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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 21 décembre 2023, n° 19/10328

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Kouyoumdjian, Me Boeffard

T. com. Fréjus, 25 février 2019, n° 2017…

25 février 2019

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat en date du 4 avril 2016, M. [P] [V] a souscrit auprès de la société Locam, un contrat de location d'un site web sur une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 192 euros TTC devant être réglé du 30 avril 2016 au 30 mars 2020.

Le contrat de location souscrit comprend également les prestations suivantes fournies par la société Locam :

- création d'un site internet

- un nom de domaine

- un hébergement

- un logiciel de statistiques 

La société fournisseuse désignée par le contrat de location est la société Alcom.

Le jour de la signature du contrat de location, le locataire a signé un procès-verbal de livraison.

M. [P] [V] a cessé d'honorer le paiement des loyers à compter du mois de février 2017 ayant estimé que le site créé n'avait pas de retombées significatives.

Le 21 juillet 2017, la société Locam a fait signifier à M. [P] [V] une ordonnance d'injonction de payer du président du tribunal de commerce de Fréjus à hauteur de 7 296 euros.

Statuant sur l'opposition formée par M. [P] [V] le 17 août 2017, par jugement du 25 février 2019, le tribunal de commerce de Fréjus a :

- déclaré l'opposition de M. [P] [V] recevable et bien-fondée,

- jugé que les conditions générales et particulières de la location sont inopposables à M. [P] [V],

- débouté la société Locam de toutes ses demandes,

vu l'article 1224 du code civil,

vu l'article L. 442-6 2° du code de commerce,

- constaté que la société Locam a fait signer un bon de réception alors même qu'aucune prestation n'avait commencé,

- jugé que ce comportement est constitutif d'un défaut de loyauté et donc d'un manquement contractuel,

- prononcé la résolution du contrat,

- constaté l'existence du déséquilibre significatif existant entre les parties et en défaveur de M.[P] [V],

- débouté M. [P] [V] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Locam à payer à Me Boeffard , avocat au barreau de Draguignan , la somme de 2000 euros au titre des honoraires,

- donné acte à Me Boeffard de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéficie de l'aide juridictionnelle, dans les conditions prévues au décret du 19 décembre 1991 si elle parvient dans les douze mois de la délivrance de l'attestation de refus de mission à recouvrer auprès des défendeurs la somme allouée.

- condamné la société Locam aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 108,49 euros TTC dont 18,08 euros de TVA.

La société Locam a formé un appel le 26 juin 2019.

Sa déclaration d'appel est ainsi rédigée : 'appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués L'appel tend à l'annulation la réformation de la décision en ce qu'elle a sur le bien fondée de l'opposition :

- constaté que la société Locam a fait signer un bon de réception alors même qu'aucune prestation n'avait commencé.

- jugé que ce comportement est constitutif d'un défaut de loyauté et donc d'un manquement contractuel.

- prononcé la résolution du contrat,

- constaté l'existence du déséquilibre significatif existant entre les parties et en défaveur de M. [P] [V],

- condamné la société Locam à payer à Me Boeffard , avocat au barreau de Draguignan , la somme de 2000 euros au titre des honoraires,

- donné acte à Me Boeffard de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéficie de l'aide juridictionnelle, dans les conditions prévues au décret du 19 décembre I 991 si elle parvient dans les douze mois de la délivrance de l'attestation de fin de mission à recouvrer auprès des défendeurs la somme allouée,

- condamné la société Locam aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 108,49 euros TTC dont 18,08 euros de TVA.

Et en ce qu'il n'a pas été fait droit aux demandes de la société Locam, en conséquence de l'acquisition de la clause résolutoire prévue à l'article 18,

- condamner M. [P] [V] à régler 7296 euros en principal ainsi qu'une somme de 710,40 euros au titre de la clause pénale ainsi qu'une somme de 6,66 euros au titre des accessoires,

- ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1154 du code civil ,

- juger que le contrat de location longue durée lui est opposable en toutes ses dispositions,

- juger que les dispositions de l'article L 442-6 2° du code de commerce sont inapplicables au présent litige,

- débouter M. [P] [V] de sa demande de résiliation judiciaire.
 
L'ordonnance de clôture a initialement été prononcée le 20 septembre 2022.

Par arrêt mixte du 7 décembre 2022, la cour d'appel a :

- confirmé le jugement rendu le 25 février 2019 par le tribunal de commerce de Fréjus en ce qu'il a déclaré l'opposition recevable, débouté la société Locam de ses demandes, prononcé la résolution du contrat et condamné la société Locam à payer à Maître Boeffard la somme de 2 000 euros au titre des honoraires,

- infirmé le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau :

- ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent fournir toute explication utile sur l'irrecevabilité des demandes présentées sur le fondement de l'article l.442-6 du code de commerce dans un délai de 4 mois à compter de la présente décision, à défaut la procédure pourra être radiée,

- renvoyé l'affaire à la mise en état.

Pour se déterminer ainsi concernant le prononcé de la résolution du contrat, la cour d'appel a retenu que la société de location avait commis une faute de nature à justifier la résolution du contrat de location en libérant les fonds entre les mains de l'installateur alors même que la signature du bon de réception par le locataire le jour même de la commande était une anomalie. La cour précisait qu' un tel procès-verbal de réception ne pouvait pas permettre à la société Locam de s'assurer de l'exécution complète et parfaite de la prestation convenue compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration d'un site web et de la rapidité anormale de la résiliation.

Concernant son chef d'arrêt relatif à la réouverture des débats, la cour a retenu, pour l'essentiel, qu'elle pouvait à tout moment soulever d'office l'exception d'incompétence d'ordre public du tribunal de commerce de Fréjus pour statuer sur la demande de dommages-intérêts du locataire présentée sur le fondement de l'article L. 442-6 2° du code de commerce et qu'il convenait en outre d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties puissent fournir toutes explications utiles sur ce moyen de droit relevé d'office.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état et une nouvelle ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2023, la société Locam demande à la cour de :

- juger irrecevables les demandes nouvelles de M. [P] [V] sur le fondement de l'article 1231- 1 du code civile , lesquelles sont sans relation avec l'arrêt mixte de la cour d'appel ,

subsidiairement,

- si la cour devait les déclarer recevables,

- débouter M. [P] [V] de sa demande en paiement ne démontrant aucun préjudice sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

- débouter M. [P] [V] de ses demandes,

- le condamner aux dépens.

Pour soutenir que la demande de dommages-intérêts de l'intimé sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil est irrecevable, la société Locam fait valoir que ladite demande est nouvelle et sans rapport avec l'objet de la réouverture des débats ordonnée par la cour d'appel dans son arrêt mixte du 7 décembre 2022.

Sur le caractère nouveau de cette demande de dommages-intérêts, la société Locam soutient qu' antérieurement à l'arrêt de réouverture des débats, l'intimée avait présenté, en cause d'appel, une demande de dommages-intérêts à hauteur de 50 000 euros uniquement sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce et ce sans invoquer la responsabilité contractuelle.

Sur l'absence de rapport entre cette demande de dommages-intérêts de l'intimée (fondée sur la responsabilité contractuelle) et l'objet de la réouverture des débats de l'arrêt du 7 décembre 2022, la société Locam précise que l'arrêt a été rendu exclusivement afin que les parties puissent fournir toute explication utile sur l'irrecevabilité des demandes présentées sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. Selon la société Locam, profitant de l'arrêt de réouverture des débats, M. [P] [V] a modifié le fondement juridique de sa demande de dommages-intérêts en se fondant sur l'article 1231-1 du code civil et , en agissant ainsi, ne s'est pas conformé à l'objet de la réouverture des débats .

Au fond, si la cour retient la recevabilité de la demande de M. [P] [V], de dommages-intérêts fondée sur sa responsabilité contractuelle, la société Locam fait valoir que ce dernier ne saurait se prévaloir d'aucun préjudice démontré. L'appelante ajoute qu'il suffisait à M. [P] [V] de poursuivre le contrat au lieu de soulever l'inopposabilité des conditions générales particulières du contrat et la signature le même jour du procès-verbal de réception et du contrat de location.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2023, M. [P] [V] demande à la cour de :

vu l'irrecevabilité des demandes présentées sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, soulevée d'office par la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt mixte en date du 7 décembre 2022,

infirmant et statuant à nouveau,

- condamner la société Locam à lui payer :

50 000 euros à de dommages et intérêts sur le fondement de l' articles 1231-1 du code civil en raison de la perte de chance de développer son activité,

