Cass. soc., 17 avril 1991, n° 88-40.121
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cochard
Rapporteur :
M. Waquet
Avocat général :
M. Graziani
Avocat :
Me Hennuyer
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1832 et 1871 du Code civil et l'article L. 121-1 du Code du travail ;
Attendu que MM. X..., Y... et Z..., qui avaient la qualité de chauffeurs salariés de poids lourds au service de la société Lalau, entreprise de transports et d'affrètement, ont signé respectivement les 27 août 1979, 22 mai 1980 et 1er juin 1981, une convention par laquelle il était créé, pour une durée de 4 ans, entre chacun d'eux et la société Lalau, une " association en participation destinée à demeurer occulte " ; que cette société en participation avait pour objet l'exploitation d'un tracteur routier et d'un semi-remorque ; que, gérée par la société Lalau, elle devait établir une facture mensuelle pour les prestations de services assurées par elle selon un relevé établi par le service affrètement de la société Lalau, laquelle récupérait tous ses frais, y compris les locations forfaitaires mensuelles du tracteur et du semi-remorque mis à la disposition de la société en participation, tandis que le chauffeur, qui faisait apport de son industrie consistant dans la conduite et l'entretien de l'ensemble routier, prenait à sa charge ses frais personnels de route et frais annexes ainsi que ses cotisations sociales fiscales et de retraite ; que les résultats s'étant avérés défavorables pour eux, les chauffeurs ont saisi la juridiction prud'homale pour que leur soit reconnue la qualité de salariés et pour obtenir un rappel de salaires ;
Attendu que pour rejeter cette demande, la cour d'appel a énoncé que MM. X..., Y... et Z... avaient volontairement souscrit au contrat d'association en participation, en vue d'accéder au statut de transporteur, que l'affectio societatis était certaine et qu'il y avait mise en commun d'apports, partage des bénéfices et contribution aux pertes ;
Attendu cependant, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas recherché si l'apport par la société Lalau d'un tracteur et d'un semi-remorque était réel compte tenu de ce que, suivant le contrat, la société en participation devait rembourser à la société Lalau les locations forfaitaires mensuelles de l'ensemble routier ; qu'elle n'a pas non plus constaté l'existence d'une collaboration entre les associés, dans un intérêt commun et sur un pied d'égalité, pour l'exploitation de l'ensemble routier ;
Attendu, en second lieu, que l'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ; que la cour d'appel, après avoir relevé que, selon la convention litigieuse, la société Lalau conservait la maîtrise de l'organisation du travail et des conditions de vente, n'a constaté aucun changement, après la signature du contrat de société en participation, dans les conditions de fait dans lesquelles les chauffeurs travaillaient ;
Qu'en statuant dès lors, comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 1987, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.