile),

- condamner la société Principe Lola à régler à la société Esprit Malin la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Principe Lola aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 juin 2023 ;

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Principe Lola SPRL est une société belge spécialisée dans la création, la fabrication de bijoux fins faits main, haut de gamme, qu'elle commercialise sous le nom « [G] [U] », déposé à titre de marque en juillet 2012.

La distribution des bijoux se fait soit par internet sur le site www.[04].com, soit dans des boutiques à [Localité 3] et [Localité 6] ou des corners de magasins multimarques soit encore par le biais d'un réseau de revendeurs partenaires au nombre de 80 environ.

La société Esprit Malin, dont M. [Y] [T] est le président, est spécialisée dans la commercialisation de bijoux fantaisie sous la marque « Luckyteam » ; elle exploite quelques boutiques en France et distribue ses bijoux à travers un réseau de revendeurs en France et dans le monde ; elle a par ailleurs un site internet accessible à l'adresse www.luckyteam.fr.

Faisant valoir que la société Esprit Malin et M. [T] reproduisaient sur les réseaux sociaux notamment Instagram et commercialisaient sur le site internet luckyteam.fr ainsi que par le biais de revendeurs, 24 modèles de bijoux reprenant selon elle les caractéristiques essentielles des bijoux [G] [U], la société Principe Lola a fait constater par huissier de justice les 7 août et 22 octobre 2019 sur le site www.luckyteam.fr l'offre à la vente et la commercialisation de ces bijoux, dont 17 ont été commandés par elle et lui ont été livrés.

Elle a également fait constater le même jour que deux autres modèles de bijoux « Luckyteam » reprenant selon elle les caractéristiques des bijoux « [G] [U] » étaient reproduits sur la page Instagram « Luckyteam » et qu'un collier « Luckyteam » reprenant également selon elle les caractéristiques d'un bijou « [G] [U] » était commercialisé sur le site internet www.labellesimonebijoux.fr édité par l'entreprise La Belle Simone, distributeur de bijoux « Luckyteam ».

Après une mise en demeure restée infructueuse de cesser ces agissements, la société Principe Lola a, selon acte du 16 juillet 2020, fait assigner la société Esprit Malin et M. [T] en concurrence déloyale et parasitisme devant le tribunal de commerce de Paris.

C'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement dont appel.

Sur la recevabilité de l'action de la société Principe Lola

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'action de la société Principe Lola aux motifs que cette dernière ne démontre pas commercialiser sous son nom en France, de façon non sporadique, les 27 bijoux qu'elle invoque à une date antérieure aux faits litigieux, ajoutant que le fait d'avoir créé ces bijoux avant la commercialisation des bijoux « Luckyteam » ne permet pas d'établir la commercialisation de ceux-ci avant ceux de la société Esprit Malin et que les pièces versées aux débats ne concernent pas les 27 bijoux opposés par la société appelante à l'appui de son action en concurrence déloyale.

L'action de la société Principe Lola étant fondée sur la concurrence déloyale et le parasitisme, la date de création des bijoux opposés, qui serait antérieure à la date de commercialisation des bijoux incriminés, est inopérante contrairement à ce que soutient la société appelante. Pour autant, la question de la commercialisation antérieure en France des produits de la société Principe Lola ne peut avoir une influence que sur le bien fondée de sa demande en concurrence déloyale et non pas sur la recevabilité de cette demande, étant ajouté en tout état de cause qu'il n'est pas contesté que les bijoux « [G] [U] » sont notamment proposés à la vente sur un site accessible depuis la France ainsi que dans divers points de vente dans plusieurs villes françaises. Dès lors, la société Principe Lola est recevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire et il convient d'ajouter en ce sens au jugement.

Sur la demande de mise hors de cause de M. [T]

M. [T] sollicite sa mise hors de cause au motif qu'il est présenté comme propriétaire du site internet de la société Esprit Malin en sa qualité de gérant de ladite société qui exploite le site et est mentionnée avec son adresse dans les conditions générales de vente alors qu'aucun acte de commercialisation, ni aucune faute personnelle ne lui est reprochée.

