Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 21 décembre 2023, n° 22/03847
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 21 DECEMBRE 2023
N° 2023/ 199
Rôle N° RG 22/03847 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJBOU
Syndicat SYNDICAT DE DEFENSE DES VINS DU SARTENAIS A APPELL ATION CONTROLEE
C/
LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT
S.C.A. LA CAVE D'ALERIA (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SCA UNION DE VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE)
PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me David-irving TAYER
Me Romain CHERFILS
INPI
PG
Décision déférée à la Cour :
Décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 4] en date du 16 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° NL 21-0034.
DEMANDEUR
SYNDICAT DE DEFENSE DES VINS DU SARTENAIS A
APPELLATION CONTROLEE, dont le siège social est [Adresse 6]
représentée par Me David-irving TAYER, avocat au barreau de GRASSE et assisté de Me Sophie HERRBURGER de la SAS CABINET HERRBURGER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
DEFENDEURS
Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
demeurant [Adresse 1]
représenté par Madame [R] [M], en vertu d'un pouvoir général, entendue en ses observations
S.C.A. LA CAVE D'ALERIA (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SCA UNION DE VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE), dont le siège social est [Adresse 7]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Gwendal BARBAUT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Madame la PROCUREURE GENERALE
demeurant [Adresse 3]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, présidente de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCA Union des vignerons de l'Île de Beauté a déposé le 12 février 2016 la marque « BERGERIES DE L'ORTOLO » n°14/122236 en classe 33 boissons alcooliques (autres que les bières), vins, vins de Corse, vins de pays de l'Île de Beauté. L'enregistrement de la marque a été publié au BOPI n°2015-07 du 13 février 2015.
Le 19 février 2021, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellations contrôlées a présenté une demande en nullité de cette marque pour tous les produits pour lesquels la marque a été enregistrée en invoquant trois motifs absolus :
- le signe est dépourvu de signe distinctif,
- le signe est de nature à tromper le public,
- le signe est exclu de l'enregistrement en application des législations prévoyant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
Le 6 mai 2021, la SCA Union des vignerons de l'Île de Beauté a procédé à une renonciation partielle de la marque en limitant les produits désignés aux « vins d'appellation d'origine protégée (AOP) vis de Corse [Localité 5] ».
Par décision NL 21-0024/NG du 16 février 2022, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté la demande de nullité sur le fondement du défaut de caractère distinctif, du caractère déceptif du signe et sur le fondement de l'utilisation légalement interdite en application des législations prévoyant la protection des appellations d'origines et des indications géographiques.
Le 15 mars 2022, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée a formé un recours en réformation contre cette décision.
Par conclusions notifiées et déposées le 2 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée demande à la cour de :
Vu les articles L411-4, L411-5 et R411-19 à R411-43 du code de la propriété intellectuelle et les articles 122 à 126 du code de procédure civile
- dire et juger que le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée et recevable et bien fondé en son recours,
- annuler totalement la décision de l'Institut du 16 février 2022 dans la procédure NL21-0024,
- prononcer l'annulation de la marque française BERGERIES DE L'ORTOLO n°14/4122236, pour l'ensemble des produits suivants : « Vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « vin de Corse [Localité 5] »
- subsidiairement, reconnaître Le caractère déceptif de la marque BERGERIES DE L'ORTOLO n°14/4122236 pour les produits suivants : « Vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « vin de Corse [Localité 5] » et l'atteinte portée à l'Appellation d'Origine Protégée [Localité 5].
