Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 2 mars 2011, n° 09/13920

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

GREEN TECH INDUSTRIES (SAS)

Défendeur :

PEUGEOT MOTOCYLES (S.A)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. PIMOULLE

Conseillers :

Mme CHOKRON, Mme GABER

Avoués :

Me HUYGHE, SCP OUDINOT-FLAURAUD

Avocats :

Me CHARMET, Me ROUSSEAU, Me REGNIER

TC Paris, du 15 mai 2009

15 mai 2009

Considérant que la société Peugeot Motocycles, se présentant comme titulaire de droits patrimoniaux d'auteur sur la forme d'un scooter divulgué le 30 septembre 2005 sous la marque « Peugeot Geopolis », estimant que le scooter importé et commercialisé en France par la société Green Tech Industries sous la marque « Revatto Loop » imitait la ligne, l'aspect et les caractéristiques ornementales essentielles de son modèle Geopolis , a fait procéder à une saisie contrefaçon puis a assigné cette société notamment sur le fondement de la contrefaçon de ses droits d'auteur ;

Que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant rejeté l'exception d'irrecevabilité opposée par la société Green Tech Industries à la société Peugeot Motocycles en retenant que le scooter Geopolis était original dans sa forme et se distinguait en tout cas du modèle antérieur Piaggo Beverly, et retenu que la comparaison des scooters Geopolis et Revatto Loop mettait en évidence une ressemblance générale manifeste susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur moyen, a condamné la société Green Tech Industries à payer des dommages-intérêts à la société Peugeot Motocycles et prononcé diverses autres mesures réparatrices ;

Considérant que la société Green Tech Industries, pour conclure à l'infirmation du jugement entrepris, reprend pour l'essentiel devant la cour les mêmes exception d'irrecevabilité et défense au fond que ceux développés devant le tribunal, tandis que la société Peugeot Motocycles conclut à la confirmation du jugement sauf à voir augmenter le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués ;

Considérant
que l'examen, auquel s'est livré la cour, de l'ensemble des documents photographiques versés au débat, à la lumière des explications des parties, permet de vérifier que c'est par une juste appréciation des éléments de la cause et par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le tribunal a relevé que, pour un utilisateur d'attention moyenne, la comparaison de l'aspect de la face avant des scooters Beverly de Piaggo et Geopolis de Peugeot Motocycles laissait apparaître une différence déterminante tenant notamment à la forme particulière au modèle Peugeot des optiques en forme d'éclair ;
qu'il peut être ajouté que, le scooter Geopolis est nettement plus effilé que son devancier, aux formes plus rebondies, et présente un profil longitudinal dessinant, par le contraste des matériaux mat et brillant, une ligne générale brisée qui prolonge et souligne sur l'ensemble du véhicule l'impression d'agressivité déterminée par la forme en éclair des optiques ; que ces caractéristiques de formes ne se retrouvent pas sur le modèle Beverly mais sont propres au modèle Geopolis , lequel, comme l'a retenu le tribunal, est en conséquence accessible à la protection légale dont bénéficient les créations de l'esprit ;

Considérant, par ailleurs, que le même examen conduit à observer, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, que ces mêmes éléments précédemment décrits qui constituent l'originalité de la forme du scooter Geopolis de la société Peugeot Motocycles se retrouvent quasiment à l'identique dans le modèle Revatto Loop, lequel reprend la même inspiration d'une forme générale traduisant l'agressivité par le caractère anguleux de la ligne brisée du profil, mise en évidence par l'opposition des matériaux venant souligner et prolonger la forme en éclair des optiques avant ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu à la charge de la société Green Tech Industries les actes de contrefaçon allégués par la société Peugeot Motocycles ;

Considérant, en revanche, que les premiers juges n'ont pas évalué à sa juste mesure le préjudice subi par la société Peugeot Motocycles ;

Considérant que l' article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : « Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte. » ;
Considérant, en l'espèce, que la société Peugeot Motocycles fait valoir que son préjudice est constitué, d'une part, par le manque à gagner qu'elle a subi du fait des ventes effectuées par la société Green Tech Industries, étant précisé qu'il n'est pas contesté que le nombre de scooters Revatto Loop vendus s'est élevé à 19 exemplaires, d'autre part et surtout par la mise sur le marché de scooters imitant la ligne et le style de son scooter Geopolis à un prix presque deux fois moins élevé, le préjudice d'image étant d'autant plus important que la promotion et la diffusion du modèle litigieux a été assurée par une chaîne de magasins généralistes de grande surface, contribuant ainsi à la dévalorisation et la banalisation de ces modèles ;

Considérant que ces éléments conduisent la cour à réformer le jugement entrepris quant au montant des dommages-intérêts alloués qui sera porté à 50.000 euros comme le réclame à juste titre la société Peugeot Motocycles ; Considérant, pour le surplus des mesures réparatrices d'interdiction, de confiscation et de publication, que le jugement entrepris sera confirmé, sauf à dire que les publications ordonnées feront mention de l'arrêt ; * * PAR CES MOTIFS : CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à la société Peugeot Motocycles, Le RÉFORMANT et STATUANT à nouveau de ce seul chef, CONDAMNE la société Green Tech Industries à payer à la société Peugeot Motocycles 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, Y AJOUTANT, DIT que les publications ordonnées par le tribunal feront mention de l'arrêt, CONDAMNE la société Green Tech Industries aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l' article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Peugeot Motocycles 10.000 euros par application de l' article 700 du code de procédure civile .