Cass. 2e civ., 18 octobre 2007, n° 07-10.021
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gillet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 24 octobre 2006), que, dans un litige opposant au Groupement foncier agricole Château Haut Vigneau (le GFA), la société Maison des vignerons récoltants (la MDVR), une ordonnance de référé, rendue par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, a débouté la MDVR de sa demande tendant à la livraison, par le GFA, de bouteilles de vin "millésime 2001" ;
que la MDVR ayant relevé appel, le GFA a saisi le premier président de la cour d'appel d'une requête tendant au renvoi de l'affaire devant une autre chambre de la cour, en soutenant que la même chambre, composée des mêmes magistrats, avait connu d'un litige opposant les mêmes parties portant sur une commande de bouteilles "millésime 2002" ; que, par ordonnance du 26 juin 2006, le premier président de la cour d'appel a déclaré la requête irrecevable comme tardive ; que, le 17 juillet 2006, le GFA a repris la même demande par voie de conclusions devant la cour d'appel ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le GFA fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à renvoi de l'affaire devant une autre chambre, alors, selon le moyen :
1 / qu'en cas de récusation de plusieurs juges, il doit être procédé comme en matière de renvoi pour cause de suspicion légitime, de sorte que si le président s'oppose à la demande, il doit transmettre l'affaire avec les motifs de son refus au président de la juridiction immédiatement supérieure ; qu'en l'espèce, le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, qui a été saisi d'une demande de renvoi devant une autre chambre pour cause de récusation des trois conseillers composant la chambre de la cour, a rejeté la demande sans transmettre le dossier au premier président de la Cour de cassation ; que la cour d'appel a ainsi violé les articles 359 et 355 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à considérer qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de récusation des magistrats composant sa propre juridiction aux motifs que la demande n'était pas argumentée et qu'il était de bonne justice que ce soit la même formation qui se prononce sur le litige ; qu'en se déterminant ainsi, bien que la cour d'appel ait, au préalable, rappelé le contenu de l'ordonnance du premier président laquelle avait repris l'argumentation développée par le GFA dans ses conclusions d'incident du 24 mai 2006, de sorte que la formation collégiale disposait de tous les éléments nécessaires à l'appréciation de sa propre impartialité, la cour d'appel a violé l'article 6 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 341 alinéa 5 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le premier président de la cour d'appel avait déclaré irrecevable comme tardive la demande de dessaisissement formée par le GFA, la cour d'appel, par ce seul motif, a légalement justifié sa décision de ne pas accueillir la même demande présentée ultérieurement devant elle par voie de conclusions ;
Sur le second moyen :
Attendu que le GFA fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé l'ordonnance de référé et d'avoir condamné le GFA à livrer les bouteilles de vin "millésime 2001" sous peine d'astreinte, alors, selon le moyen :
1 / que le juge des référés, juge de l'évidence et du provisoire, ne peut ordonner l'exécution d'une obligation de faire qu'à la condition que l'existence de l'obligation ne soit pas sérieusement contestable ; qu'en l'espèce, pour retenir que c'était en vain que le GFA contestait l'existence d'une commande ferme, la cour d'appel a eu besoin de recourir à une analyse longue et détaillée des nombreuses pièces et éléments contradictoires pour établir l'existence d'un accord sur le prix et sur la chose entre les parties ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait que les pouvoirs du juge des référés, a tranché une contestation qu'elle démontrait elle-même comme sérieuse, s'octroyant ainsi les prérogatives des juges du fond, en violation de l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que nul ne peut se constituer un titre à soi-même ; qu'en l'espèce, pour condamner le GFA à livrer les marchandises litigieuses, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier manuscrit du 29 juillet 2005 à en-tête de la société MDVR que cette dernière a prétendu avoir remis au GFA en main propre, sans produire pour autant ni décharge, ni récépissé et dans lequel celle-ci aurait demandé au GFA de lui confirmer la vente litigieuse ainsi que sur des attestations et documents écrits émanant de M. X..., agent commercial de la MDVR ; qu'en se déterminant au vu de pièces établies par des représentants de la société MDVR, elle-même, qui se prétendait créancière et dont il n'était pas établi que le débiteur en ait eu effectivement connaissance, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu retenir, sans se fonder exclusivement sur des pièces établies par la MDVR, que les parties étaient liées par un contrat de vente et que l'obligation de livraison incombant au GFA ne se heurtait à aucune contestation sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.