Par mémoire en défense notifié et déposé le 10 mars 2023, auquel il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SCA Cave d'Aléria (anciennement dénommée SCA Union de Vignerons de l'Île de beauté) demande à la cour de :
- dire et juger mal fondé le recours en annulation formé par le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée,
en conséquence :
- rejeter les demandes, fins et conclusions du syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée,
- confirmer la décision du Directeur Général de l'INPI en date du 16 février 2022,
- condamner le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée à verser à la Cave d'Aléria la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils ' Lexavoue Aix-en-Provence, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Directeur général de l'INPI a, par observations déposées pour l'audience du 12 décembre 2022 rappelé que la validité du signe contesté doit être apprécié au regard des dispositions de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992 soit les anciens articles L. 711-1 à L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, maintenu l'absence qu'au vu des pièces alors produites, la dénomination Bergeries de L'Ortolo ne décrivait aucune caractéristique objective des vins visés dans le libellé, que le requérant n'établissait pas en quoi la marque, appliquée aux produits pour lesquels elle est enregistrée, serait de nature à tromper le public notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service, dès lors que le libellé est en accord avec le terme géographique Bergeries de L'Ortolo et que l'atteinte à une appellation d'origine contrôlée n'était pas établie et que l'utilisation de la marque Bergeries de l'Ortolo n'est pas légalement interdite.
Par conclusions notifiées et déposées le 26 septembre 2023, la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence sollicite la confirmation de la décision déférée se référant à l'avis du directeur général de l'INPI.
MOTIFS
Selon l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée, la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent notamment constituer un tel singe, les noms géographiques.
En application de l'article L. 711-2 b) du même code, sont dépourvus de caractère distinctif, les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service.
Enfin, en application de l'article. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ; ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.
L'appréciation du caractère distinctif d'un signe s'apprécie au jour du dépôt de la marque contestée.
Après renonciation partielle du titulaire, l'enregistrement de la marque contestée est limité aux vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « Vins de Corse [Localité 5] ». Le public pertinent à prendre en compte est ainsi l'ensemble des, consommateurs français d'attention moyenne, comme l'a exactement déterminé le directeur général de l'INPI, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante qui doit donc démontrer que ce public perçoit immédiatement dans le signe, une description des produits ou de leurs caractéristiques.
Au vu des pièces produites, il ne peut être sérieusement discuté, contrairement à ce que soutient l'intimée, que les vins de la vallée de l'Ortolo jouissent d'une réputation dans le domaine viticole.
En effet, les pièces 6, extrait du site interne de France 3, et 7, extrait d'un site internet de tourisme, mettent en avant la renommée de cette vallée pour ses vignobles et la qualité de leurs vins.
La pièce 9, capture d'écran d'une recherche sur le moteur Google intitulée « domaines viticoles de l'Ortolo » montre de nombreux résultats de domaines viticoles installés dans la vallée de l'Ortolo et rappelant que leur zone de production est précisément la vallée de l'Ortolo.
Cependant, comme l'a rappelé le directeur général de l'INPI, la distinctivité s'apprécie au regard de l'ensemble du signe contesté.
En l'espèce le signe est « Bergeries de l'Ortolo », composé d'un terme d'attaque et d'un lieu géographique.
Le terme d'attaque « bergeries » est distinctif en matière de vin, le vin n'étant pas produit dans des bergeries qui sont des bâtiments abritant des moutons et le public pertinent, tel que rappelé ci-dessus, ne peut associer ce terme à une production viticole.
L'adjonction du mot « l'Ortolo » qui correspond au nom d'un fleuve côtier de Corse du sud, situé sur le territoire de [Localité 5] ne permet pas d'ôter à l'ensemble du signe son caractère distinctif et ce d'autant plus que l'appelant échoue à démontrer que le signe « Bergeries de l'Ortolo » dans son ensemble serait associé dans l'esprit du public pertinent aux bergeries situées dans la vallée de l'Ortolo lesquelles auraient une réputation particulière en matière de vins.
En effet, la seule pièce qu'il produit à ce titre (n°10) est un extrait du site internet du Domaine de Murtoli, qui indique simplement « Entre [Localité 5] et [Localité 2], dans la vallée de l'Ortolo, d'anciennes bergeries et bâtisses agricoles incarnent une hôtellerie de luxe réservée aux amoureux d'authenticité et de nature », ce qui exclut tout lien possible pour un consommateur d'attention moyenne entre le signe « Bergeries de l'Ortolo » et une production viticole.
À titre subsidiaire, l'appelant invoque le caractère déceptif de la marque et l'atteinte portée à l'appellation d'origine protégée.
Or l'enregistrement de la marque contestée a été exclusivement limité aux seuls vins d'appellation d'origine protégée « Vins de Corse [Localité 5] » de sorte que le consommateur d'attention moyenne ne peut être trompé sur l'origine des produits, le libellé étant en accord avec le terme géographique.
La circonstance que l'intimée produit des vins issus de Haute Corse est inopérant, les conditions d'exploitation du produit ne pouvant être prises en considération, de même que l'invocation des dispositions de l'article 5 du décret n°2021-655 du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage des vins bénéficiant d'une AOP et étranger au présent litige sur la validité de la marque contestée.
Enfin, l'appelant invoque l'article L. 721-8 du code de la propriété intellectuelle et l'article 13 du Règlement européen 1151/2012.
Le premier de ces textes ne concerne que les indication géographiques (IGP) et est donc sans application dans le présent litige.
Le second est relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires et tout aussi inapplicable en l'espèce.
En tout état de cause, la marque contestée étant enregistrée pour des produits relatifs à l'OP Vins de Corse [Localité 5], il n'y a ni tromperie, ni atteinte à l'appellation d'origine, sauf à invoquer des conditions de production des vins qui ne correspondraient pas aux conditions du cahier des charges de cette appellation, mais qui, d'une part, ne sont pas établies et, d'autre part , ne relèvent pas des conditions d'admission d'un signe en tant que marque, mais d'une fraude ou d'une tromperie sur des qualités essentielles du produit ce qui ne relève pas du présent débat.
La décision du directeur général de l'INPI n°NL21-0034 du 16 février 2022 est confirmée en toutes ses dispositions.
Le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée, qui succombe, est condamné aux dépens et au paiement de la somme de trois mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions la décision du directeur général de l'INPI n°NL21-0034 du 16 février 2022,
Condamne le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée aux dépens,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée à payer à la SCA La cave d'Aléria la somme de 3 000 euros.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Chambre 3-1
ARRÊT
DU 21 DECEMBRE 2023
N° 2023/ 199
Rôle N° RG 22/03847 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJBOU
Syndicat SYNDICAT DE DEFENSE DES VINS DU SARTENAIS A APPELL ATION CONTROLEE
C/
LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT
S.C.A. LA CAVE D'ALERIA (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SCA UNION DE VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE)
PROCUREUR GENERAL
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me David-irving TAYER
Me Romain CHERFILS
INPI
PG
Décision déférée à la Cour :
Décision de Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 4] en date du 16 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° NL 21-0034.
DEMANDEUR
SYNDICAT DE DEFENSE DES VINS DU SARTENAIS A
APPELLATION CONTROLEE, dont le siège social est [Adresse 6]
représentée par Me David-irving TAYER, avocat au barreau de GRASSE et assisté de Me Sophie HERRBURGER de la SAS CABINET HERRBURGER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
DEFENDEURS
Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE
demeurant [Adresse 1]
représenté par Madame [R] [M], en vertu d'un pouvoir général, entendue en ses observations
S.C.A. LA CAVE D'ALERIA (ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SCA UNION DE VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE), dont le siège social est [Adresse 7]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Gwendal BARBAUT, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Madame la PROCUREURE GENERALE
demeurant [Adresse 3]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, présidente de chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Décembre 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCA Union des vignerons de l'Île de Beauté a déposé le 12 février 2016 la marque « BERGERIES DE L'ORTOLO » n°14/122236 en classe 33 boissons alcooliques (autres que les bières), vins, vins de Corse, vins de pays de l'Île de Beauté. L'enregistrement de la marque a été publié au BOPI n°2015-07 du 13 février 2015.
Le 19 février 2021, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellations contrôlées a présenté une demande en nullité de cette marque pour tous les produits pour lesquels la marque a été enregistrée en invoquant trois motifs absolus :
- le signe est dépourvu de signe distinctif,
- le signe est de nature à tromper le public,
- le signe est exclu de l'enregistrement en application des législations prévoyant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
Le 6 mai 2021, la SCA Union des vignerons de l'Île de Beauté a procédé à une renonciation partielle de la marque en limitant les produits désignés aux « vins d'appellation d'origine protégée (AOP) vis de Corse [Localité 5] ».
