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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 21 décembre 2023, n° 22/10028

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/10028

21 décembre 2023

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT

DU 21 DECEMBRE 2023

N° 2023/200

Rôle N° RG 22/10028 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJXPM

S.A.S. ESPACE FOOT

C/

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT

PROCUREUR GENERAL

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascal ALIAS

INPI

PG

Décision déférée à la Cour :

Décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle en date du 13 Juin 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 4421280.

DEMANDERESSE

S.A.S. ESPACE FOOT

représentée par son président en exercice, Monsieur [B] [I]

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assistée de Me Frank SAUNIER de la SCP NEMOZ-SAUNIER, ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, plaidant

DEFENDEUR

Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE

dont le siège social est sis [Adresse 2]

représenté par Madame [X] [P], en vertu d'un pouvoir général, entendue en ses observations

Madame la PROCUREURE GENERALE

demeurant Cour d'Appel - [Adresse 3]

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique.

Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 janvier 2018 la société Espace Foot a déposé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (ci-après l'INPI) une demande d'enregistrement n°4421280 portant sur le signe semi-figuratif « ESPACE FOOT » et destiné à distinguer les produits dans les classes 18, 24, 25 et 28 et les services dans les classes 35 et 41.

Après une procédure permettant au déposant de présenter ses observations eu égard à l'objection provisoire émise par les services de l'INPI, le directeur de l'INPI a rejeté la demande d'enregistrement par décision du 13 juin 2022 considérant que le signe complexe « ESPACE FOOT » était dépourvu de caractère distinctif à l'égard des produits et services visés en ce qu'il peut servir à en désigner une caractéristique à savoir leur origine.

Le 12 juillet 2022 la société Espace Foot a déposé un recours à l'encontre de la décision rendue par le directeur de l'INPI.

* * *

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 24 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Espace Foot (SAS) demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L.411-4 alinéas 1 à 3, L.411-5, L.711-2 (ancien), L.711-2 (nouveau), R.411-19 alinéa 1, R.411-19, R.411-21 et R.411-42 du code de la propriété intellectuelle,

Vu celles de l'article L.330-3 du code de commerce,

Vu la jurisprudence citée,

Vu, enfin, l'ensemble des pièces versées aux débats,

- Déclarer la société Espace Foot recevable et bien-fondée à exercer un recours en annulation à l'encontre de la décision du directeur de l'INPI du 13 juin 2022 portant rejet de la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative française ESPACE FOOT déposée le 19 janvier 2018 sous le n° 4421280 dans les classes de produits 18, 24, 25 et 28 et de services 35 et 41,

- Juger que les pièces 2, 3, 3 bis, 5, 10, 25, 26, 37, 38, 41, 42 et 46 ne doivent pas être écartées des débats et ne sont pas irrecevables,

- Déclarer nulle cette décision du directeur de l'INPI du 13 juin 2022 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- Juger que la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative française ESPACE FOOT est évocatrice et donc distinctive en ce qu'elle constitue un syntagme suffisamment distinctif associé à des éléments figuratifs lui conférant une fantaisie certaine pour pouvoir être enregistrée pour l'ensemble des produits et services visés,

- Surabondamment, juger que la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative française ESPACE FOOT est un signe évocateur ayant acquis en outre un caractère distinctif renforcé en raison de son usage continu, intense et de longue durée, pour pouvoir être enregistrée pour l'ensemble des produits et services visés,

- Ordonner en conséquence l'enregistrement de la marque semi-figurative française ESPACE FOOT déposée le 19 janvier 2018 sous le n° 4421280 dans les classes de produits 18, 24, 25 et 28 et de services 35 et 41,

- Ordonner la notification de l'arrêt à intervenir aux parties à l'instance et au directeur général de l'INPI.

La société Espace Foot fait valoir que les pièces visées par l'INPI ne sont pas irrecevables dès lors que, soit elles ne sont pas nouvelles, soit leur teneur figurait déjà dans le cadre de l'instruction du dossier devant le directeur de l'INPI.

