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Décisions

CA Douai, ch. 1 sect. 2, 27 mai 2015, n° 14/01498

DOUAI

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. CARRIERE

Conseiller :

Mme FOURNEL

TGI Lille, du 13 fév. 2014

13 février 2014

Mme Julie P., épouse A., et M. Julian A., son époux, sont artistes comédiens.

Mme Julie A. a en outre écrit deux pièces de théâtre, Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF.

La société comédie Théâtre Solférino a pour activité la gestion de la salle de spectacle Théâtre comédie Solférino. Son gérant est M. Hamdi V.. La société Comédie de Nice gère également une salle de spectacle.

Suivant contrat exclusif intitulé 'contrat de production exclusif sur le territoire de la France et de la Belgique'en date du 1er septembre 2012, Julie A. et Julian A., en qualité d'auteurs, alternativement ou cumulativement, et la société théâtre comédie Solférino représentée par M. V., sont convenus que les premiers consentiraient à la seconde l'exclusivité sur l'ensemble de leurs oeuvres théâtrales, pour une durée de un an renouvelable :
- tacitement et automatiquement, si toutes les obligations du producteur sont remplies, sans que l'artiste puisse s'y opposer,
- par le constat d'un minimum de 70 représentations données entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2013.

Il était également prévu que
le producteur s'engageait ' à d'abord proposer à Julie A. et à Julian A. d'interpréter les pièces en priorité' moyennant un cachet convenu d'avance, variable selon la capacité d'accueil des salles. Le producteur s'engageait ' à tout mettre en oeuvre pour assurer au mieux la commercialisation des oeuvres de l'auteur.'
Enfin il était prévu que ' l'auteur sera rémunéré par ses droits d'auteur qui seront payés par

la société recouvrant les droits d'auteur qu'elle aura désigné soi-même'. La société théâtre comédie Solférino a interrompu la programmation de Bienvenue à la CAF.

Suivant 'convention sur les droits d'auteur à compter du 1er octobre 2012", il a été convenu entre Julie et Julian A. d'une part, et Hamdi V. comédie Solférino d'autre part que, sur les spectacles précités, outre la troisième comédie en cours d'écriture, Hamdi V. réglerait à chaque fin de mois les droits d'auteur pour les trois spectacles, directement à Julian et Julie A., de la manière suivante :
'lorsque les spectacles sont joués en province, Julie et Julian A. percevront 7% du CA généré par les spectacles, et Hamdi V. percevra 3, 5% du CA htva , au titre de son travail de co-auteur,

lorsque les spectacles sont joués à Paris,

Julie et Julian A. percevront 8% du CA généré par les spectacles, et Hamdi V. percevra 4% du CA htva , au titre de son travail de co-auteur'.
Le 2 octobre 2012, Julie A. a demandé à la SACD de suspendre son adhésion pour les deux pièces précitées.
Enfin, suivant 'Convention de cession d'une pièce de théâtre' en date du 20 décembre 2012, Hamdi V. en son nom personnel d'une part et Julie et Julian A. d'autre part ont convenu que ces derniers, en leur qualité d'auteurs de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup...d'emmerdes, cédaient leur pièce ainsi que l'intégralité de tous les doits d'exploitation à Hamdi V., à effet du 19 décembre 2012, au prix de 10.000 € payable en deux fois. Julie et Julian A. ont été autorisés par ordonnance en date du 18 octobre 2013 à assigner à jour fixe Hamdi V., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de gérant de la SARL théâtre comédie Solférino, la société théâtre comédie Solférino, et la société comédie de Nice devant le tribunal de grande instance de Lille à l'audience du 12 décembre 2013. Julie et Julian A. demandaient au tribunal :

- que soit constatée la nullité du contrat de cession du 20 décembre 2012,
- à titre subsidiaire, si le tribunal estimait que le contrat dit 'de production exclusif'se substituait au contrat de cession, de constater que ce contrat a été résilié depuis au moins le 20 décembre 2012, du fait des manquements de la société théâtre comédie Solférino,
- de constater que Hamdi V. ne peut être considéré comme le co-auteur de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup.. d'emmerdes , et de le débouter de toutes demandes à ce titre,
- d'interdire à tous les défendeurs d'exploiter l' oeuvre intitulée Ils se marièrent et eurent beaucoup...d'emmerdes sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée,