2000 euros sur le fondement de l'article 1104 du code civil pour manquement au devoir de loyauté prévu à l'article 1104 du code civil,

y ajoutant,

- condamner la société Locam à payer à Me Boeffard la somme de 2000 euros au titre de ses honoraires en appel en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En réponse au moyen de droit soulevé d'office par la cour, tiré de l'incompétence du tribunal de commerce de Fréjus pour pour connaître des litiges relatifs à l'application de l'article L 442-6 du code de commerce, M. [P] [V] indique qu'effectivement, le tribunal de commerce n'était pas compétent pour connaître de cette demande d'indemnisation et qu'il s'en rapporte à la décision de la cour sur ce point.

Sur la recevabilité de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 50 000 euros fondée sur l'article 1231-1 du code civil, M. [P] [V] précise que compte tenu de l'incompétence relevée d'office soulevée par la cour d'appel concernant sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L 442-6 du code de commerce, il entend modifier le fondement juridique de ladite demande et invoquer désormais l'article 1231-1 du code civil.

Concernant le bien-fondé de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1231-1 du code civil, M. [P] [V] fait d'abord valoir que la société de location a commis une faute en ce qu'elle a fait prendre effet au contrat de location, alors que la prestation n'avait pas été effectuée. Sur la faute de la société Locam, l'intimé ajoute que cette dernière a débloqué les fonds au fournisseur sans vérifier que le procès-verbal signé ne comportait aucune anomalie.

Toujours concernant le bien-fondé de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, M. [P] [V] ajoute qu'il a subi un préjudice en lien avec la faute reprochée à la société Locam, dés lors qu'il n'a pas été en mesure d'accroître une activité qu'il pensait pouvoir développer par la création de ce site internet. Il conclut que cette perte de chance de pouvoir augmenter son chiffre d'affaire doit pouvoir être réparée par l'allocation de dommages et intérêts.

Pour ce qui est de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 2000 euros fondée sur l'article 1104 du code civil, M. [P] [V] fait également valoir la responsabilité de la société Locam, laquelle aurait manqué à son devoir de loyauté en ayant accepté un procès-verbal de réception signé le jour même que le bon de commande. L'intimé ajoute que la société Locam ne pouvait ignorer que le contrat principal ne pouvait être exécuté compte tenu du bref délai écoulé tant il est incontestable qu'un site internet ne peut être crée en un seul jour.

MOTIFS

1-Sur la compétence du tribunal de commerce de Fréjus pour connaître de la demande de dommages-intérêts de l'intimé fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce :

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 08 août 2015 au 11 décembre 2016, dont il résulte notamment que :

- engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties,

- les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

L'article D. 442-3 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 01 décembre 2009 au 19 juin 2019 dispose :Pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1 du présent livre.La cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris.

L'annexe 4-2-1 du code de commerce désigne comme juridiction compétente le tribunal de commerce de Marseille pour le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence pour juger les procédures en application de l'article L. 442-6 du code de commerce aux personnes qui sont commerçants ou artisan.

Les parties s'accordent sur l'irrecevabilité des demandes formées devant le tribunal de Fréjus sur le fondement de l'article L. 442-6, conformément à la solution retenue par la Cour de cassation qui jugeait, depuis 2013 et jusqu'à un revirement du 18 octobre 2023, que les juridictions non désignées par l'article D. 442-3 du code de commerce sont dépourvues du pouvoir de juger les demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 dudit code et que la contestation née de l'absence de pouvoir du juge devant lequel est formée la demande, ou du juge qui a statué, constitue une fin de non-recevoir et non une exception d'incompétence.

Par arrêt du 18 octobre 2013 (chambre commerciale n° 21-15.378) la Cour de cassation est revenue sur cette solution pour énoncer que la règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du code de commerce, désignant les seules juridictions pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

Il n'y a pas lieu, pour des raisons de sécurité juridique, de faire application d'une solution inspirée d'un revirement de jurisprudence intervenue postérieurement à l'ordonnance de clôture, d'autant que M. [V] ne formule plus de demande sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué au fond sur la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce et de constater que la cour n'est saisie d'aucune demande sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce.

