Cass. 1re civ., 14 février 2008, n° 06-14.854
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bargue
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Attendu que, préalablement autorisé par une ordonnance du président de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Grasse, le procureur de la République près ce tribunal a fait assigner à jour fixe M. X..., notaire, devant cette juridiction statuant disciplinairement, pour des faits dont certains avaient été commis postérieurement au 17 mai 2002 ; que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré la procédure régulière et dit que les fautes disciplinaires commises par M. X... constituaient des manquements graves à l'honneur et à la probité, exclus du bénéfice de l'amnistie, a prononcé à son encontre la peine disciplinaire de l'interdiction temporaire pour une durée de deux ans, dont un an avec sursis ;
Sur le premier moyen du pourvoi formé par M. X... :
Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir déclaré la procédure régulière, alors, selon le moyen, qu'en cas d'urgence, le président du tribunal peut autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe ; que le président du tribunal de grande instance peut déléguer ce pouvoir à un magistrat ; que cette délégation doit être écrite et résulter d'un acte émanant du président du tribunal ; qu'en affirmant le contraire et en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations desquelles il résultait qu'aucun acte n'établissait que le magistrat ait reçu délégation du président du tribunal, la cour d'appel aurait violé les articles 788 et 820 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 13 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973, qui imposent que l'officier public ou ministériel, poursuivi disciplinairement, soit assigné à comparaître à jour fixe devant le tribunal de grande instance saisi en matière disciplinaire, excluent, par là même, toute autorisation du président du tribunal ; que le moyen est inopérant ;
Mais, sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches, et le troisième moyen du pourvoi formé par M. X... :
Vu l'article 2 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ;
Attendu que pour dire que les fautes disciplinaires commises par M. X... constituaient des manquements graves à l'honneur et à la probité, exclus du bénéfice de la loi d'amnistie du 6 août 2002, l'arrêt retient, en premier lieu, dans le dossier Z..., que le notaire était intervenu dans la rédaction d'un acte de prêt en méconnaissance de l'article 14 du décret du 19 décembre 1945, n'avait pas vérifié les pouvoirs de l'emprunteur, avait pris une hypothèque sans vérifier son rang utile puis en avait préconisé la mainlevée sans s'assurer de la qualité d'une autre garantie et n'avait pas procédé au séquestre du prix de vente de l'immeuble de l'emprunteur, en deuxième lieu, dans le dossier A..., que le notaire s'était dessaisi des fonds provenant d'une vente sans désintéresser le Trésor public, créancier hypothécaire, et avait négligé de répondre à plusieurs lettres d'un confrère qui l'informait des poursuites exercées par le Trésor public à l'encontre du débiteur, et, en troisième lieu, dans le dossier Y..., que le notaire s'était abstenu de purger des hypothèques et de reverser le prix de vente d'un immeuble pendant près de quatre ans, en refusant de répondre aux lettres du mandataire liquidateur qui l'avait chargé de purger les hypothèques et à la chambre départementale des notaires ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors que ces fautes professionnelles ne s'analysaient pas en des manquements à l'honneur et à la probité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen du pourvoi formé par M. X... et le moyen unique du procureur général :
Vu les articles 3 et 15 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ;
Attendu qu'en assortissant partiellement du sursis la peine de deux ans d'interdiction professionnelle prononcée contre M. X..., quand une telle mesure n'est prévue par aucune disposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les fautes disciplinaires commises par M. X... constituaient des manquements graves à l'honneur et à la probité, exclus du bénéfice de la loi d'amnistie du 6 août 2002, et en ce qu'il a prononcé à l'égard de ce notaire la peine disciplinaire de l'interdiction temporaire pour une durée de deux ans dont un an avec sursis, l'arrêt rendu le 12 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.