La société Principe Lola réplique que M. [T] est responsable du contenu éditorial du site internet www.luckyteam.fr en tant que directeur de la publication désigné comme tel dans les mentions légales et qu'à ce titre, il peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Il résulte du procès-verbal de constat d'achat des 7 août et 22 octobre 2019 que la société Esprit Malin a livré et facturé les 17 bijoux objets du constat et que M. [T] est présenté sur le site internet www.luckyteam.fr comme étant le « propriétaire-gérant » de la société c'est-à-dire son représentant, mais nullement en qualité de responsable du contenu éditorial du site qui est exploité par la société Esprit Malin, laquelle est mentionnée à ce titre dans les conditions générales de vente.

Aucune faute personnelle de M. [T] dans la réalisation des actes de concurrence déloyale et parasitaire allégués n'étant établie, il y a lieu en conséquence, infirmant le jugement de ce chef, de mettre hors de cause ce dernier.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme

La société Principe Lola conclut à l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande en concurrence déloyale et lui a alloué la somme de 5 000 à titre de dommages intérêts en réparation des actes de parasitisme commis à son encontre.

Elle fait valoir que la société Esprit Malin est responsable d'actes de concurrence déloyale du fait de la confusion résultant de l'effet de gamme créé à son préjudice ; elle soutient en substance que les deux parties sont des acteurs du marché de la bijouterie et que la société Esprit Malin a cherché à créer une confusion entre les produits pour capter sa clientèle et monter en gamme, que la différence de prix et de qualité entre les produits en cause est indifférente, que l'intimée dispose de nombreux revendeurs en France et à l'étranger et que les deux sociétés exploitent les mêmes circuits de distribution, que le défaut d'originalité des bijoux [G] [U] est indifférent s'agissant d'une action en concurrence déloyale. Elle ne conteste pas que les motifs représentés sur ses bijoux sont, en tant que tels, communs mais indique que l'intimée a commis une faute par la reprise de ces symboles séculaires, ensemble, dans des bijoux quasiment identiques de ceux qu'elle propose et au sein d'une même gamme, ajoutant que l'application de ces éléments dans les bijoux [G] [U] et les choix effectués par leur créatrice relèvent de son interprétation personnelle qui constituent l'ADN de la marque. Se livrant dans ses écritures à une description de 27 de ses bijoux (pages 39 à 49) en comparaison avec les bijoux « Luckyteam », la société Principe Lola en conclut que les ressemblances constatées sur ces bijoux, proposés à la vente à une même date, crée un risque de confusion pour le consommateur du fait de la reproduction de toute une gamme de produits.

La société Esprit Malin réplique que la société Principe Lola ne se prévaut d'aucun droit d'auteur sur les bijoux revendiqués ni ne démontre qu'il s'agit de produits emblématiques ou bénéficiant d'une quelconque notoriété. Elle ajoute que les bijoux opposés sont inspirés de la nature ou des astres et sont dépourvus de toute originalité dès lors que ces thèmes se trouvent couramment sur le marché de la bijouterie. Elle se livre dans ses écritures à une comparaison des bijoux en cause en mettant en exergue un exemple d'antériorité et/ou d'appartenance au domaine public pour conclure à la banalité des bijoux opposés et aux différences existant avec ses propres bijoux tendant à exclure tout risque de confusion entre les produits. Enfin la société intimée souligne que les bijoux sont commercialisés sous des marques et des conditionnements différents et sur des réseaux de distribution différents dès lors qu'aucun magasin de revente ne commercialise à la fois les produits [G] [U] et d'Esprit Malin.

Il convient de rappeler que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d`investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.

Le seul fait de commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux, qui ne font pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, distribués par un concurrent relève de la liberté du commerce et n'est pas fautif, dès lors que cela n'est pas accompagné de manœuvres déloyales constitutives d'une faute telle que la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

La société Principe Lola indique commercialiser 27 modèles de bijoux créés par Mme [G] [C], à savoir :

- un collier « Full Sun And Polki Diamond Chain Necklace » (réf. 1456 05) créé en 2014,