Sur le fond, la société Espace Foot soutient que son signe évocateur, associé à des éléments figuratifs lui conférant une certaine fantaisie, est suffisamment distinctif et qu'en outre, son caractère distinctif est renforcé par l'usage.

* * *

Par observations du 22 mars 2023 le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle soulève à titre liminaire l'irrecevabilité des pièces numérotées 2, 3, 3bis, 10, 25, 26, 37, 38, 42 et 46 et 5 compte-tenu de l'absence d'effet dévolutif du recours en annulation.

Sur le fond, au visa des articles L.711-1 et L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans leur version applicable au moment de la demande d'enregistrement, il rappelle que l'exigence de distinctivité d'une marque répond à un double impératif, celui de préserver la liberté de concurrence et celui d'identifier l'origine commerciale des produits ou services, et qu'en l'espèce, le signe ne présente pas de caractère distinctif intrinsèque mais sera perçu comme un lieu, physique ou virtuel proposant des produits et services se rapportant au football.

Par ailleurs, le directeur de l'INPI fait valoir qu'au vu des pièces justificatives produites il n'est pas démontré que le caractère distinctif du signe aurait été acquis par l'usage, ni même par l'usage de marques précédentes.

* * *

Selon un avis en date du 14 septembre 2023 le ministère public sollicite la confirmation de la décision déférée dès lors que le signe ne peut pas constituer une marque en l'absence de distinctivité.

MOTIFS

Sur la recevabilité des pièces :

Le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle demande à ce que les pièces numérotées 2, 3, 3bis, 5, 10, 25, 26, 37, 38, 42 et 46 produites par la société Espace Foot soient déclarées irrecevables comme étant nouvelles en appel.

La société Espace Foot réplique qu'il n'y a pas lieu d'écarter ces pièces dès lors que, soit elles ne sont pas nouvelles, soit leur teneur figurait déjà dans les débats lors de la phase d'instruction de la demande d'enregistrement de marque.

A cet égard, il a été jugé que les recours exercés à l'encontre des décisions du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle statuant sur la délivrance, le rejet ou le maintien d'un titre de propriété industrielle sont des recours en annulation.

Il en résulte que s'agissant d'un recours en annulation, et non d'un recours en réformation, seuls peuvent être examinés les moyens et pièces soumis au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle antérieurement au prononcé de sa décision.

Ainsi, à l'examen du bordereau de pièces communiquées à l'Institut national de la propriété industrielle le 6 juillet 2018 (pièce 47 du requérant) sont déclarées irrecevables les pièces suivantes visées au bordereau de communication joint aux conclusions de la société Espace Foot, dès lors qu'elles incluent des mises à jour constitutives d'éléments nouveaux qui n'étaient pas aux débats lors de la décision rendue par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle :

- numéro 2 : mise à jour de la pièce 3 produite devant l'Institut national de la propriété industrielle (devenue 2bis),

- numéros 3 et 3bis : mise à jour du site internet espacefoot.fr dont il est fait état dans le procès-verbal de constat du 16 octobre 2017 joint aux observations devant l'Institut national de la propriété industrielle aux pièces 5 et 12,

- numéro 10 : inclut des adresses et photographies complémentaires à la pièce anciennement produite sous le numéro 13,

- numéros 25 et 26 : pièces nouvelles,

- numéros 37 et 38 : pièces nouvelles,

- numéro 42 : pièce nouvelle,

- numéro 46 : pièce nouvelle.

En revanche, sont déclarées recevables les pièces suivantes :

- numéro 5 : cette pièce correspondant au « Manuel opératoire du réseau de franchise ESPACE FOOT » produit devant l'Institut national de la propriété industrielle en pièce 11,

- numéros 37 et 38 : ces pièces correspondant aux pièces 6 et 7 produites devant l'Institut national de la propriété industrielle.

En tout état de cause, seules sont recevables les pièces 1 à 18 visées au bordereau transmis par la société Espace Foot à l'Institut national de la propriété industrielle le 6 juillet 2018 telles qu'elles ressortent de la pièce 47 produite aux débats devant la cour.

Sur l'enregistrement de la marque complexe Espace Foot :

En application de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 applicable à la date du dépôt, « le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.

