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Décisions

CA Nancy, ch. soc.-sect. 2, 21 décembre 2023, n° 23/00177

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 23/00177

21 décembre 2023

ARRÊT N° /2023

PH

DU 21 DECEMBRE 2023

N° RG 23/00177 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FDTL

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY

F 21/00149

28 décembre 2022

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE - SECTION 2

APPELANT :

Monsieur [R] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Florian HARQUET, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMÉE :

S.A.R.L. TANGUY MEDIC AMBULANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Patrice BUISSON de la SCP BUISSON BRODIEZ, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,

Greffier lors des débats : RIVORY Laurène

DÉBATS :

En audience publique du 05 Octobre 2023 ;

L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 21 Décembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

Le 21 Décembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES

Monsieur [R] [E] a été engagé sous contrat de travail à durée indéterminée, par la société SAS DEMARNE à compter du 14 mai 2018, en qualité d'ambulancier polyvalent.

A compter du 31 octobre 2019, le contrat de travail de Monsieur [R] [E] a été transféré à la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE, avec reprise de son ancienneté.

La convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport s'applique au contrat de travail.

Par courrier du 09 novembre 2020, Monsieur [R] [E] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 novembre 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 24 novembre 2020, Monsieur [R] [E] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 26 mars 2021, Monsieur [R] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Nancy, aux fins :

- de dire qu'il n'a pas commis de faute grave,

- de juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 3 827,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 382,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 116,44 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 942,48 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire, outre 94,24 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les éventuels dépens.

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 28 décembre 2022, lequel a :

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [R] [E] est justifié,

- débouté en conséquence Monsieur [R] [E] de sa demande d'indemnité de licenciement ainsi que de ses demandes à titre d'indemnité au titre du préavis,

- débouté Monsieur [R] [E] de sa demande de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

- débouté Monsieur [R] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [R] [E] de toutes ses autres demandes,

- condamné Monsieur [R] [E] à verser à la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [R] [E] aux entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel formé par Monsieur [R] [E] le 24 janvier 2023,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les conclusions de Monsieur [R] [E] déposées sur le RPVA le 20 juillet 2023, et celles de la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE déposées sur le RPVA le 05 juillet 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 septembre 2023,

Monsieur [R] [E] demande :

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy rendu le 28 décembre 2022 en ce qu'il :

- a dit et jugé que son licenciement pour faute grave est justifié,

- l'a débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de licenciement ainsi que de ses demandes à titre d'indemnité au titre du préavis,

- l'a débouté de sa demande de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire,

- l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- l'a débouté de toutes ses autres demandes,

- l'a condamné à verser à la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE la somme de 1 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau :

- de juger que le licenciement notifié le 24 novembre 2020 est nul,

- en conséquence, de condamner la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE à lui payer les sommes suivantes :

- 3 827,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 382,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 116,44 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 942,48 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- 94,25 euros au titre des congés payés afférents,

- 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles,

Subsidiairement :

- de juger que le licenciement notifié le 24 novembre 2020 est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, de condamner la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE à lui payer les sommes suivantes :

- 3 827,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 382,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 116,44 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 942,48 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- 94,25 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles,

- de condamner la société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE aux entiers dépens.

La société SARL TANGUY MEDIC AMBULANCE demande :

- de débouter Monsieur [R] [E] de son appel,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nancy en ce qu'il a jugé que Monsieur [R] [E] a commis une faute grave dans la prise en charge du transport de Monsieur [I] le 5 novembre 2020,

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- de débouter Monsieur [R] [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et moyens,

Y ajoutant :

- de condamner Monsieur [R] [E] à lui payer une somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

- de condamner Monsieur [R] [E] aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu'elles ont déposées sur le RPVA, s'agissant de l'employeur le 05 juillet 2023, et en ce qui concerne le salarié le 20 juillet 2023.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement (pièce 8 de la société TANGUY MEDIC AMBULANCE) indique :

« (') Nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour fautes graves en raison des faits ci-après exposés :

Le 7 novembre 2020, nous avons reçu un courrier de plainte de la belle-fille d'un patient que vous avez transporté le 5 novembre 2020.

En effet ce jour-là, vous aviez pour mission de transporter un patient âgé de 90 ans, en fin de vie, à son domicile. Cette personne, très fragile ne devait faire aucun effort.

Or cette dernière nous a indiqué dans son courrier que « dès lors, l'ambulance arrivée à destination, mon beau-père, très faible, a dû rentrer chez lui seul, sans aide des deux ambulanciers présents à ce moment, de plus, ils ont laissé sortir mon beau-père sans veste sur le dos (7° au moment des faits) ayant pour justification, je cite « oh on a mis le chauffage à fond dans l'ambulance pendant tout le trajet, il aura assez de chaleur pour arriver à la maison».