- un collier « Art Deco Chain Necklace » (réf. 1236 01) créé en 2012,

- un collier « Infinity 51 Lb Diamonds Necklace » (réf. 1144 01) créé en 2014,

- une bague « Rose Cut Diamond Eye Ring » (réf. 1305 01) créée en 2013,

-un collier « Star Medaillon Chain Necklace » (réf.1504 01) créé en 2015,

- une bague « 7 Diamonds Twisting Tubes Ring » (réf. 1515 01) créée en 2015,

- des boucles d'oreilles « Chain Earrings With Diamonds tubes set » (réf. 1609 01) créées en 2016,

- des boucles d'oreilles « Single Chain Earring Triple Marquise Diamond » (réf. 1660 05) créées en 2016,

-une bague « Small Sun Eye Diamond Ring » (réf. 1786 01) créée en 2017

- des boucles d'oreilles « Diamonds Round Chain Earrings » (réf. 1632 01) créées en 2016,

- un collier « Chain Necklace Opal Doublet And Diamonds » (réf. 1681 05) créé en 2016,

- une bague « « Rose cut diamonds and grey diamond ring » (réf. 1682 10) créée en 2016,

- une bague « Triple Ring And Eye Marquise Emeralds » (réf. 1687 01) créée en 2016,

- un collier « Rough Pencil Tourmaline Necklace » (réf. 1715 01) créé en 2017,

- des boucles d'oreilles « Rubis Pineapple Earrings » (réf. 1716 01) créées en 2017,

- des boucles d'oreilles « Diamonds Marquise Earrings » (réf. 1689 04) créées en 2016,

- un collier « Grey Diamond Slice Eyes Chain Necklace » (réf. 1801 01) créé en 2017,

- des boucles d'oreilles « Single Chain Earring Marquise Diamond » (réf. 1618 03) créées en 2016,

- une bague « Tourmaline And Pencil Open Ring » (réf. 1627 05) créée en 2016,

- des boucles d'oreilles « Mini Marquize And Diamonds Chain Earrings » (réf. 1625 01) créées en 2016,

- des boucles d'oreilles « Single Earring Baguette And White Diamond » (réf. 1683 10) créées en 2016,

- une bague « Polki Diamond And Diamonds Plate Ring » (réf. 1742 01) créée en 2017,

-un collier « 3 Diamonds Slices Chain Necklace » (réf. 1342 01) créé en 2013,

- un collier « Full Sun Chain Necklace » (réf. 1456 01) créé en 2014,

- des boucles d'oreilles « Earrings Studs Star And Diamonds » (réf. 1452 01) créées en 2014,

- un collier « Star And Diamonds Chain Necklace » (réf. 1458 01) créé en 2014,

- un collier « Grey Diamond Slice Eye Necklace » (réf. 1340 01) créé en 2014.

Elle ajoute que ces bijoux sont issus de six collections différentes sans toutefois en préciser la date de commercialisation.

Des représentations de ces bijoux, dont les proportions sont parfois contestées figurent dans les écritures des parties, étant précisé que si la cour a sollicité de la société Principe Lola la production matérielle en cour de délibéré des bijoux, n'ont été produits le 24 octobre 2023 que les pièces numéro 24, 25, 26, 28, 29, 31, 35, 36, 37, 38, 41, 44 et 46, soit 13 bijoux.

Il ressort des éléments versés au débat et notamment du procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 7 août 2019 à la demande de la société Principe Lola sur le site internet www.luckyteam.fr, que la société Esprit Malin propose à la vente et commercialise les bijoux suivants :

- un « sautoir doré demi soleil et rubis » vendu sous la référence 3050-1466 au prix de 59,00 euros TTC,

- un « collier doré et zircons » vendu sous la référence 4169-1767 au prix de 65 euros TTC,

- un « collier doré et zircons » vendu sous la référence 3732-1762 au prix de 119,00 euros TTC,

- une « bague dorée 'il labradorite » vendue sous la référence B0399-50 au prix de 39 euros TTC,

- un « collier doré médaille étoiles des 4 vents et zircons » vendu sous la référence 3650-1760 au prix de 65 euros TTC,

- une « bague argent 965 et zircons » vendue sous la référence B0099-50 au prix de 39 euros TTC,

- des « boucles d'oreilles en argent 925 et zircons » vendues sous la référence 1375-964 au prix de 45 euros TTC,

- des « boucles dorées 'il zircons blancs » vendues sous la référence 3996-1757 au prix de 89,00 euros TTC,

