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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 22 septembre 2010, n° 09/05646

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fedou

Conseillers :

Mme Andrich, M. Boiffin

Avocats :

SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, Me Baillet, SCP Fievet-Lafon, Me Le Calvez

T. com. Nanterre, du 18 juin 2009, n° 20…

18 juin 2009

FAITS ET PROCÉDURE,

La société L. & G. est une société en participation , régie par les articles 1871 et suivants du code civil, fondée le 14 décembre 1979 pour une durée de quatre-vingt dix ans dans la continuité de l'indivision constituée et organisée par les sept héritiers et ayants droit de Camille L., aïeul de la famille et premier signataire des contrats de concession des halles et marchés communaux au cours du XIXème siècle.

Reprochant à Monsieur Nicolas G., à Madame Catherine M. et à Madame Isabelle P., tous trois associés de ladite société, de ne pas lui communiquer l'attestation délivrée par l'administration fiscale à chacun des associés qui établit qu'ils sont en règle au regard de leurs obligations vis-à-vis du Trésor public, Monsieur Yves DE S., agissant en qualité de président du comité de direction de la société en participation L. & G., les a, par actes des 7 et 15 mai 2009, assignés en référé, afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, leur condamnation à lui remettre les volets n° 1 et 3 de l'imprimé CERFA n° 3666 au titre de l'année 2008 complétés par l'administration fiscale.

Par ordonnance de référé du 18 juin 2009, le président du tribunal de commerce de Nanterre a dit Monsieur Yves DE S. recevable et bien fondé en son action, a ordonné à Madame Isabelle P., Monsieur Nicolas G. et Madame Catherine M. de remettre au demandeur les volets n° 1 et 3 de l'imprimé CERFA n° 3666 au titre de l'année 2008, complété par l'administration fiscale, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter du cinquième jour suivant la signification de l'ordonnance, s'est réservé la liquidation éventuelle de l'astreinte et a condamné les défendeurs aux dépens.

Madame Catherine M. a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 2 décembre 2009, le président du tribunal de commerce de Nanterre a liquidé l'astreinte prononcée par la décision susvisée et condamné Madame Catherine M. au paiement de la somme de 12.000 € à ce titre.

Aux termes de ses écritures récapitulatives en date du 6 mai 2010, Madame Catherine M. fait valoir que le titre de président du comité de direction de la SEP L. & G. ne saurait autoriser Monsieur DE S. à ester en justice au nom de la société en participation elle-même, ainsi qu'au nom de la collectivité des associés.

Elle soutient que la gérance d'une société en participation sans mandat de la collectivité des associés ne peut être assimilée à celle d'un gérant de société pourvue de la personnalité juridique, dès lors que, dans une société de cette nature, les clauses statutaires tendant à accorder une 'représentativité' au gérant sont inopérantes et inopposables aux tiers, chacun des associés s'engageant seul à l'égard des tiers.

Elle relève que le premier juge a, en accueillant la demande adverse, procédé à une interprétation des statuts qui se situait en dehors de sa compétence, et elle observe qu'en toute hypothèse, l'objet social de la société en participation est limité à l'exploitation des contrats consentis par les collectivités délégantes à un ou plusieurs associés lesquels doivent ensuite, conformément au pacte social, en apporter la jouissance à ladite société.

Elle en déduit que la société, dont les statuts ne font nulle obligation aux associés de communiquer au président leurs attestations fiscales, ne saurait être paralysée dans la réalisation de son objet social par l'absence de production par elle de ces attestations.

Elle souligne que la mesure ordonnée à son encontre ne revêt pas le caractère d'une mesure conservatoire ou de remise en état d'une situation, au sens des dispositions de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile.

Elle ajoute qu'en contournant les dispositions légales et statutaires, Monsieur DE S. entend abusivement limiter la portée de ses propres engagements, tout en transférant le risque sur les associés, dont l'appelante.

Elle demande donc à la cour d'appel d'infirmer l'ordonnance déférée, et, statuant à nouveau, de :

- à titre principal, déclarer Monsieur Yves DE S. irrecevable en ses demandes, en qualité de président du Comité de direction de la SEP L. & G. ;

- à titre subsidiaire, débouter Monsieur Yves DE S. de l'intégralité de ses prétentions ;

- à titre plus subsidiaire, dire n'y avoir lieu à référé, en présence d'une contestation sérieuse ;

- en tout état de cause, condamner Monsieur Yves DE S. à lui régler la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel.

Suivant conclusions récapitulatives du 9 avril 2010, Monsieur Yves DE S. conclut à la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de Madame Catherine M. aux entiers dépens.

Il réplique que la circonstance que chaque associé s'engage seul à l'égard des tiers ne saurait faire échec à l'obligation de toute entreprise qui soumissionne à des marchés publics de présenter ses comptes.