Par décision NL 21-0024/NG du 16 février 2022, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté la demande de nullité sur le fondement du défaut de caractère distinctif, du caractère déceptif du signe et sur le fondement de l'utilisation légalement interdite en application des législations prévoyant la protection des appellations d'origines et des indications géographiques.
Le 15 mars 2022, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée a formé un recours en réformation contre cette décision.
Par conclusions notifiées et déposées le 2 octobre 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée demande à la cour de :
Vu les articles L411-4, L411-5 et R411-19 à R411-43 du code de la propriété intellectuelle et les articles 122 à 126 du code de procédure civile
- dire et juger que le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation contrôlée et recevable et bien fondé en son recours,
- annuler totalement la décision de l'Institut du 16 février 2022 dans la procédure NL21-0024,
- prononcer l'annulation de la marque française BERGERIES DE L'ORTOLO n°14/4122236, pour l'ensemble des produits suivants : « Vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « vin de Corse [Localité 5] »
- subsidiairement, reconnaître Le caractère déceptif de la marque BERGERIES DE L'ORTOLO n°14/4122236 pour les produits suivants : « Vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « vin de Corse [Localité 5] » et l'atteinte portée à l'Appellation d'Origine Protégée [Localité 5].
Par mémoire en défense notifié et déposé le 10 mars 2023, auquel il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SCA Cave d'Aléria (anciennement dénommée SCA Union de Vignerons de l'Île de beauté) demande à la cour de :
- dire et juger mal fondé le recours en annulation formé par le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée,
en conséquence :
- rejeter les demandes, fins et conclusions du syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée,
- confirmer la décision du Directeur Général de l'INPI en date du 16 février 2022,
- condamner le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée à verser à la Cave d'Aléria la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Romain Cherfils ' Lexavoue Aix-en-Provence, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Directeur général de l'INPI a, par observations déposées pour l'audience du 12 décembre 2022 rappelé que la validité du signe contesté doit être apprécié au regard des dispositions de la loi n°92-597 du 1er juillet 1992 soit les anciens articles L. 711-1 à L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, maintenu l'absence qu'au vu des pièces alors produites, la dénomination Bergeries de L'Ortolo ne décrivait aucune caractéristique objective des vins visés dans le libellé, que le requérant n'établissait pas en quoi la marque, appliquée aux produits pour lesquels elle est enregistrée, serait de nature à tromper le public notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service, dès lors que le libellé est en accord avec le terme géographique Bergeries de L'Ortolo et que l'atteinte à une appellation d'origine contrôlée n'était pas établie et que l'utilisation de la marque Bergeries de l'Ortolo n'est pas légalement interdite.
Par conclusions notifiées et déposées le 26 septembre 2023, la procureure générale près la cour d'appel d'Aix-en-Provence sollicite la confirmation de la décision déférée se référant à l'avis du directeur général de l'INPI.
MOTIFS
Selon l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur au jour du dépôt de la marque contestée, la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent notamment constituer un tel singe, les noms géographiques.
En application de l'article L. 711-2 b) du même code, sont dépourvus de caractère distinctif, les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service.
Enfin, en application de l'article. 711-3 du code de la propriété intellectuelle ; ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.
L'appréciation du caractère distinctif d'un signe s'apprécie au jour du dépôt de la marque contestée.
Après renonciation partielle du titulaire, l'enregistrement de la marque contestée est limité aux vins d'appellation d'origine protégée (AOP) « Vins de Corse [Localité 5] ». Le public pertinent à prendre en compte est ainsi l'ensemble des, consommateurs français d'attention moyenne, comme l'a exactement déterminé le directeur général de l'INPI, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante qui doit donc démontrer que ce public perçoit immédiatement dans le signe, une description des produits ou de leurs caractéristiques.
Au vu des pièces produites, il ne peut être sérieusement discuté, contrairement à ce que soutient l'intimée, que les vins de la vallée de l'Ortolo jouissent d'une réputation dans le domaine viticole.
