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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 19 mai 2022, n° 20/02925

DOUAI

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bolteau-Serre

Conseillers :

Mme Tuffreau, M Le Pouliquen

CA Douai n° 20/02925

18 mai 2022

La société Champagne Pierre P. exploite un vignoble de champagne.

A la suite du salon Sitevi (salon international des filières vigne-vin, fruits-légumes et oléiculture) de novembre 2013, elle a sollicité le 11 décembre 2013 M. Philippe M., gérant de la société Menuiserie d'art Philippe M., afin qu'il lui adresse un projet de table de dégustation.

M. Philippe M. a adressé à la société Champagne Pierre P., par message, un devis daté du 2 janvier 2014 d'un montant de 10 380 Euros TTC correspondant à la réalisation d'une telle table de dégustation, susceptible d'être fixée dans le caniveau du chais ou mobile, au moyen de roulettes.

La société Champagne Pierre P. n'a pas donné suite à cette proposition et a fait réaliser une table par une autre entreprise de menuiserie, la société Kieffer

M. Philippe M. s'en est aperçu en fin d'année 2017 en consultant les publications

mises en ligne sur le compte lnstagram de ladite société.

Une lettre de mise en demeure datée du 12 décembre 2017 adressée à la société Champagne Pierre P. d'avoir à détruire la table, retirer les photographies en ligne litigieuses, et indemniser le préjudice de la société Menuiserie d'art Philippe M., ainsi que deux lettres de relances datées des 2 et 17 janvier 2018, sont demeurées vaines.

Par acte du 6 novembre 2018, la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. ont fait assigner la société Champagne Pierre P. devant le tribunal de grande instance de Lille en contrefaçon des droits d'auteur cédés par M. Philippe M. à sa société.

Une mesure de médiation proposée par le juge de la mise en état a été acceptée par la société défenderesse, mais refusée par les demandeurs au motif que leurs tentatives préalables de résolution amiable du litige étaient demeurées vaines.

Par jugement en date du 25 février 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- déclaré la société Menuiserie d'art Philippe M. recevable à agir ;

- dit que la table de dégustation de vins qui figure en page 5 de l'assignation est une œuvre originale de Philippe M. ;

- dit que la société Menuiserie d'art Philippe M. est titulaire de droits d'auteur sur ladite table ;

- dit que la société Champagne Pierre P. a contrefait la table de dégustation de vins créée par Philippe M. qui figure en page 5 de l'assignation dont la société Menuiserie d'art Philippe M. est cessionnaire et titulaire des droits d'exploitation ;

- condamné la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice financier ;

- ordonné à la société Champagne Pierre P. de procéder à la destruction de la table de dégustation contrefaisante, à charge pour elle d'en justifier par tout moyen auprès de la société Menuiserie d'art Philippe M., dans le délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que passé ce délai de 1 mois, à défaut de preuve de la destruction de la table litigieuse, la société Champagne Pierre P. sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard pendant 5 mois ;

- ordonné à la société Champagne Pierre P. de procéder au retrait des photographies de la table de dégustation contrefaisante publiées sur son compte lnstagram, dans le délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que passé ce délai de 1 mois, à défaut de retrait de la totalité des photographies litigieuses, la société Champagne Pierre P. sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation desdites astreintes ;

- débouté la société Menuiserie d'art Philippe M. du surplus de ses demandes ;

- constaté que le tribunal n'est saisi d'aucune demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens par elle exposés ;

- condamné la société Champagne Pierre P. aux entiers dépens de l'instance ;

- rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.

Par déclaration en date du 27 juillet 2020, la société Champagne Pierre P. a interjeté appel de la décision.

Par conclusions en date du 10 janvier 2022 , la société Champagne Pierre P. demande à la cour au visa des articles 122 du code de procédure civile1353 du code civil, L. 111-1, L. 113-l et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, de :

- infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 25 février 2020 en ce qu'il a énoncé :

- déclare la société Menuiserie d'art Philippe M. recevable à agir ;

- dit que la table de dégustation de vins revendiquée par la société Menuiserie d'art Philippe M. est une oeuvre originale de Philippe M. ;

- dit que la société Menuiserie d'art Philippe M. est titulaire de droits d'auteur sur ladite table ;

- dit que la société Champagne Pierre P. a contrefait la table de dégustation de vins créée par Philippe M. dont la société Menuiserie d'art Philippe M. est cessionnaire et titulaire des droits d'exploitation ;

- condamne la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice financier ;

- ordonne à la société Champagne Pierre P. de procéder à la destruction de la table de dégustation contrefaisante, à charge pour elle d'en justifier par tout moyen auprès de la société Menuiserie d'art Philippe M., dans le délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que passé ce délai de 1 mois, à défaut de preuve de la destruction de la table litigieuse, la société Champagne Pierre P. sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 100 euros par jour de retard pendant 5 mois

- ordonne à la société Champagne Pierre P. de procéder au retrait des photographies de la table de dégustation contrefaisante publiées sur son compte Instagram, dans le délai de 1 mois à compter de la signification du présent jugement ;

- dit que passé ce délai de 1 mois, à défaut de retrait de la totalité des photographies litigieuses, la société Champagne Pierre P. sera tenue au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 50 euros par jour de retard pendant 3 mois ;

- dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation desdites astreintes ;

- condamne la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens par elle exposés ;

- condamne la société Champagne Pierre P. aux entiers dépens de l'instance ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- rejette toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, de la société.

Et statuant à nouveau :

-dire et juger et déclarer la société Menuiserie d'art Philippe M. irrecevable à agir en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur en l'absence de droit d'auteur sur la table revendiquée,

- constater, dire et juger que la table de dégustation revendiquée par la société Menuiserie d'art Philippe M. ne bénéficie d'aucune protection au titre du droit d'auteur,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leurs demandes au titre de la contrefaçon des droits d'auteur,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de destruction de la table de dégustation de vins installée au sein des locaux de la société Champagne Pierre P.,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de confirmation du jugement au titre des astreintes prononcées sur la destruction de la table de dégustation de vins installée au sein des locaux de la société Champagne Pierre P. et l'enlèvement des photographies ayant renoncé à se prévaloir de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Lille par protocole d'accord du 5 Août 2020,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de retrait des photographies de la table de dégustation de vins publiées sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre de préjudice financier ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice économique ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice moral ;

A titre subsidiaire :

- dire et juger que la société Champagne Pierre P. ne s'est rendue coupable d'aucun acte de contrefaçon de droit d'auteur,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de sa demande en contrefaçon des droits d'auteur,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de destruction de la table de dégustation de vins installée au sein des locaux de la société Champagne Pierre P. ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de retrait des photographies de la table de dégustation de vins publiées sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre de préjudice financier ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice économique ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice moral,

A titre très subsidiaire :

- dire et juger que la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. ne démontrent pas la réalité et l'étendue du préjudice qu'ils invoquent,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de sa demande en contrefaçon des droits d'auteur,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de destruction de la table de dégustation de vins installée au sein des locaux de la société Champagne Pierre P. ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et Philippe M. de leur demande de retrait des photographies de la table de dégustation de vins publiées sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre de préjudice financier ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice économique ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande en indemnisation au titre du préjudice moral,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

Réduire à un euro symbolique le montant des dommages-intérêts alloués è la société Menuiserie d'art Philippe M.;

En tout état de cause :

- confirmer pour le surplus, le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 25 février 2020

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur appel incident comme de sa (sic) demande de condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

- débouter la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande de publication d'une partie significative de la décision à intervenir sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. et dans une revue au choix de la société La Menuiserie d'art Philippe M. ;

- condamner in solidum la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. à payer à la société Champagne Pierre P. la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel

- condamner in solidum la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. aux entiers dépens avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 14 janvier 2022 , M. Philippe M. et la société Menuiserie d'art Philippe M. demandent à la cour au visa des articles L.111-1, L.122-2 et L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, de :

- dire et juger Philippe M. et la Menuiserie d'art Philippe M. recevables et bien fondés ;

- recevoir l'appel incident de Philippe M. et de la Menuiserie d'art Philippe M. ;

Confirmant le jugement :

- dire et juger que la table de dégustation de vins est une œuvre originale de Philippe M. ;

- dire et juger que la société Menuiserie d'art Philippe M. est titulaire de droits d'auteur sur la table de dégustation de vins ;

- dire et juger que la société Champagne Pierre P. se livre à des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société Menuiserie d'art Philippe M. en représentant l'œuvre de cette dernière ;

En consequence,

- ordonner sous astreinte de cent (100) euros par jour de retard pendant 5 mois la destruction de la table de dégustation de vins contrefaite installée au sein des locaux de la société Champagne Pierre P. ;

- ordonner sous astreinte de cinquante (50) euros par jour de retard pendant 3 mois le retrait des photographies de la table de dégustation de vins contrefaite publiées sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. ;

- condamner la société Champagne Pierre P. aux entiers dépens ;

Infirmant le jugement frappé d'appel pour le surplus :

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société La Menuiserie d'art Philippe M. la somme de sept mille deux cents (7 200) euros au titre du préjudice financier ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société La Menuiserie d'art Philippe M. la somme de quatre mille (4 000) euros au titre du préjudice économique ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à M. Philippe M. la somme de deux mille con cents (2 500) euros au titre du préjudice moral ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société La Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. la somme de cinq mille (5 000) euros au titre de la résistance abusive ;

- dire et juger que la cour d'appel de Douai se réserve le pouvoir de liquider les astreintes ;

- ordonner la publication d'une partie significative de la décision à intervenir sur le compte Instagram de la société Champagne Pierre P. et dans une revue au choix de la société La Menuiserie d'art Philippe M. à hauteur de 5 000 euros à la charge de la défenderesse ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société La Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société La Menuiserie d'art Philippe M. et à M. Philippe M. la somme de dix mille (10 000) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. la somme de mille cinq cent (1 500) euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens par elle exposés.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2022 .

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- sur la recevabilité de l'action engagée par la société Menuiserie d'art Philippe M.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, notamment pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt.

L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que 'l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code [...].'

Enfin, selon l'article L.113-1 dudit code, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.

La société Champagne Pierre P. soutient que la société Menuiserie d'art Philippe M. n'est pas recevable à agir car elle n'est titulaire d'aucun droit propre ou cédé. En outre, l'appelante revendique elle-même cette qualité.

Par des motifs que la cour adopte, le premier juge a considéré qu'il résultait notamment d'un message du 11 décembre 2013 que la société Champagne Pierre P. a pris l'initiative de contacter la société Menuiserie d'art Philippe M. afin de lui commander la réalisation d'une table de dégustation sur la base de l'un des modèles exposés lors du dernier salon Sitevi avec un renvoi à une photographie jointe au message (pièce  3 intimés) représentant une table identique à la table présentée lors dudit salon (pièce  2-4 intimés), la photographie mentionnant le nom du stand 'Philippe M. [...] menuiserie.'

Le tribunal a, à bon droit, jugé que ce message confirmait les dires de la société Menuiserie d'art Philippe M. contenus dans l'acte introductif d'instance selon lesquels Philippe M. avait conçu la table de dégustation durant l'été 2013 et présenté celle-ci au salon Sitevi de novembre 2013, que la société Champagne Pierre P., intéressée par la table présentée au salon, avait par la suite en décembre 2013 pris l'attache de Philippe M. aux fins d'acquisition de la table avec des pieds ou des roulettes afin d'aménager sa cave.

Les intimés produisent comme en premier instance des pièces étayant leur argumentation, notamment :

- un croquis daté du 11 août 2013 signé 'M.' (pièce  1 intimés), montrant une ébauche annotée d'une table similaire à celle figurant dans le message de la société Champagne Pierre P. du 11 décembre 2013, mais dotée de 5 crachoirs au lieu de 3 ;

- des plans cotés de la table figurant au croquis et à la photographie insérée au message du 11 décembre 2013 et correspondant à la photographie de la table exposée au salon Sitevi (pièce  2-4 intimés), avec trois crachoirs, les plans étant réalisés au moyen d'un logiciel et datés du 12 septembre 2013 (pièce  2-3 intimés).

Le tribunal a, à juste titre, considéré que l'ensemble de ces éléments établissait la réalité de la création et de la divulgation de l'oeuvre revendiquée fin novembre 2013, date à laquelle s'était tenu le salon Sitevi.

En appel comme en première instance, la société Champagne Pierre P. fait valoir que la cession des droits d'auteur au bénéfice de la société Menuiserie d'art Philippe M. n'est pas démontrée.

Cependant, seul l'auteur peut contester la portée de la cession ou de la licence de ses droits octroyés au cessionnaire.

Le tribunal a ainsi considéré que la société Menuiserie d'art Philippe M. ne revendiquait pas sa qualité d'auteur mais uniquement celle de cessionnaire de droits d'auteur exposant que M. Philippe M., créateur de la table lui avait cédé ses droits, ce dernier ne formulant aucune demande à titre personnel et rejoignant la société Menuiserie d'art Philippe M. en ses explications par des conclusions communes.

Il a, de même, constaté que la transmission du devis à la société Champagne Pierre P. était signé du nom de M. M. au dessus du logo de sa société, le plan de la table joint au devis mentionnant 'Champagne P.-Plans: menuiserie d'art M.- table de dégustation mobile' et jugé à bon droit qu'au vu de ces éléments, la preuve était suffisamment rapportée que la société Menuiserie d'art Philippe M. portant le nom de son gérant, exploitait un ouvrage de menuiserie conçu par ce dernier.

Enfin, au soutien de son moyen d'irrecevabilité, la société Champagne Pierre P. revendique sa qualité d'auteur sur la table au motif que la table dont elle a passé commande à la société Kieffer, a été réalisée suivant les instructions et choix personnels de l'appelante et n'est pas une copie de la table créée par M. M..

Ce moyen relève du débat au fond de la demande de contrefaçon et non pas d'une fin de non-recevoir.

La qualité d'auteur alléguée de la société Champagne Pierre P. sera donc examinée au paragraphe II ci-dessous.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la société Menuiserie d'art Philippe M. en son action.

II- sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur

En application des articles L.112 et L. 112-2 10° du code de la propriété intellectuelle, sont protégés les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit dont les arts appliqués.

Un modèle de mobilier constitue une oeuvre protégeable à titre d'oeuvre des arts appliqués.

L'article L.122-3 dudit code dispose que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. Elle peut s'effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. Pour les oeuvres d'architecture, la reproduction consiste également dans l'exécution répétée d'un plan ou d'un projet type.

Aux termes de l'article L.122-4 du même code, 'toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite[...]'.

Selon le 1er alinéa de l'article L.335-3 du même code 'est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi.'

L'appelante soutient d'une part que les intimés ont donné leur autorisation tacite car ils étaient informés de la volonté de la société Champagne Pierre P. de faire réaliser la table par un autre fabricant, d'autre part que la table litigieuse ne présentait aucun caractère original et enfin que la table fabriquée par la société Kieffer est une oeuvre nouvelle qui ne contrefait pas la table revendiquée par les intimés.

Ces derniers font valoir que l'originalité de l'oeuvre résulte de particularités tenant à la présence d'une partie inférieure en chêne en forme de U, un plateau blanc en verre agrémenté de trois crachoirs en inox, un tube intermédiaire et une bague en inox polis miroir.

A-sur l'autorisation tacite

L'article L.122-4 précité suppose l'absence de consentement de l'auteur à la reproduction.

En l'espèce, l'absence de réponse au message adressé par la société Champagne Pierre P. à la société Menuiserie d'art Philippe M. le 25 mars 2014 (pièce  8 appelante), suite à la relance de cette dernière du 24 mars 2014 (pièce n°4-2 intimés) ne peut être interprétée comme une autorisation tacite donnée à l'appelante de faire fabriquer la table de dégustation créée par M.M., par un autre fabricant.

En effet, ledit message fait état d'une 'offre assez largement décalée par rapport à celle du fabricant de référence. Malgré le coût supplémentaire lié au port dans leur cas il y reste 10% d'écart. Dans la mesure où vous m'aviez indiqué ne pas pouvoir faire de contre-proposition tarifaire, je ne suis pas revenu vers vous.'

Il s'agit au mieux d'un rejet de la proposition de la société Champagne Pierre P. sur le modèle créé par M.M. pour un motif de coût mais non d'une autorisation tacite à utiliser ledit modèle pour le faire fabriquer par un tiers.

B- sur l'originalité de l'oeuvre

Une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu'elle reflète la personnalité de celui-ci. Tel est le cas si l'auteur a pu exprimer ses capacités créatrices lors de la réalisation de l'oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs.

Il est établi par les pièces produites par les intimés que M. M., artiste ébéniste renommé dans le domaine viticole, a développé un savoir-faire particulier dans la construction et l'aménagement de caves, la conception d'espaces de dégustations, de réception oenotouristique et de laboratoires d'oenologie (pièces  10).

La table de dégustation créée par M. M. présente une partie inférieure en chêne en forme de U, un plateau blanc en verre agrémenté de trois crachoirs en inox, un tube intermédiaire et une bague en inox polis miroir.

Un élément ayant une fonction technique peut prétendre à la protection du droit d'auteur lorsque son aspect esthétique n'est pas exclusivement dicté par sa fonction.

Tel est le cas de la forme particulière en U de la table créée par M. M. qui lui confère une apparence singulière la distinguant d'autres tables de dégustation présentées par l'appelante (pièces n°3 et 3 bis), qu'elles soient rondes autour d'un tonneau, ou rectangulaires avec un seul côté utilisable ou face à face, en position assise et non debout comme la table haute de M. M..

De même, comme le relève le tribunal, les modèles de table en U versées aux débats par l'appelante (pièces n°4) sont principalement des tables basses appelées 'coffee tables', aucun des modèles présentés n'étant une table de dégustation haute (station debout) avec des crachoirs, un tube intermédiaire et une bague en inox polis excentrés.

Le premier juge a considéré à juste titre que le choix de conférer à une table de dégustation dont la partie inférieure est en forme de U ne répond à aucun impératif technique ou fonctionnel mais apparait purement esthétique et arbitraire.

Le fait que la forme en U soit connue antérieurement, à supposer établie l'antériorité, est indifférent, s'agissant d'identifier l'originalité de l'oeuvre et non sa nouveauté.

Le tribunal a ainsi jugé, par des motifs que la cour adopte, que le modèle créé par M. M. rajeunissait le concept fonctionnel de la table de dégustation même modernisée par l'usage de matériaux tels que l'inox et le verre associés au bois et portait en cela l'empreinte de la personnalité de son auteur.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

C- sur la contrefaçon

L'appelante soutient, au visa de l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle précité, que la reproduction illicite de la table n'est pas démontrée, la table fabriquée par la société Kieffer présentant des différences avec celle des intimés, notamment par le système de roulettes escamotables ou rétractables que cette dernière a ajouté, la table étant ainsi une oeuvre nouvelle pour laquelle l'appelante sollicite la protection des droits d'auteur.

Les intimés font valoir que la table fabriquée à la demande de l'appelante est une copie servile de leur création, que l'ajout de roulettes était prévu au devis de la société Menuiserie d'art Philippe M., ce qui constitue des adaptations purement fonctionnelles de la table de dégustation dictées par des contraintes techniques.

Il sera rappelé que la table arguée de contrefaçon a été fabriquée plusieurs mois (devis Kieffer avril 2014) après la création de M. M. dont l'appelante a eu connaissance dès fin novembre 2013, en sollicitant par message du 11 décembre 2013 un devis pour l'un des modèles exposés lors du salon Sitevi, le message présentant la photographie de la création de M. M. audit salon.

Aux termes du procès-verbal en date du 27 novembre 2017 de l'huissier mandaté par la société Menuiserie d'art Philippe M. pour recueillir les informations contenues sur Internet de Champagne Pierre P. et de la société Kieffer (pièce n°5), les deux sociétés présentent la table de dégustation fabriquée en tous points similaire à la création de M. M. : table haute (station debout), partie inférieure en bois clair en forme de U, trois crachoirs en inox, plateau blanc.

Comme le relève le tribunal, les roulettes ajoutées qui feraient de cette table une création nouvelle selon l'appelante, sont peu voire pas présentes sur les photographies de son site Instagram recueillies par l'huissier et encore moins sur le site de la société Kieffer.

Outre que ces roulettes étaient également prévues au devis de la société Menuiserie d'art Philippe M. de janvier 2014, elles ne modifient en rien l'apparence originale et dynamique de la table exclusivement liée aux choix créatifs, personnels et arbitraires de son auteur.

Quel que soit le système de roulettes adopté lequel n'est qu'un élément fonctionnel dont la société Champagne Pierre P. ne peut sérieusement se prévaloir pour alléguer des droits d'auteur sur la table fabriquée et l'existence d'une oeuvre nouvelle, est clairement établie la reproduction servile par la société Champagne Pierre P. de la table dans son ensemble : partie inférieure en bois clair en forme de U, plateau blanc avec trois crachoirs en inox, un tube intermédiaire en inox poli, comme le démontrent les écritures des intimés en présentant p.31 les photographies des deux tables côte à côte.

En conséquence, la contrefaçon de droits d'auteur est constituée au détriment de la société Menuiserie d'art Philippe M..

Le jugement sera confirmé en ce que le tribunal a dit que la société Champagne Pierre P. a contrefait la table de dégustation de vins créée par M. Philippe M. dont la société Menuiserie d'art Philippe M. est cessionnaire et titulaire des droits d'exploitation.

III- sur les préjudices

A-sur le préjudice financier

Les intimés ont formé appel incident sur le quantum alloué par le tribunal, estimant avoir subi un préjudice pour une perte de chance d'obtenir la commande du fait du comportement de la société Champagne Pierre P.. La marge que la société Menuiserie d'art Philippe M. aurait obtenue doit, selon les intimés, être majorée en raison de la reproduction illicite de l'oeuvre. La société intimée sollicite l'allocation de 7 200 euros au titre du préjudice financier.

L'appelante estime que la demande n'est pas fondée car elle a fait appel à la société Kieffer non pas en raison du prix trop élevé de la société Menuiserie d'art Philippe M. mais uniquement parce que celle-ci n'a pas été en mesure de lui proposer des solutions satisfaisantes pour rendre la table mobile de manière esthétique et de prévoir un système d'évacuation relié au caniveau.

Il est établi qu'en faisant réaliser une table identique à celle créée par M. M. dont la société Menuiserie d'art Philippe M. a acquis les droits d'exploitation, la société Champagne Pierre P. a privé cette dernière de sa marge sur la fabrication d'une telle table.

L'absence de commande de la société Champagne Pierre P. à la société Menuiserie d'art Philippe M. résulte, selon le message de la société Champagne Pierre P. à M. M. du 25 mars 2014 dont les termes sont rappelés ci-dessus [II-A], non pas de l'ajout par ce dernier de roulettes qualifiées par l'appelante de 'roulettes de supermarché' ou de l'absence de système d'évacuation, mais bien d'un problème tarifaire réel ou allégué.

Le message adressé à M. M. le 11 avril 2014 (pièce  2 appelante) que ce dernier affirme ne pas avoir reçu, faisant état de 'solutions techniques proposées pour rendre la table mobile (roulettes et système d'évacuation)' ne convenant pas à la Société Champagne Pierre P., est insuffisant pour justifier l'absence de commande après un précédent message alléguant un motif tarifaire. A la suite de ce message, la société Champagne Pierre P. ne démontre pas avoir tenté un rapprochement pour trouver 'des solutions techniques', faisant appel immédiatement à un autre menuisier plus proche géographiquement.

Outre que l'appelante se borne à produire un devis non accepté de la société Kieffer et non la facture définitive permettant de comparer les tarifs respectifs des deux fabricants - la société Menuiserie d'art Philippe M. ayant refusé selon le message du 25 mars 2014 de baisser son prix -, la différence de prix quel qu'en soit le montant, est bien le motif affiché à cette date pour ne pas donner suite au devis de la société Menuiserie d'art Philippe M. pour faire fabriquer la table par une autre société en violant les droits de la société Menuiserie d'art Philippe M..

Si la perte de chance de celle-ci est réelle comme le souligne le tribunal, une marge de 6 000 euros hors taxe à laquelle s'ajoutent 20 % de pénalité complémentaire, soit un total de 7 200 euros, et ce en l'absence de tout justificatif d'un tel montant, est anormalement élevée.

La société Menuiserie d'art Philippe M. fait valoir que si elle n'a pas engagé les coûts des matières premières en l'absence de commande, les autres prestations (conception, adaptation aux exigences du client, main d'oeuvre) ont bien été exécutées et auraient été facturées à la société Champagne Pierre P..

Au regard des éléments produits notamment les plans d'exécution de la table de dégustation, du travail de conception et d'adaptation selon les demandes de la société Champagne Pierre P. telles que figurant à son message du 11 décembre 2013, le préjudice financier sera justement évalué à la somme de 5 000 euros.

Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué .

La société Champagne Pierre P. sera condamnée à payer ladite somme à la société Menuiserie d'art Philippe M..

B- sur le préjudice économique

Les intimés ont formé appel incident de ce chef du jugement faisant valoir que depuis trente ans ils consacrent des investissements financiers et humains afin de proposer un mobilier original et de qualité dans le domaine viticole et que la représentation par la société Champagne Pierre P. du mobilier litigieux a banalisé leurs créations originales et participé à la dévalorisation de l'attractivité de leurs produits. Selon les intimés, chacun des projets donne lieu à une étude attentive et personnalisée, M. M. numérisant les lieux avec un scanner 3D, consacrant du temps à la discussion avec le vigneron et à s'imprégner des lieux. Les intimés indiquent également que leurs locaux couvrent 1300 m² et abritent une trentaine de machines, un centre d'usinage, une cabine de peinture, un atelier bois massif, un atelier fer et inox.

L'appelante fait valoir que les intimés n'apportent aucun élément de preuve des investissements, ni n'expliquent les modalités de calcul de l'indemnisation sollicitée.

Il résulte des éléments produits, notamment les réalisations de la société Menuiserie d'art Philippe M. (pièce  10) démontrant sa renommée dans le domaine viticole et les plans d'exécution de la table de septembre 2013, que la société Menuiserie d'art Philippe M. a effectivement investi dans un matériel informatique performant, réalisé un mobilier original, esthétique et de qualité, nécessitant des investissements importants.

Ces éléments démontrent suffisamment que le comportement de la société Champagne Pierre P. a causé un préjudice économique certain en banalisant une création originale, lequel préjudice sera justement évalué à 3 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La société Champagne Pierre P. sera condamnée au paiement de ladite somme à la société Menuiserie d'art Philippe M..

C- sur le préjudice moral

Le tribunal a débouté la société Menuiserie d'art Philippe M. de sa demande à ce titre. Celle-ci ne forme pas appel de ce chef du jugement dont la cour n'est donc pas saisie.

La société Menuiserie d'art Philippe M. détenant les droits d'auteur et d'exploitation, M. M. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral distinct de ceux réclamés par la société et auxquels il est fait droit partiellement.

M. M. sera débouté de sa demande à ce titre.

IV- sur les autres mesures de réparation des actes de contrefaçon

L'appelante fait valoir qu'en la condamnant à détruire la table litigieuse, le tribunal a prononcé contre elle une double sanction. Elle soutient qu'elle ne commercialise pas la table, qu'elle a en outre supprimé toutes les publications de celle-ci sur son site Internet, qu'un protocole d'accord a été régularisé entre les parties le 5 août 2020, les intimés renonçant à se prévaloir de l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal et à solliciter la liquidation de l'astreinte en contrepartie du désistement de la société Champagne Pierre P. de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.

Les intimés soutiennent au contraire que l'indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon et la destruction de l'objet contrefaisant ont des fondements juridiques différents, que la destruction de l'objet n'est pas une sanction de la commercialisation mais de la contrefaçon et que le protocole d'accord n'est pas applicable aux condamnations et/ou mesures qui pourraient être prononcées par la cour d'appel.

Le protocole d'accord signé entre les parties le 5 août 2020 ne porte effectivement que sur l'exécution provisoire ordonnée par le tribunal, la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. M. acceptant de renoncer à se prévaloir de cette exécution provisoire en contrepartie d'un désistement de la société Champagne Pierre P. de la procédure devant le premier président de la cour de céans en arrêt de l'exécution.

Ledit protocole prévoit expressément que la renonciation des intimés 'ne sera pas applicable aux condamnations et/ou mesures qui pourraient être prononcées par toute autre décision, par la cour d'appel de Douai (par confirmation du jugement ou dispositions spécifiques de l'arrêt à intervenir) ou si le jugement du février 2020 devenait définitif'.

En conséquence, l'appelante ne peut se prévaloir de cet accord pour affirmer que les demandes sont sans objet.

Aux termes du premier alinéa de l'article L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée[...]'

Cette sanction peut s'ajouter à celle de l'indemnisation du préjudice du fait des actes de contrefaçon prévue à l'article L.331-1-3 du même code.

Par des motifs que la cour adopte, le tribunal a considéré, qu'eu égard aux actes de contrefaçon, il convenait d'ordonner la destruction de la table de dégustation contrefaisante à charge pour la société Champagne Pierre P. d'en justifier par tout moyen auprès de la société Menuiserie d'art Philippe M. et ce, sous astreinte.

Le jugement sera confirmé de ce chef, le délai d'un mois pour procéder à la destruction commençant à compter de la signification du présent arrêt.

S'agissant des photographies de la table contrefaisante publiées sur son compte Instagram et son site Internet, la Société Champagne Pierre P. ne justifie pas de leur suppression laquelle à la supposer établie, n'est intervenue que postérieurement au jugement.

Ce dernier sera donc confirmé de ce chef, le délai d'un mois pour procéder à la suppression commençant à compter de la signification du présent arrêt.

Aucune circonstance du litige ne justifie que la cour se réserve la liquidation des astreintes.

Les intimés seront déboutés de leur demande à ce titre.

S'agissant de la demande de publication de la décision sur le compte Instagram dont la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. M. ont été déboutés en première instance, elle figure au dispositif des conclusions, mais ne fait l'objet d'aucune motivation.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de cette demande.

V- sur les dommages-intérêts pour résistance abusive

Le tribunal a considéré qu'il n'était pas saisi d'une demande à ce titre laquelle ne figurait pas au dispositif de l'assignation des demandeurs valant dernières conclusions récapitulatives.

En appel, les intimés soutiennent que la société Champagne Pierre P. a eu une attitude dilatoire, a refusé toute tentative de résolution amiable.

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ou de légèreté blâmable.

L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute .

Les intimés seront déboutés de leur demande à ce titre.

VI- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

La société Champagne Pierre P. sera condamnée à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. et à M. Philippe M. la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La société Champagne Pierre P. sera déboutée de sa demande à ce titre.

Elle sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice financier,

- débouté la société Menuiserie d'art Philippe M. de sa demande au titre du préjudice économique,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice financier,

Condamne la société Champagne Pierre P. à payer à la société Menuiserie d'art Philippe M. la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice économique,

Déboute M. Philippe M. de sa demande au titre du préjudice moral,

Dit que les autres mesures de réparation des actes de contrefaçon assorties chacune d'une astreinte devront être exécutées dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Déboute la société Menuiserie d'art Philippe M. et M. Philippe M. de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Condamne la société Champagne Pierre P. à payer ensemble à la société Menuiserie d'art Philippe M. et à M. Philippe M. la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

Condamne la société Champagne Pierre P. aux dépens d'appel.