Elle poursuit « cependant, une fois arrivé à son domicile, mon beau-père a fait un malaise à la suite de l'effort insoutenable qui lui a été imposé par vos employés puis s'est vu pris de nombreux vomissements ».

Dans un courrier du 9 novembre 2020, votre collègue nous a indiqué vous avoir proposé un autre moyen de déplacement pour éviter aux patients d'avoir à marcher, en vain.

Ainsi, ce dernier a marché pas loin de 50 pas et monté environ une 20ène de marches d'escalier, sans aide pour regagner son domicile.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement, en totale contradiction avec les valeurs de notre entreprise et avec les règles de déontologie et d'éthique de transport sanitaire.

Nous vous rappelons que vous avez choisi et que vous exercez un métier d'ambulancier, c'est à-dire un métier qui implique un accompagnement et le respect du patient. L'une de vos premières missions professionnelles, outre le transport, est de faire en sorte que votre patient se sente pris en charge par des professionnels, dans de bonnes conditions de sécurité et de respect de sa dignité humaine.

Aussi vous comprendrez aisément que nous ne pouvons pas tolérer une telle attitude de votre part, dans la mesure où votre comportement est de nature à engager la responsabilité de notre entreprise, en plus de nuire sérieusement à l'image de marque de notre société. Nous vous rappelons en effet que la famille du patient a déposé plainte auprès de la Gendarmerie.

Ces agissements étant constitutifs de faute grave votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement (...)».

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE explique avoir reçu un courrier le 07 novembre 2020, de la part de la famille d'un patient transporté deux jours plus tôt, dénonçant les manquements lors de ce transport.

Elle précise avoir procédé à une enquête interne dont il résultait que l'intimé avait refusé la proposition de son collègue, M. [C], d'utiliser pour le patient une chaise portoir ; elle indique également avoir été destinataire d'une attestation du médecin traitant du patient, précisant que son état de santé nécessitait les plus grandes précautions, et qu'il ne devait pas marcher ; elle souligne que la prescription médicale de transport imposait la position allongée ou demi-assise, ainsi qu'un brancardage ou portage.

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE précise que le patient transporté, M. [I], était en fin de vie.

L' employeur rappelle que la prescription de transport indiquait la nécessité pour le patient d'être allongé ou en position semi-assise et de bénéficier d'un brancardage ou d'un portage ; il souligne que M. [R] [E] a confirmé avoir été en possession de cette prescription médicale de transport (PMT).

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE fait valoir que M. [I] a dû se déplacer à pied, entre l'ambulance et la porte de son domicile, dans le froid (un soir de novembre à 19h00 ' par 7 degrés), sur une distance d'environ 50 pas, le trajet comportant des marches. Elle ajoute que quelques minutes après, M. [I] a été pris d'un malaise.

M. [R] [E] fait valoir que lors de la prise en charge du patient à l'hôpital de [Localité 5], pour le ramener à son domicile, une infirmière les a informés, lui et son collègue, qu'il n'y avait aucune précaution particulière à prendre, mise à part une sonde urinaire.

Il fait également valoir que la PMT ne porte aucune indication dans sa rubrique 5 « éléments d'ordre médical et commentaires éventuels » ; il considère que si les médecins avaient estimé qu'il existait une contre-indication à la marche pour M. [I], ils n'auraient pas manqué d'en faire état dans cette rubrique ; il estime dès lors avoir respecté la PMT.

L'appelant explique qu'à l'arrivée au domicile de M. [I], celui-ci a clairement et expressément demandé de marcher et de monter par l'escalier; que dans la mesure où lui et son collègue ne disposaient d'aucun motif médical pour s'opposer à la demande, formulée par M. [I], ils se sont placés chacun d'un côté du patient pour l'aider à monter à sa vitesse jusqu'à l'entrée de l'appartement ; que ni le fils ni l'épouse de M. [I], présents, n'ont indiqué qu'il ne pouvait pas marcher.

M. [R] [E] rapporte qu'après avoir franchi le seuil de sa maison, M. [I] a fait un malaise ; qu'il l'a alors rapidement assis sur une chaise et dans ce mouvement rapide la sonde s'est décrochée au niveau de la poche urinaire, et le patient a présenté des nausées avec vomissement ; qu'il a alors vérifié le pouls du patient, la douleur et l'état de conscience, rebranché la sonde ; que Mme [I] lui a indiqué que son époux faisait très souvent ce genre de malaise ; qu'une fois que M. [I] a repris ses esprits, lui et son collègue l'ont porté dans sa chambre.

Le salarié fait valoir que la belle-fille de M. [I], dont la lettre est à l'origine de son licenciement, n'était pas présente lors des faits reprochés.

Il fait également valoir que la pièce 14 présentée par l'intimée comme étant l'attestation de Mme [I] n'est pas conforme aux règles de forme de l'article 202 du code de procédure civile, et n'est pas accompagnée de la copie d'une pièce d'identité.

Il estime que dans la mesure où aucune contre-indication médicale portée à sa connaissance ou à celle de son collègue ne s'opposait à la demande du patient, rien n'autorisait les ambulanciers à la refuser.

M. [R] [E] ajoute que la configuration des lieux, au domicile de M. [I], rendait impossible, voire dangereux, le recours à une chaise portoire.

Il souligne que son collègue M. [V] [C] n'a pas eu devant les Gendarmes la même version que dans son attestation, et qu'il a indiqué qu'ils n'étaient pas informés que M. [I] ne devait pas marcher.

M. [R] [E] soutient que son licenciement est en fait motivé par le fait d'avoir dénoncé des pratiques managériales interdites, telles que des sanctions collectives ou des sanctions pécuniaires, ainsi que des pratiques discriminatoires. Il souligne que la société a engagé la procédure de licenciement dans le mois qui a suivi son entretien individuel annuel qui s'est tenu le 26 octobre 2020 et de la publication du résultat de l'audit qui est intervenu le 30 octobre 2020.

Motivation

Sur le licenciement

- sur le caractère fondé ou non fondé du licenciement

Aux termes de l'article L1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c'est au regard des motifs qui y sont énoncés que s'apprécie le bien-fondé du licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. C'est à l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il résulte des conclusions respectives des parties que Mme [Z] [I], qui a adressé à l'employeur une lettre du 07 novembre 2020 (pièce 3 de l'employeur), accompagnée de photographies, dénonçant les faits reprochés à M. [R] [E], n'était pas présente sur les lieux du retour à domicile de M. [I].

Dans sa lettre, elle n'indique pas de qui elle tient ses informations.

Cette pièce, non pertinente, n'établit donc pas la réalité des griefs.

L'employeur reproche à M. [R] [E] :

- de ne pas avoir couvert M. [I] entre sa sortie de l'ambulance et l'entrée à son domicile

- de l'avoir fait marcher entre l'ambulance et l'entrée de son domicile.

L'employeur renvoie, en dehors de la pièce 3 précitée, aux pièces suivantes :

- pièce 4, courrier de l'épouse de M. [I]

- pièce 5, l'attestation de M. [C]

- pièce 6, attestation du Docteur [P]

- pièce 7, prescription médicale de transport.

La pièce 4 indique : « J'ai pu constater que mon mari a dû marcher et monter toutes les marches d'escalier sans aide matérielle puis suite à l'effort intense et violent a fait un malaise et perdu connaissance sans être protégé du froid ».

Cette « attestation » ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile, et ne comporte pas de justificatif d'identité ; cette pièce pourra cependant être prise en compte à titre d'élément d'information, étant souligné qu'il n'est pas soutenu qu'il s'agirait d'un faux témoignage, ou n'émanant pas de sa signataire.

Dans son attestation (pièce 5) M. [V] [C] indique : « (') J'avais lors de ce transport proposé d'utiliser la chaise portoir pour le déplacement de Mr [I] de notre ambulance à son domicile . Mr [E] (') a refusé ma proposition et a préféré faire marcher Mr[I] dans le froid, malgré la distance et les nombreuses marches (...) »

Dans son attestation du 09 novembre 2020 (pièce 6) le Docteur [P] indique avoir été informé par la famille « de l'attitude irresponsable des ambulanciers qui ont ramené M.[D] [I] » et précise que ce dernier « ne doit ABSOLUMENT PAS marcher. »

La prescription médicale de transport (PMT) (pièce 7) indique, à la rubrique « quel mode de transport prescrivez-vous au regard de l'état de santé et d'autonomie de votre patient ' » :

-transport en ambulance justifié par la nécessité :

x d'être en position allongée ou demi-assise

x d'un brancardage ou d'un portage.

Cette PMT a été établie par le centre hospitalier de [Localité 5].