- d'ordonner aux mêmes qu'ils fassent procéder à leurs frais, au retrait de toute affiche, prospectus, brochure, catalogue, et plus généralement à toute publicité sur quelque support que ce soit, faisant la promotion de l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, et ce dans le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, - d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société théâtre comédie Solférino www.comdiesolferino.com et sur la page d'accueil du site www.comediedenice.com en caractères lisibles et pendant une durée d'un mois,

- de condamner conjointement Hamdi V. et la société théâtre comédie Solférino à payer à Julie A. la somme de 96.525 € sauf à parfaire en fonction des éléments qui seront fournis lors de l'exercice du droit d'information, au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur,

- de condamner conjointement Hamdi V. et la société théâtre comédie de Nice à payer à Julie A. la somme de 40.000 € sauf à parfaire en fonction des éléments qui seront fournis lors de l'exercice du droit d'information, au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur, à compter du 5 septembre 2013, - de condamner conjointement Hamdi V. et la société théâtre comédie Solférino à payer à Julie A. et Julian A. la somme de 12.340 € en réparation du préjudice subi, tant du fait du manque à gagner dont ils ont été victimes que de leur préjudice moral, - de condamner conjointement Hamdi V. et la société théâtre comédie de Nice à payer à Julie A. et Julian A. la somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi, tant du fait du manque à gagner dont ils ont été victimes que de leur préjudice moral, - de condamner conjointement et solidairement Hamdi V., la société théâtre comédie Solférino et la société comédie de Nice à payer à Julian A. et Julie A. la somme de 6.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile , outre leur condamnation aux dépens,
- d'ordonner l'exécution provisoire.

Hamdi V. demandait, au visa des titres I et III du code de la propriété intellectuelle : - de débouter les requérants de l'ensemble de leurs demandes, - de leur interdire d'exploiter les oeuvres Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée, - de les condamner à régler, par provision, à titre de dommages-intérêts, la somme de 50.000 € à la société théâtre comédie Solférino, au titre des préjudices résultant du non-respect par les demandeurs du contrat de production exclusive conclu entre les parties et qui est toujours applicable, - de déclarer Hamdi V. co-auteur de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, - d'autoriser Hamdi V. et la société théâtre comédie Solférino à exploiter l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, A titre subsidiaire, si la nullité de la cession de droits d'auteurs était prononcée par le tribunal : - de condamner les époux A. à restituer les sommes perçues au titre de ces cessions de droits,

si la caducité du contrat de production exclusive était prononcée : - de condamner les époux A. à indemniser le producteur de l'ensemble des frais engagés pour promouvoir et faire représenter la pièce, - de condamner les époux A. au paiement de la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts, - de condamner les époux A. au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

La société comédie de Nice soulevait in limine litis l'irrecevabilité des demandes des époux A. sur le fondement des articles 648 et 122 du code de procédure civile .
Au fond, elle concluait au débouté des prétentions des époux A. et réclamait la somme de 4.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 13 février 2014, le tribunal de grande instance de Lille a : - déclaré Julie P. épouse A. et Julian A. recevables à agir, - dit que l'assignation délivrée à la société comédie de Nice est valide,