Il soutient que, dès lors qu'elle est organisée sous la forme d'une société de personnes, l'entreprise ne peut être dispensée de l'obligation de justifier, en application de l'article 46 du Code des marchés publics, que les membres du groupement sont à jour de leurs cotisations fiscales, ce qui implique que chaque membre associé remette au président du Comité de direction son attestation fiscale.

Il considère que c'est à tort que la partie adverse reproche à la décision de première instance d'avoir procédé à une interprétation des statuts, alors que ces derniers sont parfaitement clairs.

Il souligne que le juge des référés n'a pas excédé les pouvoirs qu'il tient des articles 872 et 873 du code de procédure civile en ordonnant la production sous astreinte des attestations fiscales, lesquelles sont indispensables pour permettre la conclusion de contrats avec les communes.

MOTIFS DE L'ARRÊT,

Considérant que la société en participation L. et G., dépourvue de personnalité juridique, n'est représentée par le président du comité de direction qu'en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés dans le cadre de l'organisation contractuelle des relations entre associés, telle que cette organisation ressort des statuts de cette société ;

Que selon l'article IX des statuts de la société dans leur rédaction postérieure à la mise à jour du 30 mai 1987, le président du comité de direction, nommé par les associés réunis en assemblée générale, est le 'gérant de droit de la société en participation et la représente à l'égard des tiers' ;

Que selon les pouvoirs qui lui sont dévolus à l'article X, le président traite pour la société en toute circonstance en son nom personnel ;

Considérant qu'à défaut de personnalité juridique la société en participation ne peut ester en justice et que dès lors la qualité de président du comité de direction de cette société ne confère pas à son titulaire qualité à ester en justice ;

Que néanmoins, en sa qualité d'associé de la société en participation , Monsieur DE S. est recevable à agir pour obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, une mesure conservatoire ou l'exécution d'une obligation indispensable à la vie de la société ;

Considérant que l'objet de la société est l'affermage ou la concession des marchés de foire, des fêtes, des parkings etc, des communes et collectivités publiques qui ont consenti ou consentiront des contrats à un ou plusieurs associés de la société L. et G. ;

Qu'en préambule les statuts précisent que 'les droits des membres sont limités à l'exploitation de ces contrats' et dès lors, la réalisation de l'objet social consiste en ce que chaque associé qui conclut une convention, en fasse apport en jouissance à la société en participation ;

Que ces apports à la société ne privent pas les associés de leur qualité de co-contractant ou de concessionnaire ;

Considérant qu'une société en participation qui, faute d'immatriculation, ne peut conclure une convention, ne peut soumissionner à des appels d'offres ;

Que son gérant ou président du comité de direction, comme tout autre associé, selon la règle énoncée par l'article 1872-1 du code civil, contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers ;

Que ni l'article 46 du code des marchés publics qui prévoit que le candidat auquel il est envisagé d'attribuer le marché produit'Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu'il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales' ni l'article 8 du décret n° 97-638 du 31 mai 1997, applicable aux conventions de délégations de service public, qui impose à tout soumissionnaire à un appel d'offres de fournir à la collectivité publique auteur de cet appel d'offre la justification de la régularité de sa situation vis-à-vis des organismes fiscaux et sociaux, ne peuvent être invoqués par Monsieur DE S. à l'encontre des autres associés de la société en participation dès lors que celle-ci ne peut être candidate ; que le président du comité de direction ne dispose d'aucun mandat lui permettant d'engager les autres associés et qu'enfin chaque associé qui apporte en jouissance à la société une convention de délégation de service public, personnellement justifier la régularité de sa situation fiscale et sociale à la collectivité publique ;

Qu'en l'absence de disposition statutaire obligeant tous les associés, à l'occasion d'une soumission à un appel d'offres effectuée par l'un d'entre eux, à justifier personnellement avoir satisfait à leurs propres obligations fiscales, la demande de production sous astreinte formée par Monsieur DE S., se heurte à une contestation sérieuse, née de la nature purement contractuelle des relations entre les associés d'une société en participation ;

Que l'ordonnance entreprise doit être infirmée ;

Considérant que Monsieur DE S. succombant en ses prétentions et comme tel tenu aux dépens, doit être condamné à verser à Madame G. une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue entre les parties le 18 juin 2009 par le président du tribunal de commerce de Nanterre ;

Statuant à nouveau ;

Rejette les demandes formées par Monsieur Yves DE S. ;

Y ajoutant ;

Condamne Monsieur Yves DE S. à verser à Madame Catherine G. la somme de 2 000 € (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur Yves DE S. aux entiers dépens de l'appel, autorisation étant donnée aux avoués en la cause, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure.