CA Montpellier, 2e ch., 21 juin 2011, n° 10/05236
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
S'MOTES DIFFUSION (SARL)
Défendeur :
GOYET (épouse)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BACHASSON
Conseillers :
M. CHASSERY, M. PROUZAT
Avoués :
SCP Jean-Louis SALVIGNOL - Chantal SALVIGNOL GUILHEM, SCP JOUGLA Jean-Pierre - JOUGLA Sarra
Avocats :
Me ARAN, Cabinet BECQUE - MONESTIER DAHAN
M. Saucey est l'auteur de dessins et de figurines dénommés « les S' Motes » qui constituent la base de moules en élastomère servant à former des figurines en plâtre qui sont ensuite peintes, vernies et placées dans un cadre en bois sur fond de couleur noire ; ces S' Motes ont fait l'objet d'un dépôt de modèle le 30 juin 2000 publié au BOPI le 29 septembre 2000, d'un dépôt de marque semi-figurative le 30 juin 2000, par ailleurs quatre enveloppes Soleau intégrant ces figurines ont été déposées à l'INPI ; le 5 mars 2004 M. Saucey a cédé à M. Rame les droits de propriété intellectuelle et les droits d'auteur dont il était titulaire sur les S' Motes ; le 1er avril 2004, M. Rame a constitué une EURL dénommée « S' Motes diffusion » à laquelle il a cédé le 16 avril 2004 une licence des droits d'exploitation relative au modèle déposé le 30 juin 2000, à la marque semi-figurative déposée le 30 juin 2000 et aux quatre enveloppes Soleau susvisées ; cette licence a été enregistrée le 14 décembre 2004 ; la société S' Motes diffusion fabrique et commercialise les S' Motes tant par ses propres salariés que par l'intermédiaire de revendeurs indépendants.
Constatant que depuis plusieurs mois, elle était confrontée à la vente sous différentes appellations telles que « kartonage , nos petits-enfants ou encore portraits de famille » de figurines en tous points identiques aux S' Motes , la société S' Motes diffusion a fait procéder le 23 décembre 2004 à une saisie contrefaçon dans le stand tenu au marché de Noël, [...]
par Mme Katia Campos de Souza épouse Goyet, qu'elle a assignée devant le tribunal de grande instance de Perpignan qui, par jugement mixte du 6 mars 2007, a déclaré recevable l'action intentée par la société S' Motes diffusion, a décidé que Mme Goyet avait commis des actes de contrefaçon, lui a fait interdiction de mettre en vente, utiliser, détenir ainsi au besoin que de fabriquer des figurines semblables à celles saisies le 24 décembre 2004, a ordonné la confiscation en vue de leur destruction de tout modèle reproduisant les caractéristiques des modèles déposés à l'INPI le 30 juin 2000 et, avant dire droit sur la réparation du préjudice, a ordonné une expertise et condamné Mme Goyet à verser la somme de 15'000 € à titre de provision ;
statuant en lecture du rapport le 11 février 2010 , le tribunal de Perpignan a fixé à 12'000 € le montant du préjudice subi par la société S' Motes diffusion, déduction à faire du montant de la provision si elle avait été effectivement versée.
La société S' Motes diffusion a relevé appel de cette décision ; considérant au vu de l'ampleur des actes de contrefaçon qu'elle avait subi un préjudice plus important que celui fixé par le jugement attaqué, la société S' Motes diffusion demande à la cour de le réformer, de débouter Madame Goyet de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui verser les sommes de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour la contrefaçon, de 5 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP SALVIGNOL-GUILHEM (conclusions du 12 mai 2011).
Mme Goyet répond qu'elle ne poursuit pas la commercialisation des produits en cause ni directement ni par l'intermédiaire de Madame Allard-Maia, qu'elle ne tenait pas de comptabilité suivie, qu'elle n'a pas pu communiquer à l'expert Boulet les quelques documents comptables qu'elle avait établis dans la mesure où ils n'étaient pas en sa possession à la date de l'expertise, qu'enfin la société S' Motes diffusion ne prouve nullement le préjudice qu'elle allègue ; Mme Goyet demande à la cour de dire et juger que la société S' Motes diffusion ne justifie d'aucun préjudice, en conséquence de la débouter de toutes ses prétentions et d'ordonner le remboursement en deniers ou quittances des sommes qu'elle a indûment perçues, de réformer la décision attaquée en ce qu'elle a accordé à l'appelante la somme de 2 500 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile et de la condamner reconventionnellement à lui verser 2 000 € au titre de ce même article ainsi qu'à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, droit de recouvrement direct pour la SCP JOUGLA (écritures du 6 mai 2011).
SUR QUOI
Attendu que le 25 novembre 2008, cette cour a confirmé la décision rendue le 6 mars 2007 par le tribunal de grande instance de Perpignan qui avait jugé que Mme Goyet avait commis des actes de contrefaçon des modèles déposés à l'INPI le 30 juin 2000 sous le n° 595 465 0595 469 ; que par le jugement dont appel, ce même tribunal statuant au vu du rapport de M. Boulet a fixé à 12'000 € le montant du préjudice subi par la société S' Motes diffusion du fait des agissements de Mme Goyet, montant que cette société considère comme insuffisant.
Attendu que pour fixer les dommages intérêts, la juridiction doit prendre en considération les conséquences économiques négatives subies par la partie lésée, dont le manque à gagner, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte ( art. L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle ).
Attendu que la société S' Motes diffusion ne peut demander réparation pour le préjudice né des actes de contrefaçon commis par Madame Goyet qu'à partir du 16 avril 2004 date à laquelle cette société a acquis la licence des droits d'exploitation relative au modèle déposé le 30 juin 2000.
Attendu que la cour ne peut trouver dans le rapport d'expertise aucun élément de fait utile pour déterminer le montant du préjudice subi par la société S' Motes diffusion puisque l'expert a déposé son rapport sans faire état d'aucun élément chiffré.
Attendu que l'huissier instrumentaire procédant à la saisie-contrefaçon le 23 décembre 2004 sur le marché de Noël à Toulouse a constaté que plusieurs milliers de figurines étaient proposées à la vente ou entreposées dans le stand de Mme Goyet qui lui a déclaré qu'elle en fabriquait environ 10'000 par saison. Attendu que la société S' Motes diffusion n'a subi de préjudice commercial que dans la mesure où dans sa zone de chalandise sa clientèle potentielle s'est reportée sur le stand tenu par Madame Goyet ; qu'il s'agit donc d'une perte de chance qui ne saurait être évaluée au montant total des ventes effectuées par Mme Goyet.
Attendu
que la société S' Motes diffusion et Mme Goyet étaient toutes deux présentes sur le marché de Noël à Toulouse ; que la société S' Motes diffusion ne démontre pas qu'elle était en concurrence directe avec Mme Goyet sur d'autres marchés notamment à Argelès-sur-Mer (66) où Mme Goyet commerçait pendant 90 jours par an tandis qu'elle passait 20 jours au marché de Noël à Toulouse ;
que pour tenir compte du caractère plus favorable à l'achat de « figurines de famille » pendant les fêtes de fin d'année que pendant la saison estivale en bord de mer, il y a lieu de considérer que les agissements de Mme Goyet ont fait perdre à la société S' Motes diffusion la possibilité de vendre 2 500 figurines par marché de Noël auquel elle a participé ;
qu'eu égard au prix de vente moyen d'une figurine (10 €) et au taux de marge nette dégagée par la société appelante (60 %), le préjudice annuel subi par la société S' Motes diffusion s'élève à 15'000 € par an ;
que Mme Goyet ayant déclaré des revenus provenant de son activité artistique pour les années 2004 et 2005, c'est une somme de 30'000 € qui sera accordée à l'appelante pour son préjudice commercial ;
que lors de la réunion du 28 avril 2008, Mlle Covaert -secrétaire de la société S' Motes diffusion a déclaré à l'expert ( cf . page 16 du rapport) que la société n'avait pas à sa connaissance subi de préjudice d'image ;
que le montant du préjudice subi par la société S' Motes diffusion du fait des agissements de Mme Gaulier s'établit donc à 30'000 €.
Attendu que la société S' Motes diffusion a dû pour défendre ses intérêts exposer des frais non compris dans les dépens de première instance et d'appel ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il lui a accordé la somme de 2 500 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ; qu'une somme supplémentaire de 1 500 € lui sera allouée en cause d'appel par application de ce même texte. Attendu que Mme Goyet ne sollicite pas de dommages-intérêts en cause d'appel ; que succombant en ses prétentions de première instance et d'appel, elle sera déboutée des demandes qu'elle présente au titre de l' article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP SALVIGNOL-GUILHEM.
PAR CES MOTIFS , LA COUR
Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Mme Goyet à verser à la société S' Motes diffusion la somme de 2 500 € par application de l' article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise.
Le réforme pour le surplus.
Statuant à nouveau
- Fixe à 30'000 € le montant du préjudice subi par la société S' Motes diffusion du fait des agissements de Mme Goyet. - Condamne Mme Goyet à verser cette somme à la société S' Motes diffusion déduction à faire de la provision de 15'000 € si elle a été effectivement versée. - Condamne Mme Goyet à verser à la société S' Motes diffusion la somme supplémentaire de 1 500 € sur la base de l' article 700 du code de procédure civile . - Déboute Mme Goyet de ses réclamations formulées au titre de l' article 700 du code de procédure civile . - Condamne Mme Goyet aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de l'avoué de son adversaire.