2-Sur la demande de l'intimé de dommages-intérêts à hauteur de 50 000 euros contre la société de location fondée sur l'article 1231-1 du code civil,

- Sur la recevabilité de la demande

L'appelante estime que la demande de dommages-intérêts de l'intimé fondée sur l'article 1231-1 du code civil est irrecevable, car , d'une part, elle est nouvelle et car, d'autre part, elle est sans relation avec l'objet de la réouverture des débats tel que précisé dans l'arrêt mixte du 7 décembre 2022.

S'agissant de la supposée nouveauté de la demande de dommages-intérêts de l'intimé, la cour relève au contraire que cette demande n'est pas nouvelle , ayant été présentée en première instance et à ce à hauteur du même montant de 50 000 euros . De plus, M. [P] [V] était en droit d'invoquer , en cause d'appel, un autre fondement juridique que celui invoqué en première instance et ce en application de l'article 563 du code de procédure civile. Il était donc loisible à l'intimé d'abandonner l'article L. 446-2 du code de commerce pour finalement se prévaloir de l'article 1231-1 du code civil. En tout état de cause, il résulte des mentions du jugement attaqué que M. [P] [V] avait déjà invoqué le fondement de la responsabilité contractuelle en première instance.

Ensuite, s'il est exact qu'il existe pour partie une absence de rapport entre l'objet de la réouverture des débats de l'arrêt mixte du 7 décembre 2022 (susciter les explications des parties sur l'incompétence du tribunal de commerce de Fréjus pour connaître de la demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 446-2 du code de commerce) et les dernières conclusions de l'intimé notifiées le 16 mars 2023 (qui contiennent un nouveau moyen de droit au soutien de sa demande de dommages-intérêts), la cour relève cependant que ce fait n'est pas de nature à rendre irrecevables ces dernières conclusions ou à l'empêcher de statuer sur la demande de dommages-intérêts fondée sur un nouveau moyen de droit (la responsabilité contractuelle de l'appelante au lieu du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties).

En effet,suite à l'arrêt mixte du 7 décembre 2022 qui ordonne la réouverture des débats concernant la demande de dommages-intérêts de l'intimé, le conseiller de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture.

Ainsi, même si la réouverture des débats portait sur un objet précis et exclusif, l'intimé était en droit de conclure sans rapport avec cet objet, en l'état de la révocation de l'ordonnance de clôture.

L'intimée , tentant d'échapper au problème de l'incompétence du tribunal de commerce de Fréjus pour statuer sur sa demande de dommages-intérêts initialement fondée sur l'article L. 446-2 du code de commerce, a donc pu prendre à bon droit de nouvelles conclusions et modifier comme il le souhaitait le fondement juridique de sa demande de dommages-intérêts.

La demande de l'intimé de dommages-intérêts à hauteur de 50 000 suros, fondée désormais sur l'article 1231-1 du code civil et non plus sur l'article L. 442-6 du code de commerce, est donc recevable .

- Sur le bien-fondé de la demande,

A titre liminaire, concernant le bien-fondé de la demande de dommages-intérêts présentée sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, la cour relève que cet article n'est pas applicable au présent litige étant issu de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et ce alors même que le contrat de location litigieux date du 4 avril 2016.

Le contrat litigieux demeure soumis à la loi ancienne en application de l'article 9 de ladite ordonnance.

L'article 1147 du code civil, relatif la responsabilité contractuelle, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, dispose :Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, au soutien de sa demande de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité contractuelle de la société de location, M. [P] [V] se prévaut d'une faute de cette dernière, ayant consisté à avoir débloqué les fonds au fournisseur sans vérifier que le procès-verbal signé ne comportait pas d'anomalie.

Il est vrai que dans son arrêt mixte précédent du 7 décembre 2022, cette cour a estimé que la société Locam avait commis une faute à l'égard du locataire, en relevant que que celle-ci s'était libérée des fonds entre les mains de l'installateur, sans chercher si le procès-verbal de livraison suffisait à lui permettre de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal et sans vérifier plus avant que la société prestataire avait accompli la totalité des prestations. La cour d'appel précisait aussi que, compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration d'un site web et la rapidité anormale de la réalisation prétendue des travaux, le procès-verbal était entaché d'une anomalie et que la libération des fonds entre les mains du fournisseur au seul vu de ce document était constitutif d'une faute.

