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Décisions

Cass. com., 7 juin 2006, n° 03-19.508

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Versailles, 24e ch. des vacations, du 4 …

4 septembre 2003

Joint les pourvois n° Y-03-19.606 et n° S-03-19.508 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Technofi est titulaire de la marque "Nice people" déposée le 7 juin 1999, enregistrée sous le n° 99 795 947, pour désigner les produits et services en classes 35, 38 et 42, notamment les services de transmissions d'information sur réseau internet, l'élaboration et la conception de logiciels, le développement, la conception et l'hébergement de sites sur de tels réseaux ; que la société Endemol développement (société Endemol), titulaire de la marque "Nice people" n° 3 219 062 déposée le 4 avril 2003 pour désigner des produits et services dans diverses classes dont les classes 35, 38 et 42, a produit une émission de téléréalité portant cette dénomination qui a été diffusée sur la chaîne TF1 à compter du 26 avril 2003 et a ouvert à cette date un site internet destiné à transmettre des informations sur cette émission ; que, le 19 mai 2003, la société Technofi a assigné au fond devant le tribunal de grande instance, en contrefaçon, les sociétés Endemol et TF1, puis a saisi le président de cette juridiction statuant en la forme des référés, sur le fondement de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, qui a rejeté la demande ; que la société Technofi, appelante de cette décision, a été autorisée à assigner à jour fixe les sociétés défenderesses ;

Sur le premier moyen des pourvois formés par les sociétés Endemol et TF1, réunis :

Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la communication de certaines pièces par la société Technofi, alors, selon les moyens, que doivent être écartées des débats les pièces déposées par le demandeur à jour fixe, dès lors que l'intimé n'a pas encore conclu et que la cour d'appel n'a pas vérifié si ces pièces constituaient une réponse aux conclusions déposées par les intimés, privant ainsi sa décision de base légale et violant l'article 918 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les dispositions de l'article 918 du nouveau code de procédure civile n'interdisaient pas à l'auteur d'une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire qui pouvaient être assorties de pièces complémentaires, la cour d'appel, qui a constaté que ces conclusions et pièces n'élevaient pas de nouvelles prétentions ni de moyens non contenus dans la requête initiale, peu important que ces pièces aient été déposées une première fois antérieurement aux conclusions en défense, a, à juste titre, déclaré recevables lesdits documents ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société TF1 :

Attendu que la société TF1 fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action introduite par la société Technofi recevable et d'avoir interdit à titre provisoire aux sociétés Endemol et TF1 tout usage de la dénomination "Nice people" sur le réseau internet, alors, selon le moyen :

1 / que le demandeur à l'action en interdiction d'action d'actes argués de contrefaçon prévue par l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ne peut assigner le prétendu contrefacteur sur le fondement de ce texte qu'après l'avoir assigné au fond ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'assignation en la forme des référés a été délivrée à la société TF1 le 19 mai 2003 à 11 h 27 soit avant l'assignation au fond qui ne lui a été délivrée qu'à 11 h 35 ; qu'en déclarant cependant l'action recevable, la cour d'appel a violé l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

2 / que la société TF1 faisait valoir dans ses écritures que l'assignation à jour fixe devant le président du tribunal de grande instance ne pouvait lui être délivrée qu'après saisine au fond du tribunal ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en se contentant de retenir que le placement de l'affaire au fond au secrétariat greffe du tribunal de grande instance avait précédé de quelques minutes le placement de l'affaire au greffe des référés de ce tribunal et que la saisine au fond n'avait pas à précéder la présentation de la requête tendant à obtenir une autorisation d'assigner à jour fixe, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 757 du nouveau code de procédure civile, le tribunal est saisi par la remise au secrétariat-greffe d'une copie de l'assignation ; qu'ayant relevé que les exploits introductifs d'instance au fond délivrés par la société Technofi aux sociétés Endemol et TF1 avaient été placés au secrétariat-greffe du tribunal de grande instance le 22 mai 2003 à 15 h 10 tandis que les assignations en référé délivrées à chacune de ces sociétés avaient été placées au greffe des référés du même tribunal le 22 mai 2003 à 15 h 15, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la saisine du tribunal de grande instance au fond avait été préalable à celle de son président, peu important l'heure à laquelle la requête en assignation à jour fixe a été délivrée au défendeur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi formé par la société Endemol, et sur le troisième moyen de la société TF1, pris en ses trois premières branches, réunis :

Vu les articles L. 713-1, L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour accueillir la demande de la société Technofi et interdire à titre provisoire aux sociétés Endemol et TF1 tout usage de la dénomination "Nice people" sur le réseau internet, l'arrêt relève que l'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés, que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire et constitutifs de contrefaçon, la reproduction d'une marque dans les termes prévus par les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu'il relève que la marque dont est titulaire la société Technofi concerne les produits et services des classes 35, 38 et 42, notamment les transmissions d'informations sur réseaux nationaux et internationaux (internet), la location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données, l'élaboration, les conceptions et mise à jour de logiciels, la conception et l'hébergement de sites de logiciels ; qu'il retient que la contrefaçon imputée au titre d'usage de la marque "Nice people" par les sociétés Endemol et TF1 tant lors de l'émission de téléréalité que par l'exploitation du site internet dont l'intitulé et le nom de domaine sont pareillement dénommés présente des chances d'être accueillie par le juge du fond, compte tenu de la spécificité de l'espèce ;

Attendu, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les produits et services que pouvaient offrir sur le site internet les sociétés Endemol et TF1 étaient identiques ou similaires à ceux visés dans le dépôt de la marque n° 99 795 947 déposée par la société Technofi, la cour d'appel n'a pas constaté le caractère sérieux de l'action en contrefaçon engagée par celle-ci tel que prévu par l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des deux pourvois :

CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant interdit à titre provisoire aux sociétés Endemol et TF1 tout usage de la dénomination "Nice people" sur le réseau internet, l'arrêt rendu le 4 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.