En effet, les pièces 6, extrait du site interne de France 3, et 7, extrait d'un site internet de tourisme, mettent en avant la renommée de cette vallée pour ses vignobles et la qualité de leurs vins.
La pièce 9, capture d'écran d'une recherche sur le moteur Google intitulée « domaines viticoles de l'Ortolo » montre de nombreux résultats de domaines viticoles installés dans la vallée de l'Ortolo et rappelant que leur zone de production est précisément la vallée de l'Ortolo.
Cependant, comme l'a rappelé le directeur général de l'INPI, la distinctivité s'apprécie au regard de l'ensemble du signe contesté.
En l'espèce le signe est « Bergeries de l'Ortolo », composé d'un terme d'attaque et d'un lieu géographique.
Le terme d'attaque « bergeries » est distinctif en matière de vin, le vin n'étant pas produit dans des bergeries qui sont des bâtiments abritant des moutons et le public pertinent, tel que rappelé ci-dessus, ne peut associer ce terme à une production viticole.
L'adjonction du mot « l'Ortolo » qui correspond au nom d'un fleuve côtier de Corse du sud, situé sur le territoire de [Localité 5] ne permet pas d'ôter à l'ensemble du signe son caractère distinctif et ce d'autant plus que l'appelant échoue à démontrer que le signe « Bergeries de l'Ortolo » dans son ensemble serait associé dans l'esprit du public pertinent aux bergeries situées dans la vallée de l'Ortolo lesquelles auraient une réputation particulière en matière de vins.
En effet, la seule pièce qu'il produit à ce titre (n°10) est un extrait du site internet du Domaine de Murtoli, qui indique simplement « Entre [Localité 5] et [Localité 2], dans la vallée de l'Ortolo, d'anciennes bergeries et bâtisses agricoles incarnent une hôtellerie de luxe réservée aux amoureux d'authenticité et de nature », ce qui exclut tout lien possible pour un consommateur d'attention moyenne entre le signe « Bergeries de l'Ortolo » et une production viticole.
À titre subsidiaire, l'appelant invoque le caractère déceptif de la marque et l'atteinte portée à l'appellation d'origine protégée.
Or l'enregistrement de la marque contestée a été exclusivement limité aux seuls vins d'appellation d'origine protégée « Vins de Corse [Localité 5] » de sorte que le consommateur d'attention moyenne ne peut être trompé sur l'origine des produits, le libellé étant en accord avec le terme géographique.
La circonstance que l'intimée produit des vins issus de Haute Corse est inopérant, les conditions d'exploitation du produit ne pouvant être prises en considération, de même que l'invocation des dispositions de l'article 5 du décret n°2021-655 du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage des vins bénéficiant d'une AOP et étranger au présent litige sur la validité de la marque contestée.
Enfin, l'appelant invoque l'article L. 721-8 du code de la propriété intellectuelle et l'article 13 du Règlement européen 1151/2012.
Le premier de ces textes ne concerne que les indication géographiques (IGP) et est donc sans application dans le présent litige.
Le second est relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires et tout aussi inapplicable en l'espèce.
En tout état de cause, la marque contestée étant enregistrée pour des produits relatifs à l'OP Vins de Corse [Localité 5], il n'y a ni tromperie, ni atteinte à l'appellation d'origine, sauf à invoquer des conditions de production des vins qui ne correspondraient pas aux conditions du cahier des charges de cette appellation, mais qui, d'une part, ne sont pas établies et, d'autre part , ne relèvent pas des conditions d'admission d'un signe en tant que marque, mais d'une fraude ou d'une tromperie sur des qualités essentielles du produit ce qui ne relève pas du présent débat.
La décision du directeur général de l'INPI n°NL21-0034 du 16 février 2022 est confirmée en toutes ses dispositions.
Le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée, qui succombe, est condamné aux dépens et au paiement de la somme de trois mille euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions la décision du directeur général de l'INPI n°NL21-0034 du 16 février 2022,
Condamne le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée aux dépens,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat de défense des vins du sartenais à appellation d'origine contrôlée à payer à la SCA La cave d'Aléria la somme de 3 000 euros.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE