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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 21 décembre 2023, n° 22/10129

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/10129

21 décembre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 21 DECEMBRE 2023

N° 2023/ 202

Rôle N° RG 22/10129 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJX2M

Etablissement Public CCIMAMP

C/

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT [4]

PROCUREUR GENERAL

S.A.R.L. OSENGO CONSULTING

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Maud DAVAL-GUEDJ

Me Charles TOLLINCHI

INPI

PG

Décision déférée à la Cour :

Décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut [4] en date du 17 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° OP21-4150.

DEMANDERESSE

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE METROPOLITAINE AIX-MARSEILLE-PROVENCE CCIMAMP représentée par son président en exercice domicilié en cette qualité au siègge social [Adresse 5]

représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ - MONTERO - DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Myriam MOATTY, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DEFENDEURS

Monsieur le directeur général de l'INSTITUT [4]

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représenté par Madame [P] [J], en vertu d'un pouvoir général, entendue en ses observations

La société OSENGO CONSULTING S.A.R.L., prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Guillaume GOMIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Madame la PROCUREURE GENERALE, demeurant [Adresse 3]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique.

Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 juin 2021 la Chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Aix Marseille Provence, établissement public de l'État (ci-après la Chambre de commerce et d'industrie) a déposé une demande d'enregistrement n°21 4 776 736 portant sur le signe verbal OSE pour désigner les services relevant des classes 35 et 41.

Le 8 septembre 2021 la société Osengo Consulting a formé opposition à cet enregistrement en faisant valoir le risque de confusion avec sa marque complexe OSENGO déposée le 11 février 2020 et enregistrée sous le n°20 4 622 718 au titre des services en classes 35 et 41.

Par décision du 17 juin 2022 le directeur de l'institut national de la propriété industrielle (INPI) a estimé que l'opposition était justifiée et a rejeté la demande d'enregistrement formée par la Chambre de commerce et d'industrie.

Le 13 juillet 2022 la Chambre de commerce et d'industrie a formé un recours contre cette décision devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

* * *

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 29 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Chambre de commerce et d'industrie demande à la cour de :

- Annuler la décision rendue par Monsieur le directeur général de l'INPI le 17 juin 2022,

- Ordonner la notification de l'arrêt à Monsieur le directeur général de l'INPI conformément aux dispositions de l'article R.411-42 du code de la propriété intellectuelle,

- Condamner la société Osengo Consulting à payer à la Chambre de commerce et d'industrie Métropolitaine Aix-Marseille-Provence la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance dont distraction.

La Chambre de commerce et d'industrie expose qu'elle est un établissement public dont les activités sont liées notamment à l'accompagnement et au développement des entreprises situées sur son ressort, la formation professionnelle ainsi que le rayonnement et l'attractivité de son territoire.

Elle conteste la décision rendue par le directeur de l'INPI en faisant observer que le public pertinent est le grand public mais également les professionnels avec un degré d'attention plus élevé.

Elle ne conteste pas en revanche l'identité des services visés entre la demande d'enregistrement et la marque antérieure.

S'agissant de la comparaison des signes, la Chambre de commerce et d'industrie soutient que la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle est insuffisante à caractériser un risque de confusion entre les signes, et ce d'autant que le terme OSE n'a qu'un caractère distinctif limité pris isolément au sein de la marque antérieure.

Enfin, au regard de l'appréciation globale du risque de confusion, la Chambre de commerce et d'industrie conclut que la marque OSE ne constitue pas l'imitation de la marque antérieure complexe OSENGO, le consommateur des services concernés ne pouvant confondre les deux signes ni croire que la marque OSE serait une déclinaison de la marque antérieure, de sorte que les deux marques peuvent parfaitement coexister.

* * *

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 2 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Osengo Consulting (SARL) demande à la cour de :

Vu le code de procédure civile et notamment les articles 699 et 700,

Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L411-4 et R411-19,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces communiquées au soutien des présentes,

- Déclarer irrecevables et écarter des débats les nouveaux moyens produits par la Chambre de commerce et d'industrie relatifs à l'identification du public pertinent et à la définition du terme « OSE »,

- Confirmer la décision d'opposition du 17 juin 2022 n°OP21-4150 en toutes ses dispositions, soit en ce qu'elle a considéré la demande d'opposition de la société Osengo Consulting à l'encontre de la marque française « OSE » n°21 4 776 736 justifiée et en ce qu'elle a intégralement rejeté la demande d'enregistrement de la marque française « OSE » n°21 4 776 736

En conséquence,

- Débouter la Chambre de commerce et d'industrie de l'ensemble de ses demandes,

- Rejeter le recours formé par la Chambre de commerce et d'industrie à l'encontre de la décision du 17 juin 2022 n°OP21-4150,

- Condamner la Chambre de commerce et d'industrie à verser à la société Osengo Consulting la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens, dont distraction.