- constaté que le contrat de cession de droits en date du 20 décembre 2012 comporte une cession totale et illimitée des droits de Julie A. sur l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, sans aucune contrepartie qu'une rémunération forfaitaire fixée à la somme de 10.000 €, En conséquence : - déclaré ce contrat nul et de nul effet, - condamné les époux A. à restituer à Hamdi V. la somme de 10.000 € qui leur avait été versée en contrepartie de la cession de leurs droits d'auteurs, - constaté que le 'contrat de production exclusif sur le territoire de la France et de la Belgique' en date du 1er septembre 2012, n'a pas été résilié depuis 'au moins le 20 décembre 2012", En conséquence : - débouté les époux A. de leurs demandes aux fins de voir constater la résiliation dudit contrat, - débouté Hamdi V. de sa demande reconventionnelle aux fins d'être déclaré co-auteur de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, - débouté les époux A. de toutes leurs autres demandes, - débouté Hamdi V. de toutes ses autres demandes reconventionnelles, - débouté la société théâtre Solferino de toutes ses demandes, - ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les époux A. à payer à la société comédie de Nice la somme de 1.500 € au titre de ses frais irrépétibles, - débouté les autres parties de leurs demandes formées sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile , - fait masse des dépens et dit qu'ils seraient partagés par moitié entre les époux A. et M. V.. Mme Julie P., épouse A., et M. Julian A. ont relevé appel de ce jugement le 5 mars 2014. Dans leurs conclusions signifiées le 9 mai 2014, ils sollicitent que le jugement entrepris soit confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de cession du 20 décembre 2012 et en ce qu'il a constaté le défaut de qualité de co-auteur de M. V., et réformé en ce qu'il les a déboutés de leur demande aux fins de voir constater la résiliation du contrat de production exclusif du 1er septembre 2012 et de toutes leurs autres demandes. Statuant à nouveau ils demandent à la cour : - de constater que Mme A. est la seule détentrice des droits d'exploitation de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup.. d'emmerdes

- de constater que le contrat de production exclusif du 1er septembre 2012 a été résilié depuis au moins le 20 décembre 2012, du fait des manquements de la société théâtre comédie Solférino,

- d'interdire à M. V., à la société théâtre comédie Solférino et à la société comédie de Nice d'exploiter l' oeuvre intitulée Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée,

- d'ordonner aux mêmes qu'ils fassent procéder à leurs frais, au retrait de toute affiche, prospectus, brochure, catalogue, et plus généralement à toute publicité sur quelque support que ce soit, faisant la promotion de l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup...d'emmerdes, et ce dans le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 1.000 € par jour de retard,

- d'ordonner la publication de la décision à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société théâtre comédie Solférino www.comdiesolferino.com et sur la page d'accueil du site www.comediedenice.com en caractères lisibles et pendant une durée d'un mois,

- de condamner conjointement M. V. et la société théâtre comédie Solférino à payer à Mme A. la somme de 96.525 € sauf à parfaire en fonction des éléments qui seront fournis lors de l'exercice du droit d'information, au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur, - de condamner conjointement M. V. et la société théâtre comédie de Nice à payer à Mme A. la somme de 40.000 € sauf à parfaire en fonction des éléments qui seront fournis lors de l'exercice du droit d'information, au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur, à compter du 5 septembre 2013, - de condamner conjointement M. V. et la société théâtre comédie Solférino à payer à Mme Julie A. et M. Julian A. la somme de 12.340 € en réparation du préjudice subi, tant du fait du manque à gagner dont ils ont été victimes que de leur préjudice moral, - de condamner conjointement M. V. et la société théâtre comédie de Nice à payer à Mme Julie A. et M. Julian A. la somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi, tant du fait du manque à gagner dont ils ont été victimes que de leur préjudice moral,

- de condamner conjointement et solidairement

M. V., la société théâtre comédie Solférino et la société comédie de Nice à payer à M. Julian A. et Mme Julie A. la somme de 10.000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile , - de condamner les mêmes aux dépens. M. V., dans ses conclusions signifiées le 9 juillet 2014, a demandé que le jugement soit confirmé en ce qu'il a constaté que le contrat exclusif en date du 1er septembre2012 n'avait pas été résilié depuis ' au moins le 20 décembre 2012" et débouté les époux A. de leur demande aux fins de voir constater la résiliation dudit contrat.

Relevant appel incident, il a sollicité que le jugement entrepris soit réformé pour le surplus et que la cour, statuant à nouveau :
- constate la validité du contrat de cession de droits d'auteur en date du 20 décembre 2012,
- interdise aux époux A. d'exploiter les oeuvres Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 5.000 € par infraction constatée, tant que le contrat de production demeurera en vigueur entre les parties,

- constate la qualité de co-auteur de M. Hamdi V. de la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes,
- autorise M. Hamdi V. et la société théâtre comédie Solférino à exploiter l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, sous quelque forme que ce soit et sur tout support,
- condamne les époux A. à régler, par provision, à titre de dommages-intérêts, la somme de 50.000 € à la société théâtre comédie Solférino, au titre des préjudices résultant du non-respect par les appelants du contrat de production exclusive conclu entre les parties et qui est toujours applicable,
- les condamne à remettre aux intimés les documents prévus à l' article L 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle , - les condamne au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l' article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 17 septembre 2014, la caducité partielle de la déclaration d'appel, uniquement à l'égard de la SARL comédie de Nice, a été prononcée, au visa de l' article 911 du code de procédure civile .
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2015 .

SUR CE,

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en application de l' article 954 2ème alinéa du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Il ne sera pas statué sur la demande des époux A. de constatation de défaut de cause et d'objet de la convention du 1er octobre 2012 , évoquée in fine de l'argumentation relative à la qualité de co-auteur de M. V., demande non reprise dans le dispositif de leurs conclusions.
Par ailleurs la caducité partielle de la déclaration d'appel, uniquement à l'égard de la SARL comédie de Nice, ayant eu pour effet de rendre le jugement définitif pour ce qui la concerne, il ne sera pas statué sur les demandes des époux A. concernant cette société.

Sur la validité de cession de droits en date du 20 décembre 2012 La loi impose un certain formalisme et des mentions obligatoires lors de la formation du contrat de cession des droits d'auteur.

Aux termes des dispositions de l' article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle , la transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun de ses droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et à la durée.
Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article.

Les cessions portant sur les droits d'adaptation audiovisuelle doivent faire l'objet d'un contrat écrit sur un document distinct du contrat relatif à l'édition proprement dite de l' oeuvre imprimée.

Le bénéficiaire de la cession s'engage par ce contrat à rechercher une exploitation du droit cédé conformément aux usages de la profession et à verser à l'auteur, en cas d'adaptation, une rémunération proportionnelle aux recettes perçues.

L'article L 131-4 du même code dispose que la cession par l'auteur de ses droits sur son oeuvre peut être totale ou partielle. Elle doit comporter au profit de l'auteur la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation.
Toutefois la rémunération de l'auteur peut être évaluée forfaitairement, dans des cas précis, limitativement énumérés ( notamment en cas d'impossibilité d'appliquer une rémunération proportionnelle en raison des conditions d'exploitation de l' oeuvre ou dans le cas où l'utilisation de l' oeuvre ne représente qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet exploité).

La validité de l'acte de cession est conditionnée à la mention de ces informations.

En l'espèce, le contrat intitulé 'convention de cession d'une pièce de théâtre' en date du 20 septembre 2012, non signé mais non dénié par l'une ou l'autre des parties, ni contesté en ses termes, ne comporte ni la mention distincte de chacun des droits cédés, ni la délimitation du domaine d'exploitation des dits droits cédés dans son étendue, sa destination, son lieu et sa durée.

M. V. invoque les courriers intervenus qui viendraient, selon lui, confirmer la commune intention des parties.

Si la loi n'impose pas que les informations énumérées par l'article L 131-3 soient contenues dans le contrat, celles-ci pouvant figurer dans des échanges de correspondance complétant ce dernier, encore faut-il que les conditions de validité soient, d'une manière ou d'une autre, établies.

Les échanges de correspondance entre les parties ne viennent en aucune façon préciser les conditions de validité du contrat de cession, au regard des exigences de l'article L 131-3.

Les dispositions de cet article étant d'ordre public, il est indifférent que les époux A., contraints par leurs difficultés financières, aient accepté, voire précipité, la conclusion de l'arrangement.

Au surplus, la rémunération forfaitaire de l'auteur n'entre pas, et ce n'est d'ailleurs pas soutenu, dans les exceptions prévues à l' article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle , qui prohibe d'une façon générale ce mode de rémunération.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet le contrat de cession en date du 20 décembre 2012.

La condamnation des époux A. à restituer à Hamdi V. la somme de 10.000 € qui leur avait été versée en contrepartie de la cession de leurs droits d'auteurs sera également confirmée.

Sur la demande de résiliation du contrat de production exclusif du 1er septembre 2012
Les premiers juges ont à juste titre relevé que, le tribunal ayant annulé le contrat de cession du 20 décembre 2012, les parties se trouvaient nécessairement rétablies dans la situation contractuelle qui était la leur antérieurement.
Les époux A. soutiennent que le contrat du 1er septembre 2012 aurait été rompu par un manquement de la société théâtre comédie Solférino à ses obligations.
Ils reprochent à la société théâtre comédie Solférino représentée par M. V. d'avoir manqué à son obligation de commercialisation, concernant la pièce Bienvenue à la CAF.
Ils rappellent que le contrat de production exclusif portait sur l'ensemble des oeuvres théâtrales de l'auteur, autrement dit les deux pièces écrites par Mme A., Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF, et que le producteur se serait engagé de manière identique pour chacune des oeuvres concernées.

Or, un mois après la signature du contrat, M. V. a retiré Bienvenue à la CAF de la programmation.
Il est constant que l'exclusivité porte sur l'ensemble des oeuvres théâtrales de l'auteur et que le producteur s'est engagé à ' tout mettre en oeuvre pour assurer au mieux la commercialisation des oeuvres de l'auteur'.
Il ne résulte pas de cette formulation générale que ce dernier aurait eu la volonté de s'engager de manière identique pour chacune des oeuvres concernées, ce qu'
il était facile de prévoir. Il était donc légitime que les premiers juges recherchent quelle était la commune intention des parties au moment de la conclusion du contrat, en fonction de l' oeuvre qui se trouvait être au coeur de leurs relations contractuelles à l'époque, de mai à décembre 2012.
L'échange des courriels entre les parties évoque essentiellement la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, sur laquelle se concentraient leurs efforts en vue d'en assurer le plein succès commercial.

Dès lors
il ne peut être reproché à M. V. de ne pas avoir mis des moyens aussi importants pour assurer la promotion de la pièce Bienvenue à la CAF que pour la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes.

Dans le silence du contrat sur les supports et les moyens publicitaires à déployer, l'effort de promotion est à apprécier en fonction de la nature de l' oeuvre et du chiffre d'affaires envisagé.
Les époux A., dans le silence du contrat, ne peuvent reprocher a posteriori à M. V. de ne pas avoir fait paraître d'annonces sur le site GROUPON.
En l'espèce, et au regard de l'absence de notoriété de la pièce, M. V. justifie suffisamment en avoir assuré la publicité sur de nombreux sites internet. Il ne peut non plus lui être fait grief d'avoir rapidement abandonné la programmation de la dite pièce, l'engagement de moyens pris ne pouvant conduire le producteur à se mettre en difficultés, en l'absence du succès commercial minimal qu'il est en droit d'attendre, étant précisé que dès le mois de juin 2012, Mme A. reconnaissait dans un courriel :

'C'est sûr que nous étions déçus de ne pas avoir convaincu avec Bienvenue à la CAF...'

Les époux A. n'ont d'ailleurs pas réagi à l'arrêt de la programmation de la pièce. Les époux A. reprochent par ailleurs à M. V. d'avoir manqué à son obligation de priorité d'embauche pour interpréter la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes. Le tribunal a rappelé à bon droit qu'une priorité ne constitue pas une exclusivité. Aucune pièce du dossier ne démontre que le remplacement des époux A., du 22 au 25 novembre 2012, puis postérieurement au 20 décembre 2012, aurait eu lieu contre leur gré. Les échanges de courriels entre les parties démontrent au contraire que cette situation correspondait au projet envisagé dès mai 2012 par Mme A., les époux souhaitant aller jouer dans d'autres villes. C'est sans aucun élément à l'appui que les époux A. soutiennent que M. V. aurait tenté de les évincer. Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a constaté que le 'contrat de production exclusif sur le territoire de la France et de la Belgique' en date du 1er septembre 2012, n'a pas été résilié depuis 'au moins le 20 décembre 2012" et a débouté les époux A. de ce chef de demande. Sur les demandes additionnelles des époux A.

Il se déduit de ce qui précède que M. V. et la société théâtre comédie Solférino exploitent à bon droit la pièce Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et qu'ils n'ont manqué à aucune de leurs obligations contractuelles.

Les époux A., au soutien de leurs demandes indemnitaires allèguent d'actes de contrefaçon de droits d'auteurs, visant expressément l' article L 335-2 du code de la propriété intellectuelle .
Dans la mesure où il ne peut être soutenu que M. V. et la société théâtre comédie Solférino font représenter la pièce litigieuse sans autorisation, aucune violation du droit moral de l'auteur, constituant la contrefaçon, n'est établie.

Par ailleurs, les époux A. invoquent un préjudice financier et un préjudice moral, dont le fondement ne peut être que l' article 1382 du code civil .
L'analyse des rapports contractuels successifs entre les parties, tel qu'il résulte des contrats mais aussi des courriels échangés, ne permet pas de caractériser une attitude fautive à l'encontre de M. V. ayant causé un préjudice aux époux A..

M. V. ne peut être tenu pour responsable de la situation financière manifestement critique de ces derniers, qui les a conduits à prendre des décisions peut-être inopportunes mais dont il leur revient d'assumer les conséquences.

En conséquence :
- les époux A. seront déboutés de leur demande d'interdiction d'exploitation, et de leurs demandes subséquentes, y compris indemnitaires, qui se trouvent sans objet, ou non fondées, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes,
- la société théâtre comédie Solférino sera autorisée à exploiter l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes dans le respect des contrats en date du 1er septembre 2012 et du 1er octobre 2012,
- il sera fait droit à la demande de M. V. visant à interdire aux époux A. d'exploiter les oeuvres Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la signification de la décision à intervenir, sous une astreinte qu'il convient de fixer à 450 € par infraction constatée, pendant 6 mois.

Sur la qualité de co-auteur de M. V.

L' article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que l' oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun accord. En cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de trancher. L' oeuvre de collaboration est l' oeuvre à la création de laquelle ont concouru de manière concertée plusieurs personnes physiques. Les contributions de chacun peuvent relever d'un genre différent. Elle se caractérise par un apport spécifique de création intellectuelle de chacun des participants, qui doit résulter d'éléments précis révélant le rôle de création revendiqué. Il appartient à celui qui revendique la qualité de co-auteur d'apporter la preuve de sa part effective au processus de création. M. V. soutient qu'il a apporté une contribution importante à la pièce, permettant de fournir un spectacle ' clefs en mains'. Il n'est pas contesté que le contrat de production exclusive, et la convention sur les droits d'auteur, portaient sur deux pièces, dont Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes, achevées, dont le processus créatif était terminé.

Les échanges de courriels, seules pièces produites par M. V., révèlent qu'il n'a apporté que des modifications mineures et marginales, destinées à amplifier l'effet comique. Le nombre de rires supplémentaire suscité par ces modifications est dénombré. Mme A. détaille par ailleurs les suggestions positives apportées ( décor , mise en scène, lumière).

M. V. a ainsi rempli son rôle de gérant producteur de la pièce, en sa qualité de professionnel de ce genre de spectacles.

Au vu de ces seuls éléments, il ne peut être considéré que M. V. rapporterait la preuve de d'un apport spécifique de création intellectuelle et d'une participation effective au processus de création.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. V.

Aucun élément du dossier ne vaut commencement de preuve d'une exploitation par les époux A. des oeuvres litigieuses.

Le rejet de la demande de règlement par provision de la somme portée à 50 000 € en cause d'appel mais pas davantage motivée, sera confirmé.

La demande additionnelle de remise des documents bancaires prévue à l'article L 331-1-1 du code de la propriété industrielle, non justifiée et non motivée, sera également rejetée. Condamnés aux dépens de première instance et d'appel, les époux A. devront payer une somme de 3.000 € à M. V. et à la société théâtre comédie Solférino au titre de l' article 700 du code de procédure civile . PAR CES MOTIFS La Cour Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris Y ajoutant Autorise la société théâtre comédie Solférino à exploiter l' oeuvre Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes dans le respect des contrats en date du 1er septembre 2012 et du 1er octobre 2012 Interdit aux époux A. d'exploiter les oeuvres Ils se marièrent et eurent beaucoup... d'emmerdes et Bienvenue à la CAF sous quelque forme que ce soit et sur tout support, à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 450 € par infraction constatée, pendant 6mois, Déboute M. V. de sa demande tendant à se voir remettre par les époux A. les documents prévus à l' article L 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle

Condamne les époux A. à payer une somme de 3.000 € à M. V. et à la société théâtre comédie Solférino au titre de l' article 700 du code de procédure civile . Condamne les époux A. aux dépens de première instance et d'appel.