- une « bague dorée et zircons blancs » vendue sous la référence B0583-50 au prix de 59 euros TTC,

- des « boucles d'oreilles argent 925 et zircons » vendues sous la référence 1255-1053 au prix de 65 euros TTC,

- un « sautoir doré pendentif onyx noire » vendu sous la référence 3030-1439 au prix de 85,00 euros TTC,

- une « bague argent 925 labradorite et zircons » vendue sous la référence B0520-50 au prix de 75,00 euros TTC,

- une « bague dorée ouverte martelée et zircons noirs » vendue sous la référence B0524-50 au prix de 79,00 euros TTC,

- un « collier dore et pendentif onyx noire et zircons noirs » vendu sous la référence 1611-1111 au prix de 59,00 euros,

- un « collier doré pendentif ananas et rubis » vendu sous la référence 2996-1620 au prix de 55,00 euros TTC,

- des « créoles dorées et rainbow » vendues sous la référence 3975-1936 au prix de 69 euros TTC,

- un « collier doré et 'il labradorite » vendu sous la référence 4117-1980 ou 4186-1765) au prix de 69 euros TTC,

- des « boucles dorées onyx noire et zircons noirs » vendues sous la référence 4162-1074 au prix de 55 euros TTC,

- une « bague dorée ouverte rainbow et tourmaline rose » vendue sous la référence B0445-50 au prix de 75 euros TTC,

- une « bague dorée ouverte labradorite et tourmaline verte » vendue sous la référence B0446-50 au prix de 75 euros TTC,

- des « boucles d'oreilles dorées rainbow et zircons » vendues sous la référence 1695-1055 au prix de 79 euros TTC,

- des « boucles d'oreilles dorées et zircons » sous la référence 2164-1032 au prix de 45 euros TTC,

- une « bague dorée labradorite et zircons » vendue sous la référence B0526-50 au prix de 59 euros TTC,

- un « collier doré et labradorite » vendu sous la référence 3664-1785 au prix de 59,00 euros TTC,

Soit un total de 24 bijoux dont 17 ont été réceptionnés par M. [H] en présence de l'huissier de justice instrumentaire selon procès-verbal d'ouverture de colis du 22 octobre 2019.

Ces bijoux n'ont pas plus été versés aux débats, la cour ne disposant que des photographies figurant dans le constat d'huissier de justice et dans les écritures des parties, dont les proportions sont parfois également contestées.

La société Principe Lola caractérise la faute de la société intimée par la reprise des caractéristiques essentielles des 27 bijoux qu'elle dit commercialiser sous la marque « [G] [U] » et la création d'un risque de confusion par un effet de gamme qu'elle décrit comme étant la reprise « de l'ensemble de toute une gamme de produits ».

Il a été dit que la date de commercialisation des bijoux opposés n'est pas indiquée par la société Principe Lola qui ne se prévaut que de la date de leur création. La revue de presse qu'elle a produit ne fait état, lorsque les éléments sont datés, que de certains bijoux parmi ceux qui sont opposés. Il ne peut dès lors être utilement soutenu que la société Esprit Malin a commercialisé les bijoux incriminés à la même période que la société Principe Lola ni que « l'ensemble de ces bijoux faisaient partie de la gamme de produits proposés par Principe Lola au jour de l'introduction de l'instance » alors qu'aucun élément de preuve en ce sens n'est rapporté.

Par ailleurs, aucune faute constitutive de concurrence déloyale ne peut résulter de la simple reprise des caractéristiques des bijoux opposés, lesquels en l'espèce et ainsi que le reconnait la société Principe Lola reprennent des symboles communs et usuels dans le domaine de la bijouterie inspirés de la nature, des astres, des étoiles, du soleil ou du tarot. D'autre part, le fait de commercialiser une gamme de produits se rapprochant dans leur composition d'une gamme de produits concurrents ne permet pas plus de caractériser un acte de concurrence déloyale en l'absence de faute qui n'est nullement caractérisée en l'espèce, la société Principe Lola n'invoquant en définitive à travers ses développements que la reprise des caractéristiques des bijoux [G] [U] « dans des bijoux quasiment identiques à ceux qu'elle propose ».