La société Osengo Consulting rappelle en réponse qu'elle est spécialisée dans le domaine de la formation professionnelle.

Elle fait valoir à titre liminaire que les nouveaux moyens produits par la Chambre de commerce et d'industrie, à savoir l'identification du public pertinent et la définition du terme « OSE », sont irrecevables dès lors que le recours en annulation d'une décision du directeur de l'INPI n'emporte pas effet dévolutif.

Sur le fond, la société Osengo Consulting soutient en premier lieu, au-delà de l'irrecevabilité du moyen, que le public pertinent est le grand public, et qu'en second lieu, il n'est pas contesté que les services en présence sont identiques.

En troisième lieu, la société Osengo Consulting, procédant à une comparaison des signes, soutient que ces signes sont similaires, tant visuellement au regard du caractère dominant du terme Ose, que phonétiquement, mais également conceptuellement.

Ainsi, la société Osengo Consulting souligne le risque de confusion entre les signes.

* * *

Par observations transmises le 6 janvier 2023 le directeur de l'INPI souligne le risque de confusion entre les deux marques au regard des ressemblances d'ensemble prépondérantes aussi bien visuellement que phonétiquement ou encore intellectuellement.

Il ajoute, s'agissant des éléments distinctifs et dominants, que le terme OSE est parfaitement distinctif pour désigner les services en cause et présente en outre un caractère dominant dans la marque antérieure Osengo, de sorte que le signe contesté apparaît comme une version abrégée de la marque antérieure.

Enfin, le directeur de l'INPI fait observer que les signes étant dominés par le même terme OSE, il existe un risque de confusion, risque renforcé par l'identité des services au regard du public pertinent qui est le consommateur d'attention moyenne.

* * *

Le ministère public, selon un avis daté du 14 septembre 2023, sollicite la confirmation de la décision déférée.

MOTIFS

Sur la recevabilité des pièces et moyens nouveaux de la Chambre de commerce et d'industrie :

En application de l'article R.411-19 du code de la propriété intellectuelle les recours exercés à l'encontre des décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle statuant sur la délivrance, le rejet ou le maintien d'un titre de propriété industrielle sont des recours en annulation.

Il en résulte que s'agissant d'un recours en annulation et non d'un recours en réformation, seuls peuvent être examinés, dans le cadre de ce recours, les moyens soumis au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle antérieurement au prononcé de sa décision.

Dès lors, au cas d'espèce, au regard des moyens exposés au soutien des observations émises par la Chambre de commerce et d'industrie devant l'Institut national de la propriété industrielle les 10 décembre 2021 et 3 mars 2022 antérieurement à la décision rendue le 17 juin 2022, il y a lieu d'écarter des débats les moyens nouveaux relatifs à l'identification du public pertinent et à la définition du terme OSE soulevés pour la première fois en cause d'appel par la Chambre de commerce et d'industrie.

De même, seules sont recevables les pièces visées aux annexes 1 à 8 du bordereau joint aux observations transmises par la Chambre de commerce et d'industrie le 10 décembre 2021 ainsi que l'annexe 1 transmise à l'occasion des observations complémentaires du 3 mars 2022.

Sur l'enregistrement de la marque OSE :

Au visa de l'article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable au dépôt, une marque ne peut être valablement adoptée que si elle ne porte pas atteinte à une marque antérieure.

Ainsi, porte atteinte à une marque antérieure, la marque de nature à créer, dans l'esprit du public, un risque de confusion, étant rappelé que la marque a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.

L'appréciation globale de l'existence d'un risque de confusion entre une marque antérieure et le signe dont l'enregistrement en tant que marque est contesté doit, en ce qui concerne leur similitude visuelle, auditive ou conceptuelle, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Cette appréciation suppose une comparaison des produits et services concernés ainsi que des signes.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les produits et services visés par la demande d'enregistrement contestée sont identiques à ceux de la marque antérieure.