Sont ainsi dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage. »

Aux termes de l'article L.714-3 (ancien) du code de la propriété intellectuelle est déclaré nul l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4.

Le caractère distinctif d'une marque, au sens de l'article L.711-2 susvisé, signifie que cette marque est apte à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée.

Ainsi, le signe doit présenter un caractère intrinsèquement distinctif permettant de déterminer l'origine commerciale des produits et de les distinguer d'une autre marque.

A cet égard, il a été jugé que le caractère distinctif d'un signe s'apprécie à la date de son dépôt et qu'il s'apprécie en outre par rapport à chacun des produits ou services visés par l'enregistrement, ainsi que par rapport à la perception qu'en a le public auquel la marque est destinée.

En l'espèce, il ressort de la demande d'enregistrement effectuée le 19 janvier 2018 par la société Espace Foot, et à laquelle il convient de renvoyer expressément s'agissant de la liste des produits et services visés, que cet enregistrement concerne divers produits et services, suivis de cette mention : tous les produits (ou services) précités étant destinés à être utilisés par les adeptes du football dans le cadre de la pratique ou de l'intérêt porté au football.

La société Espace Foot anime ainsi un réseau de franchisés créé en février 2000 comprenant plusieurs magasins à l'enseigne Espace Foot.

Si la juxtaposition de deux termes, dont l'usage est banal pris isolément, peut conduire à créer un effet inhabituel de nature à conférer à ce syntagme un caractère distinctif propre, de nature à justifier son enregistrement à titre de marque, il apparaît qu'en l'espèce, la juxtaposition des termes « Espace » et « Foot » ne peut être considérée comme une « invention lexicale » comme le soutient la requérante.

A contrario, le signe Espace Foot peut être perçu comme un lieu physique ou un site virtuel proposant des articles en lien avec le football ou la pratique de ce sport.

Pour autant, il apparaît que si le signe verbal est dépourvu de caractère distinctif, en revanche les éléments figuratifs de ce signe sont aptes à lui conférer une distinctivité.

Ainsi, il est constant que l'apposition de termes au sein d'un cadre noir présente un caractère banal. Il n'en demeure pas moins que les lettres des deux termes Espace Foot ont une police particulière, que la société Espace Foot qualifie de « futuriste », et qui est à tout le moins distinctive en ce que les lettres E sont figurées au moyen de trois traits horizontaux, que le F est composé de deux traits non reliés entre eux, et que le A est dépourvu de barre horizontale (forme de triangle ouvert).

Par ailleurs, les lettres sont de couleur jaune/doré avec des dégradés, leur conférant un caractère original permettant au consommateur, au-delà de la perception d'un lieu dédié au football, d'en attribuer l'origine commerciale, comme étant précisément la marque d'un acteur commercial spécialisé dans la vente d'articles divers en lien avec la discipline sportive.

En l'état de ce qui précède il n'y a donc pas lieu d'examiner l'acquisition du caractère distinctif par l'usage.

En conséquence, il y a lieu d'annuler la décision rendue le 13 juin 2022 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ayant rejeté la demande d'enregistrement n°4421280 déposée par la société Espace Foot, portant sur le signe semi-figuratif « ESPACE FOOT » destiné à distinguer les produits dans les classes 18, 24, 25 et 28 et les services dans les classes 35 et 41.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

DIT irrecevables et écarte des débats les pièces numérotées 2, 3, 3bis, 10, 25, 26, 42 et 46 communiquées par la société Espace Foot en cause d'appel ;

DIT recevables les pièces numérotées 5, 37 et 38 ;

Sur le fond,

ANNULE la décision rendue le 13 juin 2022 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle ayant rejeté la demande d'enregistrement n°4421280 déposée par la société Espace Foot, portant sur le signe semi-figuratif « ESPACE FOOT » destiné à distinguer les produits dans les classes 18, 24, 25 et 28 et les services dans les classes 35 et 41 ;

DIT que la décision sera notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le greffe de la cour aux parties à l'instance et au directeur de l'Institut national de la propriété industrielle conformément aux dispositions de l'article R.411-43 du code de la propriété intellectuelle.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,