Il convient cependant de constater que, comme le fait valoir M. [R] [E], M.[V] [C] ne donne pas exactement les mêmes informations aux gendarmes, quand il est entendu après le dépôt de plainte de la belle-fille du patient (pièce 17 de l'appelant) puisqu'il indique que, après avoir proposé la chaise, M. [R] [E] lui a répondu que « c'était bon puisque monsieur [I] voulait marcher jusqu'à chez lui » ; à la question des Gendarmes « Etiez-vous informés que monsieur [I] ne devait pas marcher lorsque vous l'avez accompagné à son domicile ' », M. [C] répond par la négative.

Il convient également de noter qu'il précise aux gendarmes que M. [I] était couvert d'un pull, tel qu'il l'était à sa prise en charge à l'hôpital, et que M. [I] n'a pas voulu de la couverture qui le couvrait dans l'ambulance, car cette couverture glissait (matière de type K-way).

Il convient également de noter que la PMT précitée, si elle prévoit le portage, n'indique pas que M. [I] ne devait pas marcher.

Il n'est pas contesté que les équipes du centre hospitalier n'ont pas indiquées que M. [I] ne devait pas marcher.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, aucun des deux griefs articulés à l'encontre de M. [R] [E] n'est établi, M. [I] ayant refusé la couverture, et étant couvert autant qu'à sa prise en charge par M. [R] [E] à l'hôpital, et M. [I] ayant demandé à marcher jusqu'à la porte de son domicile, alors que les ambulanciers n'avaient pas reçu d'information interdisant la marche.

En l'absence de grief établi, le licenciement est sans cause.

- sur l'allégation de nullité du licenciement

M. [R] [E] prétend que le véritable motif de son licenciement est la dénonciation de sa part de pratiques de l'employeur discriminatoires ou interdites.

Aux termes des dispositions de l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination» ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1o et 2o de l'article 6-1 de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [R] [E] renvoie à ses pièces :

- 22, compte-rendu de son entretien annuel du 26 octobre 2021

- 23, analyse et conclusions de l'audit

- 24, organigramme post audit

- 25, attestation de M. [N] [J]

M. [R] [E], comme exposé plus haut, fait valoir la concomitance entre sa dénonciation et la procédure de licenciement.

La pièce 22, établie sur une feuille sans en-tête, et intitulée « Entretien annuel et audit SARL MEDIC AMBULANCE 26 novembre 2020 », non signée, fait état notamment de souhaits, comme la mise en place de représentants du personnel, et de critiques, comme des « discriminations sur les conditions de travail », sans plus de précisions.

La pièce 23 est un document daté du 30 octobre 2020, à l'en-tête de l'entreprise, intitulé AUDIT N° ' RESUTATS ANALYSE CONCLUSION, dont il ressort un certain nombre de critiques sur la communication en interne, la diffusion des plannings etc.

La pièce 24 est l'organigramme de la société ; il convient de noter que parmi les critiques issues de l'audit figuraient l'absence d'organigramme et d'identification des responsables et de leurs fonctions.

La pièce 25 est l'attestation de M. [N] [J], ancien salarié de la société TANGUY MEDIC AMBULANCE, qui, comme l'indique M. [R] [E] dans ses écritures, précise avoir été surpris du fait que M. [R] [E] disparaisse des plannings de décembre avant le 20 novembre, et affirme qu'il exigeait l'organisation d'une représentation élue du personnel et le respect de l'accord cadre ambulancier.

Les éléments présentés par M. [R] [E], pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer que le licenciement aurait été motivé par le fait qu'il a pu réclamer la mise en place d'élections professionnelles et le respect de l'accord cadre applicable, la seule concomitance entre l'entretien du 26 octobre 2021 et le licenciement n'étant pas suffisante.

Dans ces conditions, M. [R] [E] sera débouté de sa demande de voir déclarer nul son licenciement.

Le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application des articles L1234-5, L1234-9, et L1235-3 du code du travail, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement, et une indemnité pour licenciement sans cause réelle ét sérieuse.

S'il a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, il est également en droit de réclamer un rappel de salaire sur cette période.

La société TANGUY MEDIC AMBULANCE ne contestant pas à titre subsidiaire le quantum des demandes, il y sera fait droit.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant à l'instance, la société TANGUY MEDIC AMBULANCE sera condamnée à payer à M. [R] [E] 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; elle sera également condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nancy le 28 décembre 2022 ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [R] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société TANGUY MEDIC AMBULANCE à payer à M. [R] [E]:

- 3 827,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 382,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 116,44 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 942,48 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- 94,25 euros au titre des congés payés afférents,

- 6 698,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Condamne la société TANGUY MEDIC AMBULANCE à payer à M. [R] [E] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société TANGUY MEDIC AMBULANCE aux dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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