En conséquence la concurrence déloyale n'est pas démontrée et le jugement sera confirmé de ce chef.

S'agissant du parasitisme, la société appelante indique qu'en reproduisant et distribuant des bijoux reprenant les caractéristiques essentielles des modèles de bijoux « [G] [U] », la société Esprit Malin s'est appropriée sans bourse délier ses efforts d'élaboration et de conception afin de créer, promouvoir, distribuer ses bijoux, notamment les frais de recherches, d'études et de prototypes qu'ils auraient normalement dû exposer ; elle ajoute que la société Esprit Malin a délibérément cherché à profiter de l'image et du succès rencontré par les bijoux « [G] [U] » qu'elle commercialise, produisant à l'appui de cette affirmation une revue de presse couvrant les années 2012 à 2021.

Cette revue de presse » (pièces appelante 6 et 65) ne permet cependant d'identifier qu'une partie des 27 bijoux que la société Principe Lola invoque en la cause, elle concerne parfois des bijoux étrangers au présent litige ou montre des pages non datées ou dont la provenance est ignorée ou des pages issues de revues étrangères ou encore concerne les créations « [G] [U] » en général, la marque éponyme ou la créatrice. Il n'est donc pas démontré que les bijoux en cause constituent pour la société Principe Lola une valeur économique individualisée.

Les attestations de son expert-comptable relatives « à des dépenses de communication et de développement d'image de marque » (pièce appelante n° 19) et « à des dépenses liées à sa présence en Inde pour création et suivi de production de ses bijoux » (pièce appelante n° 66), concernent des dépenses globales et générales de 2017 à 2019 sans préciser la part de ces investissements qui se rapporterait spécifiquement aux bijoux objets du présent litige. La pièce 72 communiquée par la société Principe Lola intitulée dans son bordereau de communication de pièces joint à ses dernières écritures « Attestation de Principe Lola concernant ses investissements par bijoux » est quant à elle constituée d'un tableau non identifié comportant des chiffres ainsi qu'une signature anonyme avec une date au 20/10/2021, aucune information comptable sur la vente des produits. [G] [U] n'étant par ailleurs produite.

L'attestation de Mme [U], gérante de la société Principe Lola (pièce appelante n° 70) est relative à son imaginaire, sa créativité, l'identité et l'univers propre de la marque ou encore à ses techniques de création, l'attestation de M. [L] [B] (pièce appelante n° 68), fabricant indien de la société Principe Lola, décrit sa collaboration avec l'appelante et l'attestation de la photographe (pièce appelante n° 71) relate qu'elle s'est rendue en avril 2014 en Inde afin d'effectuer un reportage photographique sur [G] et [J] [U] et décrit le déroulement d'une journée passée à leurs côtés.

Enfin l'implantation de points de vente à [Localité 6] ou à [Localité 10] ne suffit pas à quantifier les investissements de la société Principe Lola relatifs aux bijoux en cause ni à justifier de leur succès commercial.

Aucun des éléments susvisés n'établit l'importance des investissements consacrés à la réalisation et la promotion des bijoux opposés dans le cadre du présent litige, pas plus qu'ils ne démontrent qu'il s'agirait de produits phares de la collection « [G] [U] » bénéficiant d'une notoriété particulière dont la société Esprit Malin aurait cherché à bénéficier sans bourse délier.

En conséquence, les actes de parasitisme ne sont pas caractérisés, la société Principe Lola doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes et le jugement infirmé de ce chef.

Le présent arrêt valant titre, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution au profit de la société Esprit Malin des sommes auxquelles elle a été condamnée par le tribunal.

Sur les autres demandes

L'issue du litige commande d'infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Partie perdante la société Principe Lola sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Enfin, la société Esprit Malin et M. [T] ont dû engager en cause d'appel des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement dont appel sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la société Principe Lola en ses demandes relatives à la concurrence déloyale et au parasitisme.

Met hors de cause M. [T].

Déboute la société Principe Lola de l'ensemble de ses demandes.

Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution au profit de la société Esprit Malin des sommes auxquelles elle a été condamnée par le tribunal.

Condamne la société Principe Lola à payer à la société Esprit Malin la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Principe Lola aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.