La Chambre de commerce et d'industrie se présente comme « un établissement public dont les activités sont liées notamment à l'accompagnement et au développement des entreprises situées dans son ressort, la formation professionnelle ainsi que le rayonnement et l'attractivité de son territoire ». La société Osengo Consulting intervient également dans le domaine de la formation.

S'agissant des signes, il apparaît que la comparaison entre la marque semi-figurative « Osengo » et la marque « OSE » doit s'effectuer au regard de la particularité des signes tels qu'ils ressortent à l'enregistrement avec l'ensemble de leur typologie et des éléments figuratifs les accompagnant, sans se limiter aux termes ainsi repris « Ose » et « Osengo » lesquels ne sont pas ceux qui seront appréhendés par les utilisateurs et consommateurs des produits et services concernés.

Par ailleurs, la comparaison s'effectue entre les deux signes en litige et ne saurait être étendue à d'autres marques préexistantes, qui ne sont pas en débat.

Ainsi, le terme Ose positionné en attaque de la marque antérieure présente un caractère dominant et distinctif en ce qu'il se détache du « n » et du « go » et peut être compris par l'injonction suivante « Ose et vas-y » (Ose n go), d'autant que la déclinaison à l'impératif du verbe oser en position d'attaque lui confère une force attractive majeure et que le terme « Ose » dans la marque Osengo, en caractères d'imprimerie sur fond blanc, se distingue des autres caractères par la couleur (« n » entouré d'un cercle orangé) et par la typologie ( « go » en écriture cursive).

En outre, le terme Ose est distinctif en ce qu'il n'est pas démontré que son usage serait banal dans la catégorie des services et produits des classes concernées (35 et 41), quel que soit son utilisation démontrée pour d'autres marques dont l'enregistrement a été accepté.

Si la typologie du terme Ose est différente entre les deux signes (OSE et Ose) et si l'impression visuelle d'ensemble est différente (caractères différents, couleurs différentes, présence d'une fusée au-dessus du « o » de « go » pour la marque Osengo, longueur des signes, notamment), il n'en demeure pas moins que, dans le cadre d'une appréhension globale, l'attention de l'utilisateur des services et produits concernés sera retenue essentiellement par le terme Ose, lequel, quel que soit le signe apprécié signifie Ose dans sa version impérative, synonyme d'encouragement à se lancer, à faire preuve d'audace. Ainsi, le message publicitaire et informatif est identique et s'adresse à un public pertinent similaire qui est le consommateur d'attention moyenne.

Il en résulte qu'à l'examen des deux signes pris dans leur globalité, le signe Ose n go est de nature à apparaître comme une simple déclinaison du signe Ose, ne permettant pas à l'utilisateur ou au consommateur d'identifier précisément l'origine du produit ou du service.

Dès lors, il existe un risque d'association entre les deux marques de nature à engendrer un risque de confusion relativement aux produits et services enregistrés.

Enfin, le risque de situation monopolistique de la société Osengo Consulting n'apparaît pas déterminant considérant que le verbe « oser » ne peut être considéré comme le seul à caractériser la volonté d'entreprendre ou de se former et qu'a contrario, le signe choisi par la Chambre de commerce et d'industrie serait également de nature à lui conférer une situation de monopole par l'appropriation d'un verbe du langage courant, quand bien même serait-il conjugué à l'impératif.

En conséquence, il y a lieu de juger bien-fondée la décision rendue le 17 juin 2022 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle.

Sur les frais et dépens :

La Chambre de commerce et d'industrie, partie succombante, conservera la charge des dépens de la procédure et sera tenue de payer à la société Osengo Consulting la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT irrecevables les moyens et pièces postérieurs à la décision rendue le 17 juin 2022 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ;

DIT bien-fondée la décision rendue le 17 juin 2022 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle suite à l'opposition formée le 8 septembre 2021 par la société Osengo Consulting à l'encontre de la demande d'enregistrement effectuée le 11 juin 2021 par la Chambre de commerce et d'industrie métropolitaine Aix Marseille Provence, établissement public de l'État sous le n°21 4 776 736 portant sur le signe verbal OSE pour désigner les services relevant des classes 35 et 41 ;

REJETTE en conséquence le recours formé par la Chambre de commerce et d'industrie ;

CONDAMNE la Chambre de commerce et d'industrie aux dépens de la procédure ;

CONDAMNE la Chambre de commerce et d'industrie à payer à la société Osengo Consulting la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,