Ainsi, il est établi que la société Locam a effectivement commis des fautes contractuelles à l'encontre du locataire du site Web fourni , M. [P] [V]. En outre, la faute précisément reprochée par ce dernier est établie, le fait d'avoir débloqué les fonds entre les mains du fournisseur sans vérifier que le procès-verbal de livraison ne comportait aucune anomalie.

M. [P] [V] n'est toutefois fondé à obtenir des dommages-intérêts que s'il démontre avoir souffert d'un préjudice en lien avec cette faute contractuelles précise dont il entend se prévaloir.

S'agissant du supposé préjudice en lien avec cette faute, le locataire allègue qu'il n'a pas été en mesure d'accroître une activité qu'il pensait pouvoir développer par la création de ce site internet.

Cependant, l'intimé ne démontre pas en quoi la faute précise qu'il reproche à la la société de location et qui lui a permis d'obtenir la résolution judiciaire du contrat de location est à l'origine du préjudice allégué. M. [P] [V] a lui-même choisi de solliciter la résolution du contrat de location et , de plus, les restitutions consécutives à une résolution judiciaire ne sont pas des préjudices réparables. Ainsi, la restitution du site internet et la perte des avantages attendus en termes d'accroissement d'activité ne sauraient donner lieu à une indemnité.

Il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts de M. [P] [V] à hauteur de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

3-Sur la demande de l'intimé de dommages-intérêts à hauteur de 2000 euros fondée sur l'article 1104 du code civil

L'intimé présente une autre demande de dommages-intérêts, à hauteur de 2000 euros , fondée sur l'article 1104 du code civil et ce en invoquant un manquement de la société de location à son devoir de loyauté.

Cependant, comme précédemment relevé, les dispositions du droit des contrats issues de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre suivant sont inapplicables au litige compte tenu de la date du contrat de location (4 avril 2016).

L'article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, dispose ;Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Tout comme s'agissant de la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1231-1 du code civil , la cour relève que cette demande , si elle est sans rapport direct avec l'objet de la réouverture des débats ordonnée par la cour d'appel n'est cependant pas irrecevable en l'état de la révocation de l'ordonnance de clôture initiale.

Ainsi, la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1104 du code civil ne peut qu'être déclarée recevable.

En l'espèce, la société Locam était tenue d' une obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de location conclu avec l'intimé. Tel n'a pas été le cas dés lors que la cour d'appel a relevé, dans son arrête mixte, que la société Locam avait accepté de donner effet à un procès-verbal entaché d'une anomalie.

La cour d'appel a précisé que la société Locam avait accepté de libérer les fonds entre les mais du fournisseur alors que le bref délai écoulé entre la conclusion de l'acte contractuel et la signature du certificat de livraison du Site Web aurait dû l'alerter et la dissuader d'agir ainsi.

La société Locam, qui n'est pas une novice en la matière, ne pouvait manquer d'ignorer que ce procès-verbal ne la renseignerait pas sur la bonne exécution de la prestation, à savoir la création du site web.

Il s'agit d'une faute. Toutefois, tout comme pour la demande de dommages-intérêts précédente, la cour relève que le locataire ne démontre pas suffisamment l'existence d'un préjudice en lien avec la faute. M. [P] [V] se contente en effet de se prévaloir d'un manquement de la société de location à son devoir de loyauté, ce qui ne constitue pas la démonstration d'un préjudice.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts de la société Locam à l'encontre de [P] [V] à hauteur de 2000 euros.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Locam sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au bénéfice de M. [P] [V].

La société Locam supportera la charge de ses entiers dépens et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

vu l'arrêt mixte de cette cour du 7 décembre 2022 ayant en particulier ordonné la réouverture des débats afin que le parties puissent fournir toute explication utile sur l'irrecevabilité des demandes présentée sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- infirme le jugement en ce qu'il a statué au fond sur la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- constate que la cour n'est saisie d'aucune demande indemnitaire de M. [P] [V] fondée sur l'article L 442-6 du code de commerce,

- déclare recevables les demandes indemnitaires de M. [P] [V] fondées sur les articles 1231-1 et 1104 du code civil,

- déboute M. [P] [V] de ses demandes de dommages-intérêts fondées sur les articles 1231-1 et 1104 du code civil,

- condamne la société Locam à payer à M. [P] [V] une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Locam aux entiers dépens.