Cass. com., 15 février 1994, n° 92-13.325
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Loreau
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Delaporte et Briard, SCP Nicolay et de Lanouvelle
Sur le moyen unique pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 22 janvier 1992), que M. de X..., qui avait créé avec M. Y... une société en participation, dont le siège était au Havre, pour exploiter des mandats d'agent d'assurances de transports, notamment de transports maritimes, a notifié le 23 décembre 1988 à son associé, qui exerçait essentiellement ses activités à Marseille, sa décision de se retirer de la société et d'engager les opérations de liquidation ; que M. Y... a saisi le Tribunal pour voir dire que cette décision était nulle au regard de l'une des clauses des statuts interdisant de rompre unilatéralement le contrat de société ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré que M. de X... était en droit de provoquer unilatéralement la dissolution de la société, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 1838 du Code civil, la durée de la société ne peut excéder 99 ans ; que la sanction du vice de perpétuité est la réduction de la durée de la société à la durée légale la plus longue ; que le droit de rupture unilatérale n'existe conformément à l'article 1872-2 du Code civil que pour les sociétés en participation à durée indéterminée ; que dès lors, en l'espèce, en admettant que M. de X... avait valablement rompu unilatéralement la société en participation dont la durée était illimitée, la cour d'appel a méconnu les articles 1838 et 1872-2 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1872-2 du Code civil, la dissolution unilatérale de la société en participation à durée indéterminée peut résulter à tout moment d'une notification adressée par un associé aux autres, pourvu que cette notification soit faite de bonne foi et non à contretemps ; que la renonciation n'est pas faite de bonne foi lorsque l'associé renonce pour s'approprier à lui seul le profit que les associés s'étaient proposés de retirer en commun ; qu'en conséquence, la cour d'appel ne pouvait se contenter de relever son absence d'activité réelle dans la société en participation, sans rechercher s'il n'avait pas participé à sa prospérité par son activité à Marseille, et si M. de X... ne cherchait pas par le biais de la dissolution unilatérale à s'approprier à lui seul le profit de l'affaire commune ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, en outre, que le fait pour un associé qui n'a jamais reçu de bénéfices, de réclamer des comptes ne constitue pas un juste motif de résiliation, au regard de l'article 1872-2 précité ; qu'en déduisant la légitimité de la dissolution unilatérale par M. de X... de ce qu'il avait demandé des comptes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; et alors enfin, que l'article 1872-2 du Code civil impose le respect d'un préavis d'une durée conforme aux usages ; que dès lors en l'espèce, ayant constaté que c'est par lettre recommandée du 23 décembre 1988, que M. de X... a dissous unilatéralement la société, et que cette dissolution a pris effet le 23 décembre 1988, la cour d'appel aurait dû en déduire que ces circonstances étaient constitutives d'abus de la part de M. de X..., qu'en décidant le contraire, elle a violé le texte précité ;
Mais attendu, d'une part, qu'en retenant que M. de X... pouvait provoquer unilatéralement la dissolution de la société, dès lors que celle-ci avait été constituée sous la forme d'une société en participation pour une durée illimitée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt, que M. Y... ait soutenu que M. de X... cherchait, par le biais de la dissolution unilatérale à s'approprier à lui seul le profit de l'affaire commune ; qu'ainsi, la cour d'appel n'avait pas à faire une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Attendu, en outre, que la cour d'appel n'a pas dit que la dissolution était prononcée pour justes motifs, mais que M. de X... pouvait se retirer de la société à la condition que cette rupture fut faite de bonne foi et non à contretemps, ce qu'elle a constaté en l'espèce ;
Attendu, enfin, qu'en retenant que la dissolution unilatérale de la société étant régulière, celle-ci devait prendre effet au 23 décembre 1988, date de la notification de la décision de M. de X... de se retirer de la société, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.