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Décisions

Cass. 2e civ., 21 décembre 2023, n° 22-15.768

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Défendeur :

Swisslife assurance et patrimoine, Axyalis patrimoine, MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Avocats :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Boutet et Hourdeaux

Rapporteur :

M. Ittah

Avocat général :

Me Grignon Dumoulin

Grenoble, du 8 mars 2022

8 mars 2022

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 8 mars 2022), et les productions, M. [G] a souscrit, le 15 septembre 2010, un contrat d'assurance sur la vie multi-support proposé par la société Swisslife assurance et patrimoine (l'assureur) dénommé « Sélection R Oxygène », au titre duquel il a versé, par l'entremise de la société Axyalis patrimoine (le courtier), une certaine somme. Cette somme, ainsi qu'un versement complémentaire effectué le 1er octobre 2010, ont été investis sur différents supports.

2. Après deux rachats partiels, M. [G] a, le 18 juin 2014, réinvesti une certaine somme sur un autre support.

3. Les 9, 22 septembre et 30 décembre 2015, M. [G] a assigné le courtier, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux venant aux droits et obligations de la société Covea Risks et l'assureur devant un tribunal de grande instance aux fins d'annulation, à titre principal, de deux arbitrages des 4 février 2011 et 18 juin 2014 et de remboursement des sommes versées sur les supports choisis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branche et le deuxième moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. M. [G] fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait déclaré recevables ses demandes à l'encontre du courtier et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles et notamment sa demande en nullité de l'avenant du 3 janvier 2011 [en réalité du 4 février 2011] et des actes subséquents et de déclarer irrecevables comme prescrites ses demandes de nullité des avenants des 20 octobre 2010, 15 décembre 2010, 4 février 2011, 28 juillet 2011 et 9 mars 2012 et de dommages-intérêts les concernant, alors « que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; que l'action en nullité d'un contrat d'assurance fondée sur le dol dont s'est rendu coupable l'assureur ou son représentant ne dérive pas du contrat d'assurance en ce qu'elle sanctionne un manquement à la bonne foi et à la loyauté antérieur à sa conclusion ; qu'en soumettant néanmoins à la prescription biennale l'action en nullité pour dol intentée par M. [G], la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 114-1 du code des assurances.»

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que ce moyen est nouveau.

7. Cependant, le moyen de M. [G], qui n'invoque aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit.

8. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 1116 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 114-1 du code des assurances :

9. Aux termes du premier de ces textes, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

10. Selon le deuxième, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

11. Selon le dernier, toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

12. L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance, au sens de ce dernier texte.

13. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de nullité des avenants au contrat d'assurance sur la vie souscrite entre le 20 octobre 2010 et le 9 mars 2012 par M. [G], fondées sur le dol du courtier, l'arrêt retient que celui-ci a assigné l'assureur les 9, 22 septembre et 30 décembre 2015, soit après l'expiration du délai de prescription biennale.

14. En statuant ainsi, alors que la prescription prévue à l'article L. 114-1 du code des assurances ne s'applique pas aux demandes d'annulation pour dol du contrat d'assurance et de ses avenants, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen 

Enoncé du moyen

15. M. [G] fait grief à l'arrêt de confirmer la disposition du jugement rejetant au fond sa demande d'annulation du contrat d'assurance, alors « que le juge qui déclare irrecevable la demande dont il est saisi excède ses pouvoirs en statuant néanmoins au fond ; qu'en confirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il avait déclaré recevable la demande en nullité du contrat, la cour d'appel a maintenu le chef du jugement ayant rejeté au fond cette même demande nonobstant l'irrecevabilité qu'elle a prononcée, ce en quoi elle a excédé ses pouvoirs, en violation de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 122 du code de procédure civile :

16. Le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable, excède ses pouvoirs en statuant sur le fond.

17. La cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté la demande de nullité du contrat d'assurance dont il avait été saisi, après l'avoir infirmé en ce qu'il avait préalablement déclaré cette même demande recevable.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé le texte susvisé.

Dispositif

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes de nullité des avenants des 13 et 18 juin 2014 et de dommages et intérêts les concernant, déboute M. [G] de ses demandes d'annulation des avenants des 13 et 18 juin 2014, déclare recevable la demande de M. [G] au titre des clauses abusives et le déboute de cette demande, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne les sociétés Swisslife assurance et patrimoine, Axyalis patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux venant aux droits et obligations de la société Covea Risks, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Swisslife assurance et patrimoine, Axyalis patrimoine, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux venant aux droits et obligations de la société Covea Risks et les condamne à